« SAGESSE JUIVE, CULTURE UNIVERSELLE:
RAPHAËL DRAÏ, BATISSEUR DE PASSERELLES »
25 Novembre 2015, à 19h
Centre Communautaire de Paris : 119 rue Lafayette, 75010 Paris
Présidé par Sandrine Szwarc,
Journaliste à Actualité Juive
La disparition en juillet 2015 de Raphaël Draï a été reçu avec beaucoup d’émotions et de tristesse par un public nombreux, des lecteurs, auditeurs, étudiants, enseignants et chercheurs avec lesquels, il avait su établir une relation de dialogue créatif et profond.
Il y a quelques années, le Centre Communautaire de Paris et l’Institut Universitaire d’Etudes Juives Elie Wiesel, avaient rendu hommage à son œuvre avec de nombreux témoignages, des personnalités, des différentes disciplines et sensibilités.
Nous allons rendre hommage à cet éminent maître en organisant une soirée mémoriale où seront évoqués les différents aspects de son œuvre.
Avec Raphaël Draï disparait l’un des derniers représentants de la Grande Ecole de Pensée Juive d’expression française dans le sillage de Neher, Manitou, Levinas, Valensi.
Raphaël Draï fait partie de ces intellectuels qui ont refusé résolument la fatalité du déclin du judaïsme et qui ont consacré leur vie et leur carrière à la rencontre féconde entre pensée et pensée universelle.
PROGRAMME
19h00 : Film de Hélène Trigano, Présidente des Archives de la mémoire sépharade.
« La voix de la mémoire et la mémoire de la voix » : Raphaël Draï
C’est un film tiré des Archives de la mémoire sépharade.
19h30 : Témoignages
« Raphaël Draï : la dimension d’interface entre judaïsme et psychanalyse »
Par Paul-Laurent Assoun, Professeur à l’Université Paris 7 – Diderot, psychanalyste
Raphaël Draï, homme de savoir et de vérité, ne pouvait que rencontrer ce « savoir de l’inconscient » qu’est la psychanalyse. Il en a tôt perçu la portée pour la science du politique et les affinités avec le judaïsme. De la « politique de l’inconscient » à l’archéologie du lien mosaïque de Freud, on montrera la continuité et la signification de la présence de la psychanalyse dans sa réflexion, « fil rouge » dans le tissage de cette œuvre animée par le désir du texte et la passion talmudique.
« Raphaël Draï : un Homme de combats dans une Histoire déchirée »
Par Marc Zerbib, Professeur
Tout au long de sa vie Raphaël Draï (Zal) a été un combattant courageux et résolu à vaincre les difficultés de la vie et de l’histoire de la Communauté Juive d’Algérie d’abord puis de France et d’Israël.
Son combat a été celui de l’adaptation à une vie métropolitaine après avoir perdu son Algérie natale ; sa ville de Constantine qui l’avait tant marqué et dont il a gardé toute sa vie la nostalgie d’un impossible retour. Toute sa carrière universitaire a été motivée par le Droit. Il s’est donc battu pour le Droit à la mémoire de la Shoa en s’opposant en autre, à l’implantation d’un Carmel sur le site d’Auschwitz. Il a toujours combattu pour la reconnaissance et la légitimité historique et juridique de l’état d’Israël.
Il est intervenu à tous moments et à tous niveaux pour combattre le mensonge Historique.
Enfin son dernier combat il l’a mené contre une épouvantable maladie dont il n’a malheureusement pas triomphé.
« Raphaël Draï : l’apport de Raphaël aux étudiants d’une faculté de droit et de sa capacité à enrichir la réflexion sur ce qu’est le droit, du droit hébraïque au droit positif français »
Par Christian Bruschi,
L’apport de Raphaël Draï à la faculté de droit d’Aix-en-Pce où il était professeur, et aux juristes de façon plus générale, a été déterminant.
Sa vaste culture a permis de replacer la science juridique dans un ensemble plus vaste et de débattre des fondements philosophiques du droit.
Dans les facultés de droit où le droit hébraïque est rarement enseigné, il a contribué à le faire connaître, enrichissant de la sorte la culture juridique des étudiants, des enseignants et des chercheurs.
« Raphaël Draï : un universitaire aixois atypique (1998-2015) »
Par Rémy Scialom, Maître de Conférences, Docteur en droit, Université Aix-Marseill, e Faculté de droit et de Sciences politique.
« Dans le cas de R. Draï, l’homme et l’universitaire ne faisait qu’un. Aussi, pour comprendre l’universitaire qu’il fut, il semble indispensable d’envisager ce dernier dans sa pleine acception d’homme et d’intellectuel. Un premier temps sera donc consacré à évoquer les traits saillants de son caractère, de sa personnalité, de sa manière d’être… Ce préalable posé, une seconde « séquence » consistera à mettre en évidence la parfaite cohérence de sa pensée, l’unité et l’ampleur intellectuelle de son œuvre, au sein d’un univers juridique souvent beaucoup plus étriqué et peu habitué à ce que pensée juive et sagesse universelle soient conjuguées à ce niveau d’érudition.
Le propos conclusif s’attachera à définir l’héritage qu’il nous lègue et la responsabilité qui nous incombe, non seulement de tenter de faire vivre ce legs, mais plus encore de le faire fructifier ».
« La méthode de Raphaël Draï »
Par Shmuel Trigano, Professeur émérite des Universités
Raphaël Draï, dans la ligne de la créativité de l’Ecole de pensée juive de Paris, a développé une méthode intellectuelle qu’il a parfois définie dans certaines œuvres et qui a représenté une voie nouvelle dans l’approche de l’étude du judaïsme.
« L’endurance du penseur de fond »
Par Roger-Pol Droit, Philosophe (CNRS, Sciences Po)
Dans la pensée, il existe des sprinters et des coureurs de fond. Raphaël Draï appartient à cette dernière catégorie, qui ne se définit pas simplement par la persistance dans l’effort ni par la longue durée de l’attention. Ce qui caractérise le penseur de fond, c’est l’exigence de ne pas faire semblant, de prendre les questions à bras le corps, sans rechigner devant leur difficulté ou leur ampleur. Des exemples précis suffisent à rappeler avec quelle constance cette ténacité généreuse anime l’œuvre de Raphaël Draï.
« Mon père, parcours d’un engagement et d’un combat », Par Yael Elkyess-Draï, Avocat
De mémoires d’enfants, nous n’avons pas souvenir que notre père, Raphaël Draï zal, ait un jour refusé de livrer un combat, lorsque la cause a défendre lui paraissait juste. En particulier lorsqu’il s’agissait de la communauté juive, Eretz Israel ou des principes vitaux du judaïsme, pour lesquels il a combattu sans relâche durant plus de 50 ans. Lui l’homme de droit, l’homme de loi, ne pouvait supporter l’injustice.
Après avoir pratiqué intensivement les sports de combats durant sa jeunesse à Constantine, à l’âge adulte il prit le parti d’utiliser deux autres armes, moins physiques, mais tout aussi percutantes, celles de la parole et de l’écriture. Il en avait une maitrise parfaite ce qui lui permettait, comme il aimait à le dire, de taper « juste et fort ».
Son dernier combat fut plus personnel, et son attitude face à ce mal insidieux fut plus qu’exemplaire. Il nous donna une ultime et incroyable leçon de vie, puisant une fois de plus son courage et sa détermination dans cette injonction du deutéronome qui le guida à chaque étape de sa vie :
» Et tu choisiras la vie afin que tu vives toi et ta descendance… » Deut, 30.19