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LE SENS DES MITSVOT : NOA’H

In Uncategorized on octobre 31, 2019 at 10:34

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« Dieu dit à Noé: « La fin de toute chair est venue devant moi, car la terre est emplie de brigandage (h’amass) à cause d’eux ; et voici (…) Fais toi une arche ( téva ) en bois de gopher (…) et voici comment tu la feras: trois cents coudées la longueur de l’arche, cinquante coudées sa largeur, et trente coudées sa hauteur ( Gn, 6, 13 à 15 ).

Noé fit selon tout ce que Dieu lui avait ordonné, ainsi ( ken ) fit-il » ( Gn, 6, 22 ).

A une paracha de distance, le récit biblique passe de la création de l’humanité à sa possible destruction. Le moins que l’on puisse en dire est que ce n’est certes pas un récit « édifiant ». Nous y apprenons que l’humain est bi-face, à la fois créature créatrice et créature destructrice et même autodestructrice. Quelle en est la cause révélatrice?

Lorsqu’il fut disposé au Jardin d’Eden en vue d’une préservation et d’une transformation du site ainsi dénommé mais également de lui même, il y fut simultanément assigné à une Loi comprenant des obligations précises, obligations d’action ou d’abstention. Or, dés qu’il en eut l’occasion, l’humain, représenté en l’occurrence par le couple femme-homme, fut porté à la transgression de cette loi et à l’inaccomplissement des obligations qu’elle comporte. Néanmoins occasion lui fut aussi donnée de réparer les conséquences de ses actes irresponsables dont les effets différés furent d’une part la naissance calamiteuse de Cain et Abel, dont on connaît le sort, mais aussi de Chet, l’enfant digne de ce nom, l’enfant de l’espoir recouvré, le relais d’une Histoire à nouveau histoire de vie.

Et pourtant, comme l’indique d’ores et déjà la fin de la paracha Beréchit et le début de la paracha Noah’, l’humanité s’adonne une fois de plus à ses propensions destructrices dont, semble t-il, elle ne prend pas conscience de leur gravité. Plus aucune loi n’y est respectée. Les comportements dominants sont le dol et le viol, et parfois pire encore. Aucune mesure (midda) n’y est respectée. Cependant, la relation est directe, intrinsèque entre droit ( din) et mesures ( middot). Une corps n’est viable que s’il correspond à certaines mensurations. Un bâtiment « construit », si ce verbe pouvait alors s’employer, sans respecter des rapports donnés de hauteur et de volume, ne tarderait pas à s’effondrer. Ce dont la paracha Noah’ nous rend témoins, c’est à l’effondrement d’une humanité qui s’est minée par le h’amass, par les fraudes, les dissimulations, les contournements de la Loi. Sa fin apparaît inéluctable.

Et pourtant, au milieu du désastre une minuscule collectivité humaine ne suit pas ce mouvement fatal. Elle est inspirée par Noah’ considéré précisément comme tsaddik et tam, juste et intègre, autrement dit doté des qualités lui permettant, avec les siens, de résister à cet esprit d’autodestruction collective.

On comprend mieux à présent les mesures auxquelles le Créateur lui demande de déférer. D’abord la construction d’une arche, d’un habitacle qui permettra le sauvetage de la partie demeurée intègre et vitale de la Création en y associant la partie du règne animal encore indemne. La consistance du bois dans lequel l’arche de la salvation devra être construite ainsi que les dimensions précisées par le récit biblique ont donné lieu à de nombreux commentaires auxquels ont se reportera. Mais le plus important ne réside t-il pas en ceci: en construisant cette arche au vu et au su de tout le monde Noé ne devra pas obéir à sa seule improvisation. Il devra respecter des dimensions précises et prédéterminées de longueur, de largeur, de hauteur et donc de volume, comme si, l’humanité avait perdu le sens de ces mesures élémentaires et que par suite ses « constructions » ne représentaient plus que des destructions anticipées.

L’espoir du sauvetage reste permis du fait même que Noé accepte de respecter les mesures qui lui sont indiquées et qui sont propres à sauver non pas sa seule personne ni sa seule famille mais on l’a dit une partie de la Création tout entière, et une partie potentiellement régénératrice. Il s’en sera fallu de peu…

Toutes les civilisations actuellement recensées ont conservé la mémoire d’une catastrophe générale advenue dans des temps que les historiens ne sauraient identifier au siècle près. Le récit biblique nous en indique à sa manière les raisons, sachant que l’humain est porté à reproduire les désastres qu’il a causés et qu’il importe que cesse enfin cette dangereuse répétition.

