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LE SENS DES MITSVOT – BEHAR

In Uncategorized on Mai 26, 2016 at 11:48

 «Que si vous dites: «Qu’aurons nous à manger la septième année puisque nous ne pouvons ni semer ni rentrer nos récoltes?», Je vous octroierai ma bénédiction dans la sixième année tellement qu’elle produira la récolte de trois années»

(Lv, 25, 20 et 21). Bible du Rabbinat.

31-behar

Cette mitsva est l’une de celles qui illustrent le plus exactement le modèle économique de la Thora car il y a bien une dimension économique, au sens littéral, de la Création et c’est pourquoi dans le Chemoné Êsrei, la prière axiale d’Israël, le Créateur est qualifié concrètement «d’intendant de la vie: mekhalkel h’aym».

La vie au sens biblique n’est pas insubstantielle. L’homme ne se nourrit certes pas exclusivement de pain, mais sans pain il défaille et ne pense plus qu’à sa pitance. Il faut y veiller tout en préservant les ressources vives de la Création, ne pas les exténuer, ne pas les carencer, ne pas les nécroser. A cette fin, il importe que les créatures apprennent à se défaire d’un véritable réflexe: celui de l’emprise qui consiste à s’emparer par vive force de l’objet d’une envie ou d’un désir. Le geste remonte loin et haut. Il se rapporte à la transgression primordiale commise au Gan Eden lorsque le premier couple porta la main sur la fruit de l’arbre de la connaissance, qu’il s’en saisit avant de le porter à sa bouche et de le dévorer (Gn, 3, 6).

Un pareil réflexe forme la base de la volonté de puissance, celle qui ne connaît d’autre loi que la sienne. De ce point de vue, le champ économique, connexe à celui des armes, est devenu le champ électif d’une volonté de puissance aussi absolue. La possession des biens et des êtres devient critère de souveraineté. L’être équivaut à l’avoir et les deux se dilatent au même rythme, jusqu’au moment où les volontés de puissance, se découvrant horriblement présentes et concurrentes en un même lieu, entrent en collision et entreprennent de d’annuler réciproquement.

Le modèle économique d’Israël s’inscrit à l’encontre de ces tendances archaïques et mortifères. La volonté de puissance doit le céder à la relation de confiance. La terre n’est pas chose inerte. Elle est vivante. C’est d’elle que provient l’humus, le âphar où les humains seront façonnés avant de recevoir l’insufflation divine qui les dotera du langage (Gn, 2, 7). Elle aussi à ses rythmes et ses cycles. On ne saurait l’exploiter jusqu’à saturation, jusqu’à l’épuiser. Le rythme vital sera ainsi le rythme chabbatique, à trois degrés comme tout ce qui doit être élaboré: le chabbat hebdomadaire, celui du repos des corps redevenus réceptacle des âmes; le chabbat septennal, la chemitta, celui du repos de la terre elle même de sorte qu’elle aussi reconstitue son énergétique vitale; et le chabbat jubilaire, le yovel, au cours duquel les conduites d’emprise et de captation se dénoueront pour qu’apparaissent des nouvelles formes de vie sociale, des modèles économiques inédits, et cela sans catastrophes et sans crises destructrices.

A cette fin, et dès la sixième année du cycle initial, chacun doit entreprendre le travail sur soi qui lui permettra de se défaire des conduites d’emprises, des comportements auto- centrés par lesquels chacun aussi se fait l’assureur absolu et compulsif de sa propre existence, sans faire confiance à personne d’autre, comme si l’univers n’était pas une Création issue de la bénédiction du Créateur.

C’est la raison pour laquelle cette paracha prolonge la paracha Kédochim qui liait ensemble le respect parental et l’observance du chabbat. Ce respect n’est pas formel. Il atteste de l’existence même des parents, de leur antériorité et donc du principe généalogique qui fait de la vie une infinie transmission. L’observance des rythmes chabbatiques conforte alors le principe généalogique premier de la Création tout entière d’où sera issu ensuite le principe généalogique parental lui même.

Cesser d’œuvrer au terme de la sixième année, c’est reconnaître l’existence divine et fonder cette reconnaissance sur un acte fondamental de confiance. Car seule la relation de confiance mérite le qualificatif d’éthique. Par elle, «l’homo oeconomicus» cesse de s’auto-couronner et s’en remet à la sollicitude d’autrui dont il ne doutera plus qu’il gagera réciproquement sa vie sur la sienne. La vie est don de l’Eternel. Elle ne se reproduit et ne se développe que d’être donnée à son tour. L’économie politique contemporaine acharnée aux surplus et avide d’extrêmes profits, l’économie obsessionnelle, idolâtre du signe «plus», l’a telle compris?

