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LE SENS DES MITSVOT: VAYEH’I

In Uncategorized on décembre 28, 2017 at 7:52

12 Vay'hiDéc14

« Jacob assembla ses fils et dit: « Rassemblez vous (héassphou) et je vous dirai ce qui vous arrivera dans l’en-suite (béah’arith) des jours. Regroupez vous (hikabetsou) et écoutez ô fils de Jacob et écoutez Israël votre père » ( Gn, 49, 1).

« Tous ceux-là forment les tribus d’Israël, douze, et c’est là ce que leur père leur dit et il les bénit, chacun selon sa bénédiction il les bénit » (Gn, 49, 28).

Le livre de la Genèse se conclut spirituellement avec la bénédiction de Jacob-Israël à l’adresse de l’ensemble des fils qui lui furent donnés par quatre épouses, et tandis que tous se trouvent encore en Egypte, une Egypte hospitalière mais qui se veut au dessus de toute autre appartenance. Cette bénédiction présente trois traits particuliers.

Bien sûr elle est propre au fils d’Isaac et ne se contente pas de répéter les bénédictions qui l’ont précédées. Abraham eut deux fils, Isaac également, mais Jacob, lui, est père de douze fils et d’une fille, Dinah. Douze fils qui constituent désormais douze tribus appelées chacune pour sa part, mais collectivement aussi, à une mission qui les projette, pour chacune d’elles et pour l’ensemble qu’elle constitue à présent liée aux autres, dans un à-venir, ce que le récit biblique précise par la locution ah’arit yamim qui ne veut pas dire « la fin des temps », leur terminus, mais bien l’en-suite des jours, leur continuité, leur incessante révélation.

Il faut alors rappeler la généalogie de cette bénédiction, telle que Jacob-Israël l’actualise au moment de quitter cette vie. Elle remonte à la création de l’Humain, Haadam, et à sa projection, là encore, dans ce que l’on appellera par commodité de langage une Histoire: «Dieu les bénit (vaybarekh otham) et dit: « Croissez et multipliez.. » (Gn, 1, 28). Très tôt l’Humain n’assuma guère cette bénédiction primordiale. D’où le Déluge lequel n’empêcha pas non plus la catastrophe babélique au point de donner à penser que la création de l’Humain avait été une erreur, sanctionnée par un échec sans rémission. Jusqu’au moment où apparurent Abram et Saraï qui entreprirent selon l’invite divine de rétablir l’humanité en ses assises et de la restituer à cette bénédiction générique.

C’est bien ce fil que Jacob, béni dans les conditions conflictuelles que l’on sait par son propre père, ne lâche pas. Seulement à la différence des patriarches qui l’ont précédé il doit le tisser entre une progéniture nombreuse et tumultueuse qui s’est parfois dangereusement approchée du fratricide. L’ombre de cette tentative ne la quitte toujours pas. Une fois Jacob décédé, les frères de Joseph auront besoin que celui-ci les rassure sur ses intentions pacifiques et réellement réconciliées à leur égard.

Le livre de la Genèse qui avait commencé au plan humain par cette bénédiction première s’achève donc par celle que Jacob-Israël délivre à chaque fils, nommément désigné, mais aussi à l’ensemble qu’il forme avec ses autres frères, un ensemble qualifié par deux verbes dont les racines sont respectivement ASsaPH et KBTs. Ces deux verbes ne sont pas redondants. Le premier se rapporte à un ensemble constitué par une addition; le suivant à un ensemble formé à une échelle plus intériorisée, au sentiment d’une intime appartenance. Jacob-Israël les emploie tour à tour parce que, s’agissant du premier, il est bien placé pour savoir ce que l’on éprouve lorsque, une fois devenu père de douze fils, un seul vient à manquer; et pour le suivant parce qu’il n’ignore pas non plus qu’un peuple en formation – car c’est de cela qu’il s’agit – ne peut se constituer durablement si cette addition initiale reste strictement quantitative, si elle ne se prolonge pas dans la commune conscience que l’un n’est rien sans les autres.

C’est pourquoi la mention de ces deux verbes précède dans le verset précité chacune des bénédictions qui seront délivrées personnellement à tous les fils. Ils en conditionnent l’union et ils la pérennisent afin que l’aîné effectif, Ruben, puisse vivre et agir par exemple avec Judah et Joseph lesquels peuvent faire prévaloir bien des titres à la prééminence spirituelle.

On observera enfin que cette bénédiction qui met en évidence les points forts mais également les vulnérabilités de chaque fils est une bénédiction d’étape. L’histoire du peuple hébreu commence tout juste. Les quatre livres suivants de la Thora en relateront les péripéties. Eux mêmes se concluront par une autre bénédiction simultanément individuelle et collective délivrée cette fois par Moïse au peuple éprouvé quarante années durant, sur le point de franchir le Jourdain.

