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PARACHA TSAV

In Uncategorized on mars 28, 2024 at 7:26

(Lv, 6, et sq)

24 Tsav

Cette paracha est doublement importante, par son contenu propre et par son lien avec le Chabbat Hagadol qui précède Pessah’, et d’ailleurs il y est aussi question ici de matsot, de pain azymes, à pétrir et à consommer par les cohanim, et plus particulièrement par les fils d’Aharon, le Cohen gadol.

Mais elle commence par une prescription fort importante qui concerne la ôla, la liturgie ascensionnelle, qui doit se poursuivre toute la nuit, tandis que le feu de l’autel doit brûler sans intermittence, et être alimenté chaque matin. Cette prescription s’énonce en ces termes : « Un feu perpétuel (ech tamid) sera entretenu (toukad) sur l’autel, il ne devra point s’éteindre (lo tichbé) (Lv, 6, 6) ».

Le sens de pareilles prescriptions pourrait paraître anthropologique et concerner l’état actuel d’un peuple à peine sorti de l’esclavage, accédant non sans mal à la liberté des corps et à celle de l’esprit. Ces rituels-là seraient alors strictement didactiques, sans transcender le temps où ils furent institués. Une telle vue serait superficielle. Le terme même de ôla, formé sur le radical ÂL, élever, indique au contraire qu’au-delà de tous les korbanot individuels ou même collectifs, se plaçait cette liturgie d’élévation, d’ascension et de transcendance qui devait commencer le soir, lorsque la lumière du jour reflue et laisse place à l’obscurité, jusqu’au matin. Comme si la ôla devenait l’équivalent d’un maor, d’un luminaire.

En quoi plus précisément une telle intention transcendante se discerne-t–elle ? En ce qu’elle ne s’accommode pas des temps où la lumière ne brille pas d’elle-même. Il faut rappeler, justement en termes d’anthropologie religieuse, que dans la religion égyptienne, s’il faut ainsi la dénommer, d’où le peuple des Bnei Israël est sorti, la nuit était particulièrement angoissante où refluaient tous les monstres du sous–monde. La liturgie de la ôla surmonte cette disparition de la lumière du jour en instituant une lumière spécifique, de nuit, la nuit de la conscience. Et s’il faut insister sur une telle continuité, c’est que la liturgie nocturne de la ôla doit s’opérer à partir d’un feu allumé dès le matin ( baboker ), et qualifié en tant que tel de perpétuel, tamid, pour bien souligner que les différentes phases du temps cosmiques ne provoquent pas l’hétérogénéité du temps de la Création divine ; que toutes les temporalités particulières et locales retrouvent leur cohérence d’ensemble dans la volonté de perpétuer une clarté inextinguible, pour peu qu’on l’entretienne.

Et c’est pourquoi deux verbes sont employés à son propos : d’abord ce feu devra être entretenu : toukad, positivement. La traduction en langue française ne rend pas tout à fait compte des connotations de ce verbe en hébreu puisqu’il est construit sur le radical KD que l’on retrouve dans KoDeCh ; comme si ce feu devait être non pas dévorant mais sanctificateur. Ce premier verbe se rapporte à la qualité intrinsèque d’une telle source de lumière et d’énergie.

L’autre verbe sous sa forme négative se rapporte cette fois à l’attention humaine, au sens de la responsabilité par laquelle la notion de garde, de chemira,  trouve toute sa résonance. L’on devra donc se garder de laisser ce feu – référence de l’esprit et de l’âme, s’éteindre. Et cela non par à-coups mais perpétuellement. La vie de l’esprit comme l’histoire du peuple d’Israël s’inscrivent ainsi dans la longue durée, vers l’éternité, le tamid se profilant vers le netsah’.

Les fils d’Aharon devront de leur côté confectionner avec de la farine issue d’offrandes des matsot, des pains non levés, le h’ametz, le levain, désignant l’effervescence, le gonflage sans augmentation de substance, l’équivalent de l’alcool dans le vin, l’alcool dont ils devront se garder à leur tour avant de procéder aux actes qui relèvent du service divin. Par suite, si pour l’ensemble du peuple la consommation exclusive de telles matsot, avec ce qu’elles symbolisent et qui est rappelé lors du séder de Pessah, n’est prescrite que durant huit jours, elle l’est à titre quotidien et en somme perpétuel pour les cohanim, sachant que tout le peuple est lui-même qualifié de mamlekhet cohanim, de souveraineté pontificale, le mot pontife prenant à son tour son sens du mot pont, de cette construction humaine  qui relie l’ici  et le là-bas, l’homme et son prochain, l’homme et le Créateur.