Raphaël Draï zal, 23 Octobre 2014

LE SENS DES MITSVOT: BERECHIT

In Uncategorized on octobre 24, 2019 at 8:15

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« L’Eternel dit: « Que soit (yehi) la lumière (or) ».Et la lumière fut. L’Eternel vit que la lumière était bonne (tov) » ….

L’Eternel dit: « Qu’il y ait des luminaires (meorot) dans le firmament du ciel pour faire distinction (lehabdil) entre le jour et la nuit et ils serviront de signes (othot) pour les périodes, les mois et les années » (Gn, 1, 3 et 1, 14).

Les premiers chapitres du livre de la Genèse, du Sépher Beréchit, sont à n’en pas douter les plus difficiles à traduire et à interpréter de toute la Thora. Et pourtant, à n’en pas douter non plus, leur intelligibilité commande celle de la suite du récit biblique. Bien des mots et des concepts, nombre d’idées y apparaissent par la force des choses textuellement pour la première fois, à titre générique. Ils n’ont pas de précédents qui permettraient d’en comprendre sur le champ le sens. Il faut donc s’avancer à la fois avec circonspection mais avec détermination. Ainsi en va t-il des deux versets précités.

La Création peut elle se concevoir sans lumière? Le récit biblique nous indique comment la lumière a été en somme le premier acte dans l’ordre de la Création. Premier non pas au sens chronologique (le Temps lui même n’a pas été encore créé) mais au sens méthodologique. Par ce premier acte générique l’Eternel met pour ainsi dire la Création en lumière, en la faisant décidément sortir d’un état d’obscurité, d’opacité, d’inintelligibilité archaïques. Car il faut s’entendre sur ce que signifie le mot hébreu OR. Il ne désigne pas uniquement la lumière optique, celle que perçoit l’œil humain, pour la bonne raison que l’Humain lui non plus n’a pas encore été créé. Ce que le mot OR signifie c’est que désormais La Création devient révélation. Bien sûr les intentions profondes du Créateur ne sont pas élucidables à leur source mais le sens de ses opérations créatrices (péôulot) le devient. La Création de la lumière s’apparente de la sorte à un lever de rideau qui permettra de découvrir la scène avant que la pièce ne commence. Il ne s’agit que d’une image mais précisément les tous débuts du livre de la Genèse autorisent cette pédagogie, à condition qu’elle ne se prenne pas pour une fin en soi.

Reprenons la question: à ce stade de la Création de quelle lumière est-il fait mention? Essentiellement d’une lumière de l’esprit. La mise en lumière des commencements de l’Univers permettra d’en suivre les étapes à venir. Les kabbalistes différencient en effet ce qu’ils nomment la lumière matérielle, le OR gachmi, et la lumière intellectuelle, le OR sikhli. Même si la première est quasiment insubstantielle, elle n’en comporte pas moins une dimension matérielle et une vitesse de propagation. La lumière intellectuelle est esprit et seulement esprit. Elle advient aussitôt que désirée. C’est ce qui rend particulièrement difficile la traduction de la formule « Yehi or – vayehi or ». Aucun espace, aucun instant, même infinitésimal ne sépare l’expression du désir émanant de l’Eternel et son aboutissement. Grammaticalement parlant, nous sommes en présence d’un temps bien particulier de la conjugaison non pas même « le présent » mais si l’on peut dire « l’immédiat ». Que faut-il justement en comprendre?

