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PARACHA TOLEDOT

In RELIGION on octobre 30, 2013 at 8:21

DTolédoth

 ( Gn, 25, 19  et sq )

Le relais entre les générations a été assuré. Itsh’ak et Rivka prennent celui d’Abraham et Sarah, inhumés à Hébron, dans le caveau de Makhpéla, auprès d’Adam et Eve. Le couple par lequel l’histoire humaine a commencé voisine, si l’on peut dire, avec celui par lequel elle a re-commencé. Au début de la nouvelle phase de cette histoire dans laquelle sans cesse la vie le dispute à son contraire, le réel à sa dissimulation, et par suite le révélé au recélé, Rivka ne pouvait donner d’enfant à son époux qui sût prier pour elle. Elle conçut et durant sa gestation ressentit que deux êtres s’apprêtaient à sortir au jour dont la conciliation n’irait pas de soi. Et c’est ce qui advint, au point que ces deux nouveaux-nés annonçaient deux formes de civilisation mais antagonistes incarnées dans l’aîné, nommé Esaü, et dans le cadet, Yaacov. Dès leur plus jeune âge, leurs prédispositions les séparent. Esaü recouvre une des caractéristiques de Nimrod: il chasse, s’épuise dans les courses à travers champs et bois. Yaacov, lui, est un être d’étude et de patience. Il ne cède pas aux premières impulsions, il réfléchit, il élabore, fait toute sa place à la pensée.

Un jour Esaü s’en revient de la chasse, épuisé jusqu’à la mort. Yaacov cuisine un certain plat dont son frère ne perçoit que la couleur: rouge, rouge-sang comme le sang de ses proies. Et de ce plat il veut manger goulûment, au point d’oublier qu’il est l’aîné, que cette primogéniture l’oblige à des comportements moins voraces que ceux qui dénient son aînesse spirituelle. Ce droit d’aînesse il n’en a plus cure, se sentant littéralement agoniser, et c’est sans difficulté qu’il le concède à Yaacov, quitte à réaliser un peu plus tard, dans l’après-coup, la bévue qu’il a  ainsi commise. L’affaire, on le sait, n’en restera pas là et Esaü en concevra une haine assassine à l’encontre de son – si peu – frère. Itération du conflit entre Caïn et Abel dont les causes ne sont donc pas dévitalisées… D’autant que deux dilections contraires renforcent l’antagonisme fraternaire: Itsh’ak chérit Esaü qui sait choyer son palais, Rivka chérit Yaacov qui répond à ses attentes spirituelles, à sa préoccupation de voir prolongé et aboutir le cheminement engagé par Abraham.

L’existence d’Its’hak et de sa famille se déroulera sur la terre que domine le roi Abimelekh. A l’instar de Pharaon, il tente de s’approprier Rivka malgré le stratagème conçu par Itsh’ak afin de protéger leur vie. Répétition de la mésaventure pharaonique? Pas tout à fait. Il semble que la conscience morale du roi de Guérar soit plus aiguisée que celle du maître de l’Egypte. Lorsqu’il découvre de qui Rivka est l’épouse, d’abord il fait reproche à Itsh’ak de l’avoir, en somme, induit à fauter, ensuite, il offre son hospitalité au fils d’Abraham qui s’était entendu intimer par Dieu l’interdit de se rendre en Egypte. C’est donc sur les terres d’Abimelekh qu’Itsh’ak déploiera son activité laquelle s’avèrera prospère au delà de toute espérance.

Cependant cette réussite provoque l’envie et l’animosité des sujets d’Abimelekh: toutes les fois que les bergers d’Its’hak ayant creusé des puits y trouvent de l’eau, élément vital, les bergers du lieu préfèrent les empierrer, les rendre inutilisables, les rendre non repérables, plutôt que d’en faire mérite à Itsh’ak, craignant qu’un tel acte de reconnaissance emporte titre de propriété. Une fois de plus Itsh’ak ne se décourage pas. Tout puit rendu inutilisable sera méthodiquement rouvert, rendu à sa destination  et renommé, jusqu’au moment où, de guerre lasse, les bergers aveuglés par la jalousie et par le ressentiment acceptent un pacte de commune utilisation. Il faut suivre ces péripéties l’une après l’autre pour comprendre la puissance de la patience face aux récurrences des propensions destructrices, selon le principe aberrant: «plutôt personne, et même moi, plutôt que lui».

Cependant, Esaü qui fait le tourment de sa mère à cause de sa violence, de sa vie dissolue, de son mépris des plus hautes valeurs lorsqu’elles contrarient ses emportements pulsionnels; Esaü, qui s’estime grugé, n’a pas désarmé et entend, malgré son désistement honteux, obtenir la bénédiction paternelle car celle-ci effacerait la transaction inconsidérée à laquelle il s’était abandonnée avec Yaacov. La vue d’Ish’ak a beaucoup baissé. Il identifie de plus en plus mal les êtres et les choses et commet aussi des erreurs d’appréciation spirituelles et morales. Rivka y veille. A son tour, estimant que la bénédiction d’Itsh’ak à celui qui reste son fils, certes mais sur lequel, elle, ne s’aveugle pas; estimant donc que cette bénédiction dispensée à Esaü irait à contre sens de la mission abrahamique, elle conçoit un nouveau stratagème. Yaacov devancera Esaü auprès de leur père, saura à son insu choyer son palais, et c’est lui qui obtiendra la bénédiction qui renforcera le droit d’aînesse auquel Esaü l’a subrogé. Et c’est ce qui advint même si Itsh’ak en dépit de sa malvoyance avait nourri quelque doute sur l’identité réelle de la personne qu’il croyait être son fils préféré.

Si les commentaires de la Thora, pour la plupart, justifient le comportement de Rivka et de Yaâcov, ils laissent ouverte la question portant sur la légitimité du stratagème. Etait-il loyal? Etait-il honnête? La Thora interdit de placer un obstacle sur les pas d’un  malvoyant. Mais un malvoyant – Isk’ak en l’occurrence – a t-il lui même le droit de placer un obstacle sur les pas d’un clairvoyant? La Thora n’a rien d’un récit édifiant. Ce n’est pas «La veillée des chaumières». Elle suscite plutôt l’insomnie des consciences vigiles. Bien des questions qu’elle soulève fouaillent les consciences jusqu’à nos jours. Surtout qu’Esaü découvrira le dit stratagème et qu’il voudra assassiner son frère à qui Rivka enjoint in extremis de prendre le large auprès de sa propre famille. Yaacov l’écoute et s’engage dans un chemin qui ne sera pas bordé de lys ni de roses. La fraternité reste un vain mot tant qu’elle ne s’est pas libérée de la tentation fratricide.

                                                                                  Raphaël Draï, zal – 30 octobre 2013

BLOC NOTES: Semaine du 15 Octobre

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on octobre 28, 2013 at 11:10

15 octobre.

Bonne mère

Ier tour de la primaire socialiste à Marseille. La sénatrice Samia Ghali arrive en tête, devant Patrick Mennucci. Marie-Arlette Carlotti, ministre du gouvernement Ayrault, est éjectée, psychologiquement défaite au delà du narrable, indice supplémentaire de l’image réelle du gouvernement dans l’opinion publique. Comme il fallait s’y attendre, le résultat obtenu par l’égérie des quartiers Nord de l’agglomération phocéenne est aussitôt contesté à cause d’une sombre histoire de co-voiturage et l’on ne sait quoi encore. Déjà l’on sent la sainte-alliance se constituer contre la sénatrice au teint mat et à la chevelure couleur aile de corbeau. Il y a le dicible, et puis les non-dits qui pourtant sont perceptibles depuis Paris. Confier l’élection municipale de Marseille à une candidate de la «diversité», issue de l’immigration maghrébine, ferait vaciller le Bonne Mère sur ses assises et donner à penser que les Barbaresques n’attaquent plus depuis le large mais de l’intérieur des terres. Vive la laïcité! Car le candidat nommé Mennucci ne descend pas non plus du duc de Saint-Simon. D’origine italienne ses parents sont arrivés à Massilia au début du siècle  dernier et y ont déposé leur baluchon. Bien sûr, toutes ces composantes ne seront pas évoquées ouvertement dans les journaux et devant les caméras. Chacun et chacune invoquera les intérêts supérieurs de la capitale  méridionale, ceux du Parti Socialiste, et la nécessité de ne pas se faire dévorer une nouvelle fois par un Gaudin qui prépare déjà sa friture de crabes. Comme un seul homme, les autres candidats de cette primaire vraiment primaire se sont rabattus sur Mennucci. La main sur le coeur ce dernier entend signer l’arrêt de mort du «système Guérini», lequel  Guérini voit toujours en lui un des nombreux enfants naturels – et parricides – qu’il a semés dans les permanences du «socialisme» à la marseillaise. Une étude récente a montré que dans le vocabulaire politique de Léon Blum le mot le plus astringent était celui de «désintéressement». Ne le dites pas trop fort. La célèbre sardine du Vieux Port pourrait en attraper le hoquet.

