danieldrai

Archive for février 2019|Monthly archive page

LE SENS DES MITSVOT: Paracha Vