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  AMALGAMES ET CONFUSIONS

In Uncategorized on mars 16, 2017 at 11:49

Je dédie cette chronique à la mémoire de Jonathan Sandler et des enfants massacrés dans les circonstances que l’on sait dans l’école Otzar Hathora de Toulouse. Il avait suivi le cours de pensée juive que j’avais donné sur « Le concept de dignité humaine dans la Thora » au Beth Halimoud de Bordeaux le 6 mars dernier (2012).

Dans la langue de bois la plus récente, le mot qui fait fureur est le mot « amalgame ». Sitôt dévoilée l’identité du tueur, alors présumé, de Montauban et de Toulouse, tous les micros et caméras ont été mobilisés selon le mot d’ordre: «  surtout pas d’amalgame » entre Mohamed Merah et les musulmans de France. Il faut  reconnaître que dans cet exercice les dirigeants de la communauté juive ont fait preuve de grand empressement, à se demander s’ils n’étaient pas en déficit de sympathie réelle avec leurs collègues du culte musulman. A vrai dire, depuis des années, en France, les relations entre juifs et musulmans  ne relèvent  plus du simple dialogue. Si les circonstances  n’étaient  pas aussi dramatiques, l’on dirait même qu’elles confinent au tango argentin. Dans ces conditions qui donc dans notre belle communauté aurait eu l’esprit assez tordu pour se livrer à  la moindre confusion entre musulman et islamiste? Cependant, à force d’éviter cet amalgame là, l’on ne fait plus attention à tous ceux dont pâtit cette fois et  bel et bien la communauté juive. A commencer par celui, abject, entre les victimes de l’école Otzar Hathora et les enfants palestiniens victimes  selon le journal algérien de langue française « Expressions » d’une aviation israélienne aux pulsions infanticides. Rappelons que l’autorité palestinienne elle même a rejeté cet amalgame  méprisable. Et que dire de cet autre amalgame: celui qui sévit entre cacherout et h’alal  et qui mobilise aveuglément contre l’alimentation cachère nos amis des bêtes qui traitent la culture juive comme l’on n’ose plus traiter les  indigènes  d’Amazonie ou ce qu’il en reste?

Les occasions de marquer notre solidarité avec  ceux des membres de la population musulmane souffrant de violences et d’avanies sont assez nombreuses pour que la communauté juive affirme en l’occurrence son irréductible singularité auprès des vétérinaires déculturés comme auprès des écologistes en voie de totémisation. Il n’en va pas autrement de l’épithète communautariste, stigmatisante et collante comme ces morceaux de scotch  à la fin du rouleau. On la retrouve au plus haut sommet de l’Etat où en réalité dans son usage à double entente l’on pense essentiellement au communautarisme prosélytique qui sévit dans ces quartiers hors – droit qui relèvent de facto des règlements du « Dar el Islam »  version Mohamed Merah. Pourquoi ce déni de langage et  cet aveuglement devant le réel? Pourquoi ne s’autorise t-on jamais à appeler les choses par leur nom sans les avoir auparavant amalgamées, c’est vraiment le cas de le dire, à la situation de la communauté juive? Désormais l’on n’ose plus évoquer la situation propre des musulmans sans devoir aussitôt la lester d’une référence abrasive à la communauté juive afin de faire partager aux adeptes de l’Islam français la clause paraît-il enviable de « la victime la plus favorisée ». Ces amalgames dangereux, ces fausses symétries pernicieuses trahissent un véritable trouble de la pensée et la baisse des seuils de la lucidité minimale dans l’approche d’une réalité de plus en plus préoccupante. Car qu’on ne s’y trompe guère: aucun défilé le cœur à la boutonnière ne saurait effacer cette réalité: dans maints quartiers Mohamed Merah passe désormais pour un héros, la vraie victime des hommes du Raid. Mais, dira t-on, et les victimes de Montauban et Toulouse? Allons! Évitons les amalgames.

                          Raphaël Draï, Chronique de radio J, le 26 mars 2012

 

 

 

 

 

 

 

  1. 2012-2017, toujours d’actualité, bien pensés et bien dits les articles de Raphaël Draï. C’est comme s’il était encore parmi nous…

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