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Commentaire de la Paracha Chelak’h Lekha

In Uncategorized on juin 30, 2016 at 8:39

( Nb, 13 et sq )

36 Chala'HLeHa.

Cette paracha inaugure une série de quatre parachiot parmi les plus dures de tout le Tanakh concernant le peuple d’Israël et l’on doit immédiatement relever à ce propos que le récit biblique n’en cache et n’en atténue rien. Jusqu’à présent a été décrite l’organisation pour ainsi dire idéale de ce peuple. Désormais, le voici à l’épreuve. Pour bien comprendre ce qui va suivre, il faut en effet revenir sur un des épisodes les plus marquants relatés dans la paracha précédente, celui au terme duquel le peuple ayant exigé d’être nourri de viande Moïse éclate  de chagrin, allant jusqu’à requérir de Dieu la fin de ses jours.

Moïse sent que sa fin approche, que le plus difficile de l’histoire de son peuple commence. Aux abords de la terre de Canaan, le Créateur lui demande d’y envoyer un groupe d’explorateurs afin d’investiguer dans toute la contrée pour savoir quelle est sa conformation, sa fécondité, la disposition physique et mentale de ses habitants actuels, la forme de ses villes et leurs défenses, et s’il s’y trouve « de l’arbre ou rien (êts in ayn ) », formule sur laquelle on reviendra.

Première interrogation: pourquoi Moïse n’est-il pas invité à conduire lui même cette exploration pionnière? Pourquoi la confier à un échantillon symbolique du peuple? On l’a pressenti: parce que sa propre fin approche et qu’il lui faut passer le relais. Cette transition a commencé dès la paracha précédente avec la constitution de l’assemblée des  70 sages, dotés d’un esprit prophétique allumé à celui de Moïse mais irradiant désormais dans l’ensemble du peuple. En somme, le peuple s’autonomise progressivement en endossant les responsabilités qui jusqu’à présent ont été assumées par le seul Moïse, assisté d’Aharon et de Myriam.

Parmi les multiples enseignements de la paracha Chelakh’ Lekha, l’on retiendra donc pour commencer celui-ci: assumer une responsabilité ne va pas de soi. Cette prétention exige force, endurance, esprit de suite. Au départ, quoi de plus élitiste que cette délégation! Chacun des noms qui la constituent peut être lu comme un brevet de prestige. Certes, mais le prestige doit être honoré et « noblesse oblige »,  sans intermittence. Les explorateurs vont ainsi pénétrer en terre de Canaan, sans que personne n’y  perçoive leur présence. Ils en « auront plein les yeux », suivant l’expression populaire. Cette contrée apparaît comme un mélange de cocagne et de cité anté-diluvienne. A preuve: l’énorme grappe de raisins qu’il devront charrier sur leurs épaules.

Ce que Moïse leur a demandé surtout est de vérifier si ce pays comporte de « l’arbre ou non ». On l’a relevé, cette formule appelle le commentaire  puisqu’il suffisait d’un simple coup d’œil, fût-ce de loin, pour constater qu’elle était boisée et fructifère. Cette formule recèle alors un autre sens, plus condensé.

Si, dans la langue hébraïque, le mot ÊTs désigne l’arbre, il le désigne ainsi parce que, au delà de l’image même de cet arbre singulier, le mouvement générique de l’arborescence se donne à discerner et à comprendre. Qu’est-ce qu’une arborescence?  A partir d’une ligne unique, une bifurcation première donnant naissance à des arborescences secondaires de plus en plus fines. Les psychologues le savent précisément avec le «test de l’arbre».Cette figure-là est signe de liberté, celle qui découle de la possibilité de choisir, entre plusieurs directions, entre plusieurs options. A condition que la fibrillation en cours ne se conclue pas en cassure, en séparation et en dispersion. D’où la nécessité correspondante d’une forte attache des branches entre elles et de toutes au tronc commun, lui même solidement enraciné. On l’a vu avec la Ménora.

Aussi, la racine Êts qui s’écrit en hébreu avec deux lettres elles-mêmes bifurcantes, le âyn et le tsadé, se retrouve dans le mot ÊTsA qui désigne le conseil. On comprend mieux à présent la formule utilisée par Moïse: « Hayech bah êts im-ayn »: s’il y a en elle de l’arborescence – entendue en ce sens – ou «  rien ». La résonance de cette formule est considérable. Elle semble faire écho à celle des Bnei Israël, au lieu-dit Massa et Mériba, avant l’agression de Âmalek, elle même sanctionnant ce questionnement  dubitatif: « Hayech Hachem békirbénou im- ayn »: « Si Le Créateur est parmi nous ou rien » (Ex, 17, 7)… Comme s’il fallait, au moment de franchir la ligne d’arrivée, à nouveau vérifier que les représentants du peuple avaient bien intégré la signification de leur responsabilité. Aussi riche soit elle, une terre n’est que désolation si l’esprit de – bon – conseil ne s’y trouve pas, car c’est en ce conseil et par lui que la Présence divine s’atteste.

Il ne faudra pas attendre longtemps pour constater à quel point l’enseignement n’a pas été compris. Au retour de leur expédition, les envoyés de Moïse se montreront de très mauvais conseil, provoquant la désespérance du peuple, une désespérance dont les effets différés se manifesteront jusque dans la destruction des deux Temples de Jérusalem. Heureusement, Josué, fils de Noun, dont le  nom avait été opportunément changé et bonifié par Moïse avant le départ du groupe, et Caleb, fils de Yéphouné, échapperont au concours de médisance.

Cependant la question demeure: pourquoi Moïse n’a t-il pas également changé et bonifié le nom des autres explorateurs ?

 A chacun et à chacune d’y réfléchir.

