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L’«ISIS» NAISSANCE ET EXPANSION D’UN ETAT PIRATE – Radio J, 30 Juin 2014

In CHRONIQUES RADIO, SUJETS D'ACTUALITE on juin 30, 2014 at 11:36

Ce qui se déroule sous nos yeux et à nos portes, en Irak et en Afrique, est l’équivalent géopolitique de l’explosion de Tchernobyl ou de Fukushima. Des zones entières de la planète sont sur le point de se transformer en territoires voués à la destruction des Etats qui s’y inscrivent et la subjugation de leurs populations.

Car tel est l’objectif affiché de l’Etat Islamique autoproclamé dans le nord de l’Irak. Son chef, qualifié de Calife comme au bon vieux temps des conquêtes islamiques des VIIIe et IXe siècle de notre ère, vient de déclarer que son but était la mise au pas de tous les Etats de la région sous la règle unique du Coran tel qu’il le comprend: autrement dit ne faisant aucune part à l’idée de coexistence avec ce qui ne se courbe pas devant la bannière de Mahomet. C’est pourquoi il importe de nommer cet Etat non pas selon son appellation en langue française, autrement dit: « Etat Islamique en Irak et au Levant », soit EIIL, mais en anglais, soit ISIS: « Etat Islamique en Irak et en Syrie ». Pour commencer, avant que ne suivent les Emirats, la Jordanie, le Liban pour nous y limiter. D’autres Etats sont sur la liste, gagnés à cette cause ou sur le point de l’être: notamment la Libye et la Tunisie. Jusqu’à l’Europe où se configure un satellite de l’Etat Islamique puisque aux yeux du Calife et de sa clique l’Islam doit prévaloir partout où se tiennent des populations affiliées à la religion coranique, de Marseille à Amsterdam, de Roubaix à Sarajevo.

On comprendra donc qu’actuellement se joue rien de moins que la paix du monde car l’histoire du siècle dernier nous enseigne à quel point mettre un terme à des entreprises aussi insensées est difficile et le prix, humain et matériel, qu’il faut finalement consentir, faute d’avoir eu le courage de les neutraliser dès leur surgissement.

Dans cette situation l’Etat d’Israël une fois de plus se retrouve en première ligne et il faut avoir l’esprit bien bas pour prêter à ses dirigeants confrontés à une si vaste et si pressante menace des intentions politiciennes. Les unités armées du Calife Abou Bakr el Baghdadi exercent désormais leur contrôle sur une partie de la frontière jordanienne, à quelques encablures du territoire d’Israël. Les recherches jusqu’ici vaines pour retrouver les trois adolescents enlevés il y a deux semaines ont révélé à quel point les parties de la Cisjordanie sous contrôle présumé de l’Autorité palestinienne n’étaient plus que des annexes de Gaza qui est à sa manière un califat depuis que le Hamas y a pris le pouvoir. Sur le territoire d’Israël lui même, dans des localités comme Umm El Fahem des manifestations sont ostensiblement organisées en toute impunité par des militants du même Hamas soutenus par des parlementaires de nationalité formellement israélienne mais d’obédience islamiste et qui n’hésitent pas à faire l’apologie du kidnapping. Aucune autre loi que l’Islam n’a de portée à leurs yeux.

Le droit international connaît plusieurs sortes d’Etats, l’Etat classique, l’Etat artificiel, le pseudo-Etat et même l’Etat voyou. Face à la création d’un Etat pirate, tout autre Etat, membre de l’Organisation des Nations Unies et ayant adhéré à sa Charte, se trouve d’ores et déjà en état de légitime défense. A condition d’être déterminé à ne pas se laisser détruire, à l’image de la Syrie ou de l’Irak.

Pour le momentla diplomatie européenne, complètement décérébrée et qui fait penser à ces véhicules qui prennent l’autoroute à contre-sens, ne s’agite que pour appeler Israël à la « retenue ». Quant à Barak Obama c’est à Téhéran même qu’il espère trouver les raisons de continuer à ne pas assumer ses responsabilités.

Jusqu’à quand ?

                     Raphaël Draï zal, Radio J, 30 juin 2014.

Bloc-Notes: Semaine du 16 Juin 2014

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on juin 28, 2014 at 11:49

17 juin. 

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« Il faut tout changer », dixit Nicolas Sarkozy, orchestré par « Le Fig Mag ». Une formule n’a jamais constitué un programme et un programme n’engage que ceux qui y adhèrent, et encore… Pourtant la formule ne doit pas être prise à la légère. Que signifie « changer », verbe dont François Hollande a usé et abusé? Et que veux dire « tout »? « Tout » est un mot-clef dans le pamphlet explosif de Sieyès: « Qu’est ce que Tiers Etat? » qui devait contribuer à mettre le feu révolutionnaire dès janvier 1789 dans le déliquescent royaume de France. Pourtant le vocable est tellement englobant qu’il finit par s’auto-dissoudre, non sans causer de notables dégâts puisque entre le « toutalitarisme » et le totalitarisme il n’est guère que l’épaisseur d’une lettre. Ce que veux dire probablement l’ancien président, c’est que la Vème République n’est pas dans un état moins miteux et piteux que ce royaume en faillite sur lequel Louis XVI s’efforçait de proroger le règne des Bourbons. Ce ne sera pas la première fois que l’on en aura fait le constat. L’UMP est en lambeaux. Le PS est l’ombre du parti recréé par Mitterrand. Le Front de gauche fait croire aux tables tournantes. Seul le FN donne l’illusion qu’il incarne l’avenir. Or il ne suffit pas de changer le numéro d’une République pour en commuter la nature. S’il fallait fonder une VIème République sur les débris de la Vème, quelles seraient les novations décisives? Il faudrait que Nicolas Sarkozy s’en explique autrement que par des allusions distillées à son entourage proche afin que celui-ci les diffuse à la France entière. Quant au « changement », le seul qui vaille en priorité est celui qui infléchirait la courbe calamiteuse du chômage. Du coup quelles sont en ce domaine les solutions concrètes et précises préconisées par l’ancien président de la République et qui n’auraient pas été encore essayées? Surtout que l’économie américaine s’annonce atone et qu’à force d’attendre Grouchy c’est Blücher qui va surgir de l’horizon. D’où les rumeurs insistantes de dissolution de l’Assemblée nationale par François Hollande en 2015. Le prix de l’opération? Selon les sondeurs accrédités: au moins 100 sièges pour le PS et l’on pointe déjà lesquels. On peut comprendre qu’à ce tarif les intéressés préfèreraient dissoudre Hollande préventivement.

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De plus en plus difficile de comprendre la filandreuse stratégie américaine au Moyen Orient. Pour l’UE, la difficulté est moindre: elle n’en a pas. Catherine Ashton fait commander ses billets d’avion sans prendre l’avis de l’anglais Hague ni celui de Laurent Fabius qui comptabilise un nombre périlleux de nuits blanches. La doctrine Obama est surtout idéologique: nous ne sommes pas en 2014 face à l’IAIS mais en 1968 sur le campus de Princeton. Pourtant le sigle des djihadistes, surtout lu en anglais, est parfaitement explicite, ce que trouble son adaptation en langue française: AIIL: L’Armée Islamique en Irak et au Levant. En langue anglaise cela donne, sans aucune équivoque: en Irak et en Syrie, en attendant la Jordanie, le Liban, Tel Aviv et Marseille. Déjà une partie de la frontière irako-jordanienne se trouve sous le contrôle de la dite armée qui se nourrit des défections et des déjections du régime en place et pour qui la vie humaine a encore moins de valeur que les particules de sable dans le désert nombreux. Nul n’ignore que les djihadistes sunnites sont soutenus pour ne pas dire commandités par l’Arabie saoudite qui n’en demeure pas moins l’alliée principale des Etats Unis, lesquels croient néanmoins négocier simultanément avec le régime antagoniste d’Iran selon le truisme des « deux fers au feu », au risque de propager deux incendies d’un seul coup. Israël pour sa part est toujours à la recherche de ses trois adolescents enlevés selon la plus pure tradition barbaresque. Et l’on découvre ainsi que les territoires présumés sous le contrôle de Mahmoud Abbas ne constituent en réalité que des banlieues de Gaza, truffés de caches et de tunnels… Les autorités allemandes ont lancé un strident cri d’alarme: le feu, toujours lui, menace à présent l’Europe entière. En France, il semble que les sapeurs-pompiers ne soient pas complètement rompus à ce genre d’alerte et qu’au gouvernement on imagine toujours que pour éteindre des flammes goulues il suffit de leur tourner le dos…

23 juin.