Le premier élément créé correspond intimement avec la dilection du Créateur. En lui et par lui ne se manifeste aucun autre élément réfractaire, retardant. La Parole divine est réalisée aussitôt qu’énoncée et par là même la Création fait Un avec le Créateur sans jamais se confondre avec Lui puisqu’elle est dotée d’un nom propre. Les autres dimensions et fonctions de la lumière apparaîtront essentiellement au quatrième jour – le mot « jour (yom) » étant à entendre comme « phase ». Ce sera d’abord la lumière optique, physique, réfractée (méorot) qui permet de discerner les objets en plein jour et d’en percevoir au moins la présence la nuit. Au demeurant cette lumière là n’est pas qu’optique. Elle est également intellectuelle (sikhli) puisqu’elle permet l’acte du discernement et de la conceptualisation (havdalaothot)). Elle permet de se dégager de la confusion originelle que le récit biblique nomme tohou vavohou qui n’est pas à proprement parler un état chaotique mais un état où « tout est dans tout » sans que rien ne parvienne à y prendre forme et signification (tsoura). C’est par le moyen de cette lumière là que la morphogenèse de la Création pourra se poursuivre jusqu’à celle de l’Humain (Haadam), le sixième jour.

                               Raphaël Draï zal, 15 octobre 2014

Le sens des mitsvot: Vezoth Aberakha

In Uncategorized on octobre 18, 2019 at 2:05

Et voici la bénédiction (habérakha) par laquelle Moïse, l’homme de Dieu (Ich HaElohim), bénit les Enfants d’Israël avant sa mort » (Dt, 33, 1 et 4).

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On l’aura relevé, la dernière des parachiot, celle qui conclut le Pentateuque mais qui met également la Thora en perspective d’avenir, prend la forme non pas d’un message testamentaire quelconque mais d’une bénédiction, d’une bérakha dont on découvrira le contenu dans la paracha elle même. Ici l’on s’attachera surtout à l’idée même de bérakha, à ce qu’elle signifie et à ce qu’elle implique. Ce qui nécessite un éclairage du mot lui même et de sa racine hébraïque.

Bérakha est construit sur la racine BRKh que l’on peut lire Be-Rakh. RaKh désigne ce qui est souple, ductile, le contraire du dur, du réfractaire, du KaChé. En ce sens déjà, le propre d’une bérakha qui mérite ce nom est de pouvoir être diffusée et transmise au plus grand nombre. Plus les destinataires d’une bénédiction de cette sorte sont nombreux – et là il s’agit d’un peuple – plus l’émetteur de la bérakha, si l’on pouvait ainsi le qualifier, doit se placer à une intense hauteur spirituelle. C’est pourquoi elle émane à ce moment de Moïse, certes, mais considéré sous l’aspect de « l’homme de Dieu » (Ich HaElohim). D’autres significations afférentes à cette racine, fort riche, apparaissent lorsque l’on en recombine les lettres.

Elles se retrouvent alors dans les mots suivants dont il n’est pas besoin de souligner les incidences vitales. D’abord dans BiRKaïM: les genoux et de manière générale les articulations du corps. Quel rapport avec l’interprétation précédente? Un corps est bel et bien un organisme non pas fait d’un seul tenant, rigide comme un tronc d’arbre, mais en effet articulé, depuis les vertèbres cervicales et la colonne vertébrale, jusqu’aux poignets, aux genoux, aux chevilles et aux orteils. Ce qui autorise l’accomplissement de gestes et de mouvements aussi ajustés que possibles à un terrain et à une situation donnés. Signe que la vie l’habite. Or précisément, un tel organisme devient à son tour rigide lorsque la vie l’a quitté. C’est pourquoi la BeRaKha que Moïse adresse au peuple d’Israël concerne un peuple constitué non par une unique entité mais par douze rameaux (CHeVaTim) dont nombre de parachiot précédentes, notamment au début du Livre des Nombres, décrivent l’organisation, les spécificités mais encore les connexions et les interactions.

On sera attentif enfin à la combinaison des lettres de cette racine en RKhB, racine que l’on retrouve dans le mot ReKhEB, le char, qui est lui même un véhicule « composé » et articulé avec un attelage d’un ou plusieurs chevaux et d’un équipage, mais surtout dans le mot MerKaBa qui désigne, comme au début de la prophétie d’Ezéchiel, les organisations célestes, celles qui confèrent leur cohérence et leur vitalité à la Création tout entière.

Demeure une question: pourquoi la Thora se conclut-elle précisément par une BeRakha? Là encore: par souci de cohérence puisqu’elle avait commencé par la Berakha divine: « Et le Créateur créa l’Homme à son image, à l’Image du Créateur il le créa, mâle et femelle il les créa. Le Créateur les bénit (VayBaReKh otam Elohim) » Gn, 1, 27, 28). Cette bénédiction générique, l’Humain l’avait altérée par sa transgression au Jardin d’Eden. Une transgression dont le Créateur indique sans tarder les voies de sa réparation, et une réparation non pas instantanée mais qui exige le relais des générations.