Raphaël Draï zatsal, 27 Mai 2013

INFORMATION HAZKARA (12 Mois) – NETANYA – 7 Juillet 2016

In Uncategorized on juin 29, 2016 at 10:21

afficheHazkara12moisbis

LES DROITS DE L’HOMME SONT INDIVISIBLES – Actu J décembre 2013

In Uncategorized on juin 26, 2016 at 3:28

carton-Kaddish-National-du-26-juin-2016-pour-site

En ce mois de décembre 2013, à quelques jours de distance, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, se trouvait en visite, disons d’affaires, à Alger tandis qu’au cimetière de Pantin était inauguré le mémorial des cimetières juifs d’Algérie, à l’initiative de l’association EFJA, dont « Actu J » a déjà présenté les motifs principaux, notamment l’impossibilité de réunir un miniane de dix hommes dans l’un quelconque de ces cimetières, ou ce qu’il en reste, pour y réciter un kaddich. Au cimetière de Pantin, cette inauguration s’est déroulée en présence des institutions communautaires juives, comme il se doit, mais également en présence des représentants des ministères et des collectivités locales concernés ainsi que des cultes engagés dans un véritable dialogue inter – religieux avec les Juifs de France. Seuls les représentants de la Mosquée de Paris n’ont pas répondu du moindre mot à la lettre d’invitation, fort amicale, qui leur avait été adressée en temps utile. Silence qui se passe de commentaires, comme si la Mosquée de Paris avait cru devoir répondre par là même de cette violation d’un des droits de l’Homme les plus immémoriaux, respectés dans toutes les cultures, y compris non monothéistes: inhumer décemment et entretenir les sépultures de ceux et celles qui ont quitté cette vie pour un « au delà » que chacun, selon sa croyance, définit à sa façon. Car, dialogue des cultures et des religions ou non, depuis plus de trois décennies les demandes visant à la visite des cimetières juifs d’Algérie non pour y faire du tourisme mortuaire mais pour déférer aux obligations de la religion juive restent sans suites, quand bien même toutes les procédures administratives ont été satisfaites à cet effet. Souvent les motifs du refus ne sont pas indiquées. Les recours sont inconcevables. En réalité deux sortes d’obstacles sont dressés. Les premiers le sont par des caciques du FLN ou par leurs successeurs, toujours imprégnés d’une idéologie militarisée datant des années 50 et 60. A leurs yeux, et depuis le décret Crémieux de 1870, les Juifs ont fait cause commune avec le régime colonial français et leur exode n’est que mérité. Il est sûr que les historiens de cette époque ne se retrouveront pas dans cette idéologie ad hoc qui a surtout servi et qui sert encore à justifier la volonté sanglante de faire déguerpir de la terre algérienne les non -musulmans au profit d’une Algérie désormais partie intégrante du « Dar el Islam ». Et c’est pourquoi d’ailleurs l’oeuvre d’Albert Camus, universellement étudiée, y est déclarée par eux non grata. L’autre obstacle, issu d’ailleurs du précédent, est formé par les islamistes radicaux qui considèrent, eux, que l’Algérie, quelle que soit la couleur de sa façade, est terre d’Islam intégral, désormais régie par les lois coraniques et qu’à cet égard toute présence juive, ou d’une autre confession, doit en être bannie. On relèvera ainsi que si la lutte contre le colonialisme a été menée au nom des droits de l’Homme, ceux- ci sont considérées comme non réciproques, parfaitement divisibles et qu’il est possible de bafouer celui qui autorise des enfants et des petits- enfants, des frères, des cousins, des amis, à se recueillir sur les tombes de leurs proches et de leurs rabbanim, lorsqu’elles ont pu être creusées, car de nombreuses victimes de ces années affreuses sont disparues, sans sépulture. C’est ce que le mémorial inauguré au cimetière de Pantin signifie: quel que soit le comportement en ce domaine d’autorités algériennes qui se discréditent aux yeux des croyants dignes de ce nom et aux yeux de tous ceux qui respectent non seulement la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 mais la législation d’inspiration divine qui en procède; quels que soient les obstacles accumulés, les alibis invoqués, les abus de pouvoir politique et bureaucratique ou l’animosité confessionnelle qui tentent de l’en dissuader, la communauté juive ne renoncera pas à l’exercice de ce droit sur les lieux mêmes où il doit s’exercer. Il appartient aux Algériens et aux Algériennes d’en décider, à l’orée d’une nouvelle élection présidentielle, s’ils entendent déjuger l’affirmation d’un politologue en 2000: « L’Algérie n’est pas un Etat, c’est un système ». Un véritable Etat ne se dissocie pas de l’observance de valeurs et de normes aussi essentielles. Quoi qu’il en soit, le mémorial de Pantin servira de lieu de recueillement, de prières et de transmission du sens inaltérable de cette imprescriptible obligation, de génération en génération, jusqu’au moment où elle sera satisfaite pleinement, pour le repos des esprits des deux côtés de la Méditerranée.

                             Raphaël Draï zal, 20 décembre 2013, Actu J

Commentaire de la paracha BEHAÂLOTEKHA par Raphaël Draï zatsal

In Uncategorized on juin 23, 2016 at 9:16

35 Beha'alotra

( Nb, 8, 1 et sq )

Tandis que les parachiot précédentes étaient consacrées à la configuration du camp d’Israël, ainsi qu’à la définition des tâches et des missions incombant à toutes les composantes du peuple, celle-ci commence par une adresse particulière aux cohanim, aux prêtres et grands prêtres, en ces termes:  « C’est vis à vis de la face du Candélabre (el moul pnei Haménora) que les sept lampes doivent projeter la lumière». Suivent des précisions que l’on pourrait juger redondantes sur la forme du Candélabre et notamment sur l’obligation qu’il  soit  façonné d’une seul tenant. Cette traduction, celle de la « Bible du Rabbinat », doit servir de point de départ.

Ce n’est pas la première fois qu’il est question de la Ménora dans la Thora. Le livre de Chemot a traité abondamment des modalités de sa confection. Comme il n’est pas de répétition dans le récit biblique, il faut tenter de comprendre cette nouvelle disposition scripturaire. Jusqu’à présent, en effet, c’est surtout l’anatomie du camp d’Israël dont il a été question. A présent, le livre de Bémidbar, des Nombres, évoque l’influx qui doit l’invigorer: la lumière. Celle-ci n’est pas celle, naturelle,  qui provient du soleil et de la lune. Il s’agit d’une lumière faite pour ainsi dire de main d’homme, à partir d’une huile particulièrement pure et qui devra être disposée dans les sept branches du Candélabre. Car si celui-ci doit bien être d’un seul tenant, il prend ensuite la forme d’une arborescence, toujours symbole de pluralité et donc de liberté. Cet Arbre de lumière est lui même disposé de manière particulière,ce que donne à entendre finement le texte hébraïque.

Les cohanim devront en faire «monter» les lumières, les nérot, très précisément «en face de la Menora». Ce qui ne signifie pas qu’eux mêmes aient à se trouver  physiquement, en face du Candélabre mais que les lumières de celui-ci correspondent, face à face, aux lumières d’un autre Candélabre: de la Ménora  céleste. Il n’y a, en l’occurrence, aucun risque de fétichisation de la Ménora se trouvant dans le Sanctuaire. Le sens de celle-ci ne se renferme pas en elle même. Il se rapporte à un autre élément qui le constitue effectivement. Il faut se représenter le dispositif mis en place de la manière suivante: les cohanim face à la Ménora du Sanctuaire, elle même faisant face à la Ménora céleste.