             Raphaël Draï zatsal, 31 décembre 2014

(VIDEO) Une Lecture Juive de l’Evangile

In Uncategorized on décembre 25, 2017 at 4:24

Conférence Akadem Décembre 2014

http://www.akadem.org/magazine/2014-2015/une-lecture-juive-de-l-evangile-09-12-2014-65583_4556.php

LE SENS DES MITSVOT: PARACHAT VAYIGACH

In Uncategorized on décembre 21, 2017 at 9:48

« Et la nouvelle fut entendue au palais de Pharaon, disant: « Les frères de Joseph sont venus ». Et cela plu aux yeux de Pharaon et de ses serviteurs. Pharaon dit à Joseph: « Dis à tes frères: « Faites ceci: « Chargez vos bêtes et allez directement au pays de Canaan. Et prenez votre père et vos maisonnées et venez chez moi (elay). Je vous donnerai le bon du pays d’Egypte (eth tov erets mitsraïm) et vous mangerez le meilleur de la terre (eth h’elev haarets)(Gn, 45, 16, 18) ».

11 Vayigach23Déc14

Les versets précités doivent bien sûr être mis en regard de ceux qui relateront au livre de L’Exode les commencements de la persécution des descendants de Jacob en ce même pays d’Egypte mais par un Pharaon « qui ne connaissait pas Joseph », qui n’en voulait rien savoir. Dans un pays aussi vaste que cette Egypte là, sur des durées aussi longues, il va de soi que les pharaons se suivent et ne se ressemblent pas toujours. Celui dont il est question dans la présente paracha se caractérise par sa grande intelligence, par son élévation spirituelle, ses intuitions concernant l’avenir, son sens de l’hospitalité. Ce qui n’en fait pas pour autant le 13eme fils de Jacob! A aucun moment il n’oublie ni qui il est, ni le pays dont il doit assurer le sort. Les descendants de Jacob ne doivent pas l’oublier non plus, pas plus qu’ils ne doivent perdre de vue qu’ils ne sont en ce pays que de passage, qu’ils ne sont pas destinés à s’y implanter, à devenir des égyptiens hébraïques.

En somme, en ce moment de grande effusion affective et presque de sidération mentale, il convient que chacun garde présent à l’esprit sa propre vocation. Répétons le: celle du Pharaon l’incite à rechercher chaque fois le plus grand bien de l’Egypte, d’où cette invite en direction des frères de Joseph, laquelle procède d’un raisonnement en bonne et due forme. Si un seul des fils de Jacob s’est trouvé en mesure de si bien travailler à la prospérité puis à la survie de Mitsraïm, tous les espoirs seront permis lorsque toute la fratrie se sera installée là, pour apporter au pays de Pharaon l’excellence de son savoir collectif, avec le suc de la bénédiction divine. D’ailleurs, ce n’est pas aux marges du pays, dans l’on ne sait quelle province reculée et obscure que les fils de Jacob s’installeront en compagnie de leur père mais comme précise le récit biblique: dans le « bon » (tov) de l’Egypte, de sorte que l’on puisse y consommer le « meilleur » (h’elev) de la terre, et il faut être attentif à cette gradation ascendante.

Seulement, à bon entendeur… C’est bien vers Pharaon, et vers lui seul (elay), que les Hébreux devront se diriger, physiquement et si l’on peut dire culturellement. La clause migratoire qui les favorise ne saurait leur faire perdre de vue que c’est pour l’Egypte qu’ils devront œuvrer, quels que soient les avantages, réels ou présumés, qu’ils en retireront et c’est pourquoi il ne faut pas dissocier ces versets de ceux du début de L’Exode.

Quant aux fils de Jacob, et à Jacob-Israël lui même à présent, sans doute l’invite de Pharaon est elle inespérée au regard de la famine qui afflige le reste du monde habité. Joseph est déjà sur place, dans une position de pouvoir qui permet à chacun d’envisager l’avenir avec un fort sentiment de sécurité. Mais une sécurité de quelle nature? Si les paroles de Pharaon sont accueillantes, certes, elles impliquent nécessairement et à tout le moins une désorientation spirituelle puisque la vocation de Jacob et des siens, en tant que descendants d’Abraham et porteurs de sa promesse, doit les porter au contraire à s’implanter dans le pays de Canaan, initialement dévolu, à Chem, afin de le transformer, de le transvaluer en pays d’Israël. Pour l’ensemble de cette collectivité affectée à ce projet historique et spirituel, le risque est aussi grand que la tentation. Quoi que l’on ait à l’esprit pour l’avenir, sur le moment il ne fait aucun doute que vivre dans le meilleur d’un pays, sachant qu’il faudra un jour où l’autre, et sans doute sans préavis, le quitter pour une autre contrée plus austère, moins immédiatement gratifiante, incite à prolonger sa carte de séjour dans le pays de passage, avec, assurément, le risque de s’y dissoudre complètement.

Débat permanent, pour l’exprimer en termes plus contemporains encore, entre l’intégration et l’assimilation. Risque d’autant plus réel que cette fois Jacob en personne descend en Egypte qui devient par là même son environnement le plus manifeste. Jacob-Israël, de ce point de vue, n’est plus en position d’extériorité vis à vis de Mitsraïm non plus que de sa propre famille. Le moment venu, sortir d’Egypte, pour toutes ces raisons, s’avèrera infiniment plus difficile que d’y entrer.