Par sa propre bénédiction, Moïse, présenté comme « homme de Dieu », ce qui reprend les termes des versets de la toute première paracha de la Thora, donne à comprendre que par sa propre existence, par les épreuves qu’il a traversées, par les intimes transformations de sa conscience, le peuple d’Israël, a su reconstituer les termes de la Bénédiction initiale, celle qui constitue le viatique de l’Humain créé à l’image ou si l’on préfère corrélativement au Créateur. Arrivé au terme de la Traversée du désert, le peuple d’Israël a restitué à l’humanité entière le viatique primordial dont elle n’a pas toujours compris quelle valeur de vie il recélait.

L’Histoire humaine va dès lors se poursuivre mais placée désormais et à nouveau sous le signe ineffaçable de cette bénédiction créatrice.

Raphaël Draï zal, 5 octobre 2014

LUMIERE DE SOUCCOT

In Uncategorized on octobre 13, 2019 at 9:42

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Le pas alenti, pesant de son âge, j’arpente

A Paris en octobre le pont Mirabeau

Et ainsi, à contre histoire, je remonte la pente

Où se dévisagent yaouleds et poulbots

Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Mais ne sais en quelle direction

Le regard appelé toujours vers l’autre scène

Où se mêlent Cirta, Lutèce et Sion

Pourtant en cette incertitude là

Je discerne mon étoile polaire

Et si le pas est lent et l’esprit presque las

J’allume ton poème, cher Apollinaire

Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Et nos amours et nos tourments

Avec tes mots autant qu’il m’en souvienne

Puis mes chers visages de la rue Caraman

Et où la dure cassure saignait

Me laissant vacant de moi même

Vient prendre vie mon poème à signer

Et la leçon de ce Dieu qui nous aime

Paris le 5 octobre 09

(Extrait de Imémorielles)

LE SENS DES MITSVOT: HAAZINOU

In Uncategorized on octobre 10, 2019 at 9:41

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« Souviens toi des jours d’antan, méditez sur les années, de génération en génération. Interroge ton père et il te dira, les Anciens et ils te diront … » (Dt, 32, 7).

Cette paracha est l’avant-dernière de la Thora. Elle délivre le témoignage prophétique de Moïse à un niveau spirituel et dans un langage qui exige qu’on y revienne dans un mouvement d’étude inlassable. Ce langage on ne saurait la qualifier autrement que de nucléaire tant il comporte de significations intimes et cosmiques. Et pourtant il faut tenter de les élucider de sorte que ces significations si denses éclairent conduites et comportements quotidiens.

Pourquoi, à ce moment du trajet, ce rappel relatif à ce qu’aujourd’hui l’on qualifierait de « devoir de mémoire » ? La mémoire, tant de philosophes l’ont dit et commenté, n’est pas la simple évocation d’un passé révolu et devenu fantomatique. La notion de mémoire n’a pas de sens en soi mais un sens corrélé à celui de projet pour l’avenir et de décision pour le présent. L’histoire humaine – en est-il d’autre? – se déroule de génération en génération. La notion de génération à son tour n’a guère de signification en elle même. Pour en avoir une il lui faut a minima être corrélée à une génération antécédente d’une part, et à une génération émergente d’autre part. Lorsque cette corrélation n’est pas assurée le risque est celui de l’amnésie et de la dérive, comme ce fut le cas pour la civilisation de Babel (Gn, 11, 2). C’est pourquoi Moïse y insiste tant au moment de quitter le peuple qu’il a conduit quarante années durant dans le désert extérieur et intérieur, l’équivalent de quarante siècles, tant la traversée parfois fut dure, au bord de l’anéantissement.