Dès lors en quoi celle-ci consiste t-elle? Il ne s’agit justement pas d’une Ménora où se retrouveraient le soleil et la lune, avec d’autres étoiles ou planètes mais d’une Ménora cognitive et spirituelle, celle qui est évoquée notamment par le prophète Esaïe d’abord dans cette parole d’espérance: « Le peuple qui marchait dans la ténèbre voit une lumière grande (or gadol),  ceux qui habitaient dans une terre mortifère une lumière  irradiante (or naggah) (sera) sur eux  » ( Es, 9, 1);  et ensuite dans cette vision d’avenir: «Or un rameau sortira de la souche de Jessé, un rejeton poussera ses racines. Et sur lui reposera l’esprit du Seigneur, esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de science et de crainte  de Dieu» ( Es, 11, 1, 2).

A chacune des lumières, des orot, de la Ménorah d’en bas, mais à la direction ascensionnelle, correspond une des facultés éminentes de l’esprit humain liée à l’esprit divin. Par là même l’on est amené à comprendre que la liturgie sacerdotale décrite dans  la présente paracha n’est pas relative à l’éclairage optique du Sanctuaire, et plus tard du Temple, mais à la mise en lumière des dimensions et facultés de l’esprit humain en tant qu’il est corrélé à l’esprit divin, conformément à ce qui est qualifié dans le livre de la Genèse, dans le sépher Beréchit, de tsélem Elohim, expression littéralement intraduisible que l’on peut rendre par la  formule: « corrélation divine».

Ces mêmes dimensions spirituelles et facultés cognitives ne sont pas vouées à demeurer théoriques ou purement conceptuelles. Elles sont activées par les conduites et le comportements qui leur correspondent, et cela par le biais de l’accomplissement des mitsvot. Dans la symbolique hébraïque, le mot ner se rapporte à celui de mitsva  et celui de or à Thora, selon le verset: «Car la chandelle ( ner) est la mitsva et la Thora, lumière (or) ». On sait qu’il est 613 mitsvot. Plusieurs classifications en ont été proposées au cours des siècles. Une autre, fondée sur la présente paracha, deviendrait concevable regroupant ces 613 mitsvot au regard cette fois de chacune  des dimensions évoquées dans la vision d’Esaïe.

Pourquoi insister enfin sur le fait que la Menora doit être confectionnée d’un seul tenant, alors que nous le savons déjà?  Le contexte est différent  et l’enseignement aussi. Certes,  il est question ici d’arborescence, de 613 mitsvot, de sept nérot, de sept dimensions de l’esprit. Cependant, la pluralité ne doit pas se transformer en dispersion puis en inévitable extinction. Les branches ne méritent ce nom que reliées solidement à un tronc, lui même figure et symbole de l’unité vivante. Utile rappel avant la description qui ne va guère tarder des crises qui secoueront le peuple des Bnei Israël en mettant  précisément à l’épreuve son unité et la configuration de son camp, de son mahané, réceptacle de la Présence divine.

Raphaël Draï zatsal 22 mai 2013

FRANCE, ETE 2006 – Chronique drôlatique – L’Arche Juillet 2006

In Uncategorized on juin 19, 2016 at 5:14

En l’an de grâce 2006, à quelques jours de l’été, la France n’a d’yeux que pour le ballon rond. La Coupe du monde est pleine, à déborder. Voir courir le ballon d’un but à l’autre, supputer les combinaisons entre le milieu de terrain et les avants, bondir au plafond lorsqu’elles réussissent, s’arracher les cheveux lorsqu’elles ratent, voilà ce qui se produit devant quelques millions de postes de télé parfois dissimulés dans les toilettes. Oublier … La France a besoin d’oublier. Depuis novembre les mauvaises nouvelles se succèdent et les « affaires » font la queue le leu. Le feu des banlieues courrait encore qu’éclatait le scandale d’Outreau. Celui-ci résonnait toujours qu’éclatait le scandale du Clémenceau. Le porte-avions, aussi spectral qu’amianté, n’était pas revenu des mers chaudes vers les côtes bretonnes qu’éclatait le conflit du CPE, lequel à peine soldé s’ouvrait sur l’affaire Clearstream. Celle n’a pas fini de vagir et voici l’on ne parle plus que des stock- options d’EADS. L’addition pour la France est mégalithique. Alors autant voir le ballon rond se faufiler entre les pieds de Thierry ou aboutir sur la tête de Ronaldo! Ce qu’il est convenu d’appeler la société civile veut étourdir le vertige qui l’attire vers le bas dés que l’Etat décline son nom. Le seul recours mental pour y résister reste la métaphore footbalistique. Car, des deux côtés du terrain, les équipes en compétition pour la finale de 2007 cette fois sont formées de bras cassés et de jambes en plomb. Dans le camp de droite – maillot bleu-blanc-rouge, chaussettes tricolores – les deux avants se soucient moins de faire entrer le ballon dans la cage adverse que de se briser réciproquement les tibias tandis que l’Arbitre ne cesse d’aller et venir dans les vestiaires afin de retrouver son sifflet. Au demeurant l’équipe de droite est surtout inquiétée par l’équipier qui joue au centre. Lorsque les avants sont lancés, balle au pied, il se met à sortir des cartons rouge tout en s’approchant de l’équipe de gauche, comme s’il y jouait au poste d’arrière. A ce moment, les spectateurs du virage « Libéral » qui n’y comprennent plus grand-chose jettent sur le terrain des rouleaux de papier hygiénique. L’équipe de gauche – maillots rose à bandes vertes et rouges – ne laisse pas, elle aussi, de troubler les commentateurs des chaînes spécialisées. A découvrir qui cherche à s’emparer du ballon, d’abord ceux- ci ne savent plus si c’est du foot- ball masculin ou féminin. Ensuite ils constatent, éberlués, que les avants et les milieux de terrain s’arrachent tour à tour le brassard de capitaine en se traitant de drôles de noms: « Blairistes! », « Démacoqs! » et pire que tout : « Ancien – ministre – de – François – Mitterrand! ». Dans le « Virage des banlieues » des jeunes s’excitent : « Chomants! » (ce qui veut dire : manchots)! A ce moment, l’une des meneuses de jeu qui arbore ses sondages de popularité en peinture fluo s’arrête pile devant eux et lance: « Si vous continuez, j’appelle Bigeard ». Sous les casquettes l’on frémit d’avance. Pendant l’altercation, les deux seuls joueurs composant l’équipe des Verts – maillot poireau, bandes épinards, bonnet mâche – s’échauffent sur la pelouse, verte comme il se doit. L’un et l’autre font à petite foulées le tour du terrain mais en sens inverse, veillant bien au passage à ne pas froisser les coquelicots tardifs. Les trois remplaçants du PC – maillot rouge décoloré, bandes roses – les surveillent d’un regard anguleux. Eux savent qu’ils ne joueront qu’après les arrêts de jeu. En dehors des stades, le ballon roule aussi. Dans les salles d’examen, les sujets du Bac tournent autour du thème constant, par exemple en Philo : « Peut –on dire que la Terre soit assimilable à un ballon de foot frappé à l’aveuglette? Cette vue des choses vous paraît –elle conforter une philosophie pessimiste de l’existence? » Les élèves s’entre – regardent : qu’est- ce que l’existence? Foin des rabats- joie! En cet été 2006, rivé à la télé en s’enfournant un quart de pizza refroidie, chacun ne pense plus à la persistance du chômage, aux statistiques inquiétantes sur l’agressivité juvénile, aux déboires du Contrat Nouvelle Embauche, à l’Europe en panne, à la chute vertigineuse du lectorat pour autre chose que la dénudation des secrets de famille, les affabulations bibliques, les histoires de momies résurgentes ou de copulations eugénistes sur le vaisseau SO4H2 en route vers l’anti- galaxie Torzum. Heureusement que dans la Communauté, l’on a appris à faire la part des choses. Nul ne s’y adonne ostensiblement au spectacle narcotique du ballon rond pendant les cercles d’études talmudiques, pendant les concerts de h’azanout, pendant les commissions d’éthique du Consistoire ou pendant les discours de bar- mitsva. Et pas besoin d’écran plasma non plus. Tout le monde a son portable.