17 octobre.

manif , léonarda

Manuel Vals dans la tourmente de l’affaire Léonarda, prénom de cette élève d’origine kossovare dont les parents se trouvaient en situation irrégulière sur la belle terre de France et qui a été reconduite de son lycée d’adoption sur sa terre ancestrale. Aussitôt, barouf et tintouin, avec des milliers de lycéens dans les rues, scandant les mots d’ordre de l’indignation et réclamant, plus ou moins fort – l’UNEF reste un satellite du PS – la démission de ce  ministre de l’Intérieur sans principes et sans coeur. Je ne sais plus quel sociologue américain a écrit un gros livre sur «L’âge de la sympathie». Notre temps est celui de l’expression obligatoire de ce sentiment cher au philosophe Max Scheler mais qui reste relativement indéfinissable. Il faut y prendre garde: ne pas passer pour sympathique vous rend ipso facto antipathique et l’Âge en question commute en celui de la guerre de tous contre tous. Car, que l’on sache, il a fallu pas moins d’une guerre pour que le Kossovo parvienne à la situation, tout de même bizarre en droit international, de « quasi indépendance » et l’on pourrait présumer qu’un peuple indépendant retienne en son sein tous ses enfants. Il n’en est rien, comme pour de nombreux Etats de la planète sortis de l’orbe coloniale. Leur population migre autant qu’il est possible, officiellement ou clandestinement,  ce qui entraîne que les pays réputés d’accueil et de cocagne s’en défendent par des législations drastiques et peu «sympathiques». La France est de ces pays. Les étrangers n’y sont admis qu’en situation régulière. Qu’est ce qu’une situation régulière? Souvent une situation irrégulière mise aux normes après-coup, le fait accompli se transformant en droit. Parfois, cela marche. Pour Léonarda cela n’a pas marché. D’où, on l’a dit, le tintouin, le barouf, les discordances ministérielles et le président de la République se mettant tout le monde à dos en croyant avoir forgé une motion de synthèse rue de Solferino. Il faut y réfléchir: les réfugiés de ces Etats prétendument indépendants seront d’autant mieux acceptés dans les pays présumés de cocagne, et dont beaucoup se trouvent en crise chronique, qu’il sera possible pour les nationaux de ces mêmes pays d’aller s’établir là bas pour y commercer, pour y dispenser leur culture, y ouvrir les établissements de leur religion. Comme la vie biologique ne peut se concevoir privée d’oxygène, la vie politique internationale ne peut se concevoir sans application maximale du principe de réciprocité.

20 octobre.

Roger_Martin_du_Gard_1937Dans les toxicoses de la vie politique et sociale quotidienne, ménager les moments d’une respiration d’air pur. Rouvert les 3 volumes du «Journal» de Roger Martin du Gard et plus particulièrement le premier, aux années 1914 à 1918 puisque l’auteur de «Jean Barois» avait été mobilisé sur le front de guerre. Deux sentiments poignent le lecteur. D’abord la sauvagerie – le mot est faible –  de cette confrontation planétaire dans laquelle l’Europe a laissé paraître le pire de son âme. Roger Martin du Gard ne dissimule rien  de son désarroi, presque de son désespoir, devant ces terres retournées par le «marmitage» des canons monstrueux, devant les villages réduits à quelques  hideux chicots noircis, devant ces hommes amputés, défigurés; devant  les cohortes humaines relancées l’épée dans les reins vers les champs d’hécatombe; devant les destructions corporelles redoublées de dévastations morales. Une seule plante vénéneuse poussait dans les tranchées, entre les barbelés, sur les centimètres de terrain  gangrenés et grignotés au détriment de l’ennemi mais au prix de milliers de vie humaines – heure: le  Nihilisme. Roger Martin du Gard confie à quel point il a été saisi par cette tentation annihilatrice. Et pourtant, c’est au front même, dans les intermittences des «orages d’acier», qu’il ne peut s’empêcher de travailler à son oeuvre future, qu’il en trace les plans, qu’il en essaye les titres successifs, qu’il en décrit à sa femme, à ses amis, les textures et les  intrigues. «Les Thibault» sont en gésine dans ce paysage infra-lunaire. Résistance de la vie contre ce qui la dénie! Et grandeur du créateur qui ne renonce pas, face aux «  œuvres » infatigables du destructeur. Inlassable combat.

RD

ETHIQUE JUIVE ET EXTREMISMES – QUEL «FRONT NATIONAL»? (Actu J 18 Oct)

In ARTICLES, SUJETS D'ACTUALITE on octobre 28, 2013 at 10:41

Alors que la République française perd un à un ses points de repère, avec la confusion des esprits que cette extinction engendre, il importe  de rappeler l’axiome essentiel de l’éthique politique juive: «Prie pour la paix de l’Etat; n’était le respect qu’il inspire chacun avalerait son voisin tout vif». Quelles leçons en tirer pour la situation politique actuelle, au regard notamment de la victoire du Front national à l’élection cantonale de Vitrolles, ce qui n’eût été qu’un épiphénomène si des sondages récurrents et convergents ne plaçaient invariablement Marine Le Pen en tête des personnalités les plus populaires en France et son – nouveau? – parti en tête des prochaines Européennes?

La science politique ne s’accommode ni de la démonologie ni de l’apologie  aveugle. Marine le Pen est la fille de Jean -Marie le Pen. Il s’agit de savoir si l’affiliation idéologique suit l’affiliation à l’état civil. Héritière politique de son père en assume t-elle l’héritage anti-juif? Car, si Marine Le Pen ne cesse de déclarer ou de faire dire qu’elle n’est pas antisémite, et que ce n’est pas de son fait si elle n’est pas entrée officiellement en contact avec des représentants de l’Etat d’Israël, elle marchera longtemps dans l’ombre d’un père dont les mots d’esprit répugnants et l’apologie du pétainisme l’ont érigé en figure répulsive pour la communauté juive de France. Pendant longtemps la fille a ainsi subi la stigmatisation du père dont le parti était rejeté aux marges extrêmes de la vie politique, ce qui n’empêchait que l’on s’en servît à des fins de manipulation électorale. Le reproche acerbe en a été adressé à François Mitterrand. Si le Front National ne compte aujourd’hui que deux députés à l’Assemblée Nationale, au temps du mitterrandisme il en comptait un bien plus grand nombre sans que la République ait sombré. Marine le Pen l’a compris. Son élection à la tête du Front National l’obligeait à ménager son père avec les affidés de celui-ci et à ouvrir grand les portes et fenêtres du parti, d’abord en se faisant admettre comme l’une des figures incontournables du PAF puis en faisant habiliter le Front National comme une formation politique «normale» et légale, se réclamant à corps et à cris de la morale républicaine. Elle y a réussi.

Cependant, pour aussi intelligent qu’ait pu être son «reloookage» et l’accession aux affaires d’une nouvelle génération, elle n’y serait guère parvenue si les partis républicains patentés n’avaient entrepris de s’auto-démolir et de s’entre-tuer. Extrémisme de  l’irresponsabilité. Après vingt années d’opposition, la Gauche est revenue au pouvoir en 2012, promettant monts et merveilles. Depuis, pas un seul véritable emploi n’a été créé. La fiscalité prend des allures de racket  et nul jour ne se passe sans que des ministres du gouvernement Ayrault ne se déchirent à belles dents. Le  président de la République, lui, reste rivé à sa lorgnette, guettant le retour du beau temps. A droite, le tableau est non moins lamentable. D’abord privée de chef après la défaite de Nicolas Sarkozy, l’UMP s’en est donné un: Jean-François Copé, avant qu’un deuxième ne surgisse: François Fillon, tandis qu’un troisième se prépare  à remonter en selle. C’est dans l’hiver 2013, au pire moment de l’étripage entre les deux premiers, que le tocsin a sonné. Aucun régime politique ne dure lorsque majorité et opposition se trouvent simultanément en crise majeure. Dans l’opinion publique, la déception dépressive s’ajoute à la désillusion féroce. Telle est la raison non pas exclusive mais prépondérante de l’irrésistible montée sondagière de Marine le Pen: dans la déliquescence de la Vème république  elle a fini par incarner  l’espoir d’une alternative. Les réactions affectives n’y feront rien. On s’écriera que le programme économique du FN est délirant et inapplicable. Celui de la Gauche s’est–il avéré plus opératoire? Et la Gauche des bons sentiments a t-elle mieux réussi dans l’intégration à la République de l’Islam? Manuel Vals y est diabolisé. Le grand philosophe anglais Hobbes l’avait souligné: le Léviathan apparaît lorsque les régimes se décomposent. C’est pourquoi l’année électorale 2014, sauf miracle économique urgent, risque d’être sismologique en consacrant la primauté du Front national dans l’opinion publique.

En cette perspective, il importe que le leadership de la communauté juive soit plus uni que jamais, surtout en considération de son propre agenda électoral qui s’annonce houleux. Si les  temps à venir sont incertains, l’on n’aura pas manqué d’avertissements.

 Raphaël Draï – Actu J 18 Octobre

PARACHA H’AYE SARAH

In RELIGION on octobre 23, 2013 at 8:24

    Image  Sara-1

(Gn, 23  et sq)

Cette paracha fait partie de celles qui relatent la fin d’un parcours humain et le commencement d’un autre, en l’occurrence la mort de Sarah et ce qui s’ensuit, puis la rencontre conjugale de son fils Itsh’ak et de Rivka, l’épouse que son père a envoyé quérir en des terres lointaines.