Raphaël Draï zatsal 21 mars 2013

PAR TEMPS D’EPREUVE: L’ESPRIT DE POURIM

In Uncategorized on mars 24, 2024 at 11:46

Alors que la communauté juive de France s’interroge sur son avenir, il importe de garder à l’esprit des repères essentiels, et cela sans s’adonner au mélange des genres, celui qui mène à substituer la théologie à la politique. La célébration de Pourim en donne l’occasion. Elle marque en premier lieu la conversion sensible et palpable de l’hiver au printemps. Cette conversion là n’est pas seulement climatique. Elle souligne en effet un état d’esprit, celui qui inspire une forme aiguë et intense de résistance morale face aux multiples visages et langages de l’antisémitisme. Il faut bien comprendre que ce fléau n’est ni circonstanciel, ni accessible à la raison. Il est inhérent à la manière aberrante dont s’est constituée l’identité occidentale durant plus deux millénaires. Lutter contre l’antisémitisme exige que l’on ait le souffle long et qu’on ne s’étonne pas, après chaque victoire contre ses sbires, qu’il reprenne sans cesse, si l’on peut dire, du poil de la bête, et quelle bête puisque le livre de Job laisse le choix entre Léviathan et Béhémoth! Pourtant nous ne vivons plus au temps de Pharaon ou de Haman. Nous vivons au temps de l’Etat d’Israël ressuscité après vingt siècles d’exil et de dispersion. Déjà, lorsque le peuple juif s’est retrouvé pulvérisé parmi les nations et exposé aux lubies de potentats divinisés, il s’est trouvé des êtres à la fois inflexibles et capables de prier, comme Mardochée et Esther lorsqu’ils surent faire face à une adversité qui s’annonçait fatale. Rien ne les fit plier, pas même le sentiment de peur sans lequel un être de sang et de chair ne saurait pas vraiment ce qu’est la condition humaine. Cette capacité de résistance morale procédait également et indissociablement d’une intelligence vive de la situation du peuple juif et de son environnement mortel. Car cet environnement là était simultanément traversé par des contradictions majeures entre intérêts personnels, statuts politiques, ambitions forcenées, qui ne tarderaient pas à se manifester férocement. En ce sens, Mardochée comme Esther furent des personnalités prophétiques si le prophète se définit aussi par la capacité de percevoir l’instant décisif, celui à partir duquel une époque bascule, une situation se renverse et que les juges du trop fameux tribunal de l’Histoire réalisent qu’ils vont à leur tour être jugés. Aujourd’hui en France, la communauté juive vit pratiquement en état de siège. Nul ne peut prédire l’impact de cette « bunkérisation » insensée en plein XXIème siècle sur le psychisme d’enfants qui doivent de toutes façons ne pas manquer la classe. La stratégie des antisémites de tous acabit est de leur mettre la vie à charge. C’est justement dans ces circonstances que sa propre histoire spirituelle lui procure les ressources d’une résistance exemplaire. Car statistiquement parlant tous ceux qui au long des siècles ont tenté de l’exterminer ont fini pendus ou carbonisés. En attendant, il faut discerner les deux affects essentiels de Pourim et s’y tenir fortement: le courage et la joie. Car comme y insistent les Sages d’Israël: si la peur est contagieuse, la joie est communicative.

Raphaël Draï zal, Radio J, 2 mars 2015.

Commentaire Paracha Vayiqra

In Uncategorized on mars 21, 2024 at 9:26
23 Vayikra.

Le livre de L’Exode, le Sepher Chemot, s’est achevé avec la récapitulation minutieuse des éléments entrant dans la constitution du Sanctuaire et avec celle de son montage méthodique, tel que Dieu l’avait prescrit, de sorte qu’en en reprenant le récit, c’est comme si le lecteur participait à son tour et à sa manière à ce montage et qu’il en devenait l’artisan actuel.

Et une fois cette œuvre accomplie, une œuvre digne du Maassé Beréchit, de l’œuvre de la Création du monde, la Présence divine l’investit toute, au point de ne sembler laisser aucune place à Moïse lui-même. Comme pour signifier que le Sanctuaire devait se prolonger par un autre espace-temps dont il serait la structure d’accueil. Et c’est pourquoi la Thora enchaîne sans désemparer par ce verset : « Et Dieu appela (vaykra) Moïse du sein de la Tente d’Assignation (Ohel Moêd)..» et qu’elle se prolonge par une première série de prescriptions concernant les korbanot. Ces deux premiers points méritent une profonde attention.