Du côté de Vincennes, Madame Zulma regarde au fond de sa boule de verre, ronde également. Elle tente de discerner le futur. Elle conjecture les événements qui s’agitent dans les limbes. Elle suppute les surprises sidérantes, les « coups du lapin » de l’avenir. « C’est drôle », se dit –elle, « tout m’apparaît de la même couleur presque noire : bleu marine ». Elle a beau se creuser la cervelle, elle ne comprend pas pourquoi. Elle bute sur le point aveugle de son ultra- voyance, internationalement réputée. Ce n’est tout de même pas à cause des périples du Clemenceau sur les océans du monde? Langue au chat, elle se résout à consulter sa consoeur. Madame Zaphira officie du côté de la Butte. Outre son diplôme d’extra- lucide, Madame Zaphira s’enorgueillit d’un doctorat en psychopathologie sur: « L’incidence des tarots dans l’inconscient collectif jungien ». Elle pousse donc Madame Zulma à l’association d’idées. Et ça marche! Marine? Marine? Bien sûr! La fille de Le Pen! Madame Zulma chuinte: « Comment, chère Zaphira, vous ultra-voyez Marine Le Pen en 2007, au second tour? » Madame Zaphira confirme de la perruque : « A n’en pas douter. Si, à force de se briser mutuellement les chevilles, plus aucun joueur ne reste sur le terrain. Même arrosé ». Un petit doute persiste néanmoins chez Madame Zulma. Comment en avoir le cœur net? Elle se souvient d’avoir accompagné Madonna à un cours dit de Cabbale dispensé dans un petit local de la rue Dépavée. Elle s’y rend sans plus tarder. Discrètement elle pousse la porte qui, à cette heure tardive, laisse passer un rai de la lumière blanche-bleue qu’on ne saurait confondre avec aucune autre. Ce rai l’inquiète : la Confrérie s’adonnerait – elle également au culte du ballon de cuir? Elle s’approche et, soudain, pousse un soupir de soulagement qui fait tourner la tête des dix personnes assises devant l’écran. Grâce au ciel ils ne regardent pas Brésil – Japon mais le Grand rabbin de France qui passe chez Thierry Ardisson à l’heure critique des « Réparations de Minuit » pour exalter les miracles de la bonté divine. « Sauvés! » murmure t-elle! « Nous sommes sauvés!. Mais que cela ne nous empêche pas de préparer les prochaines élections. J’en parlerai à tous les ministres et à tous les parlementaires qui viennent me consulter pour éclairer leur destin ».

                     Raphaël Draï

Pour le faire part

Dan et Stéphanie Draï sont heureux de vous faire de la naissance de la petite Eden le 29 mai à leur foyer. Mazel tov aux parents et aux familles Draï et Lok.

Raphaël Draï zal, L’Arche Juillet 2006

Paracha Nasso – Raphaël Draï zal

In Uncategorized on juin 16, 2016 at 11:45

(Nb, 4, 21 et sq)

34 Nasso.

L’entame de cette paracha qui suit celle de Bémidbar – selon l’épellation effective – peut donner l’impression d’une simple nomenclature de familles et d’une description purement linéaire de tâches et de fonctions, affectées d’abord aux Kéhatites puis auxGuirchounites ou à la famille de Mérari. Il faut aller au delà de cette impression et comprendre, une fois encore, la logique interne de ce mode d’exposition.

La paracha précédente avait pour objet la disposition dans l’espace des diverses composantes du peuple d’Israël, selon les quatre points cardinaux habituels mais aussi en regard de l’En-haut et au regard d’une projection vers l’en-suite de l’Histoire à venir, les lévites ayant, eux, vocation à être dispersés dans le reste du peuple. Cette fois, il est question des missions dévolues aux principales familles de ce peuple compte tenu de leurs propres dispositions d’esprit et de leur insertion dans ce plan d’ensemble, sachant que le Sanctuaire en constitue le pôle et le moyeu, pour prendre ces images.

Ces fonctions ne sont d’ailleurs pas dévolues indistinctement à l’intégralité des membres des dites familles Une chaîne généalogique sûre et seuil d’âge sont requis – de 30 à 50 ans – avec une aptitude supplémentaire: il faut à chacun des membres concernés être «sortant à l’armée» (yotsé la tsava). Cette traduction prête d’ailleurs à confusion, elle même procédant d’un solide stéréotype: l’aptitude à servir au Sanctuaire serait liée à une aptitude militaire corrélative. Le stéréotype ainsi réactivé, on l’aura compris, est celui du « Dieu des armées de l’Ancien Testament », lui même surgeon de l’autre stéréotype, non moins générique, celui du «Dieu vengeur» du même Ancien Testament.

Il est sûr que tsava désigne aussi en hébreu une armée mais parce qu’une armée est un corps organisé, doté d’une cohérence interne et d’un commandement unifié. L’accent n’est pas mis prioritairement sur les armes dont elle dispose ni sur la violence qu’elle peut exercer. C’est pourquoi également dans les textes bibliques ou dans les prières juives il est fait invocation à «l’armée des cieux» (tsva hachamaïm), et que le Créateur est lui même nommé, pour autant qu’il puisse l’être: Hachem tsévaot. La consultation de l’ensemble du lexique hébraïque biblique le confirmerait en cas de besoin.

