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Bloc-Notes: Semaine du 21 Avril 2014

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on avril 27, 2014 at 10:53

24 avril.

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Le printemps politiquement morose serait-il malgré tout libidineux? « L’Express » a consacré sa couverture aux femmes – recensées – du président Hollande. Ce n’est plus une succession de ménages mais un harem disséminant! De son côté, l’Ex-ex-ex, prénommée Ségolène, qui siège désormais à la table du Sultan, décrète à l’inverse l’ère de la pudeur, proscrit les décolletés et les jupettes qui ne cachent plus rien. Comme on le voit, l’Etat est au travail et la France s’en rend compte. D’où la « bronca » à laquelle s’est exposé le président de la République à Carmaux, patrie spirituelle de Jaurès. La mémoire des grands hommes se venge toujours lorsqu’elle est invoquée pour la frime, à contre-exemple. Une fois de plus les portes coupe-feux ont coulissé et le Président a quitté la région, persuadé qu’il avait accomplit une forte performance. Jusqu’à la prochaine marche savonnée… Car à n’en pas douter elle ne saurait manquer. Pour le mois de mars, la courbe du chômage ne s’est pourtant pas aggravée. La nouvelle est bonne à prendre. L’on a tendance à oublier, malgré les leçons de Comte ou de Michelet, que l’Etat n’est pas une fin en soi; qu’il est le « sacerdote » du peuple, surtout lorsque celui-ci souffre, doute et ne perçoit plus qu’un horizon trouble et obnubilé par l’anxiété. Ce qu’il est convenu d’appeler la « classe » politique – espérons que le « l » ne soit pas de trop – a t-elle le moins du monde souci du fameux Autre dont tant de grands penseurs rappellent l’existence souffrante? Dans cette fauverie qu’est devenue la vie politique actuelle, les prédateurs aux dents les plus longues ne laissent traîner aucun lambeau de chair vive, aucun os à moelle. Si Zola revivait, il réécrirait « La Curée ». Celle de son temps fait penser à un repas de famille bien élevée. Pas un jour sans apprendre qu’un tel est soupçonné de conflit d’intérêts; qu’un autre décore son petit « chez-soi » avec les tableaux des palais officiels, qu’un troisième, après chaque repas dit « d’affaires » souffle dans son carnet d’adresses comme il n’oserait pour un alcootest. Sommes-nous entrés dans la basse République comme Rome s’engagea pour sa part dans le bas Empire? L’on évoque souvent la perte des repères et l’anomie qui sévissent dans les pays de l’Est après quelques décennies de soviétisme et dont on constate les conséquences désastreuses notamment en Ukraine. Qui ne voit les dégâts de notre anomie intérieure où tout semble céder à ce que Jünger qualifiait de succion du vide? A quelques encablures des élections européennes, Sœur Anne ne voies tu vraiment rien venir?

25 avril.

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Dimanche, canonisations jumelées de Jean XXIII et de Jean-Paul II concélébrées également par deux papes, Benoît XVI et le pape François, en exercice.

Jean XXIII a été élu pendant que je préparais la seconde partie du bachot et je ne fus pas le seul à être saisi par la personnalité bonasse de ce pontife révolutionnaire à sa façon qui venait de succéder à Pie XII, ce qui était à soi seul un chemin de croix même si aujourd’hui encore le pape du temps d’Hitler trouve des défenseurs acharnés. Je me souviens d’une visite à Saint-Pierre de Rome avec un collègue juriste catholique qui m’entraîna illico devant le tombeau de Jean XXIII en évitant ostensiblement celui de Pie XII devant lequel il refusa de s’agenouiller.

Il faut laisser chaque religion balayer devant sa porte et trouver les voies de sa paix intime.

Les débuts de Jean-Paul II ne furent pas non plus de tout repos et l’on a gravement craint à la fin des années 80 que le pape polonais ne se livre à la christianisation de la Shoah notamment par Edith Stein interposée. A ce moment, face à l’obstination des Carmélites d’Auschwitz, la controverse faillit tourner à l’affrontement. Grâce à une partie décisive du clergé de France, le pape prosélyte mesura le tort qu’il allait causer précisément à l’oeuvre de Jean XXIII et de Jules Isaac malgré sa visite à la synagogue de Rome. Et il eut à cœur de se reprendre. Son voyage jubilaire à Jérusalem remit ses pas dans ceux du Juif Jésus face au mur Occidental, toujours debout. Depuis, la réconciliation se poursuit, se conforte et l’on forme des vœux pour qu’elle serve d’exemple au monde musulman puisque la période du pèlerinage, du H’ajj, à la Mecque s’est ouverte aussi.

27 avril.

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A qui s’interroge sur le sens du mot culture, sur les dimensions de l’Être à quoi il ouvre, sur les oeuvres qui en sont l’attestation indiscutable, deux noms sont à remémorer: Brigitte et Jean Massin. Leurs noms conjoints sont associés aux considérables biographies, ferventes, exhaustives mais non pas suffocatoires à force de vouloir tout expliquer, qu’ensemble ils consacrèrent à Mozart, Beethoven et à Schubert pour Brigitte Massin. Des milliers de pages dont chacune contient sa note haute, sa « clef de ciel » et qu’on l’on sent trop vite s’en aller vers la fin du livre. Heureusement, demeurent à découvrir les oeuvres proprement musicales. Et comme un grand ouvrage consacré à la peinture vous fait ouvrir votre boîte de couleurs, ces biographies aimantes vous donnent l’envie d’apprendre à composer une sonate, de coordonner un quatuor, de faire sonner un orchestre jusqu’au seuil des cieux. Ce n’est pas tout: les Massin sont aussi liés à l’édition chronologique de l’oeuvre intégrale de Victor Hugo, une cordillère des Andes éditoriale que j’aie acquise en double exemplaire parce que d’Hugo rien ne se perd, comme pour le corps de la baleine mythique de Melville. Grâce à cette édition mémorable, l’on suit Hugo dans sa pleine création, avec des pièces achevées mais aussi avec des milliers de vers esquissés, écrits sur des dos d’enveloppe, des bouts rimés, parfois des calembours douteux mais les esprits les plus hauts doivent aussi se soulager. Ces sommets-là, dans une époque comme est devenue la nôtre, ne doivent plus être perdus de vue. Ils nous restituent à la véritable grandeur humaine, celle qui ne s’exhibe ni ne se rétribue en petite monnaie narcissique. Car il est aussi des canonisations laïques à quoi rêvent ceux que leur propre oeuvre ne suffit pas à les rassurer sur ce que leur vie vaut.

RD

LE SENS DES MITSVOT: KEDOCHIM

In RELIGION on avril 20, 2014 at 3:26

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(Gn , 2 , 4)

« Parle à toute la communauté d’attestation (col-êdat) des Bnei Israël et tu leurs diras : « Vous serez saints (kedochim tihyou) car Je suis saint (kadoch), moi l’Eternel votre Dieu. Chacun son père et sa mère respectera et mes chabbats vous garderez. Je suis l’Eternel votre Dieu» ( Lev, 1, 4).

«Ne maudis pas le sourd et n’interpose pas d’obstacle devant l’aveugle» (Lev, 19, 14).

La conception juive de l’existence ne l’érige pas en concept abstrait, pas plus que ne sont de tels concepts la Vie ou l’Être. La vie n’est vie, au sens biblique, que d’être insérée dans une création et d’en poursuivre les accomplissements. Plus que d’un « niveau de vie », au sens économique, il importe de se préoccuper du niveau transcendant auquel la vie entière doit être portée pour mériter le qualificatif de Création. Ce label, si l’on pouvait ainsi le qualifier, se nomme en hébreu kédoucha, sainteté.

La vie n’est vivante que d’être ainsi sanctifiée, se plaçant de la sorte au niveau où le Créateur lui même se trouve. D’où cette homologie qu’autrement l’on pourrait réduire à une prétention anthropomorphique. Le Créateur et les créatures disposées en corrélation avec lui comportent bel et bien une dimension commune, effectivement celle de kédoucha dont il faut comprendre les obligations à quoi elle engage et les interdits qui en découlent.

La première de ces obligations est liée au respect ( moraa ) des parents. Ce terme ne serait que moralisateur s’il ne s’inscrivait dans la suite directe de la paracha Ah’aré Moth qui concerne notamment toutes les modalités de l’interdit majeur, celui de l’inceste que l’on retrouvera également dans maints passages du Chir hachirim, du Cantique des Cantiques. Le respect parental ainsi entendu engage à observer les intervalles qui séparent sans les désunir les générations entre elles, au lieu de reconstituer le chaos primordial dont la Création s’est dégagée et qui parfois l’attire magnétiquement.

C’est pourquoi cette forme de respect est liée à la garde du chabbat, intrinsèquement.Le jour du chabbat est celui de la différenciation qualitative des temps. A quoi il faut ajouter que le chabbat est lui aussi inhérent à la Création proprement dite puisque le livre de la Genèse évoque à ce propos les toldot, les générations, des cieux et de la terre( Gn ). Tout cela pour enseigner clairement que l’ Etre est création et que s’il est déficitaire sur ce plan, lorsque sa kedoucha s’affaiblit ou qu’elle se dégrade, la contre-création, le eédar, regagne sur elle, comme la mer aveugle sape à la fin une digue friable.

Les deux prescriptions précitées s’inscrivent dans les mêmes préoccupations et soulignent qu’il est des conduites contre-créatrices, à l’évidence malfaisantes et absurdes dans leur malfaisance même. Car quel intérêt peut- on trouver à maudire un sourd puisqu’il ne peut entendre son malédicteur, ou à faire intentionnellement buter un aveugle contre un obstacle fracturant, au lieu de le lui signaler? Ces deux situations mettent en évidence le pire qui puisse se trouver en chaque être humain lorsqu’il fait défaut de manière délibérée à sa vocation sanctificatrice. Il cède alors non seulement à la logique du pire mais à ce qui dévoie cette logique elle même : la jouissance ressentie à provoquer la souffrance d’autrui dans les circonstances où au contraire elle devrait être atténue, allégée, portée solidairement. Ce qui reconduit à nos considérations initiales : la Création n’est pas d’ores et déjà réalisée et réussie. Elle est une oeuvre à poursuivre patiemment, avec endurance et lucidité, en surmontant les obstacles qui la contrarient, en défaisant les pièges où elle s’enferme.

Nul n’est saint que Dieu seul. L’Humain, lui, doit tendre à la sainteté et c’est déjà tout son mérite. Aussi convient il de faire attention à la formulation grammaticale des versets concernés «Vous serez saints» est à la fois un impératif et un futur. L’obligation de sanctification n’est ni comminatoire ni terrorisante. Pour chaque être humain, tendre à sa propre sanctification, ainsi entendue, est en soi l’oeuvre qui fonde ses raisons de vivre.