Que signifie « appeler » ? Ce verbe est bâti sur la racine KRA qui signifie certes appeler, au sens phonique, mais aussi advenir au sens événementiel. Ces deux significations sont liées : un événement, par définition imprévisible, n’advient qu’au regard et à l’esprit de qui le souhaite, de qui l’attend ou l’espère. La Présence divine ne se convoque pas. Elle ne s’invoque pas non plus comme les esprits de la Forêt enchantée. Le Dieu de la Thora est un Dieu vivant et personnel, qui « s’en vient » et qui peut aussi s’en aller, parce qu’il est libre. Libre même s’il se lie dans et par une Alliance. Moïse était en attente de Dieu comme Abraham était attentif au pas du passant s’inscrivant dans son regard, au plus loin de sa tente hospitalière. Pourtant, le degré de prophétie et de sainteté atteint par Moïse fait de lui le prophète incomparable à qui « Dieu parlait face à face, comme l’on s’entretient avec un ami ». Qu’en sera-t-il de tout autre être qui veuille à son tour s’approcher de la Présence divine ou s’en rapprocher s’il s’en était éloigné, à moins qu’Elle se fût éloignée de lui ?

Aucune incantation, aucun rituel magique ou prétendu magique ne l’y aidera. Dans ce but il devra procéder à un korban, terme improprement traduit par sacrifice. Le sacrifice, au sens ordinaire, est négativement connoté par les idées de diminution, si ce n’est d’amputation, parfois à notre corps défendant. Le mot korban comporte de tout autres significations. Il est bâti sur la racine KRB qui désigne le rapprochement mais sans confusion, la réduction des distances mais sans dissolution de la personnalité. Tout le contraire, une fois de plus, de la régression du Veau d’or, idole fusionnelle et confusionnelle, compacte, opaque, réfractaire. L’accomplissement des korbanot ne prend son sens que par l’intégration inéluctable de ce premier niveau animal, non pour s’y mélanger mais pour y prendre appui et le dépasser. C’est pourquoi le texte insiste tant sur le découpage de l’animal apte au korban, de sorte que quiconque y assiste découvre un organisme articulé, avec un intérieur et un extérieur. Platon fera de cette sorte de découpage, lui aussi méthodique et respectant l’intégrité de l’organisme, une des fonctions de la pensée proprement humaine. Aussi, peut-on dire que les korbanot dont on découvrira la nomenclature et même la théorie notamment chez Maïmonide, étaient des fins en eux-mêmes pour quiconque devait recouvrer le sens physique, corporel, presque kinésithérapique du rapprochement, pour les raisons que l’on a dites.

Mais leur portée était plus élevée. Ils impliquaient l’acceptation de la hauteur d’âme propre à l’être humain qui sache user de la parole non pour empêcher, pour obstruer, pour abolir mais au contraire pour donner naissance, solliciter, inviter. Car appeler, au sens du vaykra, c’est faire accomplir à l’appelé ou à l’invité un mouvement confiant, allant justement de l’extérieur vers l’intérieur, au plus près de soi. C’est pourquoi également l’entame du Lévitique insiste sur la dimension humaine des korbanot accomplis par le biais d’animaux«parle aux Bnei Israël et tu leur diras : « a) Un homme lorsqu’il rapprochera  (yakriv) b) à partir de vous mêmes (mikhem) un acte de rapprochement c) pour Dieu (korban laChem).. » Les trois dimensions complémentaires du korban sont ici clairement mentionnées : la dimension humaine (adam) n’est pas dissociée du peuple (lakhem). Elle en procède. Et c’est à cette double condition que le rapprochement divin proprement dit (korban laChem) aura sa pleine portée.

Ce qui s’ensuit demande également à être examiné méthodiquement, korban après korban, comme la cartographie de l’espace spirituel et de l’espace social par laquelle la Présence divine trouve ses propres voies et chenaux, à la rencontre de la Présence humaine. Liturgie qui s’inscrit également dans une histoire. Isaac Breuer le rappelle : sans la présence du bélier, le dénouement vital de la ligature d’Isaac, fils d’Abraham, n’eût pas été possible. Solidarité non seulement écologique mais spirituelle. Le Psalmiste le rappelle dans ce passage lu à Minh’a de chabbat : « L’homme et l’animal, tu les sauves, Eternel ». Ensemble.