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Achevé la lecture du tome II des « Lettres » de Tolstoï malgré la coupe du monde de foot. Je préfère le sport qui se pratique à celui où l’on se transforme en gibbon hurleur comme si, à chaque corner au second poteau ou chaque passe manquée, il y allait de la survie de l’espèce… On dira que tout cela vaut mieux que la guerre. A l’évidence mais est-il sûr que cela aussi n’en maintienne pas l’esprit? L’essentiel est de conserver face à son écran plat un minimum d’esprit ludique devant ces équipes bariolées de 11 joueurs coiffés à la huron, avec des chaussures fluos dépareillées et des maillots transformés en panneaux-réclame. Les stades ne sont en vérité que des hyper-marchés où l’exploit individuel ne cède que rarement devant l’esprit d’équipe tant chacun y est à la recherche d’un meilleur emploi au Réal, au PSG ou au Bayern. Et que dire du snobisme footballistique qui n’épargne ni les ministres ni les patrons du Cac 40, tombant la veste d’alpaga et enfournant leur part de pizza refroidie pour ne pas rater le coup franc de Benzema ou les slaloms de Valbuena… Revenant à Tolstoï, l’on s’interrogera longuement sur son apologie de l’amour qui présente ce point commun avec le sport tel qu’on le comprend: la pratique en vaut toujours mieux que le spectacle. C’est pourquoi en même temps que les lettres du patriarche de Isnaïa Poliana, il faut lire le « Journal intime », minutieusement tenu, de son épouse Sophia et qui en constitue pour tout dire la contre-marque. « Aimez! » dit-il. « Ah bon! » dit-elle..

RD

LE SENS DES MITSVOT: PARACHA H’OUKAT

In RELIGION on juin 26, 2014 at 1:18

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« Voici la règle (hathora), lorsqu’il se trouve un mort dans une tente (baohel): quiconque entre dans cette tente et tout ce qu’elle renferme sera impur (ytmah) durant sept jours; et tout vase (kéli) qui n’est pas entièrement clos d’un couvercle, sera impur. Quiconque touchera (acher ygâ), en pleine campagne (âl pnéi hassadé), au corps d’un homme tué par le glaive ou mort naturellement ou à un ossement humain ou un sépulcre sera souillé pendant sept jours. Pour purifier l’impur on prendra des cendres provenant de la combustion d’un purificatoire (hah’atat) auxquelles on mêlera de l’eau vive (maym h’aym) dans un vase « (NB, 19, 14 à 16). Bible du Rabbinat.

A l’évidence et une fois de plus les prescriptions précitées semblent renforcer les stéréotypes les plus ancestraux concernant le ritualisme d’Israël, son attachement à une pureté obsessionnelle et tout extérieure au point de méconnaître la vie de l’esprit et les aspirations spécifiques de l’âme. Il se peut aussi que ces prescriptions n’aient rien à voir avec ces dispositifs névrotiques et qu’au contraire elles soutiennent les exigences de cette vie spirituelle et la vie propre de l’âme déposée en l’Homme par le Créateur.

Car quoi que l’on fasse, et quelles que soient les élancements de notre vie intellectuelle, la mort est un fait et c’est par elle que s’achève, au moins temporellement, toute existence. Sans la dénier, il s’agit de savoir comment éviter qu’elle ne devienne, elle, une obsession au point d’ôter à l’existence présente toute motivation et toute perspective. Comme le dit le Roi agonisant dans la pièce de Ionesco: « Le Roi se meurt »: « A quoi bon naître si ce n’est pour toujours! ».

Mais une hégémonie ne se marque vraiment que dans un lieu clos, lui même sans ouverture et sans environnement. Qu’est ce à cet égard qu’une tente, en hébreu OHeL? Un lieu fermé? Sans doute non. Mais un lieu doté d’une protection contre les intempéries et simultanément d’une ouverture vers la transcendance. Les lettres qui forment le mot OHeL sont les mêmes que celles formant le mot HaEL: la divinité, celle qui promeut la vie puisque ce mot est à son tour formé sur le radical EL qui désigne toujours une direction, un aller- vers, ou une poussée vitale, comme dans ILaN, l’arbre. On sait qu’en hébreu le mot arbre se dit de deux façons; soit ÊTs, qui désigne son arborescence bifurquante, des racines jusqu’à ses ramilles; soit ILaN qui désigne sa croissance verticale.

Si, selon les circonstances, un mort se trouvait dans un lieu marqué par une pareille symbolique, intiment contradictoire, par où se profilerait le risque d’une nouvelle confusion entre la vie et la mort, il faut d’abord et avant tout reconnaître, avec lucidité, ce risque là. La notion d’impureté (au sens biblique de toum’a) en rendra compte. Comme si la mort recélait l’on ne sait quel pouvoir irradiant, quelle contagiosité psychique. Durant sept jours, ayant respiré de cet air là, il faudra alors se déconditionner réellement. Il n’en ira pas autrement si dans les mêmes circonstances l’on se trouvait en contact avec un vase non hermétiquement clos dans lequel cet air mortifère aurait pu s’insinuer et devenir par son usage ultérieur transmetteur de cette confusion morbide.

Et c’est sur ces points précis que le dispositif prophylactique ne se transforme justement pas en dispositif obsessionnel. D’une part l’impurification initiale n’est pas permanente et irréversible: elle dure sept jours, durée homologue à celle de la Création; d’autre part, il n’est question seulement que de vases ou de réceptacles non étanches. Les autres ne sont pas concernés, sous des modalités que l’on explicitera dans la Michna.

Si l’on était porté à assimiler ces prescriptions à une sorte de principe de précaution, l’on doit alors constater que celui-ci ne vire maladivement pas à la phobie. L’indication d’une limite à la limitation elle même est précisément ce qui distingue une règle morale ou juridique d’un conditionnement névrotique. Il n’en va pas autrement en cas de contact en milieu ouvert avec un cadavre ou avec ce qu’il en reste. Le contact (magâ) ne doit pas transformer en inoculation (négâ). Dés lors, les mêmes prescriptions s’avèrent applicables, selon la même intentionnalité.

Confirmant la cohérence de ce dispositif de retour à une vie détachée des fascinations éventuelles de la mort, l’on comprend mieux en quoi consiste la procédure – car c’en est une – de purification. L’on aspergera la personne en cause d’un liquide singulier constitué par les cendres d’un sacrifice nommé h’atat: la faute – ou la transgression: des cendres par nature résiduelles mais mélangées dans de l’eau vive. En réalité l’expression maym h’aym peut s’entendre d’une autre manière encore: le courant de la vie, laquelle finalement doit seule prévaloir.

                                                   R.D.

LE DJIHAD DANS LES ESPRITS – Radio J – 23 Juin 2014

In CHRONIQUES RADIO, SUJETS D'ACTUALITE on juin 23, 2014 at 1:09

L’enlèvement des trois adolescents juifs qui faisaient du stop en territoire cisjordanien sous contrôle de l’Autorité Palestinienne, et cela sans aucune revendication ouverte d’une part; l’assaut donné au régime irakien par les forces djihadistes de l’Etat Islamique en Irak et au Levant d’autre part, devraient conduire à de profondes mises en cause des définitions de l’éthique et à de déchirantes révisions stratégiques.

Car, outre les procédés eux mêmes, ces événements mettent en oeuvre un schéma mental dont la nocivité n’est pas prés de s’atténuer. Dans les deux cas, les auteurs de crimes et de violence ne se reconnaissent liés par aucune loi, ni par aucun droit pouvant protéger autrui mais, simultanément, ne cessent de rappeler leurs protagonistes au respect de leurs propres lois et de leurs propres dispositifs juridiques, à leur seul bénéfice. Ainsi, le crime d’enlèvement est à présent encotonné dans celui de «riposte disproportionnée» imputée aux forces de sécurité qui recherchent les trois adolescents enlevés sans qu’il en reste trace. En Irak, les crimes de masse commis par les djihadistes, les captations de territoire comptant des milliers de kilomètres carrés, l’emprise désormais exercée sur la frontière irako-jordanienne, les violences contre nature faites aux non-combattants, sont d’ores et déjà absous par l’invocation à la lutte pour la « libération » de ce pays des mains de ceux là-mêmes qui l’avaient soustrait à la dictature de Sadame Hussein. Et cela, jusqu’à présent au moins, sans aucune réaction ni militaire ni diplomatique des Etats-Unis et d’une Europe qui sait pourtant se gendarmer comme un seul homme à l’annonce par l’Etat d’Israël de la construction d’une tranche d’habitations civiles.

Ce schéma affecte jusqu’au système parlementaire israélien où, situation sans doute unique au monde, des députés comme Ahmed Tibi ou Hanin Zoabi, abusant de leurs prérogatives et de leur immunité, prennent ouvertement le parti des kidnappeurs et justifient cyniquement leur crime par l’invocation à la « libération des territoires occupés ». Comme si ces Havrei Knesseten titre comptaient leur nationalité, qui jusqu’à preuve de contraire est la nationalité israélienne, pour moins que ce qui se jette dans une poubelle de gare routière. Imaginerait-on une situation analogue à l’Assemblée Nationale ou à la Chambre des Communes ?

Partout la stratégie des djihadistes, de corps ou d’esprit, est la même et s’avère d’une redoutable efficacité: paralyser la réaction de leurs ennemis en infectant leur sens de la culpabilité et surtout en sollicitant leur narcissisme moral. Des organisations comme Amnesty International ou Bétselem au plan régional dont on n’a pas entendu un mot après l’enlèvement de ces êtres humains, sans doute parce qu’à leurs yeux, étant «code-barrés» «colons» ils ne le sont pas vraiment, en appellent à présent les autorités israéliennes au sens de la «retenue».