RD

Bloc-Notes: Semaine du 14 Avril 2014

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on avril 20, 2014 at 3:07

14 avril.

images-3A voir les choses de prés, à examiner les suites du tsunami municipal et la portée de la nomination de Manuel Valls à Matignon, ce n’est pas seulement d’un changement de Premier Ministre qu’il s’agit, même si les apparences sont on ne peut plus constitutionnelles, mais également d’une révolution de palais dont François Hollande commence tout juste à réaliser l’impact réel. Car la nomination de Valls ne se dissocie pas du limogeage d’Harlem Désir du Secrétariat du PS – où même l’insignifiance doit avoir des limites – et de la prise de pouvoir car c’en est bien une, du clan Cambadélis qui a su verrouiller l’ensemble du dispositif. A présent, et en réalité, Manuel Valls et les siens co-président la Vème République tandis que François Hollande n’exclut plus de ne pas se représenter en 2017, à moins qu’il ne soit dirigé vers la sortie plus tôt, par exemple si les proches Européennes s’avéraient encore plus catastrophiques. Pour l’exprimer en termes choisis, il semble bien qu’une partie important du PS se place d’ores et déjà dans l’après-Hollande, mette en place son plan B et n’hésite plus à signifier à l’actuel locataire de l’Elysée que ses jours y sont comptés. D’où le rappel de Julien Dray sur la nécessité de « primaires » en temps utile. D’autres interrogations se font jour relatives aux combats féroces pour le pouvoir au sein d’un PS où les anciens soutiens de DSK sont revenus en force et dont on se demande ce qu’il a encore à voir avec le socialisme comme courant de pensée et vision du monde. Le limogeage d’Aquilino Morelle le démontre avec la dureté du couteau à ouvrir les huîtres. Toute l’affaire éclate le jour même où François Hollande a prévu de se déplacer en Auvergne pour tenter de s’y faire greffer un bout de peau présidentielle. Ainsi la « plume du Président » se faisait grassement rémunérer pour des interventions idéologiques où le socialisme de Jaurès – qui y avait laissé sa vie – devenait une affaire qui marche. On pensait que la plume en question était celle de Chateaubriand. Ce n’était que celle de Zizi Jeanmaire. Et Bartolone de fulminer en outre contre les nominations à bras raccourcis de copains et de copines comme Dominique Voynet, la contre – Duflot, à l’IGAS.Une note réconfortante cependant : Daniel Cohn-Bendit a pris sa retraite du Parlement européen non sans avoir une fois de plus brassé l’air de ses fausses colères et de son écologisme opportuniste. Car tout ne serait que Comédia del Arte ou Grand Guignol si l’on ne sentait monter un peu partout une de ces colères volcaniques qui, une fois qu’elle s’est débridée, laisse la France exsangue.

17 avril.

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La situation actuelle de la France incite à la modération et au balayage devant sa propre porte au sujet de la réélection de AbdelAziz Bouteflika à la présidence algérienne. Il est vrai qu’il y a largement de quoi se gausser de cette élection sans véritable campagne électorale alors que ce pays se trouve dans un état de délabrement social et de désarroi moral qui fait écrire dans Le Figaro que l’Algérie est « Etat errant ». En se gardant de tout « nostalgérisme » comme ne pas rester pantois en apprenant que cette terre, le pays des vergers et des vignes, en est à importer la quasi-totalité de ses fruits et légumes! C’est comme si nous apprenions que la Hollande importe désormais ses tulipes et la Russie sa vodka. Et pourtant, l’Algérie a si intensément connu des années non seulement de violence mais d’horreur qu’elle privilégie le fauteuil roulant de son président actuel aux convois funèbres des années 90. Jusqu’à quand? Comme l’ont montré spécialistes de droit constitutionnel et politologues, la constitution algérienne recouvre en réalité un pacte dans lequel une économie « compradore » a complètement perdu de vue les promesses de l’Algérie révolutionnaire des années 60. Toute cela à une heure d’avion de Marseille où l’on redoute les essaimages d’un tel pacte. Mais l’on ne peut pas avoir fait la guerre pour obtenir son indépendance et, cette indépendance, en transférer les coûts économiques et sociaux sur les épaules du voisin. Si Alger est à une heure d’avion de Marseille, Marseille est à 60 minutes d’Alger. Aux jeunes générations de faire preuve de lucidité pour ne pas se laisser enfermer dans cette cage de fer.

18 avril.

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Après le Beethoven des Massin, entrepris le Haendel de Labie. Nécessité de préserver un équilibre intime entre les toxicoses de la vie politique et la création littéraire, picturale, musicale et poétique. Relevé au passage cette notation de Buffon : « Le ciel est le pays des grands événements ». Puissions-nous toujours y diriger nos regards visuels et le cours de notre pensée. Même Beethoven considérait que l’auteur de Judas Maccabée était le plus grand musicien que la terre eût jamais porté. Ecoutons alors ce créateur grandiose comme Beethoven savait le faire. La grandeur est une dimension objective qu’il faut savoir reconnaître. Bach, dit- on, recopiait de sa main des passages entiers du musicien anglo-allemand pour qui la Bible demeurait la plus cosmiques des partitions jamais portée de main divine à l’oreille humaine.

RD

QUAND LA VIE COMMENCE T-ELLE?

In ARTICLES, ETUDES ET REFLEXIONS on avril 10, 2014 at 6:54

 A la mémoire de Jean- François Mattéi,

De la perte qui saurait dire le prix …

S’interroger sur le commencent de la vie confronte l’esprit à ce qui l’outre–passe. Lui-même n’a t-il pas commencé en un instant générique, non mesurable puisque le temps est une déduction de la conscience après qu’elle est advenue? Avoir connaissance du commencement, au sens chronologique, c’est plus amplement encore s’ouvrir la voie vers l’originel, autrement dit vers ce dont la vie provient, et à partir de cette origine non pas statique mais originante, vers une connaissance possible, serait- elle fragmentaire et approchée, de la cause efficiente du vivant. Sur cette voie la science et la foi religieuse sont proches de la collision car un tel mouvement de l’esprit conduit nécessairement la créature qu’il meut à la place du Créateur, ainsi que le relatent les mythologies et les récits bibliques.Cette place qu’image le Trône divin présente une particularité: elle s’est toujours révélée trop haute pour l’Humain qui prétend s’y installer, ceint de morgue et couronné d’illusions, avant que le vertige ne le saisisse qui le voue à la chute. Autant justifier cette prime question par d’autres considérations, plus proches de la vocation humaine proprement dite, qui est de veiller sur soi même afin de retarder autant que faire se peut l’instant irréversible de la mort qu’au contraire le meurtre précipite. Le mythe conduit alors aux considérations de la vie quotidienne, avec ses élans, ses détresses, ses doutes multiples, ses questions à angle vif. Entre autres exemples n’était- ce pas le sens du recours engagé en 1975 devant le Conseil constitutionnel contre la loi autorisant, sous conditions, l’interruption volontaire de grossesse, au motif que cette loi, jugée homicide par tels des requérants, portait atteinte au principe essentiel, posé à l’ouverture du préambule de la Constitution de 1946, du « respect de tout être humain dés le commencement de la vie (1) »? Une « véritable » question est validée en tant que telle lorsque, outre son intérêt intellectuel, serait-il spéculatif, elle fait réagir, au plus haut niveau qui soit, l’édifice des normes juridiques, le législateur et le juge. En raison des polémiques suscitées par l’idée même de commencement de la vie et par l’identification effective de celui–ci, il importe à nouveau d’y réfléchir non pour réactiver la tentation démiurgique reconnue à l’instant mais pour mieux assumer la vocation proprement humaine concernant son auto- protection.