                                     Raphaël Draï zatsal, 7 mai 2014

PARACHAT EMOR ( Lv, 21 et sq )

In Uncategorized on Mai 19, 2016 at 9:47

ILL  Emor.

De nombreux malentendus et contre-sens peuvent être commis à propos du cohénat dans la Tradition d’Israël. A commencer par la confusion entre ce groupe humain et une caste séparée de l’ensemble du peuple, jouissant de privilèges exorbitants dont les «exclusivités» sexuelles ne seraient pas les moins choquantes. Pour éviter ces écueils il importe de se replacer dans l’esprit et la lettre des prescriptions qui concernent les grands prêtres, les cohanim.

Ces prescriptions ne se dissocient pas de celles relatives à la sanctification du peuple dans son ensemble et qui font la matière de la paracha précédente, de Kedochim. Les cohanim sont d’abord et avant tout des Bnei Israël. Cependant, le concept de sanctification n’est pas simple et peut, lui aussi, nourrir bien des malentendus. Être saint, ce n’est pas participer d’une essence différente de celle des autres être humains. C’est la porter au plus haut niveau qui se puisse concevoir. En ce sens il est possible de parler d’effort spirituel comme Bergson parlait d’effort intellectuel, lequel résulte d’une attention soutenue et d’un exercice sans temps morts. De ce point de vue, seul Dieu est véritablement saint, Kadoch. Les êtres qu’il a créés sont, eux, portés à une perpétuelle sanctification. Celle-ci se décline en une série d’attitudes, de conduites, de comportements qui font par eux même la preuve des valeurs qui les inspirent. Autrement celles-ci resteraient abstraites et illusoires. Cet ensemble de conduites culmine dans l’invite à «aimer son prochain comme soi même» (Lv,19,18), encore que ce verset qui se relie à tous ceux concernant l’interdit de l’inceste (Lv,18) soit susceptible de nombreuses autres traductions et interprétations.

Les cohanim doivent donc d’abord et avant tout donner l’exemple de l’observance concrète et probante de ces premières conduites et comportements par lesquels la sainteté divine s’infuse déjà dans tout le peuple. Ils sont en outre astreints à l’observance de prescriptions supplémentaires donnant sens à leur fonction, autrement dit à leur responsabilité particulière au sein des Bnei Israël. On en découvrira le détail précisément dans cette paracha. Ici l’on mettra en évidence leur logique interne qui se discerne dans le verset: «Et je le sanctifierai car, lui, doit faire approche du pain de ton Dieu; il sera saint pour toi car je suis saint, Eternel qui vous sanctifie (Lv, 21, 8) ». Ce verset met clairement en évidence le mouvement circulatoire de la sanctification à laquelle les cohanim sont affectés. S’ils doivent en assumer le double degré, c’est parce qu’ils sont voués à approcher le «pain de Dieu», ce que l’on n’oserait appeler sa substance, en tous cas ce qui nourrit, sustente et conforte l’idée qui s’y attache et la Présence à laquelle cette idée conduit. C’est parce que toute sanctification procède directement de la sainteté divine que les cohanim qui en sont actuellement le relais doivent veiller ce que rien en eux, corporellement, psychiquement et spirituellement, ne viennent y faire obstacle et s’y interposer en écran réfractaire ou déformant.

C’est selon cette logique profonde que se comprennent ensuite les deux groupes de prescriptions axiales qui s’imposent à eux. Les premières sont relatives aux règles du deuil. Quant l’un de leurs plus proches parents vient à décéder, et à condition d’être assurés que celui-ci sera inhumé conformément à sa dignité de créature de divine origine, ils prendront soin de ne pas entrer en contact avec le corps du défunt. A la place qui est la sienne, la position ontologique du cohen le place tout entier, sans réserve ni exception, du côté de la vie. Il doit en être l’incarnation perpétuelle, y compris et surtout dans les circonstances où cette vie semble déjugée par l’événement le plus irrémissible qui soit. Rémanence de la mentalité du tabou? Séquelle de conduite phobique? Le choc produit sur Aharon par la mort de ses enfants Nadav et Avihou atteste qu’un événement de cette sorte ne l’a trouvé ni insensible ni indifférent. La maîtrise de soi dont il su faire preuve témoigne au contraire que nul mieux que lui n’était à même d’exercer les fonctions continûment orientées vers autrui qui lui étaient dévolues.