Dans un de ses articles les plus acérés de 1939, le grand écrivain anglais Georges Orwell, cherchant à expliquer la prise de pouvoir en Europe sans coup férir par les partis totalitaires, invoquait à ce propos l’interaction destructrice entre ces deux personnages qu’il appelait dans son langage peu châtié d’un côté « le gangster » et de l’autre « la lavette ». Changerait-il aujourd’hui sa manière sa façon devoir? Il appartient aux régimes démocratiques, et qui entendent le rester, de le démontrer.

                           Raphaël Draï zal, Radio J, le 23 juin 2014

BLOC NOTES: Semaine du 9 juin

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on juin 22, 2014 at 11:38

10 juin.

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Annonce de grèves très dures à la SNCF. Le gouvernement avertit qu’il ne cèdera pas. Les syndicats concernés répondent qu’ils ne cèderont pas non plus. Pour leur part, les usagers consultent leur tableau de RTT, regonflent les pneus de leurs vélos ou sollicitent les sites de co-voiturage. De part et d’autre l’on péjore les intentions du protagoniste. Pour les syndicats, ce gouvernement dit de « gauche » mène une politique du temps de Thatcher. Pour le gouvernement de Manuel Valls, les syndicats français sont les plus ringards de la planète. Et si d’autres ressorts jouaient en vérité? La représentation mentale des Finances publiques est surdéterminée par celle de déficit, par l’image du tonneau des Danaïdes. L’Etat est à bout de ressources et ne peut distribuer, sous forme directe ou non, un argent qu’il n’a plus, ni augmenter la dépense publique tout en satisfaisant aux obligations drastiques de la Commission bruxelloise. Mais dans le système économique et social actuel, ce que dépense l’Etat nourrit en contre-partie le revenu de ses agents ou de ses affiliés. Prétendre réduire le déficit est certes louable. Comme il correspond symétriquement à des rémunérations, à des salaires, à des aides multiformes, la quadrature du cercle en fait un cercle plus rigide que l’acier. Au surplus, la dimension collective de l’existence ne cesse de s’éroder. Chaque individu se transforme en îlot souverain et renâcle lorsque l’on prétend toucher à ses clôtures… Le décalage devient ainsi béant entre les valeurs officielles de la république (le « vivre-avec », le désintéressement, le service public etc…) et les conduites effectives. Rappelons-le autant que nécessaire: aucune politique durable, à moins de se transformer en nécrose à visage étatique, ne peut se limiter à des mesures négatives, de restriction, de réduction d’effectifs, de licenciements, de ponctions fiscale, sans contre-partie. Autrement, c’est le principe même de l’Etat qui se trouve mis en cause. Toutes les idéologies se sont fracassées devant cette évidence. Comment retrouver la croissance qui permettrait de reformuler le schéma fondamental de la vie en commun, en repassant effectivement du « vivre-sans » à nouveau « au vivre-avec »? Nombre d’économistes affirment que les Trente Glorieuses ont été une parenthèse, qu’elles sont indissociables des reconstructions massives requises par l’après-seconde Guerre mondiale. Depuis l’achèvement de ces reconstructions, les besoins primaires des populations étant satisfaits, on ne sait plus par quoi les relayer de sorte à créer de nouveaux emplois, dignes de ce nom, et à stimuler une demande véritablement créatrice. Pour y répondre, il faudrait que les besoins de l’esprit et ceux de l’âme fussent érigés en données immédiates de l’économie politique. Non seulement ces besoins sont insatiables mais pour y répondre il suffit parfois d’un livre de poche ou de s’accouder au Pont des Arts. A condition, il est vrai, de pouvoir également payer son loyer.

12 juin.

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La diplomatie mondiale, occidentale en tous cas, semble frappée de torpeur devant les offensives éclairs des djihadistes en Mésopotamie. Les éléments armés de l’Armée Islamique en Irak et au Levant – en attendant l’Occident – se sont emparés de plusieurs villes et localités importantes, en y commettant de sanglants massacres de chrétiens et de chiites. Obama ne bouge pas et prend langue avec l’Iran. Tout se passe comme si à la Maison blanche l’on n’excluait plus une dislocation territoriale de l’Irak entre sunnites, chiites et kurdes, les uns et les autres sous les magistères antagonistes de l’Arabie saoudite ou de Téhéran. Après tout, dira t-on, l’Irak est un Etat artificiel, créé de toutes pièces dans la foulée du premier conflit mondial. Pourquoi ce qui a été ainsi monté ne serait pas aujourd’hui démonté? Pareil raisonnement serait simpliste et surtout dangereux. Les buts de guerre de l’AIIL ne sont pas limités à l’Irak. Ils visent à assurer l’hégémonie de cet islam- là non seulement dans tout le Moyen Orient mais partout où vivent des populations de confession coranique. Le feu commence à prendre sur le territoire européen, comme viennent de l’admettre les autorités allemandes et britanniques. Et que dire de la France… La question posée aux services de sécurité concernés et même aux responsables de la défense nationale s’avère d’une redoutable complexité: comment lutter contre un ennemi qui ne se reconnaît lié par aucune règle de droit ou de morale mais qui vous rappelle sans cesse aux vôtres? Il faudra bien trancher. Si la peine de mort a été abolie dans maintes démocraties contre les individus elle ne l’a pas été contre les démocraties elle mêmes.

15 juin.

Le dernier train de Gun Hill

Revu le fameux western de John Sturges: « Le dernier train pour Gun Hill » (1959). Deux acteurs d’exception tiennent les principaux rôles dans cette véritable Tragédie de l’Ouest: Kirk Douglas et Anthony Queen, le blond et le brun-noir. La femme du premier, sheriff de son état, une indienne – a été violée à mort par le fils de l’autre, gros propriétaire terrien qui croit pouvoir faire la loi chez lui. Mais le sheriff, Patt Morgan, ne l’entend pas de cette oreille et va chercher le violeur, lui même orphelin de mère, jusqu’au ranch paternel afin de le faire comparaître devant un tribunal dont la sentence est prévisible. Le père, Craig Belden, ne l’entend pas de cette oreille non plus. Le sheriff alors passe à l’acte et s’empare de vive force du fils à papa qu’il séquestre dans la chambre d’un hôtel, le colt braqué sur sa tempe en attendant qu’arrive le dernier train qui le conduira jusqu’à la prison, en attendant la comparution devant le tribunal fatidique et sans doute la pendaison du meurtrier. A ce coup de force, le père répondra par l’assaut en règle de l’hôtel. Pourtant les deux hommes sont amis. Mais rien ne doit résister à la Loi. Ils ne le seront plus. Et c’est dans la nuit embrasée par l’incendie de l’hôtel que le sheriff conduira le fils menotté, le canon d’un fusil à présent poussé sous la mâchoire, au train nocturne enfin arrivé. Le père et ses hommes de main suivent, guettant sa défaillance. En réalité c’est le fils qui en sera victime. La fin du film signée par le duel entre les deux pères meurtris est digne de l’Antique.

Il faudrait qu’Obama qui semble abonné à Disney Land se fasse projeter cette grande leçon de choses.

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LE SENS DES MITSVOT: KORAH’

In RELIGION on juin 19, 2014 at 9:28

      A Daniel Draï, en souvenir de sa bar–mitsva

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« L’Eternel parla à Moïse en ces termes: « Parle aussi aux Lévites et dis leur: « Lorsque vous aurez reçu des enfants d’Israël la dîme (maâsser) que je vous donne de leur part, pour votre héritage, vous prélèverez là dessus, comme impôt (térouma) de l’Eternel, la dîme de la dîme (maâsser min hamaâsser) » » » (Nb, 18, 25, 26).  Bible du Rabbinat.

Certaines traductions du texte de la Thora sont réellement problématiques non seulement à cause de leurs contre–sens ou de leurs approximations mais en raison du pli qu’elles impriment aux dispositions précises et pratiques de ce texte. Ainsi en va t-il de la traduction précitée qui imprime aux prescriptions de volonté divine une tonalité surtout fiscale, engagée par la traduction de « térouma » en « impôt », alors que ce mot signifie offrande, comme le précise au demeurant cette même traduction à la paracha intitulée « Térouma ».

Et c’est donc cette tonalité fiscaliste qui risque de fausser le sens de l’institution nommée maâsser, traduit plus exactement cette fois par « dîme ». D’où ces deux questions emboîtées: quel est le sens de ce prélèvement, ou de cette contribution, pour tout Israël, et pourquoi les Lévites qui en étaient les destinataires devaient à leur tour et à leur niveau s’en acquitter également?

Le premier contre-sens est signalé par Chimchon Raphaël Hirsch.Pour le sens commun, la dîme consiste à prélever sur une quantité donnée le dixième de celle–ci. Ce sens là ne correspond pas à l’institution en question puisqu’un tel prélèvement se ramène finalement à réduire la quantité initiale ment donnée à 9 dixièmes de ce qu’elle représentait. L’opération est donc diminutive, amputatrice, d’où l’étymologie du verbe « décimer », de sombre résonance. Or l’institution de la dîme, entendu bibliquement comme maâsser, recèle une tout autre signification.