I. QUESTIONS DE NAISSANCE, NAISSANCE DE QUESTIONS

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Aucun être humain ne conserve le souvenir conscient de sa naissance. Le commencement d’une vie personnelle – n’est –il pas préférable de dire à ce propos: les commencements, afin d ne pas répondre par un biais et par anticipation à la question posée? – ne relève pas de sa connaissance immédiate. Ces commencements, donc, biologiques, affectifs, sociaux, intellectuels, etc, ne peuvent lui être rapportés que par autrui. L’idée de commencement est indissociable de l’idée de témoignage. Si l’on passe du plan ontogénétique, celui de l’individu, au plan phylogénétique, celui de l’espèce, et pour autant qu’on l’on parvienne à le singulariser, l’on admettra que les commencements de la Vie, en général, ayant précédé la naissance de l’Homme, ne s’ouvre, faute de témoins précisément, qu’aux conjectures de ce dernier. L’Homme n’était pas présent lorsque la vie est apparue et il ne saurait rien en relater directement qui en serait véritablement l’Histoire. Même ses hypothèses et conjectures dépendent des traces laissées par ces premiers commencements encore innommés. Et d’ailleurs, ces traces comment les interpréter? Depuis quelques décennies le grand public s’y adonne avec un fort esprit de curiosité, si ce n’est avec acharnement et quelque voyeurisme.Les interrogations sont multiples et récurrentes. D’abord quand la vie, au sens cosmique, a-t-elle en effet commencé? Quand l’Univers est-il apparu? Et provenant d’où? Le « big bang » est une image sonore, si l’on peut ainsi dire, impressionnante mais, au fond, qui l’a réellement perçue? Conjecture! Et la vie au sens biologique cette fois, si cette expression ne fait pas trop pléonasme, qui saurait en dire, là encore, le début? Une autre image se forme à ce propos: celle d’une »soupe primordiale », fortement relevée de sels minéraux et d’oligo-éléments. Cependant, il reste difficile de décrire une marmite lorsque l’observateur supposé mijote lui même sous le couvercle. Ces conjectures finissent par se tisser entre elles pour constituer un imaginaire propice aux fictions, matrice de chimères. Dans ces conditions, que dire des commencements de la conscience? Est-elle concomitante des différenciations de l’espèce humaine au regard du règne animal? De la station debout? Du déverrouillage de la cage occipitale? De la libération des membres antérieurs permettant la préhension et sans doute la compréhension? De la première intuition du temps? Qui saurait l’affirmer avec certitude et le décrire avec précision! Qui saurait ordonner entre eux ces multiples débuts ! Si l’anamnèse du genre humain est affine à l’archéologie et à la paléontologie, elle n’en conserve pas moins ses énigmes propres. L’embryologie animale et humaine livrera t-elle à présent quelques observations bienvenues? N’est-il pas devenu possible de filmer les étapes de la vie intra-utérine, en bouleversant au passage les notions immémoriales d’intériorité et d’extériorité? Resterait à justifier quelques extrapolations possiblement hasardeuses, elles mêmes « extrapolantes » à l’infini, de la première mitose jusqu’à la naissance des étoiles et des galaxies. Au surplus, est-il acceptable de compacter les échelles de la vie et d’assimiler la rencontre d’un ovule et d’un spermatozoïde à un micro big-bang biologique permettant de concevoir ce que fut probablement le macro-big bang cosmologique correspondant? En quoi la réduction de la taille d’une image toutefois obscure l’éclairerait t-elle mieux? Au bout du compte, face à la question: « quand commence la vie? », laquelle présuppose que l’on sache en quoi elle consiste exactement, le savant réputé comme le chercheur débutant répondront qu’au fond il n’en savent rien, que la vie est une donnée immédiate, de même que sa disparition ; qu’il faut se limiter à en décrire les modalités et les manifestations, l’explication exhaustive outre- passant les limites actuelles de ce qu’il est convenu d’appeler «science» (2). Ces précautions prises, l’on ne saurait se satisfaire d’un tel constat, serait–il à l’honneur intellectuel de qui le formule et en endosse les suites. La question portant sur les commencements de la vie ne se limite pas à ses dimensions spéculatives et ne relève pas toujours du sensationnalisme des journaux ou des romans de science fiction (encore que..). Cette question affecte le cours de la vie elle-même et sa qualification en tant que telle. Pour le comprendre en cas de besoin, il suffirait de rappeler l’expression courante: « Ce n’est pas une vie ! », qu’il s’agisse d’en interrompre l’engagement – faut-il dire « simplement biologique »? – comme pour l’IVG – ou d’en abréger le terme, avec les pratiques de l’euthanasie. Dans les deux cas, les controverses et les débats de conscience – à supposer, répétons le, que celle-ci soit constituée et agissante – sont liés, par quelque aspect qu’on les aborde, à la question initiale et à son corrélat: quand la vie commence t-elle, en effet, chronologiquement et substantiellement, et ce commencement est-il unique? L’événement originel fait loi et droit de soi. Avant que la vie n’apparaisse, l’on ne saurait présumer qu’elle fût, et lorsqu’elle n’est plus elle-même qu’importe d’en prendre acte, fût-ce par un passage à l’acte? Pourtant les conséquences qui s’ensuivent ne sont plus intellectuelles mais juridiques et judiciaires. Dans ces deux situations il se pourrait que la responsabilité humaine fût maintenant engagée et sanctionnée. L’objet de la présente contribution à ces débats virulents et douloureux, souvent placés à l’enseigne de la détresse humaine, n’est pas de prendre parti et encore moins d’épouser quelque querelle venant peupler l’on ne sait quel ennui, même si le bovarysme n’est pas pour rien dans la propension querelleuse qui agite régulièrement la cité scientifique. L’on se propose plutôt d’apporter quelques informations complémentaires et supplémentaires permettant à la fois de mieux formuler encore les interrogations en débat et de les acheminer, si possible, vers quelques issues qui ne soient pas en trompe l’œil. Reprenons donc en son propre commencement la question des commencements. Quand la vie commence t-elle? Ne serait-ce pas précisément par cette prime interrogation? Celle-ci vaut ce que valent les mots qui la formulent. Et si l’on commençait par interroger le langage, ou plutôt les langages à ce sujet? Certes, l’exploration ne saurait être exhaustive, sauf à mobiliser des moyens qui ne sont pas immédiatement à notre disposition. L’exercice restera donc limité, relevant plutôt de l’échantillonnage, sauf à rappeler qu’en bonne méthode un bon échantillon se caractérise par une cohérence interne qui le rend propice à quelques généralisations qui ne soient pas tout à fait erratiques. A cet égard l’exploration portera sur le vocabulaire gréco- latin et sur le vocabulaire hébraïque désignant en une même intentionnalité: l’idée de commencement, la vie, le vivant et les vivants. Elle se développera selon deux voies entrelacées: la première sera propre à chacun de ces lexiques ; la seconde en reconnaîtra les coïncidences, si ce n’est les connexions les plus significatives. Le langage afférant à l’idée de vie et de commencement, aussi bien en grec et en latin qu’en hébreu, est abordé comme un mémorial de traces autrement indiscernables attestant, à leur manière, du commencement – ou des commencements – de la vie, cette expression devant être désormais entendue dans son sens plural et arborescent. Ainsi qu’annoncé, l’on commencera, justement, par le mot « commencement ». Sa généalogie nous rapporte à la langue latine, et plus précisément encore au latin populaire avec le verbe cuminitiare, lui-même provenant de initium (3). Une précaution s’impose ici: l’enquête étymologique ne conduit –elle pas à une tautologie, celle-ci sévirait-elle par le simple déplacement, par la simple translation d’une langue: le français, dans une autre langue, en l’occurrence le latin? Le cercle s’ouvrirait si nous élucidions, comme il se doit, le sens premier et générique de initium. Relevons, d’ores et déjà, que l’idée de commencement est originellement liée à celle de conjonction, le cum de cum-initiare étant aussi décisif que l’initium proprement dit. Initium provient de ineo, lui-même provenant de eo, lié à son tour à itum, itumere: aller. Ce vocable se retrouve, par exemple, dans iter, itineris etc.. La présente investigation étymologique conduit à l’idée d’un mouvement, ce que vérifient les autres constructions verbales sur ce radical. Quelle est la nature de ce mouvement initial? L’enquête étymologique ne devrait pas négliger le préfixe secondaire in, lequel désigne toujours le passage au-dedans, par opposition au préfixe ex qui désigne le passage au dehors. Cependant, in ne désigne pas seulement un mouvement d’intériorisation spatiale et de pénétration physique. Il désigne également le développement d’une temporalité ouverte sur un après, sur un en- suite Pour mieux le percevoir il suffit d’observer que son antonyme: ex, précité, désigne, certes, ce qui n’est pas intérieur mais aussi, dans l’ordre du temps, ce qui est obsolète, dépassé et caduc. Faut-il aller jusqu’à relier les préfixes in et en? En désigne également au-delà de l’intériorisation la consubstantialisation. Dans la langue grecque le radical en ouvre donc à toute la terminologie de l’Etre qui se retrouvera dans le ens latin. L’idée de commencement apparaît alors encore plus nettement dans le rapprochement des préfixes in, en et un. Ne forment-ils pas une véritable série? Le radical un se retrouve dans unus, le singulier, l’en-soi, par lequel s’inaugure à présent la numération, au sens ordinal et cardinal, puisque l’unus ne reste pas en l’état, qu’il se poursuit dans l’unio, d’où viennent union et désunion. Revenir aux implications de eo conforte cette investigation initiale sur l’initialisation. Ce radical se retrouve entre autres dans coeo (en grec suneimi) qui ouvre, lui, à la terminologie de la socialité et de la juridicité que recoupent les significations suivantes: aller ensemble, se réunir pour délibérer, d’où coetus, assemblée (en grec sunodos). Mais coeo ouvre simultanément au vocabulaire de la sexualité, de la génération et donc de l’accouplement charnel, d’où coitus, coitio qui désigne aussi la rencontre par quoi s’inaugure la relation sous la condition suspensive de sa continuité. L’étymologie du mot commencement conduit ainsi à la perception et à l’analyse des processus relationnels par lequel ce que l’on appelle le vivant apparaît. La lexicographie latine reste homogène et cohérente si l’on se reporte cette fois au terme qui y désigne directement la vie: vita, dont la propre étymologie conduit à uiua: ce qui s’oppose à la mort, et à uia, la voie, dont on relèvera l’homophonie si ce n’est l’homologie avec le grec bia qui désigne la vie, au moins sur l’un de ses plans primaires.