Au moment de traverser le Jourdain, surtout que ce peuple adulte ne s’imagine pas né de lui même, réduit à son temps présent, sans généalogie et sans perspective. Bien sûr, il lui faut décider chaque fois dans le temps d’aujourd’hui, avec les autorités dont il est alors doté. Cependant aucune décision ne se renferme dans l’instant où elle est conçue et dans celui où elle est appliquée. Le présent décervelé peut à nouveau conduire à la destruction. C’est pourquoi il faut maintenir ce lien de mémoire informative et active. Tout comportement doit être orienté et toute pensée doit aussi se diriger selon des repères sûrs. Aussi, comme l’indiquent les parachiot précédentes, les événements les plus importants doivent faire l’objet d’une relation par écrit, d’une translation dans un récit que l’on pourra en cas de besoin consulter. L’écrit trouve ici sa fonction vitale. C’est en passant par les lettres de l’alphabet, écrites avec de l’encre, que l’événement présent s’inscrira dans une durée aussi pérenne que cette encre. L’eau s’évapore; l’encre, non. La lettre écrite avec de l’encre (dio) se grave dans la conscience et elle y persiste. Pour autant l’écrit ne doit pas devenir anonyme. La mémoire longue ne se réduit pas non plus à l’archive antique, devenue indéchiffrable.

LL’équivalent pour chaque être humain de ce buisson qui brûlait mais qui ne se consumait pas est la question qu’il se pose, et qu’il se pose non pour tourmenter son esprit mais pour trouver le chemin qui s’y annonce mais s’y cache aussi. Bien sûr, comme l’affirment les Proverbes, « la gloire de Dieu est de receler la chose et l’honneur de l’homme de la découvrir ». A cette fin, il ne suffit pas de s’interroger à part soi, comme si l’on était seul au monde. La mémoire est parentale, intimement généalogique. L’enfant interroge son père et sa mère et ceux-ci à leur tour interrogent leurs géniteurs. En remontant aussi loin et aussi faut qu’il soit possible. Et c’est à ce moment que l’on retrouve à nouveau l’écrit. La mémoire incarnée ne saurait remonter plus haut que la quatrième génération des ascendants et lorsque cette génération n’est plus en mesure d’en témoigner, il faut se référer à sa propre mémoire écrite, transmise dans un langage qui échappe à l’anachronisme. C’est pourquoi il importe à titre d’exemple de revenir à la paracha Haazinou. Le langage prophétique n’est pas un langage de surface. Il se creuse et s’approfondit jusqu’au moment où il délivre ses sources d’eau vives, édéniques.

Raphaël Draï zal, 21 Septembre 2014

FANATISME ET FORCE D’AME – Chronique Radio J Sep 14

In Uncategorized on octobre 8, 2019 at 12:30

Dans une chronique radiophonique inscrite entre Roch Hachana et Yom Kippour, dans ces jours qualifiés de « jours redoutables », il faut à la fois se préoccuper des affaires du monde et en chemin ne pas oublier notre âme.

Pour le vaste monde qu’en dire? Sinon qu’enfin les nations démocratiques et les pays soucieux de leur survie ont décidé de mettre un terme à l’équipée sanguinaire du Calife El Baghdadi avec son pseudo Etat Islamique. Les Etats-Unis lancent déjà des raids contre les positions de cette entité cauchemardesque. Barack Obama en personne a décidé qu’il n’aurait de cesse que l’Etat pirate ne soit fumée et cendres. L’important est que d’autres Etats lui emboîtent le pas. Et la France en première ligne. A cet égard les débats à l’Assemblée nationale ont mis en évidence un consensus qui relève de l’intérêt bien compris de la République. Chacun réalise que la dangerosité mortelle de ce prétendu Etat islamique ne tient pas seulement dans ses forces propres et dans ses capacités de financement pour ainsi dire intarissables tant il a déjà accompli de conquêtes et constitué de réserves. Elle tient aussi dans son essaimage partout où se trouvent des populations confessant l’Islam, notamment en Europe.

Comme l’affaire Nemmouche l’a démontré, certains djihadistes de nationalité française, britannique ou allemande ne se sentent nullement et à proprement parler des citoyens de ces pays. Ils utilisent leur nationalité comme bouclier juridique ou comme passe – partout pour rejoindre le théâtre de leurs opérations. Quant aux sentiments qui les animent, si l’on peut parler de sentiments en ces affaires, on en a eu un nouvel exemple avec la décapitation en Algérie du malheureux Hervé Gourdel par des assassins qui s’imaginent, hélas, agir au nom de Dieu.