Raphaël Draï zal, 11 mars 2013

LE SENS DES MITSVOT : PARACHA PEKOUDE

In Uncategorized on mars 14, 2024 at 10:03
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« Quant aux mille sept cent soixante-quinze sicles, on en fit les crochets (vavim) des piliers, la garniture de leurs chapiteaux et leurs tringles » (Ex, 38, 28). Traduction de la Bible du Rabbinat.

La traduction précitée est un bon exemple de ce qui se perd du texte biblique lorsqu’il n’est pas abordé directement en langue hébraïque, dans la sûre intelligence des notions et concepts qu’il utilise. De quoi est-il question ? Non plus de la conception du Sanctuaire mais de la confection de ses divers composants puis de leur assemblage, avant leur montage conclusif. A première vue nombreuses sont les répétitions qui alentissent ce récit, depuis la première paracha consacrée à ce sujet : la paracha Térouma. Nous sommes incités à une attention plus soutenue une fois éclairée sa logique d’exposition car il ne s’agit pas des mêmes niveaux narratifs et explicatifs. C’est pourquoi la paracha Pekoudéi commence par rappeler qui furent les maîtres d’oeuvre de toute cette affaire concernant le Monde d’en-haut et le Monde d’en-bas: Betsalel fils de H’our et Oholiav fils d’Akisamakh, assistés de quiconque au sein du peuple était « savant de cœur ». Autrement dit, toutes les opérations intellectuelles et techniques entrant dans la construction du Sanctuaire devaient réaliser chacune à part soi, puis toutes ensemble une oeuvre de pensée, de mah’achava, l’opposé du Veau d’or coulé d’un seul métal, une effigie d’une seule pièce, matérialisation non d’une réflexion mais d’un passage à l’acte. On comprend mieux aussi pourquoi le Sanctuaire résulte à son tour d’un assemblage, qu’il ait fallu coudre ensemble des tentures, ajointer des panneaux, réunir des pièces confectionnées d’abord chacune pour elle-même. Aussi, et dans le même ordre d’idée, le mot « crochets », utilisé dans cette traduction, abrase-t-il le sens du terme hébraïque originel : vavim. Bien sûr par définition et par destination un crochet est destiné à conjoindre deux éléments distincts, à les mettre en contact de sorte à former par leur conjonction un élément nouveau. Mais précisément pourquoi cette pièce particulière se nomme-t-elle en hébreu vavim?

On aura immédiatement observé que ce mot est le pluriel de vav, de la lettre ainsi nommée dans l’alphabet hébraïque. Où cela conduit-il ? Aux différents réseaux de sens que cette lettre engage. La lettre vav est la sixième de l’alphabet et correspond aux six premières phases de la Création, les phases actives, lesquelles de ce fait ne constituent pas une simple succession d’opérations surajoutées les unes aux autres mais ce qu’il est convenu d’appeler une séquence, dotée d’une logique et d’une cohérence internes. La lettre vav est bien, en ce sens, la lettre de la conjonction, celle qui rapporte l’un à l’autre en les articulant des éléments autrement disparates et inopérants. L’articulation est l’un des signes les plus visibles et les plus tangibles de la vie. Sans articulation pas de voix, pas de langage, pas de gestes coordonnés, pas de conduite adaptative, pas de combinatoire mentale, etc. Toute la Genèse est placée sous ce signe : « Au commencement l’Eternel créa les cieux ET la terre » (Gn, 1, 1).

Si, dans la confection du Sanctuaire, des éléments particuliers de celui-ci sont nommés vavim, c’est bien pour l’insérer dans la symbolique créatrice que l’on vient de souligner. Symbolique de pensée mais qui éclaire aussi, et de l’intérieur, la symbolique sociale du peuple d’Israël. Car on aura également observé que la lettre VaV s’écrit elle- même avec deux VaViM. Répétition ? Redondance? Certes non, mais indication particulièrement parlante selon laquelle, à la différence de l’image induite par le « crochet », une véritable conjonction et une réelle articulation s’obtiennent non par l’assujettissement d’une pièce principale à une pièce secondaire mais par le chevillage de deux pièces d’égale importance, placées l’une en regard de l’autre, en position de réciprocité.

Une réciprocité qui ajoute une valeur supplémentaire à ces deux pièces-là et les exhausse à un niveau de signification et d’efficacité plus élevé encore puisque l’addition des deux lettres vav forme le chiffre 12, celui des composantes du peuple d’Israël, du nombre de ses « rameaux », des douze chevatim, ce terme étant préférable à celui de tribu, mot d’origine romaine et qui se rapporte, comme son nom l’indique, au chiffre 3.

D’autres niveaux de signification sont encore discernables lorsqu’on aura rappelé que la lettre VaV est la lettre pivot du nom de Lévi, un nom qui sera donné au « rameau » sacerdotal par excellence d’où sont issus les cohanim. Or cette même lettre se retrouve dans toute la terminologie hébraïque de l’éthique, du soutien à autrui et de son accompagnement durant toutes les phases de sa vie, surtout lorsqu’elles sont semées de difficultés et d’obstacles ( alVaa, leVaya, etc..)

Ce qui culmine à une dernière remarque conclusive dans le cadre de cette analyse : dans l’alphabet hébraïque la lettre vav suit immédiatement la lettre hei, symbolique de la Présence divine et ces deux lettres se succèdent tout aussi immédiatement dans le Tétragramme.

Toutes ces indications ne constituent pas les degrés ascendants d’on ne sait quel ésotérisme mais les degrés successifs d’une autre échelle : celle de la responsabilité interhumaine dans une Création ouverte et vivace.

Raphaël Draï zal, 26 février 2014

LE CONFLIT ISRAELO-PALESTINIEN : AU COMMENCEMENT, L’ANTISEMITISME

In Uncategorized on mars 13, 2024 at 10:32

Dans ses formes extrêmes le conflit israélo-palestinien est sans doute celui de deux nationalismes enchevêtrés parce qu’ils réclament la même terre avec quasiment les mêmes mots .

Depuis des décennies et particulièrement depuis 1967, cet antagonisme s’inscrit dans des cercles vicieux diplomatiques et militaires dont il est devenu impossible de discerner les commencements. Dès lors comment concevoir une solution possible ? Les affrontements liés à la nouvelle intifada comme on l’appelle fait cependant saillir des traits singuliers concernant les causes premières du conflit et notamment l’inculcation de la haine indissociablement anti-israélienne et antijuive.

L’Arche a publié ce que contiennent à cet égard les manuels scolaires des enfants sans enfance de Gaza et de Ramallah. Une autre composante est également apparue qui ne se résorbe pas dans cette seule vision « locale » du conflit : un antisémitisme global et originel un antijudaïsme confessionnel et d’Etat résistant à toute thérapeutique comme à tout aggiornamento. Le président syrien Bachar el Assad l’a formulé en un compendium cynique devant nul autre que le pape Jean Paul II en personne accusant en 2001 les Juifs d’avoir… crucifié Jésus et d’avoir persécuté Mahomet comme s’il fallait assassiner, en direct la déclaration conciliaire Nostra Aetate de 1966. Qui, en Dar el Islam a publiquement protesté ? L’imputation délirante de déicide ainsi réitérée n’est-elle pas surtout destinée à justifier l’entreprise plus froide jamais abandonnée de politicide envers l’État d’Israël déshumanisé avec les mêmes mots selon les mêmes rhétoriques phobiques et meurtrières que les Juifs en pays d’Islam durant des siècles dont peu furent d’or ?

C’est pourquoi il est nécessaire de rétablir l’ordre réel et cohérent des causalités effectives dans cette guerre dont nul ne peut prédire l’issue. Contrairement à ce qu’affirme l’ancien ministres des finances libanais et pro6syrien Georges Corm ce n’est pas l’antisionisme qui suscite l’antisémitisme – à supposer que cette passion véreuse soit « justifiable » par quoi que ce soit – mais bien l’inverse. L’antisémitisme arabo-musulman dont il est possible de dyaliser les sources chrétiennes et les sources proprement coraniques est bien cette matrice première de laquelle sortent les monstres qui dévorent tout espoir réel de paix au Proche orient. Comment s’en libérer alors qu’il sert une véritable économie psychique tendant à y faire oublier sous les cris de la haine l’absence de pensée laquelle signalise impitoyablement le trouble et la difficulté d’exister vraiment ?