Raphaël Draï zatsal 25 décembre 2014

 

AIDER AUTRUI, EN PERSONNE – L’Arche Avril 2004

In Uncategorized on décembre 20, 2017 at 10:57

                                         A la mémoire de Norbert Dana,

            qui savait ce qu’Autrui veut dire,

                                              à condition de l’écouter …

Trop de signes indiquent à qui veut les percevoir que nous vivons une basse époque spirituelle. Bien sûr, les manifestations liées au « retour du religieux » sont innombrables. Est-il sûr qu’elles attestent de cette qualité de l’esprit qui sollicite la Présence divine : l’amour d’autrui non pas en effigie ou sous forme de concept mais d’autrui en personne, avec son poids de vie contradictoire, avec sa chair criante, son âme divisée? Par les temps qui courent, les rivalités sont des rivalités d’orgueils, les guerres des guerres de fatuités et il n’est d’émulation que vers le bas. Les croyants en Dieu éprouvent bien de la peine à se distinguer des fanatiques et même la morale philosophique entretient ses bigots auprès desquels Tartuffe eût mérité un prix de vertu. Heureux l’être qui s’en garde, sachant que sa vie est réellement liée à la vie d’autrui, que l’une ne saurait valoir quoi que ce soit si l’autre est réduite à rien. Tel est en tous cas le sens de la Loi d’Israël. A propos de la construction du Sanctuaire, les commentateurs de la Tradition juive ont observé une particularité du texte de la Thora. Pour tous les éléments constitutifs de ce Sanctuaire hospitalier à la Présence divine, il est dit en direction de Moïse : « Tu feras ». Lorsqu’il est question précisément de l’Arche d’Alliance, du Arone, il est dit, à l’attention cette fois du peuple tout entier: « Ils feront ». L’Alliance mérite son nom à la condition que le peuple constitue un ensemble, un klal. Si une seule personne, femme, enfant, vieillard, étranger, malade ou miséreux en est exclut, l’ensemble- Israël est invalidé et l’Alliance vacille sur ses bases. Dans tous les peuples apparaissent heureusement des êtres doués du sens de l’ensemble exhaustif, du klal digne de ce nom. Contrairement à l’idée reçue, ce ne sont ni des naïfs ni des improvisateurs de valeurs ad hoc. Ils s’inscrivent dans la lignée des prophètes, des néviim, et des sages, des h’akhamim, qui ont appris que la vie est comparable à l’eau qui s’évapore si elle est enfermée dans une citerne donnant sur un ciel vide, ou qui détruit tout sur son passage lorsque n’est pas creusé, à profondeur convenable et à largeur vitale, le lit où elle doit couler fluide et fécondante. A ce propos l’enseignement du rav Kook vaut d’être remis en mémoire pour sa pressante actualité. Nombreuses sont les lumières inextinguibles de cet enseignement dont on recueillera pour l’instant quelques braises.

Le rav Kook commence par s’interroger sur ce que signifie la guerre, la milh’ama, dans la pensée des prophètes et des sages. Cette thématique a été trop souvent dévoyée pour qu’on ne la ramène pas à sa source. N’est-il pas indiqué dans la Chira, dans la Cantate de Moïse, celle qu’il chanta après la Traversée de la Mer Terminale, de la Yam Souf, que Dieu est « homme de guerre » ? La dérive est dangereuse qui porte à se figurer Dieu sous les traits du Dieu Mars, casqué, botté, ne sachant plus où donner du glaive. De contre-sens en contre-sens se forge ensuite l’image non moins délétère du « Dieu des armées », de l’Eternel Tsébaot, figure effrayante qui servira de faire valoir au « Dieu désarmé », comme disait André Frossart, celui des Evangiles, lequel avait pourtant averti qu’en certains lieux il n’était pas venu apporter la paix mais l’épée. Les bigots de la morale sont seuls à s’imaginer que face à la violence tyrannique, exterminatrice, ou à la violence discrétionnaire, ainsi que la désignait Walter Benjamin, la violence divine resterait au fourreau et ne trancherait pas en deux les eaux de la Mer Terminale où les cavaliers des Pharaons imbus d’eux-mêmes se sont toujours aveuglément enfoncés, comme si l’on avait jamais vu le fer nu flotter à la surface de l’océan. L’idée juive de guerre ne se réduit pas à son acception militaire, serait-elle envisagée selon ses causes les plus légitimes. Pour le comprendre, il faut entendre intimement la prière d’Israël. Le rav Kook la présente, neuve, telle qu’inouïe, à nos oreilles habituées : « Maitre des guerres, ensemenceur d’altruismes ( tsedakot ), germinateur de salvations, créateurs de médications ( rephouot ), illuminateurs de louanges, recteur des émerveillements, qui renouvelle par sa bonté en chaque jour perpétuellement l’œuvre de la Création ». Et le rav Kook d’ajouter : « D’une lumière nouvelle tu illumineras Sion. Puissions-nous en avoir vite le mérite ». Ce premier commentaire élucide la nature et les finalités du combat engagé par Dieu en personne, si l’on peut ainsi s’exprimer. Le combat divin n’est pas destructeur : il engage rien de moins que des opérations de vie dont deux d’entre elles doivent être sans cesse soulignées. D’abord l’altruisme vis-à-vis des personnes réelles, souffrant de leur souffrance, agonisant de leur agonie, coulant dans les profondeurs de leur détresse. C’est cet altruisme en acte que désigne le mot tsedaka dont l’on constate qu’il s éploie en cette prière dans un pluriel : tsedakot, pluriel des personnes à sauver, et pluriel des gestes salvateurs vis-à-vis de ces personnes-là. Ensuite la création de nouvelles médications, de thérapeutiques jusqu’alors inconnues. L’altruisme envers les personnes ne se réduit pas à une routine caritative, se prévaudrait –elle d’Abraham. Elle doit être inventive au regard des pathologies non moins nouvelles qui semblent démontrer que la pulsion de mort non plus n’est pas dénuée d’intelligence. L’aide à autrui en personne n’a rien d’aventureux. Elle fait fond sur cet axiome de la conception juive de l’Univers : l’univers de la Genèse n’est pas un système fermé, mourant un peu plus chaque jour. Au contraire, l’œuvre de la Création y est incessante et la vie s’y renouvelle de ce fait même. Pareille déclaration exclut qu’on soit avare de vie. Elle exige qu’on la dispense comme le semeur semant à plein sillons. L’Humain à l’image de Dieu doit être une créature créatrice.