II. IL Y A VIE ET VIE.

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La langue grecque dispose en effet de deux termes au moins pour désigner la vie non pas en tant qu’abstraction ou concept mais en tant que vivant -en -relations – si cette expression ne forme pas un pléonasme compte tenu des informations livrées par l’étymologie latine: zoe et bia(4). Par où se précise notre investigation sur les commencements de la vie humaine. Le premier de ces termes se trouve par exemple chez Aristote qui définit dans La Politique l’humain comme zoon politikon (5). L’habitude, voire l’inertie intellectuelle, incite à traduire cette expression par l’humain est un « animal politique ». Cette traduction ne fait que déplacer et faire rétrogresser l’interrogation à laquelle elle est censée répondre et qu’un Jean Rostand reformulait ainsi: qu’est- ce qu’un animal? D’autant que les animaux vivent sous bien des formes, sauf sous des formes à proprement parler politiques, c’est-à-dire tâchant de concilier consciemment et méthodiquement le singulier et le pluriel, le conflit et la délibération. Chemin faisant, accordons nous une nouvelle halte à propos du mot commencement dans la langue grecque cette fois: archè. Nous inciterait –il à choisir notre discipline de référence dans l’archéologie, laquelle conduirait à rebours la naissance de l’Humain vers la… zoologie? Bien des métaphores, des mots célèbres et quelques formules à l’emporte- pièces le justifieraient. Rappelons qu’en grec le mot arché – dont l’étymologie spécifique n’est pas élucidée (6) – comporte au moins deux significations: commencer, au sens chronologique, et commander, au sens légal. Coalescentes, ces significations se retrouvent dans des termes-clefs du vocabulaire juridique et institutionnel, par exemple dans les mots archonte ou hiérarchie. Par la suite, archè désigne le principe générateur: soit le commencement conçu en tant qu’événement originaire, c’est-à-dire séparant un avant et un après mais liés entre eux, un événement primordial comportant des suites et des conséquences, elles mêmes génératrices d’autres suites et d’autres conséquences impliquant prévision et responsabilité. C’est pourquoi, dans la traduction grecque des Septante, le premier mot du livre de La Genèse, en hébreu Berechit, proprement intraduisible terme à terme, est rendu par En archè: soit « en un commencement-commandement », ordonné et ordonnateur. Aussi bien le grec archè que l’hébraïque Beréchit présentent le commencement telle une décision qui ne présume d’aucune manière de ce qui lui est antérieur sans véritablement la pré- céder puisque seul le commencement instaure à sa manière la dimension du temps au sens séquentiel. Ainsi la vie spécifiée, celle du zoon, n’est elle pas tout à fait l’événement premier, initiateur, ou, si l’on peut dire, com- initiateur du vivant. Elle n’advint qu’à la suite et par l’effet de cette instauration primordiale dont la propre cause reste conjecturale. Dans cet ordre de considérations on relèvera qu’en grec arkio désigne, cette fois, le ferme établissement, la fondation assurée. C’est pourquoi, à propos des Lois, dans sa définition du Préambule, Platon, à la suite de Socrate y distinguera quatre niveaux: la Divinité, la Phusis, la Thémis, et la loi humaine (IV). Par suite, la définition de la vie humaine devient susceptible de quatre formulations, potentiellement discordantes entre elles, selon qu’elles intègrent un seul, plusieurs ou au contraire la totalité de ces niveaux qui constituent des lors un ensemble, ou un système. C’est pourquoi il est préférable de traduire zoon politikon par vivant- politiquement, et non par animal, politique, comme si la biologie, la science politique et la métaphysique n’étaient que trois départements de la zoologie. La vie entendue comme zoa est celle qui intègre les quatre niveaux du préambule platonicien. Elle ne se limite pas seulement à la phusis, elle-même réduite à ce que l’on pourrait appeler son énergétique primaire, une énergétique auto- comprimée, incapable de se méta- boliser. Autrement, toute méta- physique deviendrait impossible et inconcevable, et toute transcendance inimaginable. C’est sans doute pourquoi Aristote, l’auteur des traités de zoologie sur Les parties des Animaux et de biologie sur les processus de La Génération et de la corruption, mais également l’auteur du Traité de psychologie consacré à L’Âme (péri psuché) et d’un traité de Métaphysique se garde bien dans La Politique d’employer à propos de l’Humain l’expression bion politikon, qui eût été une contradiction dans les termes. Désignée par le vocable bio, la vie est celle que fait s’élancer l’énergétique des pulsions, celle des raptus et des passages à l’acte qui débordent la conscience lorsqu’ils ne l’oblitèrent pas. A ce stade la vie apparaît « biolente », simplement itérative et répétitive, comme semble l’indiquer le préfixe bi de bia.Elle serait aussi dissipative et triste, comme le montre Bergson que ne démentiraient pas la clinique et la métapsychologie psychanalytiques. Au contraire, la vie constituée, perçue et entendue comme zoa, serait modulée, liante, portant un mouvement qui à son tour la porte plus loin, et suscitant cet affect qualitatif: la joie chère à Spinoza. Une clarification conceptuelle devient maintenant possible. Identifiée comme bia, en son expression primaire – dans l’acception freudienne de ce dernier qualificatif – la vie débuterait, au sens cinétique avec cette première poussée – pulsion-passion énergétique mais elle commencerait es qualités des lors qu’elle atteindrait le niveau de zoa, lorsqu’elle s’exhausse et se transcende dans ce qui la dépasse et dans ce qui la prolonge sans être décérébrée pour autant par aucune amnésie. Ce qui implique nécessairement que la conscience eût déjà conçu les notions de qualité et de valeur, c’est-à-dire non seulement celle des notions de plus et de moins mais celle de bien, de mieux et de pire. L’idée de commencement ne relève plus de la simple série chronologique. En cas de besoin, la primarité le cède à la primauté qui à son tour, et si nécessaire, le cèderait à l’exigence de priorité. Qu’en est –il maintenant du vocabulaire hébraïque? On l’explorera pour sa valeur informationnelle mais encore pour ses résonances, pour ne pas dire à cause de ses coïncidences avec le vocabulaire grec, alors que ces deux langues sont classées dans deux familles différentes qui n’auraient entre elles nulle langue commune, En hébreu le mot vie se dit h’aym et c’est un pluriel comme les mots: eau-eaux: maym ; ciel-cieux: chamaym; ou visage-faces: panim. Ce terme générique apparaît pour la première fois dans le livre de la Genèse non pas à propos de l’Humain (Haadam) mais à propos de ce que l’on nommera d’un terme tout aussi générique: le règne animal (h’aya) qui se distingue du végétal (êsseb)par sa mobilité et sa motilité (Gn ; 1, 20). Pourtant, avant d’engager cette investigation spécifique, il importe de relever sans tarder – et pour nous y limiter – trois vocables hébraïques qui consonnent avec archè, bio et zoon, non seulement euphoniquement mais sémantiquement, à savoir, ârakh, bia et zan. Consonant avec le grec archè, la racine ARKh, avec un aleph en lettre initiale, se retrouve dans les mots orekh: la longueur, l’expansion, et avec un âyn dans le mot ârakh qui désigne l’ordonnancement mais aussi la valeur intrinsèque dans tous ses champs d’application, notamment éthique, juridique et économique. Cette racine, en ses deux accentuations, semble bien indiquer un mouvement d’amplification physique mais à propension sociale et donc nécessairement un mouvement régulé. Bia désigne la relation sexuelle, électivement entre un homme et une femme. Ce terme marque également un mouvement vers, comme dans le verbe correspondant la (v) bo:aller à la rencontre de, dans le but de porter un message, d’établir une relation, d’engager une responsabilité. C’est pourquoi dans le droit hébraïque des personnes, ce terme ne se suffit pas à lui-même, sauf à vouloir désigner négativement une relation inaboutie. La bia doit se prolonger et se justifier par l’établissement d’une relation juridiquement étayée, socialement reconnue, spirituellement sanctifiée (7). A partir de quoi des engendrements sûrs pourront avoir lieu selon des repères parentaux ne souffrant ni incertitude ni contestation, la vie se faisant ainsi histoire. En hébreu le même mot: toldot désigne l’engendrement ainsi compris et l’Histoire, autrement dit la continuité acceptée des générations. ZaN, cette fois, désigne le fait de nourrir, donc d’alimenter la vie lorsqu’elle est advenue. MaZoN désigne la nourriture compatible avec l’assimilation physiologique mais encore avec le développement non seulement physique mais encore intellectuel et spirituel. OZeN désigne l’oreille qui est l’organe de l’audition, au sens acoustique, mais également de l’écoute, au sens de l’entendement intellectif, et encore de la (dé) marche équilibrée. IZouN désigne la balance sur laquelle doivent être disposés des poids égaux, ni frauduleux, ni frelatés. S’agissant de discerner les niveaux de la vie humaine, le vocabulaire hébraïque et le vocabulaire grec présentent de fortes similitudes. La réponse à la question portant sur le (s) commencement(s) de celle-ci dépend alors du niveau auquel cette question est posée. Le livre de la Genèse mentionne, en effet, on l’a vu, le mot vie pour la première fois à propos du règne animal: « Et dit Dieu: que prolifèrent les eaux d’une prolifération d’existence vivante (cheretz nephech h’aya)… et Dieu créa les grands sauriens (taninim) et toute l’existence vivante (col nephech h’aya) dont ils proliférèrent selon leurs espèces (…) Dieu les bénit pour (leur) dire: « Fructifiez (perou) et développez vous (revou) et emplissez les eaux » (Gn ; 1 ; 20 et sq) ». Telle fut l’œuvre de la cinquième période génésiaque – période et non pas « jour » au sens du calendrier solaire – (yom h’amichi). Le mot vie ainsi entendu apparaît implicitement, à partir de l’une de ses modalités: après la création du règne végétal auquel le mot h’aym ne s’applique pas expressément. Pourquoi? La texture du récit l’indique ; le mot vie est lié à la croissance et au développement mais régulé, selon un principe d’identification générique, si ce n’est généalogique qui ne caractérise pas encore le règne végétal. Et cette fois, le règne animal est l’objet d’une parole divine, d’une injonction programmatique au demeurant liée à une bénédiction, à une berakha qui atteste de la compatibilité de tels processus avec la création du vivant et avec son déploiement. C’est dans une sixième période qu’intervient la création de l’Humain (Haadam), corrélativement au Créateur, en alliance (berith) avec lui (Gn ; 1, 26).Inscrit dans ce processus créationnel dont il devient partie intégrante, l’Humain aura pour programme de se développer spécifiquement mais aussi de réguler la vitalité de tous les règnes vivants créés antérieurement à lui et vis-à-vis desquels il devient non pas tant le degré supérieur, au sens d’une hiérarchie faisant autorité d’elle-même, que l’instance responsable. Comment se présente toutefois la différence la plus marquante entre l’espèce humaine et les autres créatures vivantes? L’information décisive se décèle en ce sens dans un autre passage du livre de la Genèse: « Et Dieu forma l’Humain (Haadam) humus provenant de la terre (haadama) et il insuffla en sa narine une âme de vie (nichmat h’aym) et l’Humain devint (ou avait été) une existence vivante (nephech h’aya) (Gn ; 2, 7) ». Concernant le commencement de la vie humaine, ce verset conduit à deux observations essentielles. La première porte sur sa constitution. Le verset précité ne parle plus de création (beria) mais de formation (yetsira), de morphogenèse. D’une part l’Humain est formé en tant qu’humus (âphar) et non pas poussière (epher) ainsi que le donnent à (mé) comprendre des traductions approximatives et inexactes. La poussière est stérile, l’humus est fertile et fertilisant. Par ailleurs cet humus provient certes de la terre mais celle –ci est nommée à ce moment non pas erets, comme au premier verset de la Genèse, mais bien adama. La relation entre Hadam et Adamah saute aux yeux. Ces deux vocables sont formés par les mêmes lettres. Lorsque la terre, entendue comme erets est dénommée adamah, c’est qu’elle se rapporte directement à la condition humaine (8). On pourrait traduire adamah, littéralement par l’humaine… Le récit biblique établit ainsi deux corrélations constituantes et structurales: l’une entre le Divin et l’Humain; l’autre entre l’Humain et la Terre entendue comme terre spécifiquement humaine ou à humaniser: par destination. Dans ce contexte l’Humain est alors mis non seulement en corrélation idéique mais en contact effectif avec le Créateur par l’opération de l’insufflation laquelle ne se réduit pas à la capacité de respirer dont sont dotés par ailleurs tous les êtres créés, y compris ceux du règne végétal. L’insufflation aboutit à faire de l’Humain non plus une nephech h’aya, une existence vivante mais une nichmat h’ayim: une âme dispensatrice de vie (h’ay, c’est ce qui reçoit la vie, statiquement, h’aym ce qui la donne, vitalement). L’Humain se distingue donc des autres règnes vivants par son animation. A quoi celle-ci correspond elle précisément? Un élément de réponse est apportée par le Targoum, par la paraphrase araméenne du texte biblique qui rend l’expression hébraïque « âme vivante », nichmat h’aym par rouh’a melalela, autrement dit: souffle parlant. L’âme correspond désormais à la capacité d’user de la parole laquelle se constitue par le binôme générique et tendu: question-réponse. Que signifie alors la fin du verset précité qui semble contredire littéralement cette indication en ramenant l’Humain de la nechama au nephech, à la simple existence? Une première réponse serait d’ordre grammatical, se rapportant à un passé déjà mémorisé. La formule en question devrait alors se traduire ainsi: «… Et L’Humain avait été existence vivante (nephech h’aya) ». Pour mémoire. Pourtant les commentaires de la Tradition juive s’engagent dans une autre interprétation concernant cette fois la dynamique, progrédiente ou régrédiente, de la Création. La formule ici examinée nous apprendrait que l’Humain, sollicité de parvenir à ce niveau de la vie nommé nechama n’y parvint pas, ou qu’il n’y parvint pas du premier coup ; qu’il se maintint, ou qu’il stagna au degré du nephech, de la simple existence, se refusant à la parole et aux développements de celle-ci. S’agissant du commencement de la vie, comment ne pas évoquer en ce sens l’un des essais les plus célèbres de Freud: « Au delà du principe de plaisir » (9) ! Freud tente d’y élaborer une hypothèse métapsychologique concernant la tendance morbide à la répétition, cliniquement identifiée, qu’il n’hésite pas à qualifier de …« démoniaque ». Ce qualificatif est d’autant plus étonnant qu’il l’utilise à trois reprises au moins dans cet essai capital de la théorie psychanalytique. Pour Freud, donc, « A un moment donné, une force dont nous ne pouvons encore avoir aucune représentation a réveillé (éveillé) dans la matière inanimée les propriétés de la vie ». A un moment donné… Il s’agit bien d’un commencement mais celui-ci ayant lieu se soustrait à toute représentation, à toute connaissance directe. Sans doute parce qu’il s’est produit sans témoins capable d’en faire une relation. Son advenue ne peut être qu’inférée à partir de ses effets. Et Freud poursuit: « La rupture d’équilibre qui s’est alors produite dans la substance inanimée a provoqué dans celle-ci une tendance à la suppression de son état de tension, la première tendance à retourner à l’état inanimé. Pendant longtemps la substance vivante aura (eu) « la mort facile ». Jusqu’à ce que des facteurs extérieurs décisifs aient subi des modifications qui ont imposé à la substance ayant survécu à leur action des détours de plus en plus compliqués pour arriver au but final ». Est–il besoin d’insister sur la propre complexité de la conjecture freudienne? Elle indique toutefois deux commencements au moins de la vie: d’abord son réveil ou son éveil, mais ensuite, au regard de sa mortalité native, si l’on peut ainsi s’exprimer, le moment où cette mortalité est compensée par une propension contraire: le moment où la vie «prend». Néanmoins, la conjecture de Freud laisse dans l’ombre deux autres questions: a) quelle est la nature de cette force d’éveil initial?, et b) d’où les forces contraires à la mortalité primaire ont – elles puisé leur propre vitalité? En ce point un malentendu doit être évité, et cela sans céder à aucune dénégation, à aucune verneinung, consciente ou inconsciente. Relever, comme on le fait, ces deux interrogations n’a pas pour but de diminuer la portée de la conjecture freudienne au profit du récit biblique mais plutôt de mettre en commun les informations ouvertes d’un côté et de l’autre. Arrivés en ce point il est devient indispensable de rappeler la structure de l’être humain, tel qu’il est conçu dans la Tradition hébraïque: en tant qu’être–vivant – parlant. De ce point de vue, le parlêtre cher à Lacan serait aussi un par – lettres, sinon, dans ses phases de réticence et de résistance « démoniaque, un pare – lettres.