Sarah donc rend l’âme après une vie bien remplie où les épreuves n’ont pas manqué, en particulier sa stérilité, son enlèvement par les rabatteurs de Pharaon, ses démêlées  avec Hagar, sa servante égyptienne. Pour le Midrach, sa fin a été hâtée par l’annonce, précipitée, que son fils, son unique, son aimé, avait été sacrifié par Abraham au nom d’un Dieu qui en avait pourtant décidé la naissance. Premier enseignement: après la mort de son épouse, Abraham s’emploie à trouver une sépulture digne d’elle afin que son souvenir se perpétue. C’est cette leçon qu’il faut en priorité retenir, au delà des péripéties de l’acquisition à fort prix d’argent de la caverne de Makhpéla dont Êphron le Hittite était le propriétaire légal à ce moment.

Tout être humain est mortel. Cependant la mort, on l’a vu avec Moïse, ne signifie pas le néant. Un être humain se survit avant tout dans et par le souvenir des siens, à condition que ce souvenir soit, comme l’on dit, entretenu. Cette obligation est celle-là même qui caractérise la condition humaine. Un animal ne se survit pas dans le corps ni dans le mental de ses petits. Il faut que la  vie de Saraï, devenue Sarah, fasse école auprès de ses descendants, qu’ils s’interrogent sur ce qui s’est accompli de cette vie au regard d’un projet qui sans doute la dépassait, et ensuite ce qu’il reste à en accomplir et qui sera relayé, en cas de besoin, de génération en génération. Les caractéristiques du lieu choisi par Abraham correspondent à l’ampleur de ce projet tel qu’il avait été formulé par le Créateur: le Lekh lekha initialement enjoint à Abram a changé d’échelle une fois que Saraï a eu pris part à sa réalisation. Il est devenu un Lekhou lakhem, un «Allez pour vous, vers vous» qui se transmettra de génération en génération jusqu’au peuple d’Israël, lorsque tous ses «enfants» proclameront à leur tour au Sinaï: «Nous ferons et nousécouterons». Au pluriel. «Makhpéla» est un nom construit sur la racine CPhL qui désigne la dualité, la doublement. Indice que ce lieu là, pour des raisons que le Zohar explicite, reliait le Monde d’en-haut et le Monde d’en-bas; l’humanité ayant déjà vécu et celle appelée à la vie afin de réaliser le projet d’un relèvement de l’humanité des abaissements et des effondrement qui ternissait sur sa face le sceau divin.

C’est dans cette perspective, une fois ce lieu acquis dans des conditions qui rendent cette acquisition incontestable et opposable aux tiers, quels qu’ils soient, qu’Abraham se préoccupe du lien conjugal de son fils, surtout après l’épreuve de la Âkeda. Il n’entend pas qu’Itsh’ak prenne femme en terre de Canaan, ce qui l’eût parfaitement désorienté spirituellement. Selon le droit matrimonial en vigueur il mandate son intendant, son homme de confiance, Eliézer afin qu’il aille discerner la  future femme de son fils dans son milieu familial d’origine, ce qui au passage confirme bien que le Lekh lekha initial ne doit pas s’entendre comme une irréversible rupture avec ce milieu natal.

Eliezer se met en chemin dans cette direction, à la fois géographique et spirituelle. Arrivé physiquement à destination, il adresse sa prière vers le Dieu d’Abraham qu’il favorise sa mission. Auprès du puits ou les chameaux de son imposante caravane se sont groupés, il discerne une toute jeune femme dont il apprend le nom: Rivka, de la famille de Béthouel. Sa conduite retient son attention: elle puise l’eau du puits pour en abreuver ces bêtes de somme et de trajet au long cours, de sorte à en apaiser la soif mais une à une, comme si chacun de ces animaux constituait un être singulier nécessitant des soins différencies et une attention propre. Pour y satisfaire, il ne faut ni précipitation, ni impatience. Et Eliezer comprend que cette jeune femme est celle qui comblera le vœu d’Abraham parce qu’outre la sollicitude dont elle sait faire preuve vis à vis de ses bêtes, elle est animée par une  profonde intelligence du temps qu’elle sait dispenser comme l’eau apaisante.

Bien sûr il faudra ensuite que Rivka ayant consenti à l’accompagner auprès d’Abraham, qu’Eliezer obtienne le consentement de sa parentèle qui sait en faire mesurer le prix, comme Êphron l’avait fait à propos du caveau de Makhpéla. Cet accord obtenu, Rivka se met à son tour en route pour rejoindre les Abrahamides. Sa rencontre avec Itsh’ak  sera comparable à celle des deux parties d’un symbole qui se réunissent pour que celui-ci irradie de toutes ses significations, telle une lampe perpétuelle.

Et c’est après et après seulement que son fils se sera marié avec cette femme porteuse du futur qu’Abraham lui même reprendra épouse, pour finir ses propres jours comme il les avait commencés: sans être à charge pour personne, ni pour les siens ni même pour l’Eternel, et il saura combler  tous ses enfants de la part la plus ajustée à leur vie et à leur cheminement.

Pourtant le mot « épreuve » n’est pas près de disparaître du récit biblique puisque le couple formé par Itsh’ak et Rivka s’avère lui aussi stérile. Comment retrouver alors les voies de la fécondité, de la suite des générations sans laquelle aucune Histoire n’est concevable…

 R.D.

Bloc-Notes: Semaine du 8 octobre

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on octobre 22, 2013 at 6:00

8 octobre.

Peinture blanche

Non- lieu pour Nicolas Sarkozy. La juridiction bordelaise n’a pas retenu l’incrimination d’abus de faiblesse imputée à l’ancien président de la République au détriment de Liliane Bettencourt, la femme richissime qui offre des Matisse comme d’autres des images du Tour de France. L’incrimination était absurde et grotesque. Elle  s’est auto-détruite par son excès même. Voici donc Nicolas les pieds désentravés, même s’il est vrai qu’Eric Woerth son ancien  ministre, n’en a toujours pas fini, lui, avec la justice de la République. Quelles sont ses intentions? Quels sont ses plans? En allant de ci, de là, sans se laisser jamais interviewer directement, il laisse s’effacer le nuage de médisances, de ragots, de moqueries qui lui a été fatal en 2012. Avec un risque déjà souligné: en attendant, d’autres occupent le terrain et lui en bloquent progressivement les voies d’accès. Qui sont  ces autres? Les «fillonistes», bien sûr,  et l’on s’étonnera que l’ancien Premier ministre, sur-dosé en gaullisme mythologique, s’auto-investisse d’une  mission providentielle pour sauver la France. Les comptes à l’UMP ne se règlent plus en famille. Nicolas Sarkozy aurait tort de s’imaginer toujours dans la peau du challenger de Chirac. La force montante est couleur bleu marine. Les leaders de l’UMP, ou ce qu’il en subsiste, ont raison de ne pas vouloir s’allier avec le FN. Ce serait rejouer «La chèvre de Monsieur Seguin», ce récit morbide qui a embué nos yeux d’écoliers. Tout semble indiquer que Nicolas Sarkozy mette en place une fusée à plusieurs étages dont il décidera du lancement s’il est sûr de ne pas reprendre une raclée. Mais l’on imagine en 2017 la revanche du débat de 2012: «Vous Président, la France est à genoux; vous Président, le FN est au plus haut; vous Président, des français quittent la France;  vous Président, la France n’est pas présidée». Tel est un des axiomes les plus vérifiés de la science politique: le vrai problème de l’élection se pose le lendemain de l’élection. Lorsqu’après avoir sabré le champagne et chanté à tue- tête: «On a ga- gné! On ga-gné!», il faut faire mieux que le prédécesseur, créer de vrais  emplois, avoir une vraie idée du futur.

 

10 octobre.

priebke

On annonce la mort du nazi Erich Priebke, avec quelques problèmes pour son inhumation. L’enthousiasme n’est pas de mise dans son Allemagne natale qui ne le réclame pas. Un accord avec son dernier avocat incite à penser qu’il trouvera sa demeure funéraire en Italie, dans un endroit secret. Le bourreau des fosses ardéatines aura ainsi frôlé l’âge centenaire. Ses victimes ne sauraient en dire autant. Quelle leçon tirer de cette monstrueuse époque? Dans l’un de ses ultimes essais, scientifiquement testamentaires: «Analyse avec fin et analyse sans fin», Freud le rappelle: nul ne peut assurer que le dernier dragon de l’âge archaïque soit mort, vraiment mort. Pour en avoir la certitude il faudrait que se reconstituent les circonstances de l’époque et qu’au lieu du pire de l’homme en l’homme, le meilleur se fasse enfin jour. Expérience dangereuse. Par le fait même de cette possible reviviscence, le pire attesterait de son intact virulence. Si l’époque du nazisme est chronologiquement close, l’est-elle mentalement? Qui s’en porterait fort? Tout armé du savoir psychanalytique, Freud a été contraint de fuir Vienne in extremis tandis qu’Hitler en était devenu le maître. Mais Hitler à son tour a fini suicidé et carbonisé. Une fin qui évoque celle des «Liaison dangereuses», citées ide mémoire: «Je vois bien  les méchants punis mais leurs victimes sont elles revenues à la vie?».