L’autre lumière portée face à nos yeux par le rav Kook permet de mieux discerner la nature propre de la prophétie puis celle de la sagesse et celle du lien qui les relie toutes deux. Trop longtemps prophétie et sagesse sont apparues opposées, l’une relevant de l’inspiration divine et l’autre des facultés du seul entendement humain .A partir de cette antinomie s’installe et s’indure l’opposition également destructrice entre théologie et philosophie. La pensée juive ne valide-t-elle pas cette antinomie en affirmant que « le sage l’emporte sur le prophète » ? Le rav Kook approche autrement ces chenaux primordiaux de la lumière inhérente à la Création. Le critère des critères demeure l’aide à autrui en personne. Quelle est la fonction élective du prophète? Discerner les structures de l’univers et identifier les ensembles humains dans des temps d’obnubilation de l’esprit où prévaut le seul souci de soi et l’égoïsme morbide, sous sa forme sauvage ou ratiocinatrice, quand ce n’est pas l’éthique auto- proclamée. Dans ces situations de cécité individuelle et collective le prophète, le navi, ou la prophétesse, la névia, reconstitue la figure du peuple en son entièreté, sans que nul ne soit exclu hors de ses marges ou relégué à la traîne. De sorte que soit validée l’Ethique de l’Alliance qui ne peut qu’entraîner chacun à un tissage du « triple lien », réputé le plus fort, entre les créatures humanes. Quel est alors la fonction irremplaçable du sage ? La réponse du rav Kook est étonnante. Une fois reconstituée et sauvegardée la figure de l’Ensemble, le sage est celui qui, cette fois, fait attention aux individus ( pratim ), celui qui veille à la singularité des situations pour ne pas les dissoudre dans l’anonymat de la règle générale, pour ne pas dire inhumaine, qui se prévaut de la sauvegarde des ensembles présumés mais sans rien apporter à autrui en particulier. Spirituellement, une époque se relève de ses abaissements spirituels et une civilisation se dégage des ornières bourbeuses où elle a versé en renouant le sens des ensembles – qui est aussi le sens de l’Histoire lorsqu’elle ne se réduit pas à un écoulement de jours anonymes – avec le soin dû aux personnes douées d’un nom propre. Car comme l’enseigne cette fois Rabbi Nah’man de Bratslaw, à propos de la créativité quotidienne de l’Univers, pas plus qu’un jour ne ressemble à un autre jour, une vie ne se confond avec une autre vie. Les âmes ne sont pas permutables. Autrui doit être aidé en personne.

                             Raphaël Draï zal, L’Arche Avril 2004

Le présent texte résulte d’une intervention au centre communautaire de Boulogne à l’intention de l’association israëlienne Zikhron Menahem d’aide aux enfants luttant contre cette maladie encore qualifiée d’irréversible.

LE SENS DES MITSVOT: PARACHA MIKETS

In Uncategorized on décembre 14, 2017 at 10:08

10 MiketsDéc14

« Pharaon envoya quérir Joseph et on le pressa hors du cachot (…) et Pharaon dit à Joseph: « J’ai fait un rêve mais nul ne peut l’interpréter; j’ai ouï dire de toi que tu comprends un rêve pour l’interpréter ». 

Joseph répondit à Pharaon: « C’est au dessus de moi: c’est Dieu qui répondra du bien être de Pharaon » » 

(Gn, 41, 14 à 16). 