Les autres règles sont relatives aux femmes qu’un cohen ne saurait épouser et plus particulièrement celles dont la fidélité reste improbable ou celles ou qui ont déjà connu la rupture d’un lien conjugal. Il faut garder présent à l’esprit que le Décalogue est considéré comme un authentique contrat de mariage (kétouva) entre le Créateur et le peuple d’Israël, représentant de l’humaine condition. Pour justifier sa dénomination, le propre d’une alliance est de ne souffrir ni exception ni violation d’aucune sorte. Pas plus que la vérité, la fidélité et la constance ne sauraient s’accommoder de mises entre parenthèses. Un cohen se doit d’épouser une jeune femme vierge au sens hébraïque, en tant qu’elle est qualifiée de béthoula. La dimension proprement physiologique d’une telle virginité n’est pas l’essentiel. Celui-ci se trouve indiqué par l’étymologie hébraïque de BeThouLa que l’on peut lire également comme : La Beth El: vers la Maison de Dieu.

Le Dieu d’Israël, celui du Beréchit originel, est bien un Dieu exclusif, comme l’est tout véritable amour. L’amour «non exclusif», s’il pouvait se concevoir, se distinguerait mal de la prostitution (zenout), que celle ci fût triviale ou «sacrée».

Raphaël Draï zatsal ,22 avril 2013

Information 8 Juin – Hazkara Pr Raphael Draï

In Uncategorized on Mai 18, 2016 at 4:34

Chers tous,

Nous vous informons que la Hazkara (11 mois) de notre regretté père et époux le Professeur Raphaël Draï zatzal, aura lieu le 8 juin à la synagogue Maguen David Ahavat Chalom.
Adresse : 77 avenue de Versailles, 75016 Paris.

Le programme sera le suivant:
• 19h00 Téhilim
• 19h30 Min’ha suivi de Arvit
• 20h15 Allocutions suivi d’une séouda
En présence de nombreux rabbanims, responsables communautaires, amis..

Nous espérons vous y voir nombreuses et nombreux pour lui rendre hommage et rappeler sa mémoire toujours vivante

Famille Draï

L’UNESCO ENTRE FORFAITURE ET HYPOCRISIE

In Uncategorized on Mai 15, 2016 at 4:56

I.

Le slogan de l’UNESCO pour le XXIème siècle est formulé en ces termes: « Construire la Paix dans l’esprit des hommes et des femmes ». Autant dire  qu’outre sa destination vers l’extérieur des murs de l’institution internationale sise à Paris, au métro Ségur, ce slogan la rappelle en tant que de besoin à sa vocation initiale, celle qui a justifié sa création à côté de l’ONU en 1945. Que son siège ait été fixé à Paris n’est pas sans signification non plus: si la Wehrmacht a défilé sur les Champs-Elysées, elle n’a pas eu l’occasion de parader à Picadilly Circus. Pour un individu comme pour une institution, la forfaiture qualifie un manquement grave, injustifiable et conscient à sa raison d’être. C’est donc ce risque qu’encourt cette institution internationale après l’annulation, maquillée en report, d’une exposition consacrée au peuple juif et à son lien avec la terre d’Israël. Une annulation qui a provoqué tant de réactions scandalisées qu’il a bien fallu que la direction générale de l’UNESCO fasse légèrement marche arrière et qu’elle transforme l’annulation définitive en « report »; comme quoi dans le jeu des institutions internationales la règle prédominante est non pas la paix des esprits mais la capacité d’affronter un rapport de forces, y compris dans le monde qui se proclame celui de la culture. Car la faute de la direction actuelle de l’institution, incarnée par la bulgare Irina Bokova, vouée à l’objectif précité, est à deux versants.

En premier lieu elle a cédé à la pression du groupe des Etats arabes, ou qualifiés comme tels, au motif qu’une telle exposition mettrait en danger les négociations israélo-palestiniennes dont chacun sait qu’elles se déroulent  précisément à la station Ségur! On s’étonnera ainsi qu’un groupe de 22 Etats arabes et musulmans soit constitué à l’UNESCO alors qu’à notre connaissance aucun autre groupe ethnique et confessionnel analogue n’y figure. En vérité, depuis que l’Autorité palestinienne a été admise comme membre de cette institution, celle-ci a été intégrée dans le champ stratégique constitué partout où il est possible contre l’Etat d’Israël. En ce sens, la politique, sous sa forme la plus détestable, a saisi le culturel, sous sa modalité la plus idéale.