On pourra rapprocher cette conception du schéma de l’Etre et de la vie tel qu’il se discerne, on l’a, vu dans le concept platonicien de préambule:

1.Nephech h’aya: existence vivante (et non pas mourante),

2.Rouah’: esprit, énergétique vitale et vivifiante,

3.Nichmat h’aym, âme vivante – parlante,

4. Yeh’ida, principe d’unification des niveaux précédents pour prévenir leur diffraction et prévenir leur disruption(10).

La vie humainement qualifiée commencerait véritablement lorsque serait constitué ce véritable champ vital.

III. L’INITIATIVE DE VIE ET LA RESPONSABILITE DE L HUMAIN

noix-et-santé

Sans sacrifier à la typologie antagoniste de cultures et des civilisations, l’on relèvera une différence réelle entre les récits bibliques et les mythes grecs de la création. Dans les récits bibliques, à l’origine, Dieu est donateur de la vie et des principes vitaux. L’Humain n’est pas contraint de s’en emparer par vol ou par violence comme dans la tragédie prométhéenne. Dans le récit biblique l’emprise et la transgression interviendront, certes, mais après coup, sans abroger le principe de ce don premier, de cette donation inaugurale (Gn, 3, 7). Cela noté, il importe de relever d’autres consonances, non moins significatives que les précédentes entre d’autres vocables hébraïques et grecs. Ceux – ci ne sont pas mineurs ni accessoires puisqu’ils portent sur la dénomination du vivant, non plus dans ses manifestations extérieures mais dans ses sources les plus endogènes. Ce processus que le mot essentiel ne suffirait même pas à qualifier se nomme genèse (en grec genesis) ou dans sa représentation encore plus dynamique: la génération (geneseos). S’y oppose, comme dans le titre de l’ouvrage précité d’Aristote, la corruption sur la pente de la mort: ptoros. Genesis et geneseos sont construits sur une racine bilittère décisive: GN. On la retrouve dans des termes aussi capitaux en biologie que GèNe et GéNôme, ou en sciences humaines dans les termes qui déclinent le vocable grec GeNos et dans la GeNs latine qui désigne à la fois la parenté, au sens biologie et l’ethnie où celle-ci s’élargit en un plus vaste ensemble. Cette même racine se décèle aussi dans la terminologie de la naissance et de la connaissance provenant du vocable – souche gréco- latin: coGNoscerer. Mettre en évidence les consonances hébraïques de tels vocables se justifie par d’autres raisons qui tiennent à la structure du livre de la… GeNèse. La critique biblique se demande parfois si le chapitre 2 de ce livre n’est pas redondant au regard du chapitre 1. Faute de pouvoir répondre de manière claire à cette question, en raison de l’occultation ou de la méconnaissance de la Tradition juive en ces domaines, l’on se condamne à imputer ces deux chapitres à deux auteurs différents, introduisant de la sorte dans le récit biblique un coin qui se prolongera en clivages et en irréversibles ruptures de sens. Selon la Tradition juive ces deux chapitres ne sont certes pas redondants. Le premier concerne la création de la vie en général: le Cosmos (ôlam), selon ses différentes espèces et selon ses diverses instances où l’Humain prend part et place, en corrélation avec les autres ; le deuxième « focalise » le récit de la création sur l’Humain présenté alors comme formé – parlant singulier. Pour la première fois, et le seul de son espèce, l’Humain (Haadam) est disposé en un lieu particulier, dans un site congruent que le texte biblique nomme en hébreu GaN, terme traduit ordinairement par le mot jardin, lui-même situé et identifié par un autre point de repère que le texte nomme cette fois ÊDeN. Le rapprochement, et peut être le court- circuit, de ces deux vocables dans le langage courant a conduit à former l’expression « Jardin d’Eden ». Cette image est alors susceptible de former un obstacle épistémologique, au sens bachelardien, si le sens de ces deux vocables n’était pas au préalable restitué aussi exactement que possible. Aussitôt après avoir formé l’Humain comme âme vivante, le Créateur planta (ou implanta) un site particulier nommé littéralement Gan Be (en) Êden, l’un et l’autre de ces éléments provenant de ce que le récit biblique nommé Kedem: l’Antérieur. C’est là dans ce « lieu- séquentiel » qu’il y disposa l’Humain qu’il avait formé, ou conformé. Après la description de ce topos particulier qui apparaît ouvert, multiplement irrigué par des flux de pensée (nahar), le récit biblique précisera, dans une formulation quelque peu différente, que « L’Eternel Dieu acquit (vayk’ah) l’Humain et qu’il le disposa dans le Gan Êden pour le(la) travailler (leôvadah) et pour la préserver (lechomrah) (Gn ; 2, 15). Est –il possible d’élucider le sens de ces nouvelles informations avant de les interpréter? On aura d’abord relevé la consonance phonétique entre le GaN hébraïque et le GeN de la langue grecque. La convergence apparaît plus profonde encore. Elle met en évidence des similitudes, sinon même une identité de sens entre ces deux vocables censés appartenir, on le sait, à des familles différentes. Dans le vocabulaire hébraïque, la racine GN, se retrouve dans une série de termes: magen (protéger), aguon (compatible), nigoun (mélodie) qui présentent une signification, première ou dérivée, liée à la vie, selon tous les degrés de celle- ci. La formule Gan be Êden mi Kedem désigne le topos adéquat à l’Humain mais qui provient de « cela » dont nous ne n’apprendrons rien d’autre que ceci: il lui est antérieur (kedem). A quoi se rapporte cette antériorité? Deux hypothèses se présentent. A son sujet il peut s’agir soit de l’énergétique « créationnelle », proprement dite, de la hachpaâ, telle que la nomme la pensée juive occupée de comprendre les processus de la création de l’univers (beriat haôlam) ; soit de la matière initiale d’où le Gan est issu, ce que l’on pourrait appeler sa matière première. Cette seconde hypothèse est étayé par le verset 16 du psaume 139, difficilement traduisible: « La masse informe (GaLMi) que j’étais, tes yeux ont vu..». Difficile traduction qui se rapporte néanmoins à un point de départ, à un commencement, certes, non pas de la création mais de la formation de ce qui a été préalablement créé ab initio. Le sens de la racine GLM est éclairé notamment par le grammairien et étymologiste médiéval Rabbi David Kimhi dans son Livre des Racines.La racine GLM caractérise les êtres ou les objets qui n’ont pas encore reçu de forme (tsoura) distinctive, par exemple un matériau à l’état brut, un morceau de bois qui n’a pas encore été taillé, un morceau d’argile qui n’a pas encore été façonné. Rapportant alors la racine G(L) M, réduite, comme il est possible de l’accomplir, au radical GM, elle désigne ce qu’il est convenu d’appeler le protoplasme, cet état du vivant qui n’est encore engagé dans aucune morphogénèse, dans aucune yetsira, dans aucune gestaltung, dans aucune formation. Le rapprochement des radicaux GM et GN conduit maintenant à une autre observation que l’on soulignera en prolongement des conjectures précédemment évoquées de Freud sur les commencements de la vie. Les radicaux GM et GN présentent une lettre commune et une lettre différenciatrice. La lettre commune G (uimmel) les cheville et les introduit dans un champ sémantique commun. Pourtant il ne suffit pas de noter ensuite que les lettres différentes M et N les différencient. En fait, dans l’alphabet hébraïque, ces deux lettres se suivent immédiatement l’une l’autre. Le M conduit aussitôt au N qui en est l’issue. Or dans la symbolique des lettres hébraïques, qui sont aussi des schèmes cognitifs, la lettre M(êMe), se représente par un cercle. Elle figure la clôture et donc la répétition du pareil au même, si l’on ose ainsi solliciter un autre réseau de langage. En hébreu GaM désigne l’itération, la répétition, la duplication du 1 et 1. N(oun) se représente a) sous sa forme cursive comme une courbe, tel un arc de cercle, et b) sous sa forme finale comme un ligne droite qui s’infinitise selon ses deux vections, qu’elle soit horizontale ou verticale. En somme l’Humain est incité à passer du stade informe, celui du GaM, où ce qui est l’est parce qu’il se répète indéfiniment, au stade du GaN qui l’ouvre infiniment. Sans forcer le sens de la métaphore et du symbole, l’on dira que de ce point de vue le topos nommé Gan Be Êden mi Kedem s’ouvre, au niveau biologique à ce que le génome recouvre, et aux autres niveaux du vivant, de la zoa et de la néchama à ce qu’une autre expression, plus anthropologique déjà: le gène-homme pourrait représenter. Ce passage ne se produit pas automatiquement. Il résulte d’une activité humaine qui se déploie a) au plan du faire, de la formation et de la trans-formation, à quoi correspond la verbe précité laâvod, et b) au plan de la conscience indissociablement éthique et juridique, à quoi correspond le verbe lichmor: garder, ou mieux encore sauvegarder. Ces deux verbes désignent deux actions indissociables: une bi- norme. Le contexte du verset précité, tiré du psaume 139 permet de le vérifier, malgré d’autres énormes difficultés de traduction, autant conceptuelles que verbales: « Car c’est toi qui a légalement acquit (kanita) mes confins (khiltay), qui m’as esquissé (tessoukeni) dans le ventre de ma mère (….) Mon protoplasme (galmi) tes yeux ont vu et sur ton livre tous ont été écrits, jours de formation et en eux il n’y avait pas encore d’unité (eh’ad).. ». Ce verset est important non seulement par les processus qu’il donne à découvrir à propos de l’embryogenèse et de la morphogenèse de l’Humain mais aussi parce que ces processus sont rapportés au Créateur qui en est le témoin, le ÊD. De ce point de vue,le ventre maternel, le beten, et le Gan Êden, sont homothétiques.C’est pourquoi, tout ce qui sera issu de la matrice féminine, notamment lors d’avortements spontanés, ne sera pas considéré à proprement parler comme être – humain, introduisant aux règles juridiques qui en commandent avec la reconnaissance la protection juridiquement sanctionnée. L’humain commence par sa conformation particulière, c’est-à-dire par le fait qu’un visage y soit avant tout discernable, notamment par la position des yeux (Talmud de Babylone, Traité Nidda). La règle des quarante jours à partir desquels la vie s’individualise s’expliquerait d’une part en raison de la singularisation du fœtus au regard de l’organisme maternel et, d’autre part, plus affectivement, en raison de la conscience corrélative du lien entre les deux organismes naissant dans la conscience de la mère. Dans le Gan Êden, le degré biologique – l’on dirait génique – du vivant s’articule désormais au niveau de la conscience attestante. Ces deux niveaux ne sont plus dissociables, sinon par clivage et par mutilation tandis que la vie au sens humain survient de leur conjonction. C’est pourquoi le meurtre en tant que abrègement violent de la vie sera prohibé et sanctionné (Gn ; 4, 11). Il le sera également sous sa forme passive, comme refus d’engendrer (Gn ; 6, 5). Ce refus s’entend non pas au seul plan « biologique » mais plus profondément comme refus de faire naître, de contre – donner la vie. En conséquence, et après la catastrophe du Déluge, l’Humanité survivante légifèrera aussi en matière d’avortements, pour les interdire pénalement dés lors qu’ils ne se justifient par aucune intention thérapeutique, elle-même motivée par la préservation de la vie de la mère (Gn, 9, 6). La sanction interviendra seulement après jugement du meurtrier, de quiconque s’est autorisé à ôter la vie humaine déjà constituée au motif, comme Caïn, avait tenté de l’objecter, qu’il n’en serait pas le gardien, le responsable. Comment régresse t-on du GeLeM au GoleM? (11). Lorsque la bi-norme précédente est disloquée. Lorsque l’Humain récuse la êdout, l’attestation, il régresse au stade protoplasmique mais dépourvu cette fois de toute propension créatrice, de toute initialité. Cette position régressive est désignée dans la pensée juive par le terme … golem. On sait ce que le golem évoque dans l’imagerie populaire, dans les légendes fantastiques ou dans les romans de science fiction: une créature androïde, créée par l’Homme afin qu’elle le serve comme si elle était lui-même mais qui finit par échapper à son contrôle pour le détruire (11).L’Humain dépassé par ses œuvres, faute d’en discerner la nature réelle et les propensions effectives, ne trouvera finalement son salut que dans la destruction de cette créature mimétique). Est –il possible alors de ramener le récit légendaire à quelque énoncé de sagesse pratique? Un Traité du Talmud: Les principes des Pères (ou les Principes premiers), les Pirké Avot, ouvrent la voie en ce sens par leur propre définition du golem: « Sept éléments (debarim) caractérisent la brute (golem) et sept le sage (h’akham) … (PA ; 5, 10)) «. Avant de poursuivre l’on aura bien noté que l’état de GoleM, de la créature réduite au GaM, au même, n’est pas décrit de telle sorte qu’il frappe l’imagination au risque de sidérer l’entendement.Au contraire: il sera placé à apposition en en opposition avec le sage qui, lui, s’ouvre sur la connaissance, sur le NouN. Les attributs et les comportements du sage feront apparaître en creux ceux du golem: a) Le sage ne prend pas la parole devant qui est plus grand que lui en sagesse et en expérience. Le golem s’en empare, exactement pour les mêmes raisons: il ne se reconnaît aucun maître ; b) Il ne coupe pas la parole à son compagnon. Le golem s’y autorise. Il n’est lié à personne ; c) Il ne se précipite pas pour répondre. Le golem n’y résiste pas ; d) Il interroge à propos et répond méthodiquement. Le golem intervient hors de propos et seul sa parole fait loi ; e) Il place le premier en premier et le dernier en dernier. L’ordre offense le golem ; f) Ce qu’il ignore, il reconnaît l’ignorer. Le golem sait tout ; g) Il acquiesce à la vérité. Le golem la nie et la dénie. On le constate, l’Humain tel qu’il est conçu dans ces sept conditions n’est réputé né que s’il accède à cette sagesse qui fait place et droit à la vie – et à l’avis – d’autrui. Dans l’aptitude à cette vitale délibération la vie commence vraiment. Entre la vie et son contraire, l’Humain est invité à choisir, in fine, la vie (Dt, 30). Si l’on y fait bien attention, ce choix, à l’issue d’avance prescrite, n’en est pas – ou plus – un. Application avant la lettre du principe de précaution?