Comment expliquer autrement par exemple le véritable mimétisme mécanique qui affecte le monde palestinien vis à vis du monde israélien ? La Loi du retour proclamée par l’Etat d’Israël peu de temps après sa création donne naissance maintenant à un sous-produit : le droit au retour sur le territoire israélien historiquement mémorialisé revendiqué par des Palestiniens qui voudraient chemin faisant réinventer le cheval de Troie. La commémoration de la Shoah fait naître symétriquement celle indécente de la Nakba. Yerouchalym lobotomisée devient El Kods tandis que le Kotel est recouvert d’un opaque keffieh. Le reste à l’avenant. Il ne s’agit pas seulement de stratégie médiatique mais d’une dramatique aliénation intellectuelle qui pousse les palestiniens à s’insurger contre le « Maître israélien « en perpétuant leur incapacité à penser de manière autonome leur propre avenir pour autant que par de telles voies on puisse en avoir un. En ce sens leurs « amis » israëlophobes sont de plus en plus leurs fossoyeurs puisqu’ils les renforcent dans la négation de la réalité résistante d’Israël et du judaïsme reproduisant avec eux les fatales erreurs d’analyse qui ont conduit entre autres l’Algérie indépendante dans ses ornières tombales actuelles. Ces « amis » funestes trouvent dans la Palestine judenrein leur dernier thanatorium idéologique. Sauf que les billets d’entrée y sont tamponnés avec une encre de sang indélébile, qui n’est pas le leur et dont il leur sera demandé compte. Cette confrontation produit au contraire des secousses sismiques finalement salutaires au sein du peuple israélien et plus largement du peuple juif . Quoi qu’il leur en coûte elle forcent à repenser les concepts de religion et de laïcité de droite et de gauche d’utopie et d’urgence d’éthique et de politique d’espace et d’histoire.

Où sont les A.B Yehochoua ou les Yechayahou Leibovitz du monde arabe et de l’islam ? Les seuls penseurs arabo-musulmans dignes de ce nom ne peuvent penser librement – ce qui est une tautologie – que dans les pays d’Europe ou aux USA dont ils sont devenus les citoyens. Autrement ils doivent pour la plupart choisir entre le silence la parole conforme ou la mort assurée. Pour l’heure en Islam « la réouverture des portes de l’Ijtih’ad » autrement dit de la pensée non contrainte closes depuis le Moyen âge cède sans cesse face aux promoteurs du Djhad tout court qui se dégagent la route des paradis artificiels à coup de bombes génocidaires. Qui en paiera finalement le prix notamment en France ? Au premier rang les générations de jeunes maghrébins que la République se propose d’intégrer et qui doivent accomplir, au plus profond de leur être, sur fond d’images moyen-orientales qui souvent faussent leur sens de la justice une improbable synthèse entre la France tortionnaire du sépulcral général Aussarés et l’Algérie sinistrée d’aujourd’hui celle de l’intifada – boomerang kabyle réprimée avec une violence sans états d’âme dont la Commission des droits de l’Homme de l’ONU si prompte à fustiger Israël ne peut être saisie parce que le tiers-mondisme en faillite ne saurait s’y juger lui-même.

Il faut alors décidément se libérer des faux -semblants d’un « âge d’or » de la coexistence entre juifs et musulmans. Cette coexistence n’est pas à revivre mais à bel et bien à construire en partant de très bas. Depuis septembre 2000 l’antisémitisme arabo-musulman a montré les laideurs de sa face. Il ne s’en lavera pas en traitant ou en laissant traiter Israël à gorge déployée d’Etat « raciste. Un écho a-t –il jamais métamorphosé une insulte en vérité laquelle exige la droiture des propos et la prise en aversion de toute démagogie ? 

Raphaël Draï z’l, L’Arche, 4 Juin 2001

Commentaire Paracha Vayakhel

In Uncategorized on mars 7, 2024 at 10:44
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(Ex, 35, 11)

L’entame de cette nouvelle paracha peut paraître ordinaire: «  Moïse assemble (vayakhel) toute la communauté (êda) d’Israël pour leur dire…», comme s’il s’agissait de la simple convocation du peuple pour lui communiquer, telle quelle, la Parole divine. En réalité ces premiers mots qualifient la communauté d’Israël  au regard de sa propre histoire et vis à vis de Dieu. Et cette terminologie est essentielle si l’on se souvient que la paracha précédente relatait la régression idolâtre du Veau d’or qui mena le peuple des Bnei Israël au bord de l’anéantissement, en lui faisant perdre  toute substance, toute  consistante, toute forme distinctive, mais également toute mémoire. Et ce fut la grandeur de Moïse que d’y parer, alors même qu’il se trouvait sur le mont Sinaï pour y recevoir l’enseignement divin. Moïse n’eut  de cesse d’abord que d’obtenir que Dieu diffère sa réaction immédiate (chouv mi h’aron apekha), avant qu’Il ne lui révèle les 13 attributs de la compassion  et avant que lui même, Moïse, ne retrouve le peuple pour y exercer  le jugement de sa transgression, de sorte qu’il ne fût plus porté à la récidive.