Ce type de comportements n’est pas nouveau. On le croyait toutefois réservé à l’ONU, à son Assemblée générale et à  ses diverses  institutions connexes, comités et sous-comités.  Heureusement, un verrou fonctionne encore au Conseil de Sécurité, sous la forme du veto américain pour l’essentiel. On imagine d’ailleurs sans peine en quelle arène tauromachique cette même Assemblée générale serait transformée si l’Autorité palestinienne y accédait au rang d’Etat membre. Le groupe, on devrait dire, compte tenu de leur façon d’agir: la bande des Etats arabo-islamiques, renforcée d’un Etat palestinien agissant comme aiguillon, ne tarderait pas à organiser l’expulsion  du seul  Etat « juif » de cette organisation dont la paix là aussi est l’enseigne officielle principale.

A l’Unesco, pour y revenir, parée du slogan de la paix – et de la paix  tenons nous bien dans les esprits, ce groupe d’Etats chasse déjà en meute. Lorsqu’une activité ou une ligne programmatique lui déplaît, il est désormais en mesure d’exercer une pression suffisamment forte sur ses instances dirigeantes pour leur dicter sa loi. Loi dérisoire car dans les nombreuses réactions à la décision d’« annulation – report  » est chaque fois souligné à quel point chacun de ces 22  Etats éprouve de la difficulté à faire régner la paix civile à l’intérieur de ses frontières et à répondre aux aspirations de sa propre population. En revanche – c’est le cas de le dire – la haine d’Israël y est le plus sûr facteur d’aimantation collective. En l’occurrence, la directrice actuelle de l’ONU a manifestement manqué à sa responsabilité primordiale: faire respecter quoi qu’il puisse en coûter la vocation de l’institution internationale qu’elle a voulu diriger. Dans la vie personnelle comme dans la vie publique, il n’est pire plaie que de prétendre a des responsabilités pour lesquelles on n’a pas été taillé(e) et que l’on n’assume pas. De ce point de vue, la reculade dans la reculade des institutions dirigeantes de l’UNESCO, ajoutant l’hypocrisie à la forfaiture, et contraintes de n’évoquer à présent, on l’a dit, qu’un «report», ne fera qu’aggraver la suspicion pour ne pas dire le discrédit qui l’affecte auprès d’hommes et de femmes pour qui le mot « paix » n’est pas le faux nez du mot « guerre » et qui ne se sont jamais insurgés lorsque la culture islamique, là ou ailleurs, a été célébrée et mise en évidence pour un public qui n’y avait pas spontanément accès. Voilà pour le décalage entre la vocation officielle et le fonctionnement effectif. Reste le fond.

II.

 Au fond, ce que le groupe des Etats arabes affiliés à l’UNESCO n’a pas toléré, c’est qu’une exposition mette en évidence le lien du peuple juif avec la terre d’Israël. Ce lien ne doit pas exister puisque les ennemis de l’Etat d’Israël et leurs alliés ont décrété son inexistence et qu’ils l’ont frappé d’interdit. De ce point de vue également, la dimension  spécifiquement politique de cet anti-sionisme qui est bien une maladie de la raison, le cède à une autre affliction de l’esprit: le révisionnisme, lequel n’a pas qu’une face. Pour les suppôts initiaux de cette pathologie mentale les chambres à gaz n’ont pas réellement existé. De même pour le révisionnisme à visage islamique, il n’y a pas de lien  entre l’Etat d’Israël et le peuple juif, ni entre le peuple juif et cette terre dont le nom de « Palestina »  lui a été conféré par la Rome impériale avant la naissance de l’Islam. Sur cette lancée, les récits bibliques qui remontent à l’aube de la conscience humaine ne sont qu’inventions, forgeries et lubies de même que les récits évangéliques,  sauf lorsqu’ils sont sollicités pour faire la preuve de l’immémorialité de la parole coranique. A cet égard Abraham a été le premier musulman, à moins que ce ne fût Adam dont l’épouse, Eve la pécheresse,  inventa, à n’en pas douter, le premier voile féminin de la Création. Le dernier venu parmi les peuples se réclamant du monothéisme n’a eu et n’a de cesse de cesse que d’en expulser les deux premiers pour s’y subroger théologiquement et pour s’établir physiquement à leur place en réclamant de leur part obédience religieuse et soumission politique. Ce révisionnisme, encore innommé comme il le devrait, n’opère pas exclusivement à l’encontre de l’histoire des Juifs et des chrétiens. Il sévit à rebours de la véritable histoire d’un Islam très vite sorti des limites de son Arabie natale pour se lancer militairement à la conquête de la totalité du monde connu et habité, faisant presque oublier l’Empire romain tout en retrouvant les balises. Toutes les terres conquises hors de ces limites n’ont pas été subjuguées sur le seul plan militaire et politique. Elles ont été dés-identifiées, linguistiquement, topographiquement et du point de vue mémoriel. Les théologies des peuples concernés ont été elles aussi mises au format des conquérants. La  seule mémoire acceptable fut précisément celle qui justifiait ces conquêtes par vive force puis les emprises sur le corps et sur  les esprits  qui en résultaient.