Il s’agit certes d’un décompte mais accompli de telle sorte que la dixième unité qui le constitue le constitue précisément non pas en une succession linéaire mais en un ensemble. Nul n’ignore en effet la symbolique du chiffre 10 dans la pensée biblique sinaïtique, qu’il s’agisse de la Création ou du Décalogue.

Le chiffre 10, marque le passage d’un ordre, celui des unités, distinctes les unes des autres, à un autre ordre, celui des dizaines qui les configure, on l’a dit, en ensemble d’un niveau supérieur. C’est pourquoi le mâasser ne se réduit pas à une opération fiscale mais concerne la formation du lien social, celui par lequel la subjectivité individuelle, reliée à celle d’autrui, devient inter-subjectivité, celle d’un peuple, d’un âm. De ce point de vue la racine ÂSseR est affine à la racine ÂTseR, que l’on retrouve notamment dans la solennité de Chemini Âtséret qui marque non pas la fin, au sens chronologique, des liturgies de Tichri mais leur aboutissement spirituel, leur accomplissement liturgique et leur plénitude sociétale.

C’est pourquoi les Lévites n’en étaient pas exemptés. Autrement c’eût été les exclure du modèle social et spirituel d’Israël. Il était bon de le préciser au regard, justement, des difficiles événements relatés au début de la paracha, relativement au coup de force tenté par Korah’ et ses affidés, eux aussi Lévites mais ayant, au moins pour un temps, perdu le sens de leur vocation et de leur mission. A aucun prix les Lévites ne doivent s’imaginer qu’ils forment un groupe singulier, séparé, si ce n’est une caste. Certes, ne disposant d’aucune possession personnelle ils sont confiés à la solidarité de leurs concitoyens. Mais ce statut ne les dispense pas de contribuer à leur tour, et dans leur orbe propre, à la formation du lien social qui relie entre eux tous les descendants de Jacob–Israël.

Avec une différence qui n’est pas une simple nuance. Comme le verset concerné l’indique, ils auront à prélever la dîme de la dîme. L’expression en hébreu n’est pas non plus simplement quantitative. Il ne s’agit pas d’ailleurs d’un prélèvement physique mais bien d’une extraction essentielle, d’une dîme au carré, si l’on pouvait user de cette expression, qui concerne la dîme elle même et non plus ses éléments matériels premiers.

Les Lévites sont les desservants électifs du Sanctuaire. Lorsqu’ils procèdent à leur propre maâsser ils forment non plus seulement des ensembles sociaux mais des entités spirituelles susceptibles de s’approcher de la Présence divine et de devenir le réceptacle des bénédictions qui en émanent, et cela chaque fois que l’aube réapparaît dans l’univers et plus particulièrement dans la conscience humaine.

                                                 R.D.

 

 

QUEL GRAND RABBIN DE FRANCE? (Actu J – 19 Juin 2014)

In ActuJ, ARTICLES, SUJETS D'ACTUALITE on juin 19, 2014 at 9:09

L’instance consistoriale qui se réunira le 22 juin pour élire le prochain grand rabbin de France assumera une lourde responsabilité au regard de la communauté juive de ce pays. Non pas à cause des circonstances qui ont provoqué le départ de l’ancien titulaire du poste. Ni même de l’affaire dite du « guet » qui en a assombri l’intérim. En cette affaire calamiteuse, l’ensemble des protagonistes devrait faire un solide examen de conscience: ceux qui ont monté le stratagème, ceux qui s’y sont laissés prendre et ceux qui ont tenté de l’exploiter. Les dégâts collectifs sont connus: tous les médias s’en sont saisis, effritant encore un peu plus non seulement l’image de l’institution rabbinique mais le crédit moral de toute la communauté. C’est donc ce crédit que le prochain grand rabbin de France devra reconstituer. Sera t-il non pas personnellement mais institutionnellement en mesure de s’y atteler? Pour autant qu’on l’ait su, les candidats ont dû souscrire une sorte de charte qui les subordonnera étroitement, soit pour leur financement, soit pour leurs prises de position publiques à l’équipe dirigeante du Consistoire central. On peut expliquer ce luxe de précautions au regard de déboires et errements passés. Il faut néanmoins mesurer la nuance qui distingue le retour aux règles communes de la mise en tutelle débilitante, laissant penser qu’au fond le Consistoire central est un champ clos où le mot Pouvoir demeure magnétique, et revenir au sens minimal des réalités. En dépit de son appellation officielle il s’en faut de beaucoup que le grand rabbin de France soit reconnu de tous les Juifs vivant en métropole et dans les DOM-TOM. Son autorité ne s’exerce formellement qu’au regard des Juifs affiliés au Consistoire. Feindre de le méconnaître c’est affliger ce poste d’un fort coefficient fictionnel. Et encore, cette autorité là, ou ce qu’il en subsiste, n’est pas légitimée par nombre de mouvance dites orthodoxes, si ce n’est hyper–orthodoxes puisqu’en ce domaine la surenchère tend vers l’infini. Et pourtant plus que jamais les Juifs de France ont besoin, en cette phase tourmentée et inquiète de leur histoire commune, d’une véritable autorité spirituelle et cohésive. Sans vouloir regarder dans le rétroviseur, souvenons nous de ce que fut une figure de ce format lorsqu’il échut à Jacob Kaplan de l’incarner non pas dans tel ou tel raout mondain mais en France occupée. Et pour en prendre la mesure relisons ses « drachot » des années d’épouvante. Ce que l’on appelle en 2014 « la communauté juive de France » se réduit à l’oligopole de quatre institutions principales, coexistant avec un archipel d’allégeances diverses dont tous les îlots ne communiquent même plus entre eux. Salutaire diversité? Faute d’une véritable orientation d’ensemble, face à l’élargissement et à l’assombrissement de l’horizon des menaces, de plus en plus nombreuses sont les familles qui partent ou qui songent au départ, puisqu’en république, mais une république qui s’affaisse, la réplique adaptée aux agressions physiques et verbales ne saurait consister dans l’incitation aux expéditions punitives. Depuis des années une douloureuse demande de conseil se dirige non pas vers ses destinataires naturels mais vers ceux à qui l’on croit devoir accorder son crédit, intellectuellement et moralement. Faut–il réaliser son alya? Faut–il demeurer sur place et combattre pour la préservation de sa pleine citoyenneté? Devant des dilemmes aussi lourds de conséquences, qui oserait s’ériger en phare et en guide des âmes? Il faut aborder également l’autre aspect de la question: si chacun doit veiller seul à son salut et à celui de ses enfants à quoi bon s’affilier à la communauté juive institutionnelle? Et à quoi rime l’élection d’un grand rabbin qui le serait d’apparence? La France de 2014 n’est plus celle de 1807 lorsque Napoléon convoquait un Sanhédrin sous influence pour lui dicter ses volontés. Elle n’est plus celle de 1905 lorsque fut votée non sans mal la loi séparant l’Eglise et de l’Etat. Elle n’est même plus celle de 1940 lorsque l’ennemi identifiable paradait sur les Champs-Elysées. En 2014, l’ennemi mortel est formellement citoyen français, pouvant tuer où ses commanditaires djihadistes de Tripoli ou de Mossoul ont décidé qu’il le ferait. D’où, assurément, la grande responsabilité qu’assumeront les électeurs du 22 juin. Une erreur de leur part portera un coup sans doute fatal au grand rabbinat de France mais encore à la vénérable institution qui se prévaut souvent de son origine impériale. Tant d’abeilles en leur temps se sont déjà envolées du manteau vert et or! Mais le discernement et l’esprit de suite sont aussi des facultés prophétiques.

                                     Raphaël Draï – Actu J 19 Juin 2014

 

 

 

FACE AU FLEAU – Chronique Radio J – 16 Juin 2014

In CHRONIQUES RADIO, SUJETS D'ACTUALITE on juin 16, 2014 at 12:18

Décidément l’impact de la prière commune au Vatican sous les auspices du Pape François entre Mahmoud Abbas et Shimon Pérez aura été de fort courte durée. A peine quelques jours après, et tandis que Madame Abbas était soignée dans un hôpital d’Israël, trois jeunes gens se faisaient enlever à Hébron selon toute vraisemblance par des sbires du Hamas, de cette organisation toujours vouée à la destruction d’Israël et avec laquelle le président de l’Autorité palestinienne vient de constituer un gouvernement unitaire dont nul n’est dupe de ses objectifs véritables.

Pendant ce temps, les unités fanatisées mais parfaitement organisées et entraînées de l’Armée Islamique en Irak et au Levant investissaient méthodiquement des villes importantes de ce pays disloqué, procédaient selon nombre d’observateurs à des massacres de chrétiens et de musulmans chiites, et se disposent, le moment venu, à investir Bagdad où la population se terre.