Raphaël DRAÏ Professeur émérite à la Faculté de droit et de science politique d’Aix-Marseille

Eté 2004

NOTES

1. Louis Favoreu et Loïc. Philip, Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, Dalloz, 2001, p. 300.

2. Cf. François Jacob, Qu’est ce que la vie? in La Vie, Odile Jacob, 2002, p. 9. et Stephen Jay Gould, The structure of Evolutionary Theory, Harvard University Press, 2002.

3. A. Ernout et A. Meillet, Dictionnaire étymologique de la langue latine, Histoire des mots, Editions Klincksieck, 1979. Cf également, Paule Levert, L’idée de commencement, Aubier, 1961. 4. P. Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Histoire des mots, Editions Klincksieck, 1983.

5. Aristote, La Politique, Vrin, 1982, p. 29.

6. P. Chantraine, op. cit.

7. Rabbi Moché ben Maïmon (Maïmonide), Michné Thora, Hilkhot bia, Jérusalem, 1982.

8. Georges Bastide, De la condition humaine, Essai sur les conditions d’accès à la vie de l’esprit, Alcan, 1939.

9. In Essais de psychanalyse, Payot, 1969.

10. Sur le principe d’unification, cf. Etienne Klein et Marc Lachize – Rey, La quête de l’unité, L’aventure de la physique, Biblio – Essais, 2000.

11. Moshé Idel, Golem, Shocken, Tel Aviv, 1996.

12.Cf. Le roman de Gustav Meyrink, Le Golem, in Les évadés des ténèbres, Robert Laffont, Bouquins, 1989, p. 951.

LE SENS DES MITSVOT: AHARE MOT – Par Raphaël Draï

In RELIGION on avril 9, 2014 at 10:19

A Jacky Milewski et à Daniel Dahan

 29 A' hareï moth

« L’Eternel parla à Moïse après la mort des deux fils d’Aharon qui s’étant avancés devant l’Eternel avaient péri, et il dit à Moïse: «Signifie à Aharon ton frère qu’il ne peut entrer à toute heure (becol-êth) dans le sanctuaire (el hakodech), dans l’enceinte du voile, (mibeth laparokheth), devant le propitiatoire (el pnéi hakaporeth) qui est sur l’Arche (aron) s’il ne veut pas encourir la mort car je me manifeste dans un nuage (beânan) au dessus du propitiatoire » (Lev, 16, 1, 2). Traduction de la Bible du Rabbinat.

Entame étonnante! Il aura fallu attendre trois parachiot au moins pour apprendre à quoi il convenait de procéder après la mort brutale de deux des fils d’Aharon qui avaient d’enthousiasme présenté un feu néanmoins étranger devant Dieu, un feu qui ne correspondait pas à celui requis par son Service. Cet intervalle est loin d’être arbitraire. Il tend surtout à ne pas compacter un récit de mort avec l’exposé de règles concernant la vie, quitte à y revenir au moment pédagogique et spirituel le plus opportun, celui qui à présent s’ouvre à notre intelligence.

Et il faut avant tout prêter attention à la connexion phonétique de plusieurs termes: d’abord le nom de Aharon, qui n’est séparé que d’une seule lettre du mot aron qui désigne l’Arche de la Loi ; mais encore les mots voile, parokhet, et propitiatoire, kaporeth, constitués des mêmes lettres présentées dans deux combinatoires différentes. Sans doute pour nous indiquer qu’entre ces éléments opèrent des continuités, des « courances » qu’il faut se garder d’interrompre ou de mal aiguiller.

