21 avril.
Intervention télévisée du président de la République ce dernier dimanche face notamment à une brochette de « jeunes ». Bien sûr, l’exercice de la politique n’est plus concevable sans « communication ». A condition que celle-ci ne se réduise pas à un exercice de mise en valeur personnelle, quoi qu’il en soit de la réalité, et qu’elle ne se propose pas d’autre finalité que l’échange manipulateur avec l’interlocuteur préalablement choisi. Cette condition a t’elle été remplie? Partiellement. A l’évidence, François Hollande s’efforçait d’y satisfaire. Surtout en dernière partie. Mais, il avait beau faire, l’impression générale était qu’il déployait un plan de campagne présidentielle pour l’élection de 2017 et que sa réélection était son unique souci. Ce qui n’a pas empêché quelques moments de vérité, particulièrement lorsque l’un des « jeunes » s’est montré plutôt compréhensif envers les spectacles de Dieudonné en invoquant « la liberté d’expression ». Ce qui provoqua la réplique immédiate du président de la République en fonctions renvoyant à son interlocuteur la charge de la question: qu’est ce qui le faisait rire dans les spectacles du pitre? Ses saillies antisémites? Au delà de cet échange ponctuel la préoccupation profonde naît de la manière dont cette génération, ou une partie importante de ce qui la constitue, se forge de la dite « liberté d’expression ». Elle semble surtout mettre l’accent sur le mot « liberté » sans vérifier le moins du monde ce que celle-ci permet d’exprimer. Dans une France en crise chronique, dans laquelle le chômage ne se résorbe point, où la recherche d’un emploi devient obsessionnelle, la revendication d’une liberté totale et de dernière instance: celle de disposer de soi, devient discrétionnaire, absolue, apparaîtrait elle transgressive et méconnaissant la lettre même de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. La solution consiste t-elle dans un saupoudrage financier? 100 ou 200 euros qualifiés de « prime », ajoutés à un salaire médiocre qui ne permette aucun investissement dans un avenir quelconque transformeront-ils un pareil état d’esprit? Comment restructurer moralement uns société dont les dirigeants semblent, là encore, s’échiner à perdre toute crédibilité? L’esprit du 11 janvier s’est avéré particulièrement fugace comme l’ont montré les élections départementales. Et l’opposition « républicaine »? Est-elle « mieux disante » en la matière? A l’UMP, Alain Juppé continue son cavalier seul en se promettant de rallier de plus substantiels escadrons sous le regard d’un Sarkozy qui attend le bon moment pour le vider de sa selle. Au FN la route paraissait largement ouverte. Jusqu’au moment où, à point nommé, le père, la fille et la nièce, ont interprété leur version impitoyable des Atrides. Du très mauvais Euripide mais qui se terminera sans doute par un baiser dentu devant les militants et les caméras. Pour toutes ces raisons, c’est miracle si la navire France ne s’est pas encore complètement fracassé sur les rochers.
23 avril.
A dix huit mois de la fin du second mandat de Barack Obama Hillay Clinton vient d’annonce sa candidature à la présidence des Etats Unis. Même si depuis quelque temps elle s’efforce de se démarquer de l’actuel président, celui-ci lui apporte déjà son soutien au risque de réduire ce qui lui reste d’autorité. Ainsi en va t-il de la politique intérieure américaine où le tempo électoral est encore plus pressant et haletant qu’en France avec le quinquennat présidentiel. Aux Etats-Unis le délai est plus bref: quatre ans seulement, renouvelables une seule fois, avec tous les deux ans une myriade d’autres élections, notamment au Congrès. A se demander quel temps utile reste t-il réellement à l’élu pour concevoir et mettre en oeuvre une véritable politique marquée par sa cohérence interne et un peu d’esprit de suite. Cela dit, le « clip » d’Hillary Clinton, péchait par son indigence. Tous les genres et toutes les couches de la société s’y trouvaient cités en méconnaissance du principe, également valable en politique: « Qui trop embrasse mal étreint ». C’est de cette manière que se programment les déceptions, puis les défaites. Aucun chef d’Etat ne peut satisfaire tout le monde et la bénédiction urbi et orbi n’est réservée qu’au pape. L’action politique exige des choix préalables, seraient-ils drastiques, des options gagnantes qui permettront ensuite d’utiles ralliements motivés par un jugement lucide, porté sur des résultats probants.
25 avril.
André Gide jugeait que dans l’immense Comédie Humaine de Balzac, la réputation d’Eugénie Grandet était surfaite, que l’ouvrage ne supportait pas la relecture. Je ne saurais en décider, sachant à quel point Gide pouvait être tantôt d’un jugement sûr, tantôt de parti pris, quitte à se reprendre comme il le fit après ses apologies du régime soviétique. Pour sa part, Le Lys dans la vallée est sans doute l’un des plus beaux fleurons de la littérature sentimentale mais également l’un des exemples les plus pathologiques de la morbidité dans ce genre littéraire. La clef en est donnée avec le nom de la principale protagoniste: Madame de Mortsauf, épouse d’un homme auquel elle semble avoir été greffée et dont elle ne peut se défaire quitte à plonger son véritable amant de coeur, Félix de Vandenesse, psychiquement un véritable fils pour elle, dans des attentes célestes qu’il se contente de dévorer ; jusqu’au moment, fatal mais inévitable, où il rencontre Lady Dudley qui lui rappellera les exigences du corps. Prise dans les méandres de sa propre indécision, Madame de Mortsauf se laissera mourir, non sans avoir transmis cette propension anti-vitale à des deux – vrais-enfants. Les balzaciens professionnels assurent qu’il y a de l’autobiographie dans ce roman affectivement carcéral que l’on referme avec une sensation de soulagement tant le débat prétendument moral entre la fidélité conjugale et l’attachement à l’amant platonique y confine au masochisme le plus insupportable. La bouffée d’air pur viendra des quelques pages qui concluent le livre et dans lesquelles Natalie (sans h, a contrario la bien nommée) de Manerville dit son fait et rive son clou à Félix dans des termes dont la cruauté ironique rétablit également les exigences du vivant.
RD