Les deux rêves de Pharaon concluent et parachèvent tous ceux que relate le livre de la Genèse. On n’en retrouvera d’aussi intenses et chargés de sens – mais toujours à interpréter – que dans le Livre de Daniel. La réponse de Joseph atteste en tous cas de sa maturité. Tandis qu’auparavant, et vis à vis de ses frères, il s’autorisait à raconter ses rêves de prééminence et à les interpréter de son cru, cette fois il sait se mettre en retrait et attribuer l’élucidation éventuelle des rêves de Pharaon au seul Créateur qu’il situe clairement au dessus de lui. Hormis cette humilité nouvellement acquise – et après combien d’épreuves! – il faut aussi se demander pourquoi et en quoi la réponse de Joseph était adéquate à la demande de Pharaon. Bien sûr, il ne s’agit pas d’affirmer que l’inconscient pharaonique est, par nature au dessus de l’inconscient de n’importe quel autre individu. Il n’empêche que les rêves d’un être doté d’un tel pouvoir matériel, régnant à ce moment sur l’un des pays les plus puissants du monde habité, n’a pas les mêmes causes ni les mêmes conséquences que ceux d’un simple passant. Joseph est conscient de cette typologie. Devant l’impuissance affichée du maître de l’Egypte et de ses chiromanciens, il prend garde à ne pas se situer comme le détenteur d’une puissance interprétative qui lui ferait retrouver, fût ce à son corps défendant, la position périlleuse qu’il s’était attribuée initialement à l’encontre de ses frères et même à l’encontre de ses parents. Pourtant Joseph ne cède à aucune courtisanerie puisque c’est Dieu (Elohim) qu’il situe au dessus de lui même et par suite, sans forcer le trait, au dessus de Pharaon, lequel dispose d’assez de ressources spirituelles pour ne pas s’en offusquer.

C’est une fois ces précautions prises que Joseph, qui en avait déjà entendu une version externe, se fait raconter par Pharaon en personne les rêves fameux des vaches grasses et des vaches maigres, des épis replets et des épis secs. On n’insistera pas ici sur la « technique » de Joseph pour mettre de la lumière dans ces rêves énigmatiques. Sans rien enlever aux apports de Freud dans la « Traumdeutung », dans « L’interprétation des rêves », il est clair que cette technique comportait des éléments parlants pour comprendre les rêves de son temps. A coup sûr il est possible de voir dans la séquence binaire des rêves de Pharaon, comme pour tout un chacun, des références à ses images parentales. Faut –il rappeler que la symbolique des épis apparaît déjà dans les rêves du jeune Joseph et que ceux-ci sont immédiatement suivis par un rêve faisant manifestement allusion à Jacob et à Rachel? Pourtant, Joseph, lorsqu’il se livre à sa propre et décisive interprétation ne s’arrête pas au degré primaire de cette symbolique. Ce dont il a l’intuition, c’est que la séquence binaire que l’on a relevée trace en réalité une perspective dans le temps. Nul ne sait quels sont les matériaux de la veille ou de l’avant – veille qui auront induit le rêve en partie – double du maître de l’Egypte. Ce qui importe est la position que Pharaon finit par occuper: sur les rives de l’artère nourricière de son pays, ce qui atteste que c’est elle qui sera affectée par ce qui s’ensuit. Le contraste apparaît alors maximal entre les deux sous-parties de chaque partie du rêve. Surtout Pharaon s’avère dans l’incapacité d’empêcher l’émergence des vaches maigres et des épis secs. D’où la nature de cauchemars de ces rêves-là qui l’empêchent de retrouver un sommeil réparateur et la sérénité de l’esprit. Pour Joseph, il est clair à présent que ces deux sous-parties correspondront à deux périodes complètement contrastées des temps à venir. Toutefois, loin de rester passif devant la calamité qui s’annonce Joseph incite Pharaon à prendre les devants sans attendre. Leurs intuitions respectives sont corroborées. On ne choisit pas le chenal d’une information, d’où qu’elle vienne, mais une fois quelle est advenue au lieu d’en faire l’énigme du pire, il faut l’ouvrir sur l’avenir. Et Pharaon, ce Pharaon là, écoutera Joseph.

Raphaël Draï zatsal, 17 décembre 2014

Lumière d’être

In Uncategorized on décembre 9, 2017 at 11:42

PikiWiki_Israel_146_Hanukka_חנוכה

Si l’été désigne l’empire du soleil, l’automne puis le début de l’hiver marquent la souveraineté de la lumière, invitant à son éloge. Le 25 du mois de Kislev, jour après jour, s’allument ainsi les huit lumières de Hanoucca qui montent dans la nuit pour évoquer la Présence divine, génératrice de cette lumière génésiaque par laquelle se perçoit tout autre source lumineuse. « Dans ta lumière se voit la lumière », murmure David dans ce psaume que Renan à placé en exergue de Naphtali. La vie est impossible sans air, sans eau ni pain. Que serait-elle sans lumière ? Et sans la lumière d’hiver, la lumière de compassion ?