 

 

13 octobre

Cocteau_1923

Revisiter  les deux films de Jean Cocteau «Orphée» (1950) et «Le Testament d’Orphée» (1959) exige un peu de bonne volonté. Comment se priver du plaisir de revoir Jean Marais et son profil grec aux sourcils renfrognés, Maria Casarès et ses yeux noirs d’Espagne, François Perrier et sa coupe de premier communiant,   Juliette Gréco avec son nez d’origine, Marie Déa et son regard de perdition, et tant d’autres? Il fut un temps où tout ce que à quoi Cocteau touchait; théâtre, poésie, peinture et «cinématographe», comme il disait, se transformait en or. L’arlequin au costume brodé d’or faisait oublier l’homme rongé de doutes, miné par la souffrance, délabré par l’opium qui a laissé des notes bien grises  dans «La Difficulté d’être». Ses excès montraient le revers de ses manques et de ses lacunes. Un jour, il s’embarda un peu trop loin avec une pièce à charge contre l’Eglise, affublée du titre retors de «femme -tronc». Mauriac dont les mœurs secrètes n’étaient pas éloignées de siennes l’en châtia par une lettre au curare dont quelques mots sont restés: «Tu es dur mais tu as la dureté de l’insecte. Il suffirait d’appuyer un peu». Comme on le dit en langage populaire, ces deux films ont pris un sacré coup de vieux. Les tragédies antiques perdent à être transposées en costume de ville, les chars aux fringants coursiers se transformant en motocyclettes pétaradantes et la figure du destin transposée en demoiselle du téléphone. Autant repasser les peinture de Lascaux au Ripolin. Et puis, les effets spéciaux de l’époque sont devenus presque risibles au regard de ceux d’aujourd’hui, produits par des ordinateurs qui font vraiment prendre des vessies  pour des lanternes. Que reste t-il de cette tentative de nécromancie filmée? Il faut imaginer Orphée en pantalon de golf, dans un enfer éclairé au néon. Un jour les films de Cocteau seront revus  par d’autres yeux encore… Et peut être les trouvera t-on magiques, ou mieux, et cette fois vraiment: poétiques.

PARACHA VAERA par Raphaël Draï

In Uncategorized on octobre 16, 2013 at 9:14

4.Vayéra

L’itinéraire dAbraham se poursuit. Entre temps, ayant accepté que son corps et que sa vie fussent symbolisés par la pratique de la mila, de la circoncision révélatoire, son nom s’est enrichi d’une lettre: la lettre hé, la cinquième de l’alphabet. Ses significations sont essentielles puisqu’elle désigne: l’article défini, la direction, l’interrogation et le féminin, toutes dimensions sans lesquelles l’Humain, quelles que soient ses prétentions à la perfection, est incomplet et  carencé. Cette symbolisation là est liée à l’accession au langage plénier, à la parole explicative. C’est sans doute pourquoi la valeur numérique de mila: 85 est la même que celle du mot «bouche»: peh. De cette parole plénière et vitale, Abraham aura maintes occasions de  faire preuve.

Pour commencer, alors qu’il se tient à l’orée de sa tente, interviennent trois personnages. Sont-ils  humains ou célestes? Sans prendre pensivement son menton dans sa main, Abraham les fait entrer dans sa tente et s’empresse, avec sa femme, à présent nommée Sarah, par adjonction de la même lettre, de préparer le repas qui semble leur convenir. L’hospitalité  s’inscrit alors comme l’une des règles qui fondent le lien entre le Monde d’en-haut et le Monde d’en-bas. En vérité, ces personnages sont des envoyés divins, chargés de deux annonces qui ne sont pas de la même veine.

Abraham et Sarah, jusqu’alors sans postérité, s’entendent  annoncer qu’un enfant leur naîtra, au temps décidé. Ce qui provoque le rire de Sarah d’où procèdera le  nom du futur enfant; Itsh’ak: «Il rira». Rire d’incrédulité  et de dérision? Ou, au contraire, de soulagement et de joie? Les deux, sans doute, car qui peut imaginer, serait-il doué de l’âme la plus élevée, que les «lois» de la nature, elles aussi de source divine, puissent faire exception à leur propre cours? Abraham et Sarah sont avancés en âge et la vieillesse n’est plus le temps de la fécondité. La suite des mois leur donnera, heureusement, tort. Un fils leur naîtra, sans aucun recours palliatif cette fois. Le recours, si l’on peut ainsi parler, à Hagar, la servante  égyptienne, d’où est né l’enfant précédent,  Ichmaël, ne s’est pas révélé paisible.

L’autre annonce, dans une toute autre perspective, concerne les cités d’iniquité: Sodome et Gomorrhe. Leur destruction  semble inéluctable. Cependant, et avant même que de s’enquérir des causes gravissimes d’un si terrible décret, Abraham intervient et s’interpose. Une fois de plus, pour l’édification morale des familles de la terre  et des générations à venir qu’il a vocation de  bénir, il met en question ce qui lui apparaît non seulement comme une iniquité à l’égard des hommes mais aussi comme une profanation du nom de Dieu. Comment «le Juge de toute la terre» ferait-il périr le juste et l’injuste, l’innocent avec le coupable! S’ensuit la première plaidoirie du genre humain auprès du Juge divin afin que, si justice doit être faite, elle respecte son essence: être mesurée, être individualisée. Le Juge de toute la terre y consent: que dix justes se décèlent dans ces cités autrement perdues et elles seront sauvées. A ce moment, Abraham ne peut s’en porter fort. Il se tait. Plaider n’est pas chercher à circonvenir le tribunal. Le Midrach, étonnamment, lui en fera reproche: que n’a t-il abaissé le barème de survie, jusqu’à un seul juste!  Faute de ce quanta salvateur, les villes dans lesquelles les magistrats contraignaient les victimes à indemniser les coupables, et dans lesquelles les nécessiteux recevaient des pièces de monnaie qui n’avaient plus cours, ces villes inversives, se verront foudroyées.

Cependant, Loth avec une partie de sa famille  qui s’y était établie  auront eu le temps de s’en échapper, in extremis. Suit un épisode qu’il faut bien qualifier de scabreux au cours duquel les filles de Loth, totalement coupées du monde et s’imaginant qu’elles et leur père étaient les derniers survivants du genre humain, et dans l’intention que l’humanité reprenne vie, ourdissent un stratagème pour concevoir de leur propre géniteur.

Les anthropologues enseignent qu’il est différentes formes d’inceste. Celui  dont il est question pourrait être qualifié «d’inceste altruiste». Il appelle l’attention puisque des deux peuples qui en seront issus: Amnon et Moab, le Messie est appelé à apparaître. L’attestera l’histoire de Ruth, la Moabite, qui tint, contre toutes prédictions trop fondées, de malheur et de souffrance, à rejoindre le peuple d’Abraham et son Dieu.  Et ce n’est pas sans raisons que son histoire est  rappelée à Chavouôt, lors de la grande solennité du don de la Thora.

D’autres épreuves attendent encore le couple initialement sorti de H’aran. On en prendra connaissance dans le texte même de la paracha. La plus éprouvante, humainement et spirituellement, consistera dans la ligature du fils aimé, d’Itsh’ak, afin qu’il fût élevé au mont Moriah en holocauste (ôla), et cela sur injonction divine. Abraham a t-il vraiment discerné ce que le Créateur attendait de lui? Ne s’est-il pas exposé sourdement à un sacrifice infanticide? La question reste débattue jusqu’à nos jours. Quoi qu’il en soit, au moment décisif, il sait  arrêter le geste sacrificiel  et entendre la voix céleste interdisant à jamais l’immolation des enfants et, plus largement encore, tout préjudice à leur encontre.

Mais l’Histoire en portera les séquelles. En apprenant  qu’Itsh’ak avait été voué à un sacrifice d’injonction divine, Sarah mourra, avant même que d’en entendre l’issue finalement heureuse.

En général la Akédat Isth’ak est considérée comme la dixième et l’ultime épreuve endurée par Abraham mais la négociation à venir, menée avec Êphron, le retors Hittite, pour l’acquisition du caveau de Makhpéla afin que Sarah y fût inhumée, mériterait d’être considérée comme la 11eme, non mois éprouvante que les précédentes.

 R.D.

Bloc Notes: Semaine du 30 Septembre

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on octobre 15, 2013 at 9:38

Le 30 septembre.