Face à une pareille menace, à ce fléau de dimension mondiale, on pouvait attendre du président des Etats Unis, de Barack Obama, qu’il prenne sans tarder au delà de condamnations verbales les mesures de défense puis de contre-offensive et de dissuasion qui s’imposent. Mais c’eût été imaginer le problème résolu. Si de tels événements se produisent, c’est bien parce que les chefs de guerre en cause sont persuadés qu’Obama est frappé d’irrésolution, pour ne pas dire d’aboulie politique. Ils l’ont testé en Syrie. Ils l’ont contre-testé lors de la crise en Ukraine, confronté au contraire à la détermination de Poutine. Il faut prendre garde que ce pacifisme là ne prenne la pente de la forfaiture. De Bruxelles à Mossoul, de Tunis à Toulouse, de Hébron à Gaza et Bangui sévit une engeance nébuleuse pour qui la notion de Loi n’a de sens que lorsqu’elle est dictée par les djihadistes. Au nom de leur idée de Dieu, des individus en qui s’incarne une glaciale pulsion de mort raptent, violent, décapitent, persécutent et imaginent pouvoir se livrer à ces innommables forfaits en toute impunité.

Pour l’Etat d’Israël, le scénario Guilaad Shalit recommence ainsi, mais à la puissance «trois». De Paris, l’on ne se permettra pas de conseiller les responsables de la sécurité d’Israël mais cette fois il importe au plus haut point que les auteurs de ce nouveau crime, car c’en est un au regard de la législation internationale, en paient le prix réel. L’engeance djihadiste par bien des côtés se révèle plus redoutable que les mouvements totalitaires qui ont ensanglanté la planète au siècle dernier. On sait en effet le prix qu’ont alors payé l’Allemagne qui s’était vouée à Hitler et le Japon des Kamikazes. Cela au moins leur aura fait passer définitivement le goût de la guerre et la fascination pour la mort.

Pour une civilisation digne de ce nom, il n’est pire danger que d’avoir à sa tête des faux dirigeants, incapables de prendre la réelle mesure d’un danger irrémédiable et ne sachant que s’auto-suggestionner sur le désir de paix de ses pires ennemis.

Le temps des démocraties est-il désormais compté?

                             Raphaël Draï, Radio J, le 16 juin 2014.

LE BLOC NOTES DE LA SEMAINE: Semaine du 2 juin 2014

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on juin 10, 2014 at 11:32

3 juin.

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Dans le cours d’une d’existence, il est rare d’assister par deux fois à la décomposition d’un régime ou d’un système politique. A 19 ans, il m’a fallu quitter en catastrophe une Algérie à feu et à sang malgré les promesses du 13 mai 1958, sans doute le seul vrai «printemps arabe» de l’histoire contemporaine. Plus d’un demi-siècle après, la Vème République dont l’abandon de cette Algérie là avait été le prix humain et politique de sa fondation, agonise. Cependant il est deux sortes d’agonies: les héroïques et les tragi-comiques. Actuellement, L’UMP explose, implose, se disloque, se délite à n’en pas en croire nos yeux. Les rivalités personnelles s’y exposent, nues et crues, sans pudeur, sans aucun discernement concernant l’avenir. Depuis décembre 2012 et la guerre pour la présidence du parti, François Fillon par exemple avait dénoncé le port de la casquette double: le cumul de la présidence de l’UMP et le «positionnement» pour la prochaine présidentielle, ce qui l’a conduit à une guerre sans merci contre François Copé, une guerre qu’il a semble t-il gagnée. Ce qui ne l’empêche pas aujourd’hui d’être l’un des trois consuls animés des mêmes intentions présidentielles mais qui sont chargés – l’on ne sait par qui d’ailleurs – de gérer les affaires du parti « gaulliste ». D’où les hauts cris des copéistes qui préparent déjà le coup d’après et des sarkozystes épiphaniques. Ne dirait-on pas un retour au temps de la Fronde, lorsque le Royaume de France était livré aux clans, aux brigues, aux belles intrigantes et aux coadjuteurs qui refusaient de choisir entre Dieu et Satan? Mais faut–il mettre en cause seulement les caractères, médiocres; les conduites, sans scrupules, si ce n’est l’instinct de destruction individuel et collectif, si bien étudié par Eric Fromm? La Constitution de la Vème république joue si l’on peut dire en l’affaire un rôle de plus en plus délétère. Initialement taillée sur mesure par et pour le général de Gaulle, elle avait pu être portée avec quelques retroussis de manches par François Mitterrand. A l’usage elle s’avère carnavalesque revendiquée par des personnages de bien moindre stature pour lesquels, seule eût convenu la Constitution de la IVème, avec ses présidents du Conseil giratoires, éphémères mais reconductibles et ses Présidents honorifiques mais impotents. Le goût des coalitions contre-nature revient ainsi aux babines des loups en chasse tandis que le Centre attend sa parousie revancharde. Et Nicolas Sarkozy? Son double jeu commence à lasser. Qu’a t-il réellement appris durant ces deux ans et plus d’un faux retrait? On le dirait encore livré à son défaut favori: confondre le métier politique et celui d’acteur. En est–il sorti? François Hollande pour sa part ne tire aucun avantage de la situation. Sa réforme territoriale menace de prendre l’eau avant même que d’avoir été baptisée au mousseux. Combien de temps la France pourra t-elle encore résister à cette nécrose systémique tandis que les prisons sont devenues des pôles de formation pour djihadistes décérébrés qui rêvent de substituer la Djamaâ à l’Assemblée Nationale?

5 juin.

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Iront? Iront pas? Mahmoud Abbas et Shimon Pérez sont invités par le Pape François à une prière commune au Vatican pour promouvoir la paix entre Israéliens et Palestiniens. En prenant une telle initiative, le Pape est complètement dans son rôle. Les deux principaux protagonistes l’ont d’ailleurs compris rapidement et ne se sont pas fait longtemps prier, eux, pour donner une réponse favorable. Quel peut être l’effet politique d’un acte dont on doutera qu’il restera spirituel? En matière de paix, l’endurance est une qualité première. Pour reprendre une formule du duc de Saint Simon, en ce domaine il ne faut jamais se lasser de monter à l’assaut. Depuis que ce conflit dure, chacun de nous est affectivement sollicité dans ses solidarités premières, sans se montrer imperméable aux sollicitations de l’espérance comme l’ont montré le voyage en Israël d’Anouar el Sadate puis la signature des accords d’Oslo. Pourtant la réalité des antagonismes irréductibles a vite repris le dessus, au prix de nouvelles violences, chacune servant de graine germinatrice pour la suivante. Ce qui, au demeurant, n’empêche pas une réelle co-existence quotidienne sur les aires d’affrontements. Pour l’heure, la guerre d’usure diplomatique s’est substituée à la confrontation armée. Mahmoud Abbas s’est réconcilié avec le Hamas et par la force des choses s’est « déconcilié » un peu plus avec Bibi Nétanyahou. Puisse cette prière trinitaire ne pas rester vaine. Après tout, il n’est pas impossible non plus que Dieu l’entende.

8 juin.

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Repris les « Lettres » de Tolstoï. Au fur et à mesure de son avancée en âge, l’écrivain se configure en prophète. Sa seule religion est celle de Jésus, mais tel qu’il le conçoit et le représente, hors de toute l’imagerie, de toute la «cultolâtrie » des religions instituées. Dans une de ces missives il prodigue ce conseil relatif à la lecture des Evangiles: biffer toutes les paroles indirectes imputées à Jésus pour ne retenir que celles sorties de sa propre bouche et se mettre aussitôt à son école. Certes, mais comment faire la différence? Et qui a autorité pour en décider? Pour les uns l’Evangile le plus originel sera celui de Luc, pour d’autres le plus christique sera celui de Jean. Et puis n’est-ce pas céder à la solution de facilité d’imaginer qu’il existe une morale première, spontanée, évidente, qui n’ait pas besoin d’être éclairée par les prescriptions d’une Loi elle même débattue par de véritables connaissants? La question mériterait d’être approfondie. Malheureusement, mis à par les principaux romans, ses carnets et ce recueil de lettres, bien des plus grands textes de Tolstoï sur la vie, le travail, l’art, la morale des conduites, l’altruisme ne sont plus disponibles en librairie et ne permettent plus de comprendre vraiment la doctrine du patriarche de Iasnaïa Poliana. A quand cette réédition fort indispensable en langue française, dans La Pléiade ou chez Bouquins?

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LE SENS DES MITSVOT: CHELAH’ LEKHA

In RELIGION on juin 10, 2014 at 11:04

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« L’Eternel parla à Moïse en ces termes: « Parle aux enfants d’Israël et dis leur de se faire des franges (tsitsit) aux coins de leurs vêtements (âl kanphé bigdéhem), dans toutes leurs générations et d’ajouter à la frange de chaque coin un fil d’azur (petil tékhélet) (…) afin que vous ne vous égariez pas à la suite de votre cœur et de vos yeux qui vous entraînent à l’infidélité (zonim ah’aréhem) » (Nb, 15, 37 et sq).

Cette paracha relate l’une des péripéties les plus tragiques de la Traversée du désert. Le groupe des chefs d’Israël envoyés par Moïse pour explorer la terre de Canaan en revient avec des paroles amères de découragement au point de provoquer la désespérance éplorée du peuple. La sanction divine conduira plus tard à rien de moins qu’à la future destruction du Temple de Jérusalem.

Pourtant sanction ne signifie pas damnation et lorsque dans le peuple une faille se révèle, aussitôt suit la prescription destinée à y remédier. En l’occurrence, il s’agit de celle concernant la contexture des vêtements que devront porter désormais les Bnei Israël afin de ne plus faillir à leur vocation. Contexture éminemment symbolique dont il faut comprendre le sens intime et son impact sur la définition des conduites et des comportements qui éviteront la répétition de la défaillance mise en exergue.