L’hiver n’est pas la plus sombre des saisons. Le dépouillement des arbres dégage au plus large et au plus loin l’aire céleste ou le soleil enfin peut se regarder en face, soleil esquissé du matin, hâtif de midi, gris-perle de l’après-midi, rougeoyant aux abords de la nuit mais toujours compatible avec nos yeux ouverts. Par-là se ressent un équilibre intime du monde qui laisse pressentir ce que veut dire le mot révélation quand rien ne se dissimule, que les êtres se présentent en ambassadeurs fidèles d’une autre Présence. Lorsque le temps social vire au noir, que l’âme voudrait rentrer en elle-même, n’avoir pas été insufflée dans un corps trop souffrant, advient la consolation de la lumière.

Dieu en a fait la première leçon, au commencement ardu de la Création : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Et la terre était tohu bohu. Et la ténèbre à la surface de l ’abime ; l’esprit de Dieu s’essoufflait sur la face des eaux ».

Nul n’en doit douter : aucune création ne va de soi. Sitôt initiée elle se heurte à ce qui contredit son principe, eût-il été divinement décidé. Face à la création la ténèbre s’encuirasse : face à la ténèbre l’Esprit divin halète. La ténèbre résiste, refuse toute transformation, toute métamorphose. Elle s’entête dans un état que le verbe être est impuissant à designer. Alors Dieu parle : « Et Dieu dit : « Sois Lumière » ».

Dieu n’ordonne pas. Il appelle à l’aide. Seule la lumière, sollicitée par son nom personnel « Lumière », permettra que l’œuvre de Bereshit se poursuive, n’avorte pas comme un embryon inviable dans la fondrière sans fond du chaos primordial, aveuglement perpétué.

« Et Lumière fut ». Cette formule au passé n’est que de syntaxe. Elle veut surtout signifier que la lumière aussitôt se présenta. La nature de la lumière se lie à ce mérite. Face à la peine divine, elle n’hésite, ne tergiverse pas. Elle répond sur-le-champ, avant que l’idée d’instant n’ait été créée. Dieu sait reconnaitre un tel mérite, ses prolongements et ses ulteriorités : « Dieu vit la lumière car c’était bien ». Premier jugement, irréfragable, de valeur. Tous ceux qui adviendront ensuite s’y ajouteront. Lorsque la politique brouillera les regards, endurcira les cœurs, armera les poings ; lorsque la pensée à son tour s’obscurcira, que les chemins et les routes se dissoudront dans l’incertitude ; lorsque la désespérance absorbera l’espoir comme le sable boit l’eau, interviendra la remémoration du geste de lumière d’où l’être naît : sans phrases, sans délais, afin de mettre la ténèbre qui ne sait que s’épandre dans l’impossibilité d’assurer la prorogation du non-être. La leçon sera humainement entendue. L’équivalent de « Et Lumière fut » sera le « Hineni » d’Abraham, le « Je suis ici », tout présent, répondant à l’appel de Dieu quand la fureur et l’absurdité se mettent en travers des routes ouvertes vers la divine bénédiction.

Les bénédictions de Hanoucca marquent une différence radicale entre le feu et la lumière. Le feu dévore, se dévore, puis meurt d’inanition, retournant à la ténèbre dont il n’a fait que différer les reflux. La lumière qui dure, patiente, germinative, féconde le regard, lui donnant à jamais le goût de faire longuement exister ce que le néant a laissé échapper. Elle n’embrase pas la nuit mais l’embrasse. Elle s’y détache comme le rouge sur le noir, la perle sur le velours. A l’instar de la lumière ressuscitée de la havdala shabbatique, elle ne cherche pas à se retrouver seule, au plus tôt, mais retient, indéfiniment, au bord de la table où scintille le Zohar la couronne des hôtes entre lesquels se tiennent, attentifs et silencieux, les archanges venus écouter les interprétations humaines.

La lumière réconcilie en les magnifiant les visages de la terre que la ténèbre dissocie et fait se combattre. Elle donne d’impromptus rendez-vous au désir de vivre sous toutes les latitudes, où que nos pas nous aient menés. Face a la cinémathèque de Jérusalem, elle transverbère la muraille de la Ville ancienne et d’une heure à l’autre la fait passer du blanc nacré au mauve-fauve ; à Marseille elle s’épand au-dessus de la ville en voile de mariée ; à Paris, elle s’avère profuse, profonde, multiple, comme jouée à l’orgue. A Moscou elle se guérit lentement des cicatrices du feu ; à Montréal, elle s’infuse dans le Saint-Laurent qui l’océanise ; Constantine, elle faisait ouvrir les recueils de psaumes et de piyoutim. Par elle, à Rome le vert des pinèdes devient d’émeraude. A Safed, elle fait des bouquets d’étoiles éternelles avec les paroles des Sages. Chaque fois, elle est cette longanime prière des yeux qui déclôt la prière des lèvres, autorisant alors la lecture de la Loi écrite de son encre.