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Nouvelle dégradation de la cote de popularité du chef de l’Etat, comme on a pris l’habitude de qualifier le président de la République. Chef, il faut l’être assurément. François Hollande a beau  s’échiner il ne parvient pas à entrer dans le personnage. Les derniers affrontements qui ont affligé son gouvernement  dont le Premier Ministre ne semble tenir solidement en mains qu’une canne à pêche le démontrent, une fois de plus, ad nauseam. Depuis dix-huit mois ou presque, le régime politique de la France présente les apparences de le Vème République. Dans la réalité il se coule dans les ornières récessives de la IVème. Certes, le Président en titre peut enfler la voix, gronder ses ministres chamailleurs ou chamailleuses et laisser entendre que c’est la dernière fois qu’il tolèrera leurs esclandres. Il ne dissipe nullement  le sentiment délétère selon lequel les ministres concernés ne se le tiennent pour dit qu’en raison de leurs ambitions propres, décelables même par l’oreille d’un sourd. Ne dirait-on pas, qu’hormis quelques autres membres du gouvernement dont l’emploi de ministre semble être le premier qu’ils aient occupé depuis leur sortie du Lycée, les autres ont déjà anticipé l’échec de la présidence Hollande et qu’ils en préparent à bas bruit la succession? Bien sûr, François Hollande a les yeux fixés non sur la courbe des sondages mais sur celle du chômage. Il attend que cette courbe miraculeuse se retourne comme sœur Anne guettait les secours du haut de la tour sanglante de Barbe Bleue. La position est pathétique. A la fin de l’été, les statistiques semblaient aller dans le bon sens. Hélas, elles étaient en partie faussées à cause d’une erreur d’informatique. Et à supposer que la courbe fatidique s’inverse vraiment, lui en saura t-on gré? La boutade d’Alphonse Allais est connue qui déclarait en poussant ses volets: «Sans me vanter, il fait beau». En face, la Droite  ne cesse de se déchirer à belle dents entre ses trois cavaliers: le cavalier sans cheval, François Copé; le cavalier seul, François Fillon; et le cavalier masqué, Nicolas Sarkozy. La théorie psychanalytique dont il faut savoir ne pas abuser en science politique connaît bien ces  formes de suicide: le suicide à deux pour la Gauche et la Droite, à trois ou à plusieurs pour le PS, Les Verts et l’UMP.

Ier  Octobre.

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Assemblée générale de l’ONU. Pendant que Obama et Rohani dansent le tango, joue contre joue, chaussés d’escarpins en peau  d’ange, le premier Ministre d’Israël fait irruption dans la salle de bal avec ses brodequins cloutés. Et il ne l’envoie pas dire: la République islamique d’Iran n’a nullement renoncé à son programme nucléaire. Rohani veut donner du régime iranien une image moins rebutante que son prédécesseur Ahmadjinedjad auprès de qui Goebbels pouvait passer pour une nature sensible. Il entend juste desserrer l’étau des sanctions internationales. Pour le reste il l’a dit et il le répète: l’Iran a le droit d’enrichir son uranium. Ce droit n’est pas négociable. Seuls les «détails», comme il les qualifie, relèvent d’une discussion forcément paritaire. Tout observateur de bonne foi se trouve alors partagé: comment dans ce monde instable ne pas  donner ses chances à la paix, ne pas privilégier la discussion sur l’épreuve de force? Depuis la fin de la seconde Guerre mondiale, aucune guerre ne s’est terminée sur une victoire digne de ce nom: autrement dit militaire et politique. Sans remonter à la guerre de Corée, l’Afghanistan, l’Irak, la Libye, le Mali, sans parler du proche Orient, ne sont toujours pas revenu à la paix, s’ils s’y sont jamais trouvés! En même temps comment se prémunir contre une autre stratégie, duplice: celle qui incite la République théocratique d’Iran à gagner du temps, encore un peu de temps, pour arriver à ses fins. Après, il sera trop tard. L’Etat  d’Israël le redoute et le proclame. L’Egypte, la Jordanie, l’Arabie Saoudite, et d’autres Etats du Maghreb le redoutent mais doivent se taire pour ne pas paraître faire le jeu des «Juifs». A la tribune de l’ONU Benjamin Netanyahou a pris date. Il semble que d’autres chefs de délégation lui en aient su gré.  Mais chut …

6 Octobre.

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Pénétré, spéléologiquement, dans les huit volumes du critique d’art et de littérature: Werner Spies. Profonde bouffée d’oxygène culturelle. S’il n’est pas difficile d’entrer corps et âme dans un paysage de Pissarro, dans un salon de Chardin, si ce n’est dans le regard éternisé des visages du Fayoum, comment y réussir chez Tapies, Fautrier, Newman, Boltanski, Bram Van Velde.. Des bibliothèques entières ont été consacrées à l’art dit moderne, sous toutes ses variantes, en toutes ses filiales, succursales, sous-traitants et mal-traitants. On ne juge pas une oeuvre qui se présente comme une oeuvre d’art. On doit s’efforcer de comprendre ce que son auteur, à supposer que ce mot conserve un sens en ce domaine, a voulu exprimer et qui parfois dépasse sa seule personne. Dans ce cas, sa main se compare au capteur du sismographe, au traceur de l’électroencéphalogramme. Soit. Ecoutons. Comprenons. Sans éluder pour autant une autre question: pourquoi la Face humaine s’en absente t-elle? Ces giclures, dislocations, collages, greffes de papier peint et de lambeaux d’affiches, de morceaux de ferrailles et de bouteilles en plastique peuvent elles y suppléer? Sait-on même la  restituer par le mouvement du dessin? Celui -ci semble s‘être réfugié dans la bande dessinée qui a ses remarquables Breughel et Goya. Comment l’y rétablir en sa plénitude sans qu’elle apparaisse «restaurée»? Ne faut-il pas en dire ce que Flaubert disait, je crois, de l’Orient: «Hâtez vous de le contempler. Il va disparaître». La Face humaine, résistante jusque chez Rouault et même chez  le clown de Bernard Buffet, aurait-elle  des substituts?  Serait-ce l’urinoir inversé de Duchamp?

                                    R.D.

LE MALIN ROHANI ET OBAMA L’AMBIGU (Actu J – Octobre 2013)

In ActuJ, ARTICLES, SUJETS D'ACTUALITE on octobre 15, 2013 at 9:21

Après trois décennies de rupture, la communication entre Washington et Téhéran est rétablie. L’administration Obama est persuadée que c’est le meilleur moyen de mettre un terme à la fabrication de l’arme atomique par l’Iran. Or la République islamique s’est dotée d’un nouveau président qui semble rompre, au moins dans la forme, avec les outrances goebbelsiennes de son prédécesseur, Ahmadjinedjad. Hassan Rohani a reconnu, dit-on, le fait même de la Shoah. Par suite, ce n’est pas la civilisation de Martin Buber et d’André Chouraqui qui refuserait ses chances au dialogue. Seulement, il s’agit de ne pas se tromper d’interlocuteur. Le système politique iranien comporte deux visages: le visage d’apparence, celui que peut revêtir le président en fonction, et le visage réel: celui du véritable maître de l’Iran: le guide Ali Khaménei. C’est de lui que viendra, si elle existe, la volonté décisive de mettre un terme ou non au programme de l’«Iranium», quelle que soient les évolutions de la société civile iranienne. Pour l’instant la poupée du Ventriloque suprême prononce le mot «diplomatie». Faut-il la  croire sur parole? Les réactions de la «rue» iranienne ne sont pas enthousiastes et nous laissent dubitatifs. D’ailleurs, qui se trouve à l’initiative de ce changement? L’Iran ou les Etats Unis? A moins qu’il s’agisse d’un mixte, les pigeons voyageurs des deux pays se croisant dans les cieux orientaux? Supposons que l’initiative vienne de l’Iran qui ne peut endurer plus longtemps ce qu’il est convenu d’appeler les «sanctions internationales», lesquelles, à l’évidence, n’empêchent pas la prolifération de ses usines  atomiques, surtout les secrètes: la démarche reste à clarifier. Cause ou effet, le lien apparaît patent entre la crise syrienne et ce changement d’attitude. Les maîtres de la République islamique ont-ils perçu la force dissuasive de l’Occident sous leadership américain, lui même sous présidence démocrate, ou au contraire sa faiblesse? Après les menaces qui l’ont visé, Bachar El Assad, soutenu de manière indéfectible par son allié principal: la Russie de Poutine, est toujours en place. Il a même atteint l’un de ses objectifs vitaux: gagner du temps. Tant que l’affaire syrienne restera cantonnée au Conseil de sécurité, le chef des Alaouites ne verra pas blanchir sa chevelure. Pour cet autre allié de Damas qu’est Téhéran, pareille politique est on ne peut plus payante. Tandis que les négociations s’engagent selon la fameuse «stratégie des petits pas», le temps s’écoule et les usines continuent de marcher à plein régime. L’essentiel est de gagner quelques années encore. C’est en ce point qu’il faut s’interroger sur  Barack Obama, sur son idéologie, sinon sur son équation personnelle. L’on aurait tort d’imaginer que les feuillets de son fameux discours du Caire ont été emportés par le vent. Barack Obama est un pacifiste, ou s’est construit une image conforme à cette idéologie. Il est convaincu que la guerre ne vaut qu’à titre de menace. Ce serait se déjuger intimement que d’y recourir vraiment. Certes, ses dilemmes diplomatiques ne sont faciles à résoudre. Au début de son premier mandat, il a cru pouvoir imposer ses vues au gouvernement Netanyhaou. La bévue n’a pas été pour rien dans sa déculottée de 2010 aux élections législatives dites à «mi-mandat». Il lui faut donc affirmer le soutien indéfectible des Etats-Unis à l’Etat d’Israël tout en savonnant la planche à son gouvernement actuel, encouragé dans la communauté juive américaine et en Diaspora par les «pacifistes»  de J-Street  et leurs émules. Cependant, la  motivation idéologique n’est pas exclusive. Tout être humain à son histoire singulière et son équation personnelle. Barack Obama l’a raconté dans son autobiographie si bien intitulée: «Les rêves de mon père». Le président américain est lié à l’Islam et à l’Afrique. Toute guerre dans cette direction comporterait pour lui un impact quasiment parricide. En cas de crise, il lui faudra toujours trouver d’autres voies que celles du passage à l’acte. Si cela se conçoit humainement, l’on ne saurait confondre psychanalyse et politique, pas plus qu’en sciences naturelles il ne faut  confondre les couleuvres et les vipères. Dans un univers qui fait de l’«empathie» son fond mental, le gouvernement d’Israël ne peut donner le sentiment qu’il rejette le dialogue par principe. Il lui faut simplement être au clair avec ses propres lignes rouges. L’existence d’une nation est en jeu. A la Tribune de l’ONU Benjamin Netanyahou ne l’a pas envoyé dire. Les véritables hommes d’Etat doivent savoir prendre date.