Une emprise qui ne fut  pas toujours entérinée par ses objets. Dés que les populations dominées furent en mesure de prendre les armes, elles entreprirent comme en Espagne la reconquête de leurs terres premières. Et ce fut au tour des populations islamisées d’être subjuguées et parfois contraintes à l’exil, à moins de se convertir. C’est cette  entreprise de conquête et de domination universelle qui explique, sans bien  sûr le  justifier, le barrage érigé, mentalement phobique, contre les entreprises de remémoration concernant les terres conquises par les armées mahométanes. Ce n’est pas seulement qu’elles aboutissent à mettre en cause la souveraineté originelle de l’Islam géographique, si l’on pouvait ainsi le caractériser. Elles rappellent du même coup un autre fait « originel » et source de dé-légitimation  morale et juridique: le  fait même de ces  conquêtes violentes, par force armée  et pillages, de terres situées parfois  à des milliers de kilomètres de l’Arabie. Et cela dans une phase du temps actuel qualifié  de « post-colonial », après qu’ont été durement mises en cause les emprises colonialistes occidentales des XIXème et XXème siècles. En somme, si l’anti-colonialisme stigmatise des régimes d’exploitation invétérée préparés par des conquêtes violentes, l’Islam politique et militaire n’en est pas exempt. Au contraire: il en constitue l’une des configurations  patentes. Au lieu de l’admettre et d’en tirer les enseignements, les Etats arabes  décolonisés, au sens de l’Occident, ne veulent plus entendre évoquer leur propre origine prédatrice et interdisent que d’une manière ou d’une autre ces faits  brutalement refoulés reviennent  dans le réel.

On ne se serait pas livré à cette analyse si, précisément, la vocation de l’Unesco, définie par ses propres instances, n’avait pas été de bâtir la paix dans les esprits. La notion même d’esprit se trouve déniée par ces pressions de masse multitudinaires qui ne  peuvent se rapporter  à rien d’autre en effet qu’à un inavouable révisionnisme  propagé par tous les moyens du terrorisme diplomatique et culturel, si ces qualificatifs pouvaient le moins du monde s’accoler à un substantif de cette nature.

La paix dans les esprits  ne sera qu’un vain slogan tant que l’Islam, au sens expansif, n’acceptera pas un double bornage: le premier théologique, celui d’être un visage du monothéisme, et un seul, apparu après les deux premiers et s’étant d’ailleurs nourri d’eux; et l’autre, politique et culturel: l’univers existait avant que l’Islam n’advînt et il en a conservé une mémoire plus que vive.

On ne terrorise pas la mémoire de l’humanité.

Raphaël Draï zatsal, 23 Janvier 2014

LE SENS DES MITSVOT: PARACHA KEDOCHIM

In Uncategorized on Mai 12, 2016 at 8:45

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« Parle à toute la communauté d’attestation (col-êdat) des Bnei Israël et tu leurs diras : « Vous serez saints (kedochim tihyou) car Je suis saint (kadoch), moi l’Eternel votre Dieu. Chacun son père et sa mère respectera et mes chabbats vous garderez. Je suis l’Eternel votre Dieu» ( Lev, 1, 4).

«Ne maudis pas le sourd et n’interpose pas d’obstacle devant l’aveugle» (Lev, 19, 14).

La conception juive de l’existence ne l’érige pas en concept abstrait, pas plus que ne sont de tels concepts la Vie ou l’Être. La vie n’est vie, au sens biblique, que d’être insérée dans une création et d’en poursuivre les accomplissements. Plus que d’un « niveau de vie », au sens économique, il importe de se préoccuper du niveau transcendant auquel la vie entière doit être portée pour mériter le qualificatif de Création. Ce label, si l’on pouvait ainsi le qualifier, se nomme en hébreu kédoucha, sainteté.

La vie n’est vivante que d’être ainsi sanctifiée, se plaçant de la sorte au niveau où le Créateur lui même se trouve. D’où cette homologie qu’autrement l’on pourrait réduire à une prétention anthropomorphique. Le Créateur et les créatures disposées en corrélation avec lui comportent bel et bien une dimension commune, effectivement celle de kédoucha dont il faut comprendre les obligations à quoi elle engage et les interdits qui en découlent.

La première de ces obligations est liée au respect ( moraa ) des parents. Ce terme ne serait que moralisateur s’il ne s’inscrivait dans la suite directe de la paracha Ah’aré Moth qui concerne notamment toutes les modalités de l’interdit majeur, celui de l’inceste que l’on retrouvera également dans maints passages du Chir hachirim, du Cantique des Cantiques. Le respect parental ainsi entendu engage à observer les intervalles qui séparent sans les désunir les générations entre elles, au lieu de reconstituer le chaos primordial dont la Création s’est dégagée et qui parfois l’attire magnétiquement.

C’est pourquoi cette forme de respect est liée à la garde du chabbat, intrinsèquement.Le jour du chabbat est celui de la différenciation qualitative des temps. A quoi il faut ajouter que le chabbat est lui aussi inhérent à la Création proprement dite puisque le livre de la Genèse évoque à ce propos les toldot, les générations, des cieux et de la terre( Gn ). Tout cela pour enseigner clairement que l’ Etre est création et que s’il est déficitaire sur ce plan, lorsque sa kedoucha s’affaiblit ou qu’elle se dégrade, la contre-création, le eédar, regagne sur elle, comme la mer aveugle sape à la fin une digue friable.

Les deux prescriptions précitées s’inscrivent dans les mêmes préoccupations et soulignent qu’il est des conduites contre-créatrices, à l’évidence malfaisantes et absurdes dans leur malfaisance même. Car quel intérêt peut- on trouver à maudire un sourd puisqu’il ne peut entendre son malédicteur, ou à faire intentionnellement buter un aveugle contre un obstacle fracturant, au lieu de le lui signaler? Ces deux situations mettent en évidence le pire qui puisse se trouver en chaque être humain lorsqu’il fait défaut de manière délibérée à sa vocation sanctificatrice. Il cède alors non seulement à la logique du pire mais à ce qui dévoie cette logique elle même : la jouissance ressentie à provoquer la souffrance d’autrui dans les circonstances où au contraire elle devrait être atténue, allégée, portée solidairement. Ce qui reconduit à nos considérations initiales: la Création n’est pas d’ores et déjà réalisée et réussie. Elle est une oeuvre à poursuivre patiemment, avec endurance et lucidité, en surmontant les obstacles qui la contrarient, en défaisant les pièges où elle s’enferme.

Nul n’est saint que Dieu seul. L’Humain, lui, doit tendre à la sainteté et c’est déjà tout son mérite. Aussi convient il de faire attention à la formulation grammaticale des versets concernés «Vous serez saints» est à la fois un impératif et un futur. L’obligation de sanctification n’est ni comminatoire ni terrorisante. Pour chaque être humain, tendre à sa propre sanctification, ainsi entendue, est en soi l’oeuvre qui fonde ses raisons de vivre.

Raphaël Draï zatsal, 20 avril 2014

Commentaire de la paracha PARACHAT AH’ARE MOTH

In Uncategorized on Mai 6, 2016 at 7:16

Lv, 16 et sq.

 28 A'hareï moth.

Après les développements relatifs aux plaies affectant la peau, celle, anatomique, des individus ou celle de leurs habitations, et qui se rapportent également aux més-usages de la parole humaine, à son dévoiement dans la médisance, le texte de la Thora revient sur les conséquences de la mort de deux des enfants d’Aharon, Nadav et Avihou. Il s’ensuit une série de prescriptions qui s’articulent à celles déjà rencontrées concernant l’interdit de toute boisson enivrante avant le Service Saint.