Pour prendre une autre image, tout se passe comme si le récit biblique décrivait la structure d’un navire et la disposition de l’équipage ainsi que les instruments devant servir à discerner son itinéraire avant qu’il ne gagne la haute mer, avec ses tempêtes, mais aussi ses calme-plats, ses pêches fructueuses mais aussi avec ses filets vides ou déchirés, toutes métaphores des révélations d’une Histoire se faisant et non pas figée.

Aussi le début de la paracha concerne t-il les tâches que les différentes familles précitées doivent accomplir dans le montage et le démontage du Sanctuaire lors de la Traversée d’un désert aussi propices en crises que la haute mer en tempêtes. Aucune de ces familles n’est affectée exclusivement à l’intégralité ce service, ce qui l’eût dotée d’un privilège exorbitant, lui même générateur de tensions et de confrontations. On le verra lors du commentaire de la parachat Korah’. Pourtant cette réparation de tâches, sinon cette division des fonctions, n’est que le verso, si l’on peut dire, d’un dispositif dont il faut considérer aussi le recto: à savoir que le remontage du Sanctuaire, après qu’ont été démontés, puis transportées ses différents éléments, d’étape en étape, nécessitera, à nouveau, la coopération et le concours des familles concernées. Ainsi se retrouveront les gestes et se reconstituera l’esprit qui furent ceux du tout premier montage du Sanctuaire et notamment de la Tente d’Assignation, du Ohel moêd, du lieu de la convergence vécue et de la réunification effective du peuple porteur de la Thora.

Ce qui exige cette fois une disposition d’esprit bien particulière qu’on pourrait qualifier d’esprit de suite. Il se caractérise par les deux traits suivants. Un être humain est une existence mouvante. Un être humain se déplace. Mais ce déplacement, ne doit pas se transformer en errance ni en fuite. D’où l’ambivalence de l’adjectif «déplacée» appliqué à la personne. Lorsqu’il passe d’un point à un autre, un être humain ne doit pas se trouver dans la nécessité de se délester de ce qui lui appartient, des acquis de son travail, des fruits de son oeuvre. Encore faut-il que ce transport lui même n’alourdisse pas ou ne complique pas ce trajet. D’où la parfois nécessité d’un démontage méthodique lequel ne doit pas se transformer non plus en démembrement et en dislocation.

Il s’ensuit que toute opération de démontage doit s’effectuer en sachant qu’elle sera suivie inéluctablement par une opération de remontage, une opération décisive qu’elle doit faciliter et non pas décourager ou rendre impossible. Telle était la « didactique » qui inspirait le démontage, le transport puis le remontage du Sanctuaire, de sorte qu’à la fin du parcours, d’une part le trajet envisagé avait bel et bien été effectué, mais aussi que chacun et que chacune, au terme de celui ci, n’eût pas été rendu étranger, à lui même et à autrui.

D’autres commentaires sont encore possible, ce qui nous conduira en conclusion provisoire, et en prévision de la célébration de Chavouôt, à rappeler une observation du Rav Kook relative au début des Pirké Avot: « Moïse reçut (la) Thora du Sinaï.. » Si l’on a mis l’article « la » entre parenthèses c’est que la phrase originale n’en use pas et devrait être lue : « Moïse reçut Thora du Sinaï ». LA Thora, avec l’article défini, se révèlera, précisément dans la chaîne de transmission qui s’ensuit. Révélations futures pour la suite des générations qu’engendre le perpétuel, l’incessible choix de la vie.

 

Raphaël Draï zatsal, 17 mai 2013

Parution – Les Figures de la Cruauté – Entre Civilisation et Barbarie – Hommage à Raphaël Draï

In Uncategorized on juin 14, 2016 at 10:16

En Hommage à Raphaël Draï

Sous la direction de Michel Gad Wolkowicz (Schibboleth – Actualité de Freud)

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PRIERES JUIVES, ROSES DES VENTS – L’Arche Novembre 2007