Raphaël Draï zal, Actu J le 4 Octobre 2013

Bloc-Notes: Semaine du 23 Septembre

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on octobre 10, 2013 at 1:59

23 septembre.

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Présentation du budget de la santé par la ministre en charge de ce secteur particulièrement… névralgique: Marysol Touraine. Nouvelle quadrature du cercle. Avec un tracé de croissance proche de l’électro-encéphalogramme plat, comment contenir le déficit de la Sécu, tout en maintenant la qualité des soins et le standing sanitaire d’une nation de premier plan? Depuis quatre décennies à présent,  l’Etat purgatoire s’est substitué à l’Etat providence. Dans une économie anoxique, une économie de pénurie, la tentation devient de plus en plus forte d’imputer la charge du fardeau à l’incurie de ses concitoyens. Ainsi sont ou seront mises en cause les professions de santé (pharmaciens, médecins, infirmières, praticiens hospitaliers, etc..) accusés de faire leur gras sur les maladies des uns et des autres, véritable crocheteurs de vieilles dames cacochymes et parasites de l’effort collectif dont ils s’exceptent obliquement. L’imputation vaut ce que vaut l’idée reçue qui l’alimente. A ce compte pourquoi ne pas fustiger les boulangers parce qu’ils font leur beurre sur la faim publique, les entreprises de pompes funèbres parce qu’elles commercent avec la mort, et les fabricants de vêtements parce qu’ils profitent de l’interdit de circuler tout nu! Dans l’univers de la rareté, cher à Sartre, chacun devient le surnuméraire du  voisin  au point d’en oublier deux considérations pourtant fondamentales. D’abord, tous les systèmes économiques sont monétarisés et financiarisés. Il n’est possible d’accéder au marché des biens qu’à la condition de disposer des ressources monétaires nécessaires pour les acquérir puisque cette acquisition, sauf cas exceptionnel, ne peut s’opérer ni par dons systématiques ni par troc. Ce qui entraîne que toutes les professions soient professionnalisées, autrement dit, destinées  pour leurs titulaires, après validation légale, à acquérir les dites ressources. En ce sens, le Pape lui même perçoit un traitement qu’il s’empresse naturellement de redistribuer. Exercer une profession se ramène non pas à exploiter la détresse et la misère  mais à répondre à un besoin, y compris celui de se nourrir et de nourrir sa famille dans une économie de ce type. Autre considération axiale: la déficit de la Sécu ne s’explique pas exclusivement par les abus des uns et la sur-exploitation des autres, sans parler des fraudes commises en grand nombre par des délinquants qui s’imaginent toujours au temps des vaches grasses. Il s’explique surtout par le chômage et la précarité d’un fort pourcentage de la population que l’on ne peut pourtant pas ne pas soigner et sustenter si l’on veut éviter de nouvelles insurrections. En somme, d’un côté l’amputation, de l’autre le chloroforme. L’économie  est une branche de la créativité de l’univers. Si elle y déroge, il n’est plus aucune bonne solution, concevable et praticable. Cependant, au lieu de s’y coller, les chefs des partis  se spécialisent, entre deux diatribes, dans la biologie cellulaire  du nombril  qui n’est pas exactement celle du cerveau.

 

24 septembre.

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Fin de la prise d’otages au centre commercial Westgate de Nairobi. Les forces armées kenyanes auront eu raison du commando de «chebabs»,  somaliens et autres,  qui s’est livré en ce lieu convivial à un assaut d’une sauvagerie indescriptible. Et cela au nom de l’Islam. Mais de quel Islam? Il a bon dos, si l’on peut  dire, le prophète Mohamed au titre de qui cette sauvagerie s’est déchaînée. Il semblait pourtant que la noblesse de caractère et que l’esprit de chevalerie aient toujours animé les compagnons de ce dernier et ses disciples, sans parler du courage qu’ils ont déployé pour conquérir à force armée la moitié de la planète en moins de temps qu’il n’en faut pour le raconter! Dans ces prises d’otages, ces tueries sélectives, ces mutilations d’hommes et de femmes sans défense, où est le vrai courage? Où se trouve la vraie foi? Le fanatisme est une pathologie, certes, mais une pathologie de l’esprit dans lequel la bêtise, la lourde, l’insondable bêtise obnubile l’intelligence et le  sens du réel. Car en quoi le massacre de Nairobi a t-il fait avancer d’un pouce la cause de l’Islam ou de ce qui passe pour tel? Ces «chebabs» ont-ils conscience, au contraire,  de la régression qu’ils infligent à leur cause et de la répulsion planétaire qu’ils  engendrent, sauf bien sûr chez quelques émules en mal d’émotions fortes et dont la haine explicite qu’ils vouent à l’univers entier n’est rien comparée à celle, inavouable, qu’ils nourrissent contre eux mêmes.

 

29 septembre.

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Toujours le cycle John Ford avec  «Les Cheyennes», film relativement récent, sorti en 1964, qui tranche avec les précédentes réalisations du cinéaste mythique. Cette fois, les Indiens ne sont pas les méchants qui attaquent les pauvres fermiers, violent leurs femmes et découpent leur progéniture aux jointures du squelette. Ce western est à loger dans la catégorie « westerns de repentance». Cinématographiquement, une réalisation digne des plus grands maîtres du genre: les espaces immenses du Colorado  avec ses vestiges lunaires, ses plaines plus vastes que l’océan, et des ciels débordant de l’écran. John Ford  décrit un peuple en agonie, harcelé sur les routes de son prochain cimetière et qui trouve encore et toujours l’énergie de se révolter et la force de faire le coup de feu.  Une jeune femme blanche l’accompagne, interprétée par Carroll Baker, la Marie- Madeleine d’un néo- Christ peau – rouge. C’est elle,  avec le capitaine courageux joué par Richard Widmarck,  qui est  vouée à sauver l’âme des Blancs. Les sauvages ont changé de camp. Ils sont en tunique bleue. Dommage que John Wayne n’ait  point fait partie de la distribution. John Ford l’eût  sans doute costumé en officier de l’armée du salut, psautier en main, le cœur  dirigé vers la chorale des Anges. Mais un grand film tout de même, dont les paysages du Far West ne sont que l’habillage. Le plus important se trouve dans son «message» d’une actualité vitriolante: « Vae Victis ». « Malheur aux vaincus ».

 

 

 

Commentaire PARACHA LEKH LEKHA

In RELIGION on octobre 9, 2013 at 8:14

3.lekh Lékha

(Gn, 12, 1   et sq)

Après la catastrophe du déluge et le rétablissement de l’humanité – une humanité auto-destructrice, rescapée par le mérite de Noé – sur ses bases essentielles, l’on aurait pensé que la terrible  leçon  en serait retenue et que cette même humanité se tiendrait fermement à l’Alliance passée entre le Créateur et le constructeur de l’Arche. Un tel espoir n’eût pas été sans fondement. Le chapitre 10 de La Genèse se conclue sur un  constat plutôt encourageant, s’agissant de la descendance des trois fils noachides, et notamment celle de Chem. Cette descendance se répartit harmonieusement sur la terre que les eaux diluviennes ont libérée. La répartition se fait en peuples et en familles, chacun et chacune respectant son principe généalogique et conjoignant le désir de singularité avec le besoin d’universalité;  chacun et chacune pratiquant, en sus, un langage propre mais communicant avec les autres. Pourtant, cette harmonie universelle ne va pas tarder à  se corroder.

Le chapitre 11 relate alors ce qu’il faut bien nommer une nouvelle dérive de l’humanité. Celle-ci commence à se mouvoir dans une anti-direction, en se coupant non pas de l’Est (mizrah) mais de son antériorité (kédem). Cette dérive amnésique la mène à s’établir de manière aberrante sur rien moins qu’une faille (bik’â) et à y lancer un nouveau type de civilisation, hyper-puissante, marquée par une activité répétitive et cumulative pour l’érection d’une tour qui monte à l’assaut du ciel; une civilisation de la fuite en avant qui impose un langage totalitaire à ses membres: des mots indifférenciés prononcés avec un accent obligatoire.