Cette fois il est prescrit aux cohanim d’abord de ne pas se croire autorisés à pénétrer en tous temps dans le Saint des Saints. Autant la fonction judiciaire doit s’exercer sans intermittence, selon les besoins du peuple en ce domaine, autant le Service Saint doit s’exercer selon des règles qui assurent l’approche progressive de la Présence divine, de sorte que ne se déclare pas brutalement l’incommensurabilité, à ce niveau, du Divin et de l’humain lorsqu’ils sont sans transition mis en contact. Les cohanim ne sauraient passer d’emblée de la PaRoKhet, du rideau qui distingue les aires de sainteté à l’intérieur du Sanctuaire, à la KaPoReth, au couvercle de l’Arche sainte. Et l’on observera que ces deux mots sont formés des mêmes lettres, recombinées autrement, pour bien faire comprendre qu’il s’agit ici d’un ordre vital, d’un séder à respecter. Car cette Présence se manifeste du cœur d’un ânan, mot généralement traduit par « nuée » alors qu’il est construit sur la racine ÂN qui caractérise la terminologie de la communication, au sens non trivial de ce terme dont on sait l’inflation dans le vocabulaire contemporain.

La Présence divine est bien communicante, allant de l’un à l’autre des interlocuteurs en présence, sans réserves, ni ambiguïté car c’est par cette communication que se transfuse l’esprit prophétique, le rouah’hakodech.

Que ces nouvelles prescriptions soient transmises une nouvelle fois par Moïse à son frère atteste que dans la tragédie précitée c’est bien le sens de la fraternité qui s’est trouvé mis en cause, avec la tentation récurrente du fratricide à la racine duquel il faut aller patiemment, méthodiquement et sans demi- mesures. L’approche du divin par les cohanim requiert ainsi leur propre préparation. Ils doivent s’assurer de leur propre ductilité spirituelle afin d’oeuvrer ensuite comme il se doit à celle de chaque Bnei Israël. D’où l’obligation pour les cohanim de s’acquitter d’abord de deux korbanot spécifiques, l’un délictif ( h’atat ), l’autre d’élévation ( ôla ), afin que soient préalablement liées les deux dimensions de l’être humain et celle de la Création en général. Et surtout ils devront se revêtir de leurs habits sacerdotaux. Il ne s’agit pas ici de « rituel » mais d’insister sur le fait que la communication de la Présence divine, de la Chékhina, n’est ni un exercice d’exhibitionnisme de la part du Créateur, ni de voyeurisme de la part de l’humain. Dieu se révèle. Il ne se dénude pas. Le vêtement ainsi conçu et confectionné prémunit contre l’impudeur de l’exhibition et l’obscénité du passage à l’acte.

Après quoi intervient la liturgie des deux boucs qualifiés d’émissaires qui a fait couler tant d’encre. Pour bien en comprendre les intentionnalités, il convient de se reporter aux Commentaires traditionnels mais surtout au Traité « Yoma » du Talmud. On se limitera à une conjecture à ce propos en attente de sa vérification.

L’animal requis par cette liturgie est bien un bouc, l’animal qui symbolise la résistance, le fait d’être rétif. Disposition qui se décline de deux manières selon qu’elle se rapporte à la constance et à la fidélité, d’une part, ou à l’obstination aveugle d’autre part. Aussi deux boucs sont-ils indispensables pour son accomplissement, l’un dédié à la Présence divine, l’autre voué au désert. Aucun être n’est constitué d’une seule pièce, n’est dénué d’ambivalence, n’est exposé plus gravement encore au clivage psychique et à la duplicité morale s’il n’y prenait garde. Cependant et quand bien même il y aurait en chacun deux parts, aussi contrastées, si ne n’est antinomiques, il faut y exercer notre discernement afin que la première trouve sa véritable affectation et que l’autre soit vouée à une forme de traversée du désert au cours de laquelle elle se transmuera, peut être. D’où, au passage l’enseignement de Maimonide, dans ses Hilkhot téchouva, selon lequel une téchouva digne de ce nom doit s’accomplir dans la discrétion et dans le retrait.

Relevons enfin que la liturgie dite du « bouc émissaire » ne met en jeu que des animaux ; que son extrapolation aux êtres humains, par exemple selon la théorie du « Pharmakos » chère à René Girard, la fait déborder de son cadre initial et lui ôte son sens, tant légal que moral.

Raphaël Draï zal, 18 avril 2013