Aux quatre coins de leurs vêtements, homologues aux quatre directions de l’espace, les Bnei Israël devront désormais attacher des franges nommées en hébreu tsitsit. Ce mot est formé par le redoublement de la racine TS qui signifie ouverture, émergence, bourgeonnement, mais aussi lancer et trajectoire. Autant dire que dès le moment où ils se revêtent d’un tel vêtement, les Bnei Israël prennent conscience qu’ils se situent non pas dans un espace clos et statique mais en un espace vectorisé dans lequel il leur appartient de s’orienter, alors que le groupe premier des explorateurs les avait à la lettre désorientés, l’on dirait presque déboussolés.

Par la même cet espace dynamique s’oriente à son tour. D’espace strictement territorial, il devient espace spirituel et riche d’événements dans lequel un avenir se dessine tandis qu’un destin fixé d’avance, celui de l’esclavage rémanent, s’y efface progressivement. Le redoublement de cette racine signifie que ces événements là seront tout sauf impulsifs. Dés qu’ils se produisent ils sont investis par une pensée réflexive qui en fera paraître puis consolider le sens. Cette symbolique peut ainsi être qualifiée de symbolique concrète parce qu’elle se confirme par la confection proprement dite de ces tsistis mémoriels.

Chacun d’eux en effet est formé d’abord par quatre fils continus. On les fait passer et pendre ensemble à chacune de leurs extrémités par une ouverture ménagée à chacun des coins du vêtement. Huit fils dédoublés se retrouvent alors en attente de leur fixation. Celle-ci va consister à les réunir ensuite selon le schéma suivant, à partir de la dite ouverture: en quatre segments, de dimension différente, du plus bref jusqu’au plus long, séparés et unis chaque fois par un nœud, un kecher. Pourquoi un tel schéma?

Précisément parce qu’il donne à penser. Le redoublement initial des quatre fils rappelle qu’il n’est de réalité que placée sous le signe de la lettre Beth, qui désigne la dualité et l’altérité au sens éthique. Que les quatre segments du tsitsit ainsi conçu ne soient pas de la même dimension rappelle que toute réalité est une suite ou une combinaison de continuité et de discontinuité. De ce point de vue, la confection des tsitsit se corrèle à un autre mémorial: la sonnerie du chofar, elle aussi constituée par une combinaison de séquences discontinues (téroua, chevarim) et continues (tékiâ).

Cependant, pour que l’unité de l’ensemble soit préservée, il importe que ces segments soient réunis. Ils le seront par des nœuds. Qu’est ce qu’un nœud ? A la différence de l’entrave, un nœud se noue et se dénoue. Il symbolise simultanément l’attachement et la possibilité de se détacher mais sans rupture ni déchirure et devient symbole à la fois de responsabilité et de liberté.

Enfin, en chaque tsitsit se faufilera un fil spécifique, azuréen. Son nom est à lui seul programmatique puisque tékhlélet se réfère à takhlit qui signifie objectif, destination, finalité. Un vêtement configuré de la sorte n’est plus destiné seulement à protéger le corps des atteintes du froid ou de la chaleur. Il inscrit ce corps dans une histoire où chaque pas marque non pas un simple déplacement mais également un dépassement de soi.

Il s’agit juste de ne jamais l’oublier en chemin, surtout lorsque celui-ci est long, sans terme fixé d’avance, pourtant sans l’être jamais autant que la longanimité divine.

R.D.

LE PEN, DERNIERE? (Chronique Radio J du 9 juin)

In ARTICLES, CHRONIQUES RADIO, SUJETS D'ACTUALITE on juin 9, 2014 at 9:39

La dernière sortie de Jean- Marie le Pen contre un certain nombre d’humoristes et de chanteurs, et en particulier contre Patrick Bruel, pose un problème inextricablement psychopathologique et politique, sans même évoquer les suites judiciaires qu’elle appelle.

Psychopathologique, car l’on constate une fois de plus que le président « d’honneur » du Front National qui prétend incarner la « France française » dans sa pureté immémoriale ne cesse d’en souiller la langue par ses odieux calembours et ses mauvais jeux d’esprit, si le mot esprit lui convenait le moins du monde. S’agissant notamment de Patrick Bruel dont il prétend qu’il ne savait pas que celui-ci est Juif on se demande alors pourquoi ce chanteur est distingué du reste de la cible et pourquoi son nom se trouve associé à celui de « fournée », qui rappelle le trop célèbre « Durafour crématoire » pour lequel Le Pen, on s’en souvient, a eu maille à partir avec la justice. Car si les rues de Paris sont jalonnées de poubelles où sont jetées vieux journaux et mouchoirs usagés, la cervelle de Jean-Marie le Pen est encombrée des détritus de la seconde Guerre mondiale et de ses spectres hitlériens.

Psychopathologique également sur le plan familial. Tout se passe comme si Jean-Marie le Pen, s’ingéniait à saper le travail de sa propre fille, chaque fois que celle-ci, en se démarquant de lui autant qu’il soit possible, assure la progression électorale du parti stigmatisé dont il lui a fait en somme donation, comme s’il ne supportait pas qu’elle le dépasse.

Reste toutefois la dimension politique puisque l’on peut douter qu’imbu comme il l’est de sa propre image le bateleur saturnien entreprenne une psychothérapie d’urgence. Car Jean-Marie le Pen reste bel et bien président « d’honneur » d’une formation qui prétend s’intégrer dans le système démocratique de la Vème république et en respecter la Constitution. Pour ce qui la concerne, depuis qu’elle est arrivée à la présidence du Front National, Marine Le Pen ne cesse de donner des gages en ce sens. Sa réaction d’ailleurs n’a pas tardé. Cette fois elle n’a pas hésité à se démarquer de son encombrant papa. Mais qu’en pensent les autres cadres du parti, notamment tous ceux qui assument des fonctions électives au Parlement européen, à l’Assemblée nationale et dans de nombreuses collectivités locales, les Collard, Ménard et autres? Jusqu’à quand tolèreront-ils que le président « d’honneur » de la formation à laquelle ils appartiennent ou qui les soutient déteignent sur eux, les stigmatise et fasse leur déshonneur?

On se gardera bien de donner des conseils à des personnalités qui prétendent incarner « le renouveau de la France ». On leur suggérera juste d’en faire la preuve en ayant le courage d’éjecter enfin de leurs rangs, sous des modalités à débattre entre eux, ce prétendu chef charismatique. Pour paraphraser Sade: Frontistes, encore un effort et vous serez réellement républicains!

             Raphaël Draï, Radio J, le 9 juin 2014.

LA Vème REPUBLIQUE A L’AGONIE – Vers une nouvelle – et fatale – polarisation FN-Djihad? (Magistro.fr – Juin 2014)

In ETUDES ET REFLEXIONS, SCIENCE POLITIQUE ET DROIT on juin 8, 2014 at 10:34

Vers une nouvelle – et fatale – polarisation FN-Djihad? 

I. La Vème république dans la durée longue.

La victoire du FN aux élections européennes du 25 mai dernier n’est pas circonstancielle. Elle marque encore plus fortement la mise à mal du régime politique qualifié formellement de Vème République au point que l’on s’interroge sur la viabilité réelle de ce régime. Il faut alors s’entendre que ce que l’on nomme « Vème république ». En termes constitutionnels, celle-ci existe depuis le référendum du 28 septembre 1958. C’est l’une des plus vénérables et des plus coriaces de toute l’histoire constitutionnelle de la France. On peut même considérer que ce régime-là conjoint ses deux avatars: le premier proprement gaulliste, ou assimilé, qui a duré jusqu’à 1981 et le second socialiste, sous les deux mandats de François Mitterrand qui s’était parfaitement accommodé d’un système pourtant qualifié par lui de «coup d’Etat permanent». Quels sont-pour ne pas dire quels étaient-les critères essentiels de ce régime?

La Vème République instituait un Etat fort, dominé par un Exécutif puissant, lui même servi par un parti dominant, et un Parlement se limitant désormais à la place congrue qui lui était assigné, l’ensemble sous la houlette d’un chef d’Etat charismatique, doté d’un coefficient historique hors normes. Grâce à un tel dispositif, l’économie et les finances de la France retrouvaient vigueur et confiance, à l’image du Franc nouveau garanti par la sobriété efficace des Pinay, Rueff et autres. Pourtant, un tel dispositif, une fois «liquidée» dans les conditions que l’on sait l’affaire algérienne, ne tarda pas à se lézarder. La crise de 1968 porta un coup fatal au charisme vieilli du général de Gaulle, tandis que l’autre «crise» commencée en 1973 avec la guerre dite de Kippour révéla les profondes vulnérabilités de l’économie du pays. Avec l’élection de Valéry Giscard d’Estaing, le Centre revenait au pouvoir, au détriment du gaullisme originel. Les valeurs et les comportements en cours commencèrent également à se disjoindre et le président d’alors essuya en fin de mandat les relents d’une sombre affaire de diamants africains. En 1981, la Gauche arriva enfin au pouvoir, toutefois décidée, sans se déjuger, à se loger dans les institutions créées en 1958. Les réformes succédèrent aux réformes, avec un vaste programme de nationalisations sans doute indispensables mais qui contribua à mettre l’économie du pays sur le flanc. D’où dés 1983, le tournant dit «de la rigueur» qui allait transformer le socialisme révolutionnaire en socialisme sagement si ce n’est cyniquement gestionnaire, à commencer par la gestion du pouvoir politique patiemment conquis en trois décennies. La suite prend l’allure d’une pente descendante.