In Uncategorized on juin 10, 2016 at 3:19

Au temps où le Temple de Jérusalem était édifié sur des bases fortes, les trois h’agim, les trois grandes solennités de Pessah’, de Chavouôt et de Souccot incitaient le peuple d’Israël à se retrouver au cœur de la ville, et au cœur du cœur de celle-ci: dans l’enceinte même de la Maison consacrée à la Présence divine et appelée également « Bet Habéh’ira », la Maison du choix, puisque le Dieu du Sinaï est le Dieu d’un peuple libre. A ces trois occasions le peuple d’Israël était convié à se « montrer » auprès du Créateur, dans son nombre certes mais surtout dans sa joie. Sans la joie des hommes la Présence divine se sent de trop. Aujourd’hui le Temple matériel n’est plus mais, partout dans le monde, les lieux de prière l’ont relayé, en attendant qu’il retrouve sa configuration première après avoir recouvré sa raison d’être à laquelle il faut rester attentif. Depuis plus de quinze ans, maintenant, je vais prier à l’oratoire de la Fondation Rothschild, placé sous la responsabilité de Jacques Arnold. C’est un lieu de culte sans Président, confié à la sollicitude d’un groupe de fidèles désireux ne pas laisser les personnes âgées, souvent fort handicapées, pensionnaires de cette Fondation précisément hors de la Présence divine et de la joie partagée qu’elle inspire. On peut alors imaginer celle qui nous a submergé lorsque, pour Simh’at Thora, Mr Cohen a été ainsi hissé dans son fauteuil roulant jusqu’aux Rouleaux de la Loi pour en reprendre la lecture depuis son commencement. Il faut savoir que Mr Cohen est âgé de 104 ans, que son audition a faiblit mais que sa conscience est intacte et qu’il a été parfaitement en mesure de réciter les bénédictions de circonstances. Comme Mr Cohen est originaire de Constantine, j’ai respecté un usage de cette ville, du temps où les Juifs y vivaient, et suis allé lui baiser la main. Ayant parfaitement compris mon geste, il m’a alors serré sur sa poitrine, comme si tout à coup, le temps n’avait plus de prise sur nous justement parce que nous en soulignions les surprenantes échelles. Voyant cela, un autre fidèle de cet oratoire, Michel Lévy, originaire d’Alger, s’est dirigé vers notre banc en nous tendant un livre de prières à la couverture de carton très usagée, rafistolée tant bien que mal. En l’ouvrant je découvris le nom de celui à qui il avait sans doute préalablement appartenu: Mr Elbaz Louis. Une autre mention –concernait elle son état? –, au tampon encré mais effacée en grande partie, portait l’indication : «..tailleur … d’habits … rue Combes … Consta …ine ». Sans avoir eu besoin de fermer les yeux comme dans les contes de fées, je me retrouvai transporté de la synagogue du 12eme arrondissement de Paris vers ma ville natale où Simh’at Thora était fêtée avec ferveur, les rouleaux de la Thora étant portés jusque dans les rues du quartier juif, accompagnés de chants et de danses … Ce n’est pas tout. Mon attention s’est ensuite trouvée attirée par les deux pages du garde du même livre.. Cette fois le voyage conduisait plus lointainement encore. En réalité ces deux pages avaient été renforcées par l’encollage des deux moitiés d’un prospectus de « réclame » destiné à faire connaître à la population juive constantinoise que : « Moussié » Pinhas Attali, ancien commis greffier et ancien clerc principal de notaire, savant en toutes matières juridiques, responsable d’un cabinet de contentieux établi depuis 1878, se chargeait de toutes procédures et commissions tant en France qu’à l’étranger ». Ainsi ce document d’archive quotidienne qui ne connaissait pas sa dignité renouait les fils et les plans de l’histoire juive en ses multiples visages et langages. Car il faut préciser que le dit document sur chacune de ces pages de garde présente deux versions: l’une imprimée en lettres carrées et en judéo-arabe constantinois, dont il est difficile de restituer toute la saveur, et l’autre, en arabe dialectal, dont il est tout aussi difficile de restituer pleinement les hyperboles, et cela dans un livre de prières consacrées aux immémoriales h’agim. Non loin de notre banc, un autre fidèle, Franklin Rausky, qui avait assisté à ce petit échange y apporta du sien. Il nous tendit alors un autre livre de prières, celles de « Shébuôt », reliquat sans doute encore de la présence d’un ancien pensionnaire de la fondation. A la page indiquée s’ouvrait une autre route mémorielle puisqu’il s’agissait cette fois de la prière intitulée « Gebet für den Landesherrn » et appelant, toujours en lettres hébraïques « le Roi de l’Univers, qui établit David sur son trône en lui épargnant toute épée hostile et qui le conduisit en sûreté jusque dans la tempête, à bénir, sauvegarder, sustenter, soutenir, exalter, grandir et porter au plus haut notre maître, le Roi et César Guillaume II ( Wilêlm hachéni) et la reine et Césarine, la Dame Augusta Victoria ainsi que la Césarine Frédérica ». En face de cette page, une autre page est composée en caractère gothique. Elle s’avère d’un ton plus martial et comporte une terminologie ayant d’autres résonances, plus métalliques, que sa consoeur hébraïque, quand bien même celle ci, par la mention de César, aboucherait l’histoire de l’Empire allemand et celui de la Rome impériale. Ainsi donc, au moment où nous commémorions à Paris la joie de la Création divine et celle qui s’attache au rassemblement du peuple d’Israël, celui ci, en quelques sorte, s’invitait en cette enceinte et faisait de nous, par ces fragments de souvenance échappés par miracle à une dissolution certaine, et à leur tour réunis, le confluent de toutes les histoires – car il en eut plusieurs, qui parfois se déroulaient en parallèle – de ce peuple là. Et nous tenions en main, non pas quelques feuilles jaunies de livres sénescents, s’émiettant presque lorsqu’on les tournait, mais une véritable rose des vents, vivace et pleine de couleurs, rappelant les prières, les sollicitations et bonnes annonces d’une collectivité humaine que l’exil avait dispersée non pas dans les quatre directions disloquées de l’espace mais dans les quatre directions de l’Esprit ( Rouah’), un Esprit qui la semait à plein vent dans le désert des peuples dont certains furent plus hospitaliers que d’autres, comme l’explique Rachi dans un de ses commentaires du Talmud. En octobre de l’année 5768- 2008, notre présence rue Picpus s’élargissait elle aussi selon ces quatre directions spirituelles à quoi s’ajoute celle des Hauteurs célestes où elles se coordonnent. Et tout cela sous le regard d’un homme qui avait dépassé de trois ans la ligne du siècle, à qui nous souhaitions tous d’arriver jusqu’à sa cent -vingtième année, et au delà, d’un centenaire né à Constantine, mais ayant vécu la déportation nazie en France, et arborant sa Légion d’honneur moins comme une distinction exceptionnelle que comme une surprise du Sort, tant l’histoire juive est imprévisible et s’élance toujours vers ses multiples avenirs. Car si l’Être d’Israël, s’atteste hautement dans ses penseurs et dans ses savants, il se prouve aussi dans cette joie discrète qui naît de la rencontre inattendue d’un prospectus rédigé en judéo -arabe dans les années 1880, et qu’on croirait sorti du groupe de Valeureux magnifiés par Albert Cohen, avec une prière imprimée en 1899 et en caractères wilhelmiens par les presses Berlag de Breslau.

             Raphaël Draï zatsal, L’Arche Novembre 2007

PARUTION – « MOISE ET PHARON ou le Pouvoir Absolu », Editions Hermann

In Uncategorized on juin 10, 2016 at 12:45

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C’est avec un immense plaisir et une très grande fierté que nous vous présentons le nouveau livre de notre regretté mari et père, Raphaël Draï (zal).

Il s’agit d’une pièce de théâtre intitulée « Moïse et Pharaon – ou le Pouvoir Absolu » écrite en 2014, et qu’il avait gardée secrète. Mais ce texte magnifique finira par nous interpeller.. Nous avons donc décidé de le publier à titre posthume et de le dévoiler lors de sa Azkara (cérémonie des 11 mois annonçant la fin du deuil).

Une histoire d’épreuve et de confrontation, celle d’une d’une fratrie porteuse de la parole divine, contre Pharaon, homme-tyran enfermé dans la pire des logiques.. la logique du pire.

Un Infini qui ouvre et libère contre un Absolu qui clôt et asservit

Nous espérons que vous en apprécierez la lecture et que vous pourrez au travers de cette pièce, entendre de nouveau la voix de son auteur.

Sylvia, son épouse, Yaël et Dan, ses enfants

 

Disponible dès le 15 Juin 2016 dans toutes les bonnes librairies et dores et déjà en pré-commande :

https://www.amazon.fr/Mo%C3%AFse-Pharaon-Rapha%C3%ABl-Dra%C3%AF/dp/2705692703/ref=sr_1_3?s=books&ie=UTF8&qid=1465514800&sr=1-3&keywords=drai+raphael

ou

http://www.editions-hermann.fr/4908-moise-et-pharaon.html

Commentaire de la paracha Bamidbar

In Uncategorized on juin 9, 2016 at 11:29

33 Bamidbar.

Cette paracha inaugure le livre du même nom dans le Pentateuque et présente plusieurs caractéristiques.