A la suite de cette tourmente d’un extrême violence, le peuple se sent désemparé, jugé et déjugé à la fois, découronné de tous les attributs qu’il avait acquits par son acceptation de la Loi au Sinaï. Or il lui faut reprendre l’oeuvre du Sanctuaire et sa marche dans l’Histoire. C’est pourquoi, Moïse, pour qui les temps de cette histoire, quels qu’ils soient, doivent se suivre et non pas s’entr’annuler, a à cœur de reconstituer le peuple dans ses configurations essentielles, post – traumatiques, afin qu’il se remette à l’oeuvre lui permettant  d’offrir digne hospitalité à la Présence divine. Et c’est pourquoi aussi le verbe VaYaKHeL est utilisé, et qu’il l’est au regard de ce groupement humain nommé ÊDA. Ce dernier terme est construit sur la racine ÊD qui désigne le témoignage, dimension irrécusable de la Création et plus particulièrement du site adéquat à l’Humain, le GaN  ÊDeN. A ce moment précis, le peuple ne  forme pas simplement un goï, une ethnie, terme que Samson- Raphaël Hirsch rapproche de GouPH, le corps. Il constitue une ÊDA, une communauté en mesure de témoigner des phases précédentes de son parcours en attendant d’en engager les suites; une communauté dotée désormais d’une Histoire, avec ses instants lumineux et ses phases sombres, une Histoire entière, appelée à se poursuivre et non pas à recommencer chaque fois de zéro, comme une plante que l’on voudrait rempoter chaque matin.

C’est dans le prolongement de cette Histoire attestée que Moïse emploie précisément le verbe VaYeKHeL pour qualifier la nouvelle manière de rassembler le peuple convalescent, de constituer la ÊDA en KaHaL. Le sens de ce mot se déduit de sa racine KHL, où se discerne la racine encore plus intime HL, que l’on retrouve dans NaHeL, la direction supérieurement inspirée, ou dans HaLeL, l’action de grâce.

Tous ces termes pivotent autour la lettre Hei qui désigne la Présence divine, Présence  rendue possible en milieu humain parce que les autres valeurs de cette lettre- source  y sont réalisées: le sens de l’interrogation, celui de la perspective, celui de la singularisation et celui de la féminité. Par l’emploi de ce terme c’est ce bouquet de significations liées entre elles, que Moïse, doué de l’esprit de suite sans lequel aucune Histoire n’est concevable, réunit.

Et qu’annonce t –il aussitôt de la Parole divine? D’une part, la nécessité de l’observance du chabbat et d’autre part, mais ensuite seulement, la nomenclature confirmée de tous les matériaux et éléments qui constitueront le Sanctuaire une fois que le travail requis à cette fin aura été mené à son terme. Cet ordre n’est pas aléatoire. Il faut comprendre que c’est le chabbat qui confère sa signification générique au Sanctuaire, parce que c’est le chabbat – comme on le verra plus longuement à propos d’une autre paracha – qui fait se révéler pleinement l’âme humaine à partir de ses premières palpitations, tandis que la capacité de l’observer atteste de la maîtrise des pulsions humaines lesquelles, à la différence des pulsions animales, sont en mesure de dominer son intelligence et de  l’asservir.

Forts de cette réorientation, intime et historiale, les Bnei Israël se remettent à l’oeuvre, pansant leurs blessures et attendant que le Sanctuaire édifié, et édifié par tous, porte témoignage que la régression du Veau d’Or n’est plus qu’un mauvais souvenir, un mauvais souvenir qu’il ne faudra  tout de même pas complètement oublier, témoignage oblige.

Raphaël Draï z’l

HAFTARA KI TISSA

In Uncategorized on mars 1, 2024 at 10:25
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La paracha Ki Tissa relate les circonstances et les conséquences de la transgression du Veau d’or, tout juste après que les Bnei Israël ont accepté les dix Paroles du Sinaï. Pour bien faire comprendre qu’il ne suffit pas d’accepter un idéal, formellement. Qu’ensuite tout dépend de sa réalisation et celle-ci – à moins de supposer le problème résolu de la discordance entre l’idéal et le réel – ne va jamais de soi.