Des présidents qui se sont succédés, aucun ne remplissait le costume militaire du général ni les costumes ajustés de Mitterrand. La clef de voûte de la Vème république branlait tandis que l’économie française était minée par un chômage teigneux. Et pourtant, malgré tous les appels à fonder une VIème république, la Vème s’accordait quelque toilettage et prolongeait son parcours de vie. L’élection présidentielle de 2002 claqua néanmoins comme un coup de tonnerre puisque le socialiste Lionel Jospin était éjecté dès les premier tour au profit de Jean-Marie le Pen. C’est à ce moment que fut commise une erreur d’analyse majeure qui consista à imputer cet échec à des considérations de personnes ou de circonstances alors qu’en réalité s’annonçait l’effacement de la réalité politique française de ses deux composantes principales et alternatives: le gaullisme et le socialisme au profit d’une idéologie sans cesse stigmatisée mais obstinément persistante: celle de l’extrême-droite, comme si le cours de l’Histoire refluait en deçà de 1945. En 2012, la défaite de Nicolas Sarkozy, nominalement de gaulliste affiliation, au profit d’un François Hollande moins socialiste que « PSiste » et que nul n’avait vu venir consomma l’agonie inavouable d’un gaullisme préhistorique! La guerre des chefs qui s’ensuivit immédiatement à l’UMP accentua le discrédit politique, moral et même personnel de ses dirigeants. Il n’en alla pas autrement au PS, avec l’aggravation du chômage, le matraquage fiscal, le scandale Cahuzac, sans parler des frasques sentimentales d’un Président qui déjugeait ses engagements de campagne et commençait à perdre toute autorité. Le socialisme suffoquait aussi. De sorte que la victoire du FN aux européennes était largement prévisible. Quelles conséquences en tirer?

II. Vers la polarisation FN – «Djihadistes»?

Le questionnement est plus grave que celui qui concerne spécifiquement la survie de la Vème République. Il s’agit de savoir et de décider si la France restera ou non un régime démocratique. Non pas verbalement, dans l’incantation outragée par le principe même de la question, mais dans sa réalité. Quelle est cette réalité? Elle apparaît comme celle d’un régime bien curieux puisque privé à la fois d’une majorité et d’une opposition, d’un régime aux carences cumulatives, dont l’économie se délite un peu plus et dont l’autorité de son chef n’est plus que fictive. Au lendemain des élections européennes, au lieu de procéder à un véritable « scanner » de la situation, comme on l’eût pratiqué pour les victimes d’un accident de la route, à l’UMP se livrait une nuit à la Borgia contre François Copé; et pour le PS le président de la République bâcla une allocution que chacun écouta distraitement et que personne ne comprit. A l’UMP s’installait aussitôt un trio de Consuls déjà concurrents, tandis qu’au PS, l’on supputait qui allait remplacer, à une date qu’on fixerait en temps opportun, ce président blagueur mais fantôme et aboulique.

Qu’à cela ne tienne, pouvait–on se dire: le FN constitue désormais une véritable alternative. Le temps est fini de sa stigmatisation notamment pour antisémitisme forcené et pathologique. Des syndicalistes de FO, de Sud, de nombreux ouvriers et jeunes de moins de 35 ans, n’hésitent plus à le gratifier de leur suffrage et à l’adouber comme parti de gouvernement, si ce n’est comme poutre maîtresse d’une nouvelle République, ce terme n’ayant pas tout à fait les connotations de celui de démocratie. Et puis, patatras, resurgit sur le Net une interview d’il y a quelques semaines à Public-Sénat, au cours duquel Marine le Pen, recouvrant un naturel dont on l’imaginait corrigée, retrouvait les insanités de son père contre le « lobby juif », « Publicis », Maurice Lévy et tous « ces gens là qui se marient entre eux » et dont à l’entendre, sitôt élue présidente, elle les dépossèderait de leurs richesses spoliatrices pour ne pas dire qu’elle les «aryaniserait». Au point que Guillaume Durand qui l’interviewait réprima une réaction de dégoût. Depuis, aucune correction de trajectoire n’est intervenue et Marine Le Pen est déclarée diplomatiquement parlant non grata en Israël où aucun officiel n’entend la rencontrer. Est-ce donc cela qui doit remplir le vide de la Vème République sexagénaire? Il se pourrait que l’avenir fût encore plus préoccupant.

Après l’élection présidentielle de 2012 et le début de la chaîne d’échecs du nouveau pouvoir, certains analystes conjecturaient que le débat politique ne tarderait pas à se polariser entre l’extrême-droite de Marine le Pen et l’extrême-gauche de Jean-Luc Mélenchon. L’élection du 25 mai a révélé que le Front de Gauche était encore plus inconsistant et sépulcral que le mouvement écologiste. Apparaît alors le risque d’une toute autre polarisation, que bien peu osent nommer de son vrai nom. Le FN indécrottable, « confirmé » par Marine le Pen, croit pouvoir masquer sa xénophobie sous des formules comme celle « de la préférence nationale » et mettre cette lubie en oeuvre en continuant de s’en prendre notamment aux Juifs qui ont le malheur de ne pas lui complaire. Mais qu’en sera t-il cette fois des Musulmans de France? Ceux-ci constituent une population non pas de quelques centaines mais de quelques millions de personnes. Il ferait beau voir que le FN les maltraite verbalement ou idéologiquement comme sa présidente l’a fait avec Maurice Lévy et consorts. L’on sait à présent que le tueur du Musée Juif de Bruxelles, arrêté à Marseille, est un « djihadiste français », l’un de ceux qui par centaines s’en vont participer aux combats qui se déroulent en Syrie, avant de revenir sur le territoire de France, pour y accomplir le moment voulu un Djihad sans merci. Ces tueurs fanatisés ne rêvent que d’un seul scénario: que le FN arrive au pouvoir en France et qu’ils aient toutes les raisons de le combattre à la façon dont ils font la guerre à Assad. Tel est le risque qu’il faut savoir nommer, tandis que le régime dit de la Vème république ressemble de plus en plus à ces canards dont on a coupé la tête mais qui n’en continuent pas moins de courir en tous sens.

Alors que l’UMP s’est transformée en canard tricéphale, que le PS redoute de se faire éjecter dés le premier tour de la prochaine présidentielle, tandis que le Centre croit que son heure est proche et rejoue son jeu solitaire; tandis qu’à nouveau font rage les ambitions personnelles, prédatrices et finalement auto-destructrices, n’est–il pas temps de retrouver le sens du désintéressement et de forger non pas un front républicain, calculateur et opportuniste, mais un véritable arc démocratique où se retrouveraient face à un pareil horizon de menaces, quel que soit leur engagement politique initial, les hommes et les femmes inspirés par un réel impératif de liberté et de responsabilité, à la fois politique et moral? Le Pouvoir est il une drogue si dure qu’une fois goûté il produise une si inguérissable addiction au détriment du bien commun?

                           Raphaël Draï zal pour Magistro.fr (Juin 2014)

LE SENS DES MITSVOT: PARACHA BEAÂLOTHEKHA

In RELIGION on juin 3, 2014 at 4:20

«Tu distingueras ( véhibdalta ) ainsi les Lévites entre les Enfants d’Israël, de sorte que les Lévites soient à moi ( hayou li )» ( Nb, 8, 14 ). Bible du Rabbinat.

 35 Beha' alotra

Les institutions du peuple hébreu libéré de l’esclavage égyptien relèvent comme les institutions de toute autre collectivité humaine de l’histoire générale du droit. A ce titre il est légitime de se demander si le verset précédent n’institue pas une véritable caste sacerdotale qui se prévaudrait de son attache divine, ce qui la placerait en position d’extériorité et de supériorité au regard de l’ensemble du peuple hébreu, un peuple réduit à sa position profane et chargé d’entretenir cette caste possiblement parasitaire.

S’il faut se poser en effet la question, il faut la formuler également dans les termes mêmes du droit hébraïque concerné et comprendre les particularités de l’institution lévitique, en excluant d’ores et déjà l’hypothèse selon laquelle le peuple «vulgaire» occuperait une position sacrale moindre que celle du groupe survalorisé. C’est pourquoi dès le commencement de la paracha il est indiqué que si tous les jours de la Création, les grands prêtres, les cohanim, devaient   préparer l’allumage des branches du Candélabre, de la Ménorah, il appartenait au peuple lui même d’en faire effectivement monter la Lumière. Ce qui n’est pas peu dire puisque la Ménorah du Sanctuaire correspondait à la Ménorah du Monde d’en-haut.