Elle inaugure en effet un livre remarquable par le nombre et par la densité des événements qui ne vont pas tarder à se produire: médisance des explorateurs, révolte  de Korah, guerre «contre-prophétique» menée par Bilaâm, et tant et tant d’autres épisodes appelant l’analyse, la réflexion, le commentaire et le commentaire  du commentaire, à plusieurs voix, au long des siècles.

Ce même livre présente néanmoins quatre caractéristiques. D’abord son articulation, de ce fait même, avec au moins les deux livres précédents. Pourquoi? L’on pourrait dire que la dominante du livre de Chemot est celle de la loi et du droit; que celle de Vaykra est celle de la sanctification et de la purification. Le lien entre Chemot et Vaykra devient ainsi et ensuite manifeste puisque dans la conception juive de la vie le droit régule son niveau social, tandis que la sainteté se rapporte à son niveau éthique, chacun, en relation de réciprocité, faisant preuve de l’autre. Cette articulation se retrouvera d’ailleurs dans l’organisation des matières  et des titres de la Michna et du Talmud.

Et BamidbarBamidbar constitue rien de moins que la mise à l’épreuve du réel de ces deux dimensions corrélées suivant le  paradigme énoncé dans le livre de Chemot «Nous accomplirions – et- nous- écouterons». Cette sentence est, ne l’oublions pas, d’un seul tenant.

Telle est alors la troisième de ces caractéristiques: la Loi d’Israël ne se réduit pas à ses énoncés verbaux, à ses expressions rhétoriques. Elle doit s’inscrire, on ne le répètera jamais assez, non seulement dans l’épure des modèles institutionnels, somme toute idéaux, mais aussi et surtout dans les manières d’être, dans les façons de se conduire, dans la mise en oeuvre de la Loi et dans la réalisation des objectifs éthiques. Sous ce seul point de vue le livre de Bamidbar devrait être considéré comme un classique de la science politique en ce qu’il relate précisément, par des épisodes-types, des mises à l’épreuve quasiment modélisées, combien il est difficile justement de passer d’une Loi céleste, d’une éthique idéale, aux conduites et aux comportements qui les valident réellement.

L’on définit souvent les régimes démocratiques, négativement, par opposition aux régimes dictatoriaux, ceux qui interdisent l’usage de la pensée et de la parole libres, et, positivement,  comme se fondant sur la délibération, le dialogue. Ce qu’enseigne le livre de Bamidbar c’est à quel point l’usage collectif de la parole ne va pas de soi s’il s’agit d’ajuster entre elles des aspirations libres, de concilier des désirs subjectifs, de cohérer des volontés souveraines. Si « parler c’est dire », les explorateurs médiront, Korah’ contredira, Bilâam maudira. Jusqu’au moment quasiment céleste où confrontées au contentieux non encore résolu relatif à l’héritage de leur père, les filles de Tséloph’ad se contenteront d’en parler, raisonnablement,  à Moïse, de sorte que cette fois leur question appelle une réponse au lieu de la rebuter ou de la dévoyer.

On doit toutefois s’interroger sur l’entame de cette paracha qui énumère dans le détail de leur nom l’investiture officielle des responsables du peuple d’Israël et la constitution de ceux-ci en tsévaot, terme traduit à  contre-sens par armée, au sens militaire, alors que ce terme désigne génériquement l’organisation cohérente de groupements en fonction de leurs objectifs, de leurs compétences, de leur expérience. Dès lors, il est possible de lire cette entame sur le plan strictement institutionnel, comme un chapitre de l’histoire du droit et des institutions de l’Antiquité.

Une autre lecture est cependant possible car dés lors aussi que des vocables comme tsava, ou lispor apparaissent, et qu’ils sont également utilisés pour désigner des entités ou des réalités d’un autre ordre, qui se rapportent au Créateur (Hachem Tsevaot) ou à la structure et au fonctionnement de l’Univers (ôlam hasephirot),  il faut comprendre que le champ d’Israël (Mah’ané Israêl) et que le champ divin se correspondent, sont homothétiques. Ce qui se  déroule dans le monde d’en-bas affecte donc nécessairement le monde d’en- haut. Chaque événement ne notre vie concrète se réverbère selon une tout autre dimension, celle de hauteur, par laquelle  se révèle son impact réel. D’où l’appel constant à ne jamais s’installer dans l’indifférence ou à imaginer que nos actes s’inscrivent dans notre aire existentielle exclusive; qu’ils ne tirent pas à conséquences; qu’ils n’engagent pas notre responsabilité « outre-mesure», comme le dit si bien cette expression courante. Il faut alors être soucieux de ce qui, là encore et justement, outre- passe, par la force des choses, ce qui nous semble juste et à droit mais «à nos yeux».

Tel est alors le point commun de tous les épisodes, heureux ou malheureux, qu’agencent entre eux le livre de Bamidbar: au delà de leur occurrence, ils engagent l’avenir d’Israël pour longtemps, jusqu’à nos jours. D’où la nécessité de les aborder avec attention et de les scruter jusque dans leur téâmim.

Raphaël Draï zatsal, 9 mai 2013

LE SENS DES MITSVOT: PARACHA BE’HOUKOTAÏ

In Uncategorized on juin 2, 2016 at 10:51

32 Behoukotaï

A la mémoire de Guy David Morales

«Et vous pourrez vivre longtemps sur une récolte passée (yachan nochan) et vous devrez enlever l’ancienne pour faire place à la nouvelle (h’adach) (Lv, 26, 10)»;

«Si votre conduite reste hostile (kéri) à mon égard, Moi aussi je me conduirai à votre égard avec hostilité (bekéri) (Lv,26, 23, 24)».

«Et pourtant même alors, quand ils se trouverons relégués dans le pays de leurs ennemis je ne les aurai ni dédaignés ni repoussés au point de les anéantir, de dissoudre mon alliance (berithi) avec eux, car Je suis l’Eternel, leur Dieu (Lv, 26, 44)».

Cette paracha qui clôt le Lévitique est à la précédente ce que l’énoncé des sanctions de la loi sont à l’exposé théorique du contenu de celle–ci, et l’on sait que la paracha Behar concernait essentiellement le modèle chabbatique de la société libérée de l’esclavage pharaonique.

Les termes du dilemme sont on ne peut plus clairs, à condition d’en comprendre le sens exact: ou bien la Loi est respectée par le peuple qui s’y est engagé, et il en résultera une surabondance de récolte et de prospérité, ou bien elle est bafouée et il en résultera une totale dislocation du peuple en cause. Ce dilemme semble tellement tranchant et pour tout dire manichéen que l’on se trouve en droit de demander s’il concerne un peuple véritablement libéré de l’esclavage et non pas un peuple qui vient de permuter une servitude contre une autre. Il faut alors comprendre ce que signifie véritablement ce principe, redécouvert par la pensée contemporaine: le principe de responsabilité, indissociable de l’esprit de suite – et du souci concernant les conséquences de nos actes.