Raphaël Draï zal, L’Arche Janvier 1999

LE SENS DES MITSVOT: PARACHA VAYECHEV

In Uncategorized on décembre 7, 2017 at 6:17

9 Vayéchev

« Voici l’histoire des générations de Jacob: Joseph.. » « Or Israël aimait Joseph plus que tous ses fils… » « Ses frères virent que c’était lui que leur père aimait plus que tous ses frères. Ils le prirent en haine et ils ne purent lui parler en paix » « Joseph fit un rêve qu’il raconta à ses frères… « Et voici que vos gerbes se sont prosternées devant ma gerbe… » (Gn, 37, 2 à 6) 

La Thora ne se réduit pas à un récit édifiant, mettant en scène des héros surhumains, dénués de passions et sans aucune faiblesse. Au contraire, chaque fois, elle souligne leur vulnérabilité, leurs passions immaîtrisées, leurs contradictions intimes. Ainsi en va t-il de Jacob-Israël. Sa contradiction la plus intime est indiquée par le verset précité qui s’engage sur le récit des générations (Toldot) – au pluriel – de Jacob et qui ne mentionne en réalité que le seul Joseph. Ses autres frères seraient-ils exclus de la généalogie des Patriarches et en tous cas de la filiation spirituelle avec leur propre père?

Le même récit livre l’explication de cette exclusivité: l’amour que Jacob porte à Joseph et qui le distingue parmi tous les autres membres de la fratrie, un amour lui même causé par ce que Joseph représente pour leur père commun: il est « fils de son grand âge », autrement dit il le rassure. Cette vieillesse là n’est pas sénescente mais créatrice. Qu’en résulte t-il? Une fois de plus le récit biblique ne procède nullement par effets de sourdine et par périphrases: les frères de Joseph en éprouvent rien de moins que de la haine (sin’a) à son encontre, une haine tellement virulente qu’elle les empêche désormais non pas de lui parler mais de lui parler en paix. Leurs échanges ne sont plus que diatribes. Ils ne savent plus s’adresser à lui que sur le mode périlleux de la dispute et de la querelle. Tout ce récit est une invite à une lecture psychanalytique. Quel rapport en effet entre cette dilection paternelle et la haine collective des frères lesquels s’approchent dangereusement de l’abîme du fratricide?

L’amour, surtout dans sa modalité passionnelle, n’est pas un affect comme les autres. Cet affect là est un signe suprême de reconnaissance. L’être qui en est privé se sent rejeté au néant, devient l’équivalent d’un mort vivant. Comme l’amour doit répondre à l’amour, lorsque cette réciprocité n’est plus opérante l’amour récusé se convertit en son contraire et mute en affect haineux. Et c’est bien ce qui advient entre Joseph et ses frères lesquels se sentent non-aimés de celui qui demeure leur géniteur et dont ils ne comprennent pas la passion exclusive pour ce frère tard venu. On observera d’ailleurs à quel point la relation ici décrite est complexuelle car à aucun moment le récit biblique n’évoque un affect de haine des fils non-aimés ou moins aimés pour leur père qui pourtant apparaît comme le principal responsable d’une pareille situation. Toute la haine suscitée dans un tel contexte est reportée par eux sur le seul Joseph. Commet celui-ci y réagira t-il?

Étonnamment par un rêve sans ambiguïté, un rêve de prééminence, de domination dont, là encore, la symbolique, parle d’elle même. Comme toutes les productions oniriques, cette dernière est susceptible de nombreux commentaires et l’on ne peut que relever l’homologie de la technique talmudique d’interprétation des rêves et celle de la « Traumdeutung » freudienne. Certes, le rêve de Joseph est avant tout l’expression de son propre désir, celui que son inconscient doit mettre en scène puisqu’il ne peut s’exprimer dans la vie diurne pour la raison qui a été indiquée: par le blocage de toute parole pacifiante entre les protagonistes de ce véritable rapport de forces. Mais une fois de plus qu’en résulte t-il? Un redoublement, un surcroît de la haine fraternaire. Comment l’expliquer elle aussi? Une hypothèse se forme: tout se passe comme si pour les frères de Joseph le rêve qu’il vient de leur divulguer et qu’ils ressentent comme une provocation cynique exprimait non pas son désir personnel mais celui de Jacob-Israël. Selon une interprétation strictement psychanalytique ce «second tour» de haine réactionnelle peut être compris comme visant indirectement mais cette fois personnellement le père dont la dilection discriminatoire va conduire au drame que la suite du récit biblique relatera.

On l’a souvent dit, lorsque le récit biblique met en évidence des lacunes, des carences, des syncopes de l’intelligence, il décrit aussi comment on y supplée. Et c’est sans doute pourquoi, comme on le verra, une fois que le drame potentiellement fratricide se sera dénoué, Jacob-Israël délivrera à l’attention de ses fils une bénédiction à la fois commune et individuelle, attestant de son indéfectible amour pour chacun d’eux.