Le Créateur s’en avise, lié qu’il est par son engagement vis à vis de Noé: ne plus provoquer de nouveau Déluge. La contre-mesure prendra cette forme: la dislocation de la langue mortelle, où doivent se couler des mots n’ayant qu’une seule acception, pour en mélanger les parcelles. Après la chape de plomb, la poussière des particules!  Charybde et Scylla.. Si, dans ces conditions, une alternative ne se dessine pas, l’humanité, à la fois décérébrée  et apraxique, en sera à vivre ces ultimes derniers jours.

Pourtant, en un recoin de la terre «babélisée», un petit groupe d’hommes et de femmes, descendants de Chem, s’est tenu à l’écart de la démence collective, de cette ivresse du Pouvoir absolu. Dans ce groupe, un couple se distingue  aux yeux du Créateur: Abram et Saraï, laquelle, croit devoir préciser le texte de la Genèse, est stérile (âkara) (Gn, 11, 30). Ils seront néanmoins chargés de relever l’humanité de ses déchéances, de la rebâtir extérieurement et intérieurement.

La mission pourra sembler profondément contradictoire: comment confier la poursuite de l’Histoire humaine, reliée à sa source divine, à un couple dans l’incapacité d’engendrer? Et pourquoi le récit biblique aiguise-t-il cette contradiction? Sans doute parce que la stérilité est un symptôme à la fois individuel et collectif. Cette femme qui ne peut enfanter (ein lah valad), d’où ne semble pouvoir sortir aucune des toldot qui la relierait aux engendrements cosmiques du ciel et de la terre, est la figure d’une époque, l’emblème d’une phase et d’une stase du genre humain. On n’en restera pas là.

Afin que l’Histoire reprenne son mouvement vital, le premier couple véritablement post- diluvien prêchera  d’exemple. Le Créateur l’y invite: «L’Eternel dit à Abram: Va pour toi, à partir de ta terre natale, de ta patrie, de ta maison paternelle, vers la terre que je te montrerai» (Gn, 12, 1). Bien des commentaires ont été consacrés à cette invite, si ce n’est à cette injonction. Hegel s’est acharné à y déceler les origines d’une humanité archaïque, rétrograde, errante et cosmopolite, sous les  traits de laquelle il ne sera pas difficile d’identifier le peuple juif. Rien ne fonde cette interprétation pseudo-évangélique et pseudo-philosophique. Dans les termes du verset hébraïque, Abram n’est incité à aucun abandon, à aucun reniement. Les indications topographiques soulignées en l’occurrence doivent être considérées comme des lignes de départ, pour un cheminement destiné à reconstituer l’unité interne de l’humain «babélisé». Certes, la destination de ce cheminement n’est pas précisée nominalement, mais la manière dont elle est désignée donne à comprendre qu’elle le sera certainement. Car il n’est pas dit «vers une terre que Je te montrerai» mais «vers la terre que Je te montrerai». L’existence de celle-ci ne doit  faire aucun doute.

Abram et sa femme Saraï défèreront à l’invite divine. Ils se mettent en chemin  avec, en outre, leur neveu Loth. Ils quittent donc H’aran, la Cité de la régression (Ah’aRoN), du retard (IH’ouR) et de la colère (H’aRoN) vers ce but encore innommé, non sans emmener également avec eux les âmes qu’ils avaient déjà  édifiées en ce lieu, pour bien indiquer qu’avec eux le Créateur n’était pas complètement en terra incognita, qu’il avait déjà sondé leurs prédispositions.

Les voici désormais engagés sur un chemin plus qu’accidenté: chaotique. De l’enlèvement de Saraï en Egypte jusqu’au constat de sa stérilité résistante, en passant par le risque de guerre fratricide avec Loth, les épreuves vont s’ajouter aux épreuves. Elle et lui les affronteront. Le propre d’une épreuve, au sens biblique, aussi  angoissante soit-elle, n’est-elle pas de révéler les points fables mais en même temps les points forts de ses protagonistes? Sinon comment apprendraient-ils à se dépasser?

Telle est l’une des significations possibles de la formule lekh-lekha, laquelle, autrement, se réduirait par la redondance de ses termes à une tautologie. Le second lekh n’est pas la  duplication du premier. Abram n’est pas incité à un déplacement mais bel et  bien à un dépassement et, si l’on peut ajouter, à  un dépassement ascensionnel,  jusqu’à la dixième de ces épreuves déterminantes: la ligature du fils aimé, si longtemps espéré, la Âkédat Itsh’ak, qui devra se tenir, le moment venu, sur les hauteurs du Moriah.

                                                                         Raphaël Draï zal

Bloc-Notes – Semaine du 16 Septembre

In Uncategorized on octobre 3, 2013 at 9:53

Raphaël Draï 1942-2015 (zal)

17 septembre.

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Roulis et tangage chez les Verts. Dans quelques décennies, cette mouvance engendrera la perplexité des sociologues et des politologues. Pour toute la France, le parti intitulé «Europe Ecologie Les Verts» compte à peine une quinzaine de milliers d’adhérents, c’est à dire infiniment moins que n’importe quelle association de dimension nationale et même régionale. Le score de sa représentante, Eva Joly, aux dernières présidentielles a été étique, ce qui donne une idée de sa représentativité réelle, toujours au plan national. Sans doute cette mouvance obtient-elle de bons scores aux Européennes mais cette élection est spécifique et sert souvent de simple défouloir. Il n’empêche: les Verts, comme on les appelle pour faire court, ont deux ministres au gouvernement Ayrault. Cependant, à elle seule Cécile Duflot y occupe la place d’une bonne douzaine. Si un romancier de génie s’appliquait à écrire «La Comédie humaine» de notre temps, Cecile Duflot y mériterait…

Voir l’article original 839 mots de plus

Bloc-Notes – Semaine du 16 Septembre

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on octobre 3, 2013 at 9:50

17 septembre.

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Roulis et tangage chez les Verts. Dans quelques décennies, cette mouvance engendrera la perplexité des sociologues et des politologues. Pour toute la France, le parti intitulé «Europe Ecologie Les Verts» compte à peine une quinzaine de milliers d’adhérents, c’est à dire infiniment moins que n’importe quelle association de dimension nationale et même régionale. Le score de sa représentante, Eva Joly, aux dernières présidentielles a été étique, ce qui donne une idée de sa représentativité réelle, toujours au plan national. Sans doute cette mouvance obtient-elle de bons scores aux Européennes mais cette élection est spécifique et sert souvent de simple défouloir. Il n’empêche: les Verts, comme on les appelle pour faire court, ont deux ministres au gouvernement Ayrault. Cependant, à elle seule Cécile Duflot y occupe la place d’une bonne douzaine. Si un romancier de génie s’appliquait à écrire «La Comédie humaine» de notre temps, Cecile Duflot y mériterait un volume à elle seule. Faut-il préciser une fois encore qu’en ce Bloc-Notes il n’est jamais question des personnes réelles mais de l’image qui se perçoit d’elles sur les chaînes de télévision. Quelle image la ministre du logement donne t-elle, Celle d’une jeune femme animée d’une féroce ambition. Cette ambition a trouvé ses premiers chenaux dans la mouvance écologique, avec ses côtés attendrissants  mais aussi avec ses impitoyables querelles de personnes. Il est loin le temps de René Dumont! Nul doute que Cécile Duflot ne soit animée de fortes convictions en la matière mais elle apparaissent ancillaires au regard de son criant besoin de puissance. Ce n’est pas elle qui se laisserait débarquer de son ministère du Logement! Elle le transformerait en Fort Chabrol. De fait, le mouvement EELV se trouve désormais sous sa coupe et les «croulants historiques», les Cohn- Bendit, les Mamère, n’y sont pas retenus farouchement. Avant d’être élevée  au rang de ministre, Cécile Duflot, sauf erreur, n’a jamais occupé de fonction élective autre que partisane. Les sondages la situent parmi la plus impopulaire des femmes politiques d’aujourd’hui. Elle n’en a cure. Son enseigne  est un camion comparable à celui du film de Spielberg: «Le Duel». Elle sait que François Hollande doit la ménager et compter avec elle puisque 2013 l’intéresse moins que 2017.

17 septembre.