La mort de Nadav et Avihou a donné lieu à de nombreux commentaires qui présentent néanmoins un point commun. En tant que cohanim ces deux fils d’Aharon ont accompli une liturgie de portée divine qui ne leur incombait pas. Il ne s’agit pas de juger de leurs motivations. Il s’agit surtout de prendre conscience qu’aussi prés qu’il soit ou qu’il se veuille de la Présence divine, même un cohen doit réaliser qu’entre Elle et lui il ne saurait y avoir de commune dimension. Aharon a beau être par son nom même au plus prés possible du arone, de l’Arche où sont déposées les Tables de la Loi, celles –ci, eussent elles été réécrites de main d’homme, en l’occurrence par Moïse après la transgression du Veau d’or, ont été initialement gravées du doigt de l’Eternel.

Deux autres termes, également fort proches, permettent d’en prendre une plus claire conscience encore: parokhet, qui désigne le voile tamisant l’intensité de la Présence divine et qui en permette l’accommodation par l’esprit humain, et kaporeth, le propitiatoire qui, lui, atténue la peccabilité inhérente à la condition humaine et permette de ce fait l’approche vitale de cette Présence. Car l’on n’entre pas de plain- pied et, si l’on ose dire comme dans un moulin, dans le Sanctuaire et à plus forte raison dans le Saint des Saints. Pour s’y aventurer il faudrait s’estimer – fort dangereusement – être parvenu à un degré de perfection qui n’est qu’illusoire négation de cette peccabilité. Le bois peut se prétendre ignifugé. Il suffit de l’approcher de la flamme pour démontrer à quel point il s’avère au contraire combustible.

L’Eternel est le lieu du monde, son makom. La notion de Présence divine, de Chekhina indique que le Créateur dispense les bienfaits de cette Présence à l’ensemble de ses créatures créatrices et qu’au moment où il y procède Il est tout entier à chacune d’elles, en communication (ânan) intimement personnelle. Imagine t-on au moment où se déroule l’entretien du Buisson ardent, ou lorsque se déploie la demande de pardon de Moîse au Sinaï que quiconque ait cru devoir faire irruption de soi-même dans cet envoi en mission libératrice ou dans la prière salvatrice du prophète!

La disponibilité divine doit toujours se vérifier. Il y faut le temps d’une préparation, d’une approche, d’une hitkarbout. L’enthousiasme ne doit pas se confondre avec l’impulsivité, ni la spontanéité avec le passage à l’acte. C’est pourquoi les desservants du Sanctuaire devaient s’abstenir de toute boisson enivrante, ivresse des affects ou ivresse des «idées».

RD

Bloc-Notes: Semaine du 1er Avril 2014

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on avril 7, 2014 at 9:21

1er avril.

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Le répéterons nous jamais assez: la pire des politiques est la politique du pire, toujours dictée par la passion qui aveugle, par l’esprit de rivalité qui rend idiot, par le sentiment délétère qu’autrui est le surnuméraire de notre propre existence. La passion partisane, le dissentiment idéologique, les rivalités de personnes, l’addiction au pouvoir – cette drogue dure-doivent céder à la fin devant l’intérêt général. La France vient de se doter d’un nouveau gouvernement dirigé par Manuel Valls. Au lieu de tirer à vue sur le pianiste, laissons-le jouer ses premiers morceaux avec son nouvel orchestre. Pourquoi préparer son échec en lui imputant des intentions «gauchocides» ou des visées traîtresses? A l’évidence, et pour aussi cruel qu’il soit de l’indiquer, une grande partie de la Gauche, ou de ce qu’il en reste, se projette déjà dans l’après – Hollande et commence à baliser ses futurs territoires politiques ou zones d’influence. En ce sens la Duflot ne laisse planer aucune équivoque. Pour elle l’échec du président actuel est acté et il suffira le moment venu de le pousser dans le fossé. Seulement François Hollande se laissera t-il faire aussi facilement? La Droite a sans doute marqué des points importants lors des dernières Municipales et escompte reprendre la main au Sénat à l’automne. Pourtant ses divisions restent plus voyantes que celles du Vatican. Il n’est que de suivre les tortillements de la NKM, pour ainsi la «sigler», au conseil de Paris – en passant l’on observera que quiconque se laisse aller à ce « siglage », comme MAM ou DSK aussi, finit plutôt mal. Si Jean-François Copé joue les vainqueurs sobres et soucieux de l’avenir, le silence de François Fillon en pleine surveillance d’Alain Juppé est plus cinglant qu’un coup de clairon. Quant à Nicolas Sarkozy, sans doute satisfait d’avoir rendu au pouvoir en place la monnaie de sa pièce, on ne l’entend pas non plus. Jeux du cirque? La France n’est pas le cirque Pinder. Pendant que Laurent Fabius élargit sa zone d’influence, que François Bayrou ressuscite d’entre les morts, que Martine Aubry se nettoie les dents au vinaigre, que Mélenchon se crêpe le chignon avec les spectres d’un PCF qui s’imagine toujours en 1945, et que Marine le Pen joue la vieille dame à qui l’on vient d’arracher son sac, des hommes et des femmes du commun perdent jusqu’à la notion de l’avenir. Quoi que l’on dise, les germes du racisme prolifèrent. Tout se paiera cash aux Européennes si des mesures sensées ne viennent pas réorienter un désir de vie sans alternative. On annonce la sortie ces jours-ci d’un film consacré à Noé. Pour paraphraser un slogan publicitaire non dépourvu d’humour, le Déluge dévastateur c’était bien «avant»? Encore quelques semaines pour un début de réponse.

3 avril.

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Le secrétaire d’Etat américain en visite exceptionnelle dans cette Algérie dont le temps qui s’écoule éloigne inexorablement les générations du déracinement. L’objet officiel de cette visite? La lutte contre le terrorisme. Qui aurait imaginé en 1962, l’année de son accession à l’indépendance, que la République algérienne en serait là aujourd’hui! Abdelaziz Bouteflika se présente pour un nième mandat présidentiel, alors qu’on le dit malade et diminué. Signe sans doute que nul à part lui n’est en mesure de préserver le réseau d’intérêts que constitue le système algérien et dont il n’est pas sûr que la population de ce pays profite pour ses biens les plus primaires. Non loin, la Libye s’est transformée en dépotoirs de milices armées jusqu’aux dents et en arsenal pour unités islamistes – nihilistes. Avec une décolonisation mythifiée, l’idée d’indépendance a été promue sans qu’on ait eu la véritable intelligence de ses étayages. Il est heureusement des exceptions: l’Inde, Israël quelles que soient les déblatérations qui visent ces pays. Même la Chine-continent sait prendre son temps et réussit sa transition. Bien faire et laisser dire. Le monde va vite et le vent de l’Histoire balaie les fétus de paille. A se demander s’il ne faut pas applaudir et vivement encourager les militants des boycotts en tous genres tant ils font rétrograder les causes qu’ils prétendent promouvoir.

6 avril.

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Plus la déréliction semble s’épandre dans la vie politique, plus il faut se libérer les bronches et dénouer nos synapses intactes. Repris le monumental « Beethoven » de Brigitte et Jean Massin afin de redécouvrir la mesure de cet immense créateur dont il est possible d’acquérir l’intégrale de son oeuvre en une centaine de disques pour un prix modique. A propos de Beethoven comme de Michel Ange ou de Balzac, il faut se garder de l’abus des mots «titan», «génie» et autres outrances verbales. En vérité ces créateurs, mais également Kepler et Galilée, incarnent la véritable dimension de la créature humaine lorsqu’elle ne se désiste pas de sa vocation. Qui fut plus handicapé physiquement que l’auteur de la 9ème Symphonie? Des parents minés jusqu’aux moelles par la maladie, une surdité étrange comparable à ce qu’eût été la cécité d’un Vinci continuant à peindre. Bien sûr qu’il y faut des aptitudes innées, des dons de Dieu. Qui a vraiment vérifié ceux dont lui même a été également gratifiés? Beethoven était conscient des dons qui lui furent départis. Il écrit, lui, le musicien sourd: «C’est si beau la vie, de la vivre mille fois». Et il ajoute: «Auprès des œuvres du Très haut tout est petit». Sauf, lorsqu’à son exemple on se hausse jusqu’à Lui sans se prendre pour Lui. Beethoven est divinement créateur par sa musique seule et non parce qu’il s’est voulu le rival de Dieu. Wagner l’a t-il ainsi compris?

 RD

 

 

La Matsa… une nourriture saine ?! – Par le Grand Rabbin Daniel Dahan

In RELIGION on avril 2, 2014 at 9:16

En évoquant Pessa’h, nous pensons naturellement à la fête fondatrice du ‘Am Israël, du Peuple juif. Les soirées du Seder où notre questionnement sur notre manière de vivre le judaïsme revient de manière lancinante. En dehors de ces aspects intellectuels, Pessa’h se distingue surtout par les nombreux commandements, tant positifs que négatifs, qui y sont afférents.

Ainsi, la Torah nous livre deux injonctions fondamentales concernant la fête de Pessa’h :

  • « …vous ferez disparaître le levain de vos maisons. Car celui-là serait retranché d’Israël, qui mangerait du pain levé [‘Hametz], depuis le premier jour jusqu’au septième. »[1]
  • «  Le premier mois, le quatorzième jour du mois au soir, vous mangerez des azymes [Matsa], jusqu’au vingt-et-unième jour du mois au soir. »[2]

La Torah nous intime l’ordre de respecter scrupuleusement deux injonctions qui, pour vitales

qu’elles soient, relèvent de registres diamétralement opposés.

Pour quelle raison doit-on rigoureusement s’abstenir de tout levain durant la fête de Pessa’h ; pourquoi faut-il consommer de la Matsa ?

A toutes ces questions, le Rav ‘Haym Friedlander[3] zatsal répond de la manière suivante :

Le ‘Hametz provient d’un cheminement physique ; même sans levain, une pâte finit par fermenter. Le ‘Hametz se constitue donc comme une démonstration évidente des lois de la Nature pouvant aller à l’encontre de l’idée d’un D.ieu tout puissant et Maître de l’univers.

La Matsa, elle, doit être fabriquée en un temps très court afin de montrer la célérité de D.ieu pour nous sortir d’Egypte. Cette vitesse dans la fabrication constitue un signe de la toute puissance de l’Eternel, qui se situe en dehors du temps et le domine totalement.

Le Maharal de Prague[4] nous explique que la sortie d’Egypte en précipitation ; en dehors du temps, vient nous montrer la toute puissance de l’Eternel qui nous a placé hors du temps ; à la différence de du ‘Hametz qui lui montre la soumission de l’homme aux lois de la Nature. Un élément important nous est aussi enseigné par la même occasion : les lois de la nature n’ont pas un fonctionnement autonome dans la Création, elles ne découlent que de la volonté divine.

Dans ces conditions, nous ne pouvons que nous demander pourquoi la Torah ne nous a-t-elle ordonné de consommer de la Matsa uniquement le premier soir et non durant les sept jours (huit en dehors d’Israël), alors que le ‘Hametz reste interdit durant toute la fête ? En fin de compte, le ‘Hametz et la Matsa ont des fonctions, somme toute, complémentaires voire similaires.