Raphaël Draï zatsal, 11 décembre 2014

VIDEO PARACHA VAYECHEV – L’aventure de Joseph (2007)

In Uncategorized on décembre 7, 2017 at 6:09

Sefarim Octobre 2007 – Déconstruction et reconstruction fraternelle – n° 9

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UNIQUE ET UNIE, JERUSALEM – Actu J (Avril 2013)

In Uncategorized on décembre 6, 2017 at 9:08

Comment éviter les lieux communs en évoquant Jérusalem ? Aucune ville au monde ne se trouve autant au confluent de la politique et du spirituel pour ne pas dire de la mystique. Cependant, si les trois religions dites du Livre la revendiquent pour leur capitale, le langage a ses contraintes que l’on ne peut nier qu’en se coupant du réel. Qu’on le veuille ou non, Jérusalem correspond à un nom hébraïque : Yérouchalaïm, la Ville de la paix double, celle des corps et des cœurs, celle du monde d’en-haut et du monde d’en-bas, une paix toujours à construire et à parachever. Il est probable que sur ce site d’autres peuples aient vécu mais à l’opposé de ces significations qui engagent l’idée même de l’humain et ses tensions vers ce qui le dépasse. Lorsque le peuple juif revendique Yérouchalaïm pour capitale, il ne revendique pas un lopin de terre seulement. Il demande que soient reconnues ce qui en Yérouchalaïm fait sens à partir de lui pour l’univers des hommes. Et c’est précisément afin de signifier au peuple juif qu’il n’existait plus en tant que tel, qu’il était exproprié de sa terre, de son histoire et de sa pensée, que la Rome impériale détruisit le Temple attestant de la Présence d’un Dieu qui n’était pas le Dieu Mars, puis le recouvrit par d’autres édifices et monuments voués à effacer cette mémoire-là. Le peuple juif n’a jamais consenti à une pareille oblitération. Si Rome avait vaincu grâce à sa force militaire, un jour elle serait détruite par une force qui outrepasserait celle de ses légions. Ainsi d’autres puissances lui succédèrent, chrétiennes ou musulmanes. Chacune tenta d’imposer à cette ville des rites, des cultes, des droits antagonistes ayant pourtant ce point commun: les Juifs n’y disposeraient jamais d’autre place que celle concédée par la commisération envers ceux qui semblent plus démunis que des bêtes abandonnées. En découvrant la Jérusalem turque et la condition des « dhimmis » qui y végétaient Pierre Loti écrit: « Nous pleurerions avec eux s’ils n’étaient Juifs ». Pour souligner à quel point la disqualification théologique engage la dégradation des sentiments d’humanité… La constance et la force d’âme d’Israël s’avérèrent à la mesure de ces dénis. Aucun substitut de la Ville magnifiée par David ne fut jamais accepté. Lorsqu’à la fin du XIXème siècle, le peuple juif, mû par Herzl, revint dans l’histoire du monde afin de rétablir sa souveraineté politique, Jérusalem demeurera le point de ralliement des sensibilités que le journaliste autrichien aux intuitions fulgurantes su fédérer en y épuisant sa jeune vie. Les puissances du temps n’y consentirent jamais spontanément, ni sans arrière-pensées. La géopolitique était toujours déterminée par ses tropismes confessionnels. Les Juifs à nouveau maîtres de Jérusalem ? C’eût été déjuger deux millénaires d’« enseignement du mépris » à leur encontre, qu’il fût dispensé en grec, en latin ou en langue coranique. Les responsables du mouvement sioniste mondial se sentaient néanmoins dans leur droit. Ils ne réclamaient ni Rome, ni Constantinople, ni la Mecque mais uniquement la cité-source de leur mémoire vivace, le phare de leur espérance. Ils tinrent bon en dépit des circonstances adverses, avec un sens aigu du temps politique et des fautes commises par leurs ennemis, des fautes qui n’étaient imputables qu’aux contre-sens que ces derniers ne cessaient de commettre sur l’orientation de l’histoire d’Israël et sur l’attachement à ce lieu comme à nul autre. En juin 1967, à la suite d’une guerre que l’Etat d’Israël n’avait pas cherchée, la partie Est de la Ville que la Jordanie s’était illégalement appropriée en 1948 fut enfin réunie à sa partie Ouest. Comme il fallait s’y attendre, le religieux dictant la ligne consciente ou non du politique, ce qu’il est convenu d’appeler la société internationale refusa de reconnaître cette réunification et se réservait Jérusalem- Est à titre de dot pour un Etat palestinien recevant son nom propre directement de la Rome qui avait déjudaïsé cette terre. L’Etat d’Israël y réagit en 1980 par une Loi fondamentale établissant Jérusalem pour sa capitale unie et éternelle. Loi fondamentale que ni le Conseil de sécurité ni l’Assemblée générale des Nations unies, avec ses majorités automatiques et grégaires, ne reconnaissent. Quoi qu’il en soit, c’est bien la première fois depuis deux mille ans qu’au titre de la souveraineté d’Israël, les trois religions coexistent réellement à Yérouchaïm, enfin la bien-nommée. La Ville-Monde mérite ainsi le sceau de la sainteté. Pourquoi ne pas l’admettre loyalement ? Et qui oserait la démembrer à nouveau ?

Raphaël Draï zal, Actu J 26 Avril 2013