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Le ton monte entre Barack Obama et le Congrès qui menace de lui couper les vivres. On peine à imaginer que la principale puissance mondiale se retrouve plongée dans une panne généralisée d’électricité administrative! Mais les  Etats-Unis  ne sont pas la France. Ils constituent une fédération qui entend le rester. Sauf calamité nationale ou urgence planétaire, les Etats-Unis vivent d’abord à partir des Etats fédérés qui disposent de leurs propres institutions (Congrès, Cour Suprême etc..). Pour le Colorado ou pour la Californie, Washington n’est pas ce que Paris est à Rennes ou à Strasbourg. Barack Obama a été élu et réélu sur un programme de «gauche», au sens américain, et sur des vues pacifistes. Il entend attacher son nom à une nouvelle version du New Deal. Sauf que, lui non plus, n’est pas Roosevelt et que Roosevelt en personne a bataillé dur contre le Congrès et contre la Cour suprême pour  faire prévaloir ses vues. Ce tumulte conduit à s’interroger sur la fonction si ce n’est sur la nature de l’Etat aujourd’hui. Plutôt que de représenter une instance quasi- providentielle, il incarne  de plus en plus l’impuissance et la paralysie, l’exploitation des contribuables et le parasitisme. En France, sous la présidence de François Hollande, il inspire malheureusement et de plus en plus souvent le sarcasme et la dérision. L’absence de résultats le mine jusqu’en ses fondements. Qu’en sortira t-il, L’Etat n’est pas seulement «l’instance qui détient le monopole de la violence légitime», selon la définition célèbre de Max Weber. Il doit être également un agent de cohésion sociale et cohérence psychique, soucieux du seul souverain Bien. Selon Hobbes, le monstrueux Léviathan n’apparaît que dans les temps de décomposition en effet psychique et sociale. Lorsque le monstre surgit, il est trop tard! Qui est en mesure de l’entendre aujourd’hui, Et nos gouvernants ont-ils d’ailleurs lu une seule page de Hobbes, Dès lors comment en seraient-ils conscients?

18 septembre.

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Quiconque douterait de la nécessité de cette information qui ne se limite pas aux dépêches et aux twitts, devrait entreprendre la lecture du récit d’Erik Larson «Dans le Jardin de la bête», excellemment traduit par Edith Ochs (Livre de Poche ). Larson y relate l’ambassade de William E. Dodd à Berlin de 1933 à 1938. Surtout spécialiste du «Deep South» américain, Dodd accepte cette ambassade à la demande de Roosevelt et sans idées préconçues. Hitler et les siens lui apparaissent comme des curiosités locales, quelque peu déroutantes. Peu à peu il découvre la monstruosité des personnages en cause et l’horreur du système méthodiquement mis en place par eux. La passivité, le consentement amorphe, la bestialisation progressive,  laissent libre cours à la violence exterminatrice d’un clan dont le Totem est celui de la haine pure. Le passage relatant la liquidation  des SA de Röhm est d’anthologie. Les Juifs seront ses victimes électives. Dodd décrit amèrement les atermoiements, les incrédulités, les fausses mesures qui contribuent à l’Extermination. D’un si terrible effondrement de la conscience individuelle et collective, maintes explications ont été données. Toujours incomplètes. Le travail ne doit pas cesser. Les gouffres mentaux ne se mesurent pas avec le fil des géomètres. Telle est la motivation principale du grand colloque organisée par l’association Schibboleth – Actualité de Freud, qu’anime le Pr. Michel Gad Wolkowicz, à Tel Aviv, du 26 au 31 octobre, sur le thème: «La présence de la Shoah et d’Israël dans la pensée contemporaine». La Shoah outrepasse ce que l’on peut en dire à chaque instant de nos vies. Elle doit  demeurer néanmoins à portée de pensée pour en éviter les récidives. Travail inlassable, mais comme Freud l’a écrit dans «Deuil et mélancolie» il faut in fine assurer la victoire décisive de la pulsion «qui oblige tout vivant à tenir bon à la vie».

PARACHA NOAH’ par Raphael Draï zal

In RELIGION on octobre 1, 2013 at 9:46

                                                     2.Noah(Gn, 6, 9 et sq)

L’histoire humaine se poursuit, sur le fil, parce qu’au sein d’une humanité dépravée, ayant dégradé la nature qui lui avait été confiée, un homme, et un homme juste, un tsadik, se sera trouvé présent. In extremis.

La formule de Paul Valéry a été ressassée: « Civilisations nous savons que nous sommes mortelles». Il n’aura pas fallu attendre les horreurs de la première Guerre mondiale pour conforter une telle déduction. Cette auto-mortalité, si l’on pouvait ainsi la qualifier, a été le fait du genre humain lui même, dès ses commencements. De quoi ne nourrir aucune illusion, au sens de Freud, à son propos. Pourquoi en était il arrivé à ce degré thanatologique? Parce que, selon la formulation même du livre de la Genèse, chaque être vivant avait méthodiquement dénaturé sa voie. Les espèces végétales étaient greffées, sans aucun respect de leur origine et de leurs compatibilités mutuelles, pour produire des mixtes végétaux qui n’étaient que des monstres botaniques; les espèces végétales et animales faisaient l’objet des mêmes expériences confusionnelles et l’Humain ne s’en exceptait pas, déniant qu’il fût créé masculin et féminin. La liberté de l’Humain avait dégénéré dans un sentiment de toute-puissance lui donnant à croire qu’il était issu de lui même, maître absolu de ses métamorphoses. En ce sens le Déluge, le Maboul, si bien nommé, qui va s’ensuivre ne doit pas être considéré comme une catastrophe météorologique, au sens strictement climatique, mais comme une catastrophe écologique, au sens le plus contemporain. La «civilisation» détruit la nature qui le lui rend au centuple, au point que le genre humain se trouve menacé d’une totale extinction par inondations convergentes venues du plus profond des cieux et des bas-fonds de la terre. Un homme en réchappa et, avec lui, un échantillon du vivant, humain et animal. Pourquoi a-t-il été sauvé et quelles seront les particularité d’un pareil sauvetage?

On l’a dit, l’homme nommé Noé (Noah) mérita d’être sauvé avec les siens parce qu’au sein de cette civilisation de la confusion, de la démesure, de l’hubris auraient dit les Tragiques grecs qui s’y connaissaient, il incarnait les deux dimensions corrélatives, mais jugées grotesques et dérisoires par l’humanité d’alors: le tsedek, l’esprit de justice au sens légal, et la tsedaka, l’esprit de compassion et de solidarité. Noé avait mérité le qualificatif de tsadik, de Juste, ainsi compris. Cependant aucune vertu, nulle qualité ne mérite vraiment ce nom si elle ne bénéficie pas au plus grand nombre. L’on ne saurait être juste ou vertueux pour soi seul et à nos propres yeux.

Doté de cette aptitude, Noé se voit enjoindre de construire l’habitacle flottant qui permettra le sauvetage d’une partie du vivant et qui en permettra la reviviscence lorsque la catastrophe aura pris fin. Cet habitacle est nommé en hébreu: théva, que l’on traduit généralement par « arche ». Quelle est la signification probable de ce terme? Il se conjecture à partir de sa lettre initiale, le thav, que l’on peut lire thab, et qui correspond à la dernière lettre de l’alphabet. En l’occurrence la symbolique de sa position est on ne peut plus claire. Seulement cette ultime lettre présente une particularité graphique. Le thav est formé un peu comme le Pi majuscule en grec, sous la forme d’un portique ouvert à sa base, sauf que le pied de la barre de gauche du thav se prolonge légèrement dans cette direction, celle dans laquelle se lit l’alphabet hébraïque, comme pour indiquer que son tracé n’est pas arrêté, qu’il se poursuit, et que l’histoire dont ce trait est la trace se poursuit avec lui.

Par suite, les dimensions qui seront celle de l’arche salvatrice revêtent sans doute des sens «cachés» au premier regard ( Gn, ). Le plus important les concernant est qu’elles fussent bien des dimensions, des mesures, pour une humanité qui avait perdu jusqu’à la perception. C’est parce que cet habitacle était doté de dimensions mesurables et compatibles entre elles qu’il pouvait flotter et survivre au Déluge dont il semble que toutes les cultures humaines identifiables, sur les cinq continents, aient conservé des vestiges. Une arche dans laquelle humains et animaux seront sauvés solidairement, selon la corrélation des deux bénédictions dont ils ont été dotés dès les commencements de la Création, comme on l’a vu dans la paracha  précédente.

Le sens de la mesure accompagnera Noé et les siens qui auront mérité le nom de « familles » (michpéh’ot) au sortir de l’arche  diluvienne. Sur une terre dévastée, Noé renouvellera son Alliance avec le Créateur et la formulera ce qu’il est convenu d’appeler les sept lois noachides, parmi lesquelles l’obligation de ne pas se faire justice à soi même. Elie Benamozegh aura attaché son nom à leur explication. Dans ces sept lois génériques, l’on sera libre de voir la genèse de l’Etat de droit contemporain sans le respect duquel aucune société digne d’être qualifiée d’humaine ne saurait survivre longtemps. Car il ne faut plus jamais perdre de vue que, selon le récit contenu dans cette paracha, toute l’humanité actuelle est issue de ce sauvetage in extremis. En foi de quoi chaque être humain d’aujourd’hui doit se considérer comme un rescapé et y ajuster ses conduites.

Pourtant Noé lui même succombera à la démesure. A son tour il s’enivrera et se dénudera au regard des siens. Nouvel échec flagrant? A n’en pas douter. Sauf qu’une fois de plus le fil du vivant ne se casse pas définitivement.

Deux des fils de Noé, Chem et Yaphet, sauront le reprendre et le renouer jusqu’à ce que, des générations plus tard,  dans la cité d’Our Casdim, un homme nommé Abram, le saisisse à son tour.

Raphaël Draï zal, 1er Octobre 2013