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DIEUDONNE, SUITE, MAIS NON PAS… FIN – Actu J 23 Janvier

In ActuJ, SUJETS D'ACTUALITE on janvier 22, 2014 at 11:06

Dans « l’affaire Dieudonné », l’on pouvait penser que le recours à la justice était le plus sûr moyen  de régler définitivement le grave conflit  en cause et de respecter l’Etat de droit. C’est en ce sens que la décision initiale du Tribunal administratif de Nantes, saisi en urgence par les conseils du « comique », selon la procédure dite du référé-liberté, et autorisant la tenue de son spectacle, pouvait susciter de légitimes préoccupations. N’avait été l’appel intenté contre cette décision, également en urgence, par le Ministre de l’intérieur on imagine sans peine l’exultation d’un Dieudonné  pénétrant sur la scène du « Zénith », acclamé par 5 000 spectateurs, et faisant entonner « Shoah Ananas ». Seulement, le Conseil d’Etat, lui, a validé la décision préfectorale annulant ce prétendu spectacle pour risques de troubles à l’ordre public et  atteinte antisémite au principe du  respect de la dignité humaine. Lorsque dans les heures qui ont suivi l’ordonnance de la plus haute juridiction administrative, Dieudonné lui même affirmait renoncer à ce « spectacle » aux saillies antijuives et qu’il n’y avait plus d’« affaire » affligée de son nom, l’on pouvait certes se rassurer au titre du respect de l’Etat de droit et du retour au calme. Il  a fallu rapidement déchanter pour au moins trois raisons. La première est liée à la réaction de certains juristes tirant à vue sur le Conseil d’Etat et mettant en cause la validité de son ordonnance. A  leurs yeux, le respect de l’Etat de droit en France prohibe, en matière de liberté d’expression,  les interdictions préventives et générales assimilables à une véritable censure anti-démocratique. Si Dieudonné devait être sanctionné c’était, éventuellement, à titre proprement répressif, au cas où il aurait repris ses sketches marqués d’antisémitisme. Cette critique apparaît, elle-même, fortement critiquable en ce qu’elle méconnaît la différence capitale entre autorité administrative et autorité judiciaire. La première est fondée à intervenir préventivement  en cas de risque sérieux et avéré de trouble à l’ordre public. Or, d’une part, l’ordonnance du Conseil d’Etat rappelle par sa jurisprudence que Dieudonné a déjà fait l’objet de sept condamnations pénales pour antisémitisme, dont plusieurs à titre définitif, et d’autre part que l’antisémitisme, depuis la déclaration de Jacques Chirac  en 1995  sur l’emplacement du Vel d’Hiv, est par lui- même constitutif du trouble à l’ordre public tel qu’il est entendu en droit public. L’antisémitisme, quelles qu’en soient les manifestations, est antinomique avec le concept de liberté, quelles qu’en soient les expressions. C’est pourquoi aussi l’ordonnance du Conseil d’Etat a été suivie par les tribunaux administratifs de Tours et d’Orléans et qu’elle a été invariablement confirmée par la Haute Juridiction. Il n’empêche que cette position a été, tout aussitôt, obliquement imputée au magistrat qui avait présidée l’instance d’appel, en raison de ses « origines ». Imputation odieuse relevée par le Vice-Président de l’éminente juridiction, lequel  rappelait que le même magistrat avait présidé, il y a peu de temps, l’instance autorisant le Front National  à tenir son université d’été. On relèvera alors dans la foulée la polémique opposant Philipe Bilger, ancien magistrat, et Jean- François Copé lequel avait approuvé l’ordonnance du Conseil. Pour ce magistrat reconverti dans la parole polémique, le président de l’UMP avait pris une position « communautariste ». Disons le  en  clair: en raison de ses « origines ». Certes Jean- François Copé a répliqué à ces insinuations mais il eût été sans doute préférable que  cette réponse enfonce le clou. La réplique s’est formulée sur le mode encotonné de la prétérition. Combien sont-ils à penser à voix haute ou à voix basse comme Philipe Bilger, institué porte-parole de l’on ne sait quelle majorité silencieuse devant l’on ne sait quelle lobby? On relèvera encore la réaction de Marine le Pen, d’abord fort précautionneuse en la matière. Elle aussi s’est déchaînée contre un Conseil d’Etat jugé liberticide et s’est inscrite dans le camp de Dieudonné. Il faut souligner enfin que si, à la suite  de ses décisions courageuses et qui lui confèrent une véritable stature d’homme d’Etat, Manuel Valls perd quelques points dans certains sondages, il est en recul surtout parmi les militants et sympathisants de la formation dirigée par Marine le Pen dont le naturel idéologique, trop longtemps tenu en bride,  revient ainsi au galop. A l’approche de deux importantes consultations électorales, il importe plus que jamais sous la Vème république de conforter le lien entre liberté et responsabilité. A suivre…

Raphaël Draï – Actu J 23 Janvier

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