Pour faire front, est requise à l’évidence une détermination politique et militaire à toute épreuve. Cette détermination pour les Juifs du monde entier, et quel que soit leur degré d’observance, n’est pas dissociable de leur force d’âme. La force d’âme est l’exact contraire du fanatisme exterminateur. Un fanatique ne se pose aucune question. Il ne doute de rien et surtout pas de lui même. Il simplifie les dilemmes comme il tranche les gorges et coupe les têtes. La force d’âme n’est, elle, jamais donnée par avance. Elle résulte de la confrontation par chacun de ce qu’il sait des lois et des normes, divines, naturelles et humaines, puis de ce qu’il en a accompli ou au contraire méconnu. Chaque être ainsi constitué débat profondément à part soi et avec autrui et va jusqu’à examiner les raisons de ses ennemis. Après quoi, il passe à l’action jusqu’au moment décisif.

Entre Roch Hachana et Kippour, c’est au renforcement des âmes que l’on s’attache méthodiquement, sans réserve mentale, sans mauvais plaidoyer à usage personnel. Ce n’est pas le culte de la mort que l’on exalte mais au contraire la vie que l’on glorifie. Quiconque l’a compris ne redoute plus aucune épreuve. Il faut savoir s’y préparer car le monde qui s’annonce n’en sera pas avare.

                                       H’atima tova

 

                           Raphaël Draï, Radio J, le 29 septembre 2014

La Communauté Juive vire-t-elle à droite? (Radio J, 27 oct 14)

In Uncategorized on octobre 2, 2019 at 12:37

La question pressante a été posée ces derniers jours dans un lieu de culte par un fidèle dont les opinions sont généralement modérées. Pourquoi cette préoccupation? Et de citer le succès du livre d’Eric Zemmour en se demandant s’il convient vraiment à des intellectuels ou à des publicistes juifs de surenchérir à propos de l’identité française. Que lui répondre? Il y va de ces questions comme de celles qui concernent une possible décision de quitter la France. Nul ne peut substituer sa responsabilité à celle des intéressés. On peut néanmoins se demander ce qui suscite de pareilles inquiétudes. Pour le comprendre il suffit juste de poursuivre l’échange.

En premier lieu, les Juifs de France ne vivent pas sur une station orbitale. Ils sont partie intégrante et intégrée d’un pays qui n’en finit pas de traverser les crises les unes après les autres, qu’elles soient financières, politiques ou morales. Il faut y prendre garde: la transition n’est pas difficile du désenchantement à la désillusion, puis de la désillusion au nihilisme. L’histoire encore chaude du continent européen en fournit trop d’exemples contagieux. Ce que l’on pourrait qualifier de « crise chronique » qui affecte la France ne date certes pas de la dernière élection présidentielle. Elle remonte à 1973 et même avant. Pourtant, tous les gouvernements qui se sont succédés depuis ont prétendu en sortir avant que leurs promesses inconsidérées ne soient démenties par leur bilan réel. La communauté juive n’en est pas indemne. Ses membres sont également affligés par le chômage, par la précarité et par la peur du lendemain. D’où parfois cette porosité nouvelle aux slogans du Front National qui à son tour promet monts et merveilles. L’issue ne se trouvera pas au seul sein de la communauté juive mais dans la démocratie française pour peu que le sens de l’intérêt général l’emporte sur la mentalité partisane et la férocité des ambitions personnelles.

Un autre facteur doit être pris en compte, celui là propre à cette communauté: son sentiment croissant d’insécurité et de marginalisation, comme il est apparu cet été lors des manifestations de soutien au Hamas dans les rues de France, des mouvements grégaires où des salafistes et des djihadistes s’amalgamaient avec des militants se revendiquant de la gauche et de l’extrême gauche. Mais il ne faut pas s’arrêter au visible et au patent. Il semble aussi que dans certains quartiers des jeunes hommes et des jeunes femmes juives cèdent à la propagande islamiste et se retrouvent convertis à la religion coranique. Qui s’en préoccupe? Expliquer n’est pas justifier mais face à de pareilles entreprises, on peut également expliquer, propagande contre propagande, que les thèses de l’extrême droite deviennent audibles et tentantes, y compris dans les milieux qui paraissaient les mieux imperméabilisés. Ces questions doivent être ouvertement posées sans quoi il est à craindre que la présente situation n’empire. L’avenir se construit dans le présent et le présent n’est rien sans la lucidité.

Raphaël Draï zal Radio J, le 27 octobre 2014