C’est donc bien au sein de ce peuple que les Lévites devaient être non pas distingués, au sens d’une quelconque discrimination nobiliaire, ni bien sûr ségrégés, mais bel et bien distingués. L’opération de havdalah est l’une des plus fondamentales de l’oeuvre de la Création, du Maâssé Beréchit. Elle intervient dés le début de celle-ci lorsque le Créateur distingua assurément la lumière de la ténèbre, qu’il lui assigna un champ spécifique, au lieu de laisser ces deux éléments mélangés dans un chaos indistinct. De la même manière il distinguera les «eaux d’en-haut» et les «eaux d’en-bas» de sorte que l’univers ne fût pas une boule de matière confuse mais un espace-temps polarisé dans lequel il sera possible de se repérer. Ainsi l’opération dite de havdala implique à la fois la capacité de distinguer, comme on le ferait dans le noir optique, des éléments de nature différente mais aussi de discerner intellectuellement et spirituellement leurs fonctions en vue de leur accomplissement.

Il n’en va pas autrement des Lévites. Le nom même de Lévi est celui du troisième enfant né de l’union du patriarche Jacob et de Léah. Quelles sont les significations profondes discernables dans ce nom-là ? Dune part il est construit sur la lettre-pivot VaV dont la simple graphie révèle à quel point elle est communicatrice puisqu’elle se lit de la même manière dans un sens ou en sens inverse, ce qui déjà préfigure la fonction proprement lévitique, celle qui assurera à la fois la liaison des différentes composantes du peuple en chemin dans une direction donnée mais aussi la capacité d’y assurer en cas de besoin une «revenance », une téchouva vitale.

D’autre part, et cette fois d’un point de vue structural, le troisième fils ainsi nommé, l’est après ses deux premiers frères: Réouven (la vue) et Chimôn (l’écoute). Le nom de Lévi est celui qui lie entre elles ces deux sources de sens qui sollicitent la pensée. Ni l’écoute ni la vision, chacune à part soi, n’y suffit. C’est pourquoi lors du don de la Thora au Sinaï il est précisé par le récit biblique lu en hébreu que les Bnei Israël «voyaient des voix» pour souligner que leur capacité réceptive était maximale. Ingres n’était-il pas un grand peintre et un excellent musicien?

Au regard de ces significations, si l’Eternel, selon la prescription précitée désigne les Lévites comme «siens », ce n’est certes pas pour en faire un groupe à part, une confrérie mystagogique comme il en existait tant dans les peuples de ce temps. Au contraire. Les Lévites au sein du peuple diversifié, issu des douze fils de Jacob-Israël où ils sont disséminés, comme le sont les semences dans les sillons d’un champ intelligemment labouré, reçoivent pour fonction et pour vocation de se référer au Créateur par la Parole et dans les Pensées duquel toutes les composantes de la Création trouvent ou retrouvent leur unité et découvrent leur compatibilité: l’Eternel-Unifiant, ce qui est le sens premier du mot Eh’ad dont les deux premières lettres aleph et h’eth sont celles du mot AH’: frère.

La distinction divine n’exclut nullement la fraternité des Lévites. Au contraire: elle la  commande. Et cela dans les deux sens d’une  réciprocité intimement vécue.

RD

BLOC NOTES DE LA SEMAINE: Semaine du 26 Mai

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on juin 3, 2014 at 10:49

26 mai.

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Comme prévu depuis des mois, sans aucune surprise, le FN est en tête des Européennes, devant l’UMP et le PS, sans parler des autres listes à 3 ou 2%. Aussitôt Marine le Pen se pose en véritable incarnation du peuple et revendique le statut de « premier parti de France », affiches démonstratives ornées du buste de Marianne, en fond de tableau. Face à ce que Manuel Valls a aussitôt qualifié de véritable « séisme », l’on aurait pu penser que les deux partis défaits, dits « de gouvernement », s’adonnent à un examen de conscience et s’interrogent sur ce qui leur a valu cette déculottée qui n’est pas de circonstance puisqu’à l’analyse il semble que des syndicalistes de FO et même de Sud aient voté pour le parti taxé il y a peu encore d’extrême-droite, de xénophobie et d’antisémitisme. Au lieu de quoi, l’UMP s’est livrée à un replay de la nuit des longs couteaux. François Copé, contraint à la démission, a eu la tête coupée, le sabre étant de la marque Bygmalion. A sa place un improbable triumvirat composé des trois anciens premiers ministres: Juppé, Raffarin et… Fillon s’est auto-proclamé tuteur du parti sans tête non plus. La pantalonnade est tragi-comique lorsque l’on sait quelles ambitions antagonistes habitent les trois consuls. D’où les appels au Sauveur émanant d’autres concurrents encore! Sarkozy reviendra t-il? Cet autre ex se fait tirer par la manche, se fait désirer, supplier presque… Nadine Morano s’interroge, telle la Sibylle antique devant le chêne de Dodone: « En a t-il seulement envie! ». L’intéressé joue les désintéressés, se profile en de Gaulle. Revenir, mais pour quoi faire? Et puis comment se défaire des délices de Capoue? Preuve que le régime est à l’agonie: ses fonctions primaires n’opèrent plus. Au lieu de tirer parti, si l’on peut dire, de cette panade, François Hollande bâcle une allocution aux Français qui depuis longtemps ne l’écoutent plus. Les mots sont usés, les postures caricaturales, l’autorité nulle. On va à la « rencontre des Français de base ». On visite les Bleus et on joue les supporters primaires. Ensuite, une école par ci, un dispensaire par là. On repasserait par Lourdes s’il le fallait. Le Centre, si tant est qu’il n’en existe qu’un, croit son heure venue et refuse les avances de l’UMP. Le troisième François, l’insubmersible Bayrou, monte au créneau et fait la morale à ses pseudos-partenaires. Quel crédit accorder à celui qui ne cesse de passer d’un camp à l’autre? Le FN attend que tout ce microcosme poursuive sa décomposition. La suite est proprement imprédictible. La France entre dans cette zone que les aviateurs du temps de Mermoz appelaient le pot au noir, sauf qu’en ce temps-là les pilotes savaient piloter.

28 mai.

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Le tueur de Bruxelles a été arrêté inopinément à la gare routière de Marseille. Il transportait une kalachnikov toute neuve, des centaines de balles, un pistolet d’assaut, une casquette noire, un appareil photo et s’imaginait qu’il poursuivrait son périple en toute impunité. Le tueur en question se nomme Mehdi Ménnouche. De nationalité française, ses parents sont d’origine algérienne, comme ceux de Mohamed Merah. Il ne s’agit pas de donner dans la sociologie de bazar mais d’explorer la piste suivante. Cette génération est issue de celle qui a combattu la France coloniale pour lui arracher l’indépendance d’un pays mythifié par ce combat même. Va t-il de soi qu’elle se retrouve dans le pays à qui elle a fait la guerre, pour lui demander logement, emploi, avantages sociaux, sans en ressentir une sourde humiliation? Enclavée dans des quartiers devenus des isolats, la génération d’après tente de compenser cette déflation narcissique en se cherchant des causes exaltantes, paroxysmiques. La participation au Djihad y contribuera qui désigne les ennemis mortels de l’Islam, des ennemis à éliminer sans ciller. Reste à s’interroger sur les réseaux politiquement prostitutionnels qui recrutent des individus de cet acabit, qui les initient à ce Djihad assassin en les incitant d’abord à transgresser la loi du pays, d’où casses et agressions initiatiques conclus par des séjours en des prisons transformées en école du Parti divin. Le reste est programmé. Le poisson hameçonné ainsi pré-conditionné est ensuite envoyé en Syrie ou ailleurs. On l’y formatera en 3D pour assassiner sans ciller non plus. Les cibles sont déjà répertoriées. L’image la plus trompeuse est alors celle du «loup solitaire». Lorsque l’on fait partie d’une mouvance qui compte près d’un millier de comparses la notion de solitude devient une pure erreur. Les pouvoirs publics découvrent sidérés l’échelle du phénomène. Auront-ils les moyens d’y faire face alors que le gouvernement se creuse le crâne pour trouver par ailleurs des milliards d’euros …

29 mai.

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J’avais lu il y a une trentaine d’années « Le Portrait de Dorian Gray », ce texte étrange et parfois effrayant d’Oscar Wilde. Sa relecture ravive de telles dispositions d’esprit. Ce n’est pas exactement le thème classique du « double » mais celui de la relation spéculaire d’un être à son image, sachant que celle –ci fixe ses traits à un moment donné mais que ces traits s’altéreront fatalement sous l’emprise du temps. Sévit aussi le mécanisme psychique de la projection. Un portrait en soi n’existe pas. Il est constitué par tout ce qu’y dépose qui le regarde, le meilleur ou le pire de l’âme. De sorte qu’au fil des pages, le portrait de Dorian Gray passe du statut de chef d’oeuvre à celui d’objet phobique. Et le plus bel homme de sa génération, au visage fascinant, à la richesse sans limites, qui peut tout sauf arrêter le cours du temps et ne pas en projeter les déjections sur la portrait initialement glorieux, sera inexorablement mené à commettre des actes sans retour. Mais pourquoi raconter la fin du livre au risque de ne pas la laisser découvrir, chacun s’interrogeant sur les images de soi forgées au cours de sa propre vie?

 RD