A des siècles de distance c’est à une discordance analogue que se heurte le prophète Elie, sous le règne du couple royal et idolâtre formé par Achab et Jézébel. En ce temps là les prophètes fidèles à l’Alliance du Sinaï sont impitoyablement persécutés. Lorsque l’on parvient à les capturer ils sont exterminés en masse. Dans son ensemble, le peuple fait montre de passivité laquelle encourage le couple royal et scélérat à persister dans ses agissements. C’est pourquoi le prophète Elie le convoque maintenant à une inéluctable épreuve de vérité. Il est temps que le peuple cesse « de boiter sur ses deux jambes », qu’il cesse de tergiverser, s’imaginant que le Dieu du Sinaï et que les idoles de Canaan sont des choix alternatifs. Le prophète Elie, lequel en attendant a bloqué toutes les sources d’eau sur la terre en litige divin, défie les 450 « prophètes » de Baâl face à ce peuple moralement claudiquant. Que l’on prépare un autel et qu’on y apprête symétriquement deux taureaux mais sans y mettre le feu avant l’heure convenue. Après quoi chacun invoquera son dieu. Le premier qui consumera le sacrifice, sera reconnu pour l’unique et vrai Dieu. Le peuple acquiesce.

Les premiers, dès le matin, les prophètes de Baâl, apprêtèrent leur sacrifice et se mirent à invoquer leur divinité tutélaire. Leurs implorations durèrent jusqu’à midi. En vain. Point de réponse. Et les voici qui s’agitent et se démènent au dessus de l’autel qu’ils avaient eux même confectionné, comme s’ils y cherchaient un défaut de conception et de fabrication qu’ils n’y avaient pas immédiatement perçu. A midi, Elie les interpelle sur un ton qui passerait pour ironique s’il ne correspondait exactement à la réalité de la croyance idolâtre et à ses liturgies illusoires: « Appelez à haute voix (bekol gadol) car c’est un dieu ! » Sans doute ce dieu est-il occupé à des affaires plus importantes ! A moins qu’il ne se soit accordé, qui sait, un petit somme dont il finira bien par s’éveiller ! Face à ce défi les prophètes de Baâl s’adonnent à une liturgie encore plus violente et sanglante, paroxysmique. Ils tailladent le corps d’où leur sang ruisselle, sans cesser d’invoquer leur divinité, et cela jusqu’au milieu de l’après midi. Cependant, toujours point de réponse ni aucune marque d’attention. C’est le moment décisif. Elie demande au peuple, à tout le peuple (col haâm) de bien vouloir s’approcher de lui (guéchou élay). Et le peuple dans son entier s’approche de lui.

Elie commence par rétablir symboliquement et matériellement l’autel de Dieu, jusqu’alors démantelé. Ensuite il réunit un ensemble de douze pierres représentant également les douze fils de Jacob, nommé à présent Israël, de ce nom transcendant que chaque Bnei Israël doit assumer personnellement. Après quoi, il dispose les éléments du sacrifice proprement dit et fait entourer l’autel d’une tranchée. Sur le taureau sacrificiel il fait verser par trois fois quatre cruches d’eau, par quoi se retrouve la symbolique du douze. Cette eau est versée en abondance au point d’emplir la tranchée.

Et c’est au moment précis de la prière de minh’a, qu’Elie en appele au Dieu d’Israël « Réponds moi, Seigneur ! Réponds moi et que le peuple sache que tu es l’Eternel Dieu (Hachem Haélohim) et toi tu les ramèneras leur cœur à son origine (ah’oranit) ». Et cette fois la réponse de Dieu survient sous la forme d’un feu qui consume le taureau sacrificiel, le bois, les pierres et la terre avant d’assécher toute l’eau de la tranchée. Enthousiasmé, le peuple exulte et proclame son adhésion élective en en redoublant l’expression: « L’Eternel est Dieu, l’Eternel est Dieu ».

Peut on affirmer alors qu’Elie a « gagné », qu’il est sorti vainqueur de cette épreuve divine, de cette ordalie? La réponse est moins évidente qu’il ne le semble. Pourquoi? Précisément parce que nous ne sommes plus immédiatement après la Sortie d’Egypte, alors que le peuple était encore tout imbibé, si l’on peut dire, de mentalité et d’habitudes idolâtres. Des siècles et des siècles se sont écoulés et il semble que le travail spirituel soit sans cesse à reprendre depuis le début (ah’oranit), tant s’avèrent lourdes les propensions idolâtriques.

Version biblique du mythe de Sisyphe? En partie mais surtout enseignement profond sur ce que signifie cheminer dans l’Histoire avec ce que celle-ci exige de patience, de lucidité, d’endurance et de fermeté spirituelle.

                       Raphaël Draï zal 6 mars 2015