La réponse tient dans l’appréhension que nous avons de ces rites qui peuvent nous paraître étranges si on ne prend pas la peine de les comprendre. La Matsa, qui symbolise la toute puissance du Saint-Béni-Soit-Il, vient enraciner en notre for intérieur cette croyance fondamentale ! C’est la raison qui pousse la Torah à nous en ordonner la consommation alors que nous sortons d’Egypte pour nous booster spirituellement ! L’Eternel ordonne aux enfants d’Israël de prendre un médicament pour la Foi : la Matsa.[5]

La Matsa nous est impérative le premier soir pour montrer le Don gratuit reçu par les enfants d’Israël à la sortie d’Egypte afin de leur inculquer la Foi en un D.ieu tout puissant. Mais ce don doit ensuite être cultivé par un travail personnel pendant les sept jours de Pessa’h ; qui ne sont eux-mêmes que le préambule au but de la Sortie d’Egypte : le Don de la Torah à Shavouot sept semaines plus tard.

Ainsi, en consommant la Matsa le soir du Seder léshem mitswa (pour accomplir la volonté divine), nous accomplissons les rites inhérents à la fête, mais nous consommons surtout une nourriture saine… pour notre âme !

‘Hag saméa’h à toutes et à tous !!

Grand Rabbin Daniel DAHAN

[1] Exode XII ; 15

[2] Exode XII ; 18

[3]Sifté ‘Haym  Mo’adim vol. II, p. 342-345

[4] Gevourot HaShem ch.51

[5] Zohar, Tetsawé 183b

Le sens des mitsvot : Parashat Metsora par le Grand Rabbin Daniel DAHAN

In RELIGION on avril 2, 2014 at 8:57

29 Métsora14

Le corps miroir de l’âme

Le Sefer Ha’Hinoukh[1] comptabilise 11 commandements positifs contenus dans cette parasha, au rang desquels on trouve l’obligation qu’a tout lépreux (metsora), dans le cadre de son cycle de purification, de se passer le rasoir sur tout le corps[2] le septième jour. La source de cette obligation se trouve dans la Mishna de Néga’ïm (XIV ; 4) qui trouve un appui scripturaire dans le verset[3] : « Et le septième jour il rasera tout son corps… ».

 L’homme qui se trouve dans une situation aussi pénible que celle du lépreux aura à cœur de réfléchir aux causes de son mal et au moyen de l’éradiquer, non pas en s’attaquant aux seuls symptômes mais en allant aux racines du mal. Pour cela il se doit de réaliser que son attachement aux vanités de ce monde et son désir de dominer autrui par tous les moyens l’ont conduit au bord du précipice. La Torah va lui demander de se tenir à l’écart de la société dont il a perturbé l’harmonie afin qu’il puisse reprendre ses esprits spirituels et changer de voie. L’eau, on le voit dans le cycle de purification, joue un rôle majeur afin de replonger l’individu concerné dans un « bain de jouvence » spirituel, comme s’il venait d’être créé, à l’instar du monde qui, après le Chaos originel, était recouvert d’eau avant la création de l’Homme. Il se considérera comme venant d’être créé et démarrant une nouvelle vie.

 Il en sera de même pour le fait de se raser tout le corps, il faut que l’individu concerné se sente littéralement venir au monde pour la première fois. Il vient de naitre et sa pilosité vient d’apparaître. Cette renaissance spirituelle s’accompagne d’une renaissance physique.

 L’homme ou la femme, affligés de ce mal prendront soin de respecter scrupuleusement le cycle qui les mènera à la rédemption tant matérielle que spirituelle. Le metsora n’existe que dans une époque de relation intime avec le divin, c’est l’ère de la prophétie qui prend, grosso modo, fin avec la destruction du 1er Temple. C’est une période où le corps est le reflet de l’âme, il laisse apparaître les défauts de tout un chacun.

Depuis l’Exil de Babylone (-587), c’est la Torah qui accompli cette mission purificatrice, comme l’eau elle revigore le corps, abreuve l’âme, la purifie, lui permet d’être le miroir que l’on souhaite resplendissant de l’âme juive.

[1] Sans doute l’œuvre de Rabbi Aaron Halévi de Barcelone (XIIIème siècle), élève de Rabbi Salomon ben Adreth (Rashba) et sans doute aussi de Nachmanide, qui comptabise et commente les mitswot au fur et à mesure de la Torah.

[2] N° 174.

[3] Lévitique XIV,9.

Bloc-Notes: Semaine du 31 mars 2014

In BLOC NOTES on avril 2, 2014 at 8:26

31 mars.

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Le second tour des Municipales a confirmé et amplifié le premier. La défaite du PS et de ses alliés est «historique» mais il ne faut pas sous-estimer la conservation de Paris, de Lyon, de Lille, de Strasbourg qui ne sont pas de simples bourgades. Inutile de se répéter. Il n’était besoin d’être ni voyant ni prophète pour annoncer que la sanction serait lourde après tant d’affaires et de scandales en deux ans et surtout au (non) vu de résultats si peu probants en matière d’emploi durant cette même période. Il s’ensuit logiquement la succession de Manuel Valls à Jean-Marc Ayrault, personnalité estimable, portée au consensus mais qui ne semble pas avoir complètement pris conscience de la dureté des temps. Son speach funèbre dimanche soir le montrait complètement sonné, cherchant ses mots et ne trouvant pas la meilleure composition de son visage pour la circonstance. Manuel Valls est jeune, sachant être calme ou bouillant, déterminé à réussir car dans la mission que François Hollande lui a confiée il faut également une goutte de folie kamikaze. Sitôt son nom prononcé, Cécile Duflot lui a opposé un cinglant non possumus. Les écologistes ne feront pas partie de son équipe et le bureau du «mouvement» l’a décidé démocratiquement – ne rions pas – par sept voix contre trois! A n’en pas douter, le mouvement qualifié d’« écologiste » fera la joie des politologues du futur. Avec quelques milliers d’adhérents à peine pour toute la France, il a su se doter de députés et de sénateurs occupant des positions-clefs et de ministres qui à eux seuls ont fait la météo politique du pays. Cécile Duflot en est l’incarnation, animée par une ambition dont ce serait trop peu de dire qu’elle est féroce. De quoi cherche t–elle à se revancher? Sous elle et par elle l’écologie en France est devenue non seulement un créneau politique mais une aubaine politicienne. Il n’a été que de constater comment le «mouvement» a décidé de sa non-participation à l’équipe Valls, au grand dam d’autres de ses membres qui se seraient bien vus ministres en lieu et place du piranha vert et cela, ne rions pas trop fort non plus, «à titre personnel». On connaissait les évêques in partibus, les ministres sans portefeuille et les ambassadeurs honoraires mais pas encore cette sorte de candidats-ministres représentatifs de personne mais qui s’auto–pressentent sur leur exclusive bonne mine. Le problème de toute élection se pose néanmoins dès le lendemain de celle–ci. Où le nouveau Premier ministre trouvera t-il les milliards d’euros qui manquent au budget et le placent sur une pente grecque ? Les finances publiques sont au-dessous de zéro et dans ces conditions les talents personnels ne suffisent pas. La gauche du PS ne veut pas de Valls et organise sa fronde qui vise aussi l’actuel Président de la République. Montebourg prend Bercy. Exit Moscovici. Exit Peillon. Taubira reste rivetée à la Justice. Ségolène arrive avec les crocs. Fabius l’Ancien plane et surveille. Plus on est de fous… Surtout que les Européennes sont annoncées au quai le plus proche et que dans la cohue actuelle les signaux d’alarme ne se perçoivent pas distinctement, d’où qu’ils émanent.

1er avril.

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La Crimée gambade aux côtés de la Russie pendant que l’armée ukrainienne essuie avanie après avanie. L’effarant dans l’affaire est l’absence de toute réaction internationale digne de ce nom. Impuissance politique et militaire ou sidération psychologique, comme si les Etats-Unis et l’Union Européenne en chute libre dans l’opinion russe réalisaient qu’elles avaient joué avec le feu en Ukraine et que la punition suivait exactement le chemin du péché! Une autre dimension doit sans doute être prise en compte: Obama est devenu le principal disciple de son idéologie pacifiste.

Dans l’histoire américaine, il veut laisser la trace d’un Président qui n’aura jamais fait la guerre qu’au tour de taille de ses collaborateurs. Poutine et alii sont sans doute d’une autre trempe. S’ils ne veulent pas la guerre pour la guerre, ils ne refusent aucun affrontement, ne redoutent aucune épreuve de force. Ils ont compris qu’en face d’eux se tenaient des nations sans véritables assises, aux menaces strictement verbales et qui auraient bien du mal à tourner longtemps leurs moulinets comme on l’a vu avec la France face à la Syrie d’Assad. La politique conserve t –elle le moindre sens privée de ce courage qui fait réfléchir l’adversaire avant de dissuader l’ennemi éventuel? Obama a tout de même assisté en direct à l’élimination de Ben Laden dans son repère au bout du monde. Politique ou western?

2 avril.

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Relire les livres de son enfance et en découvrir la véritable grandeur. Rouvert à cette fin le premier tome du « Vicomte de Bragelonne ». Quel talent que celui de Dumas! L’on y retrouve nos trois mythiques mousquetaires «incorporés» l’un à l’autre, constituant une véritable entité trinitaire adornée de d’Artagnan bientôt sexagénaire. Le temps a passé encore depuis «Vingt ans après» et Proust en personne a été sensible à ses effets sur le groupe de nos héros dont chaque membre intimement lié aux autres reste profondément singulier. Il faut lire et relire la description des derniers instants de Mazarin et la comédie par laquelle il fait dévolution de son immense fortune à son Roi, espérant que, touché par ce geste celui-ci la lui restituera. Il faut lire et relire le dialogue entre le jeune Louis XIV et le surintendant Fouquet qui sait lui aussi faire abandon somptuaire de sa fortune personnelle pour tenter de sauver ce qui lui reste de vie au bout du collet de Colbert. Chacun sait que Dumas a bénéficié du concours d’Auguste Maquet pour écrire ces romans océaniques. Ce n’était pas abus de collaboration. Par leur surabondance certains récits outrepassent la capacité d’expression de leur auteur initial et il faut s’y mettre à plusieurs pour en restitue le flux. Quelle vie humaine serait assez vaste pour enserrer tant de siècles, tant de mondes, tant d’intrigues! Et que dire des romans de «Dumaquet» sur la Révolution française et Bonaparte! Vivement le tome II du «Vicomte»!

RD