Autrement dit, l’on ne saurait à la fois s’engager dans une Alliance, dans une Bérith, au sens hébraïque, et agir selon son exclusif bon plaisir et ses intérêts du moment. Le temps spécifique d’une collectivité, responsable d’une terre à redîmer, comme le premier couple l’avait été du Gan Eden, ne se réduit pas à l’instantanéité de désirs aussi impérieux que passagers. Ce qu’indique la formule concernant la récolté passée: yachan yochanYachan ne veut pas dire «passé» au sens de dépassé, d’obsolète, de sénile, mais au contraire au sens de ce qui s’est élaboré et bonifié, en augmentant sa qualité intrinsèque, comme il y va d’un vin rarissime. Ce qui est chronologiquement passé, ne continue pas moins d’acquérir de la valeur, ce qui ne fait nullement obstacle à l’accueil du nouveau, au contraire. Une bénédiction n’en chasse pas une autre. Chacune trouve sa place et son sens en augmentant et en densifiant le champ de la sanctification collective.

Telle est ce que l’on pourrait appeler la logique de l’Alliance qui ne se ramène pas non plus à celle du donnant-donnant des contrats personnels. La Bérith structure l’existence de tout un peuple dont elle régule les cycles de production et les rythmes de sa vie d’ensemble, d’une génération l’autre.

Récuser la Loi que l’on a pourtant acceptée engendre d’inévitables catastrophes non parce que le «Dieu de l’Ancien Testament» fût une divinité irascible et vindicative, une sorte de Jupiter ivre à faciès de Saturne, mais parce que l’on ne peut à la fois s’éloigner de l’Arbre de vie (Êts H’aym) (Gn, 2, 9), autre configuration de la Thora, et prétendre qu’il n’en résultera rien. La vie et la mort sont les deux faces, indissociables, d’une même réalité. Lorsque la vie est impuissante à s’affirmer le règne de la mort s’étend et se proroge. Lorsque la vie s’affirme et se confirme, même la résurrection des morts devient concevable.

La dislocation de la vie conçue et vécue selon la Bérith et la dérégulation destructrice de cette logique se caractérisent dans la terminologie biblique par le mot kéri qui désigne, à l’opposé, l’aléa, l’accidentel, le pulsionnel polluant, la discordance du conscient et de l’inconscient. D’où les maux qui en résultent inévitablement. En tant que de besoin, l’on se reportera pour l’illustrer à la gravure de Goya: «Le sommeil de la Raison qui engendre des monstres».

Cependant, la Bérith ne se contracte précisément pas dans ce seul dilemme. Un troisième terme apparaît, au moins implicitement: celui de «revenance», de réparation, de téchouva. Au cas où le principe de responsabilité n’était pas observé, avec pour sanction l’exil et l’errance, Dieu, qui observe le même principe à la hauteur qui est la sienne, saura néanmoins ramener à lui le peuple oublieux de ses engagements car comme le démontrera Husserl il est deux sortes de logique: la logique formelle, binaire, mais aussi la logique transcendantale: la logique de l’amour, celle qui sait voir au delà même de l’horizon. Et le Dieu de vie, le Créateur, est l’au-delà de cet au-delà.

Raphaël Draï zatsal, 14 mai 2014

5 JUIN 1967 – 5 JUIN 2015: GUERRE D’USURE ET FORCE MORALE – Chronique Radio J 1er Juin

In Uncategorized on juin 1, 2016 at 10:53

Le vendredi 5 juin 2015 sera commémoré le 48ème anniversaire du déclenchement de la guerre dite « des six jours » qui allait bouleverser l’existence du peuple juif. Il faut en effet se souvenir des semaines qui précédèrent l’offensive de l’armée d’Israël acculée à cette extrémité sous peine de voir mise en oeuvre ce qui se présentait alors comme rien de moins que la destruction inéluctable de l’Etat juif et dans la foulée l’extermination de sa population. Cette période de noire angoisse n’a toujours pas disparu des esprits. Elle approfondit un traumatisme vivace qui fait obligation à l’Etat d’Israël – ce « paradis entouré de flammes » comme l’avait qualifié le poète Claude Vigée – de ne plus perdre aucune guerre de quelque nature quelle soit: militaire, diplomatique  ou morale. Le plus dur, hormis les guerres conventionnelles de 1973, de 1982 ou de 2015 pour nous y limiter, a été et reste toujours durant ces décennies la guerre d’usure et de propagande – et la stratégie de la souillure dirigées contre cet Etat pour l’ériger en « Etat Apartheid » ou en « Etat voyou » ne respectant aucun norme du droit international contemporain et notamment le corpus de droits de l’Homme. Certes sur ce plan là ni l’Etat d’Israël en particulier ni le peuple juif en général ne se sont laissés traîner dans la boue. Il n’empêche que cette campagne indigne et délétère ne cesse pas, et que depuis près d’un demi – siècle à présent elle pollue des génération entières de militants qui se transmettent de père en fils de pareilles insanités comme s’il s’agissait de vérités allant désormais de soi. A cet égard – et quelles que soient les sensibilités en cause, prendre la défense d’Israël, rappeler les exigences de son propre Etat de droit relève pour nombre de ses ennemis d’une forme de blasphème qui finit hélas parfois par avoir raison des volontés les plus déterminées. C’est alors qu’il faut prendre conscience de la nature réelle de cette guerre qui vise à rien de moins qu’au pourrissement de l’âme du peuple juif. Ce peuple n’est pas tombé de la dernière averse en en matière d’Histoire, universelle, humaine ou inhumaine, son expérience est sans doute sans pareille. La force n’est rien sans l’endurance. Il aura fallu prés de deux millénaires de résistance morale et de fortitude éthique pour que l’antisémitisme chrétien admette ses erreurs et reconnaisse au peuple juif le titre de frère aîné. Il faut à tout prix préserver cette force morale et imaginer ce qu’elle a représenté au temps de l’exil, des croisades et pogromes, lorsque l’Etat d’Israël n’avait pas encore ressuscité. A présent cet Etat existe et il est souverain. Quiconque lui dénie cette qualité fait l’objet en retour d’une dénégation symétrique. Pourtant aucune force matérielle ne peut trouver sa pleine efficacité sans la force morale qui permet de traverser victorieusement les tempêtes les plus sauvages. Et c’est pourquoi 5 juin 2015, dans le cœur de Jérusalem enfin réunifiée, il faudra plus que jamais s’en souvenir.

                          Raphaël Draï zatsal, Chronique Radio J (toute dernière..), Le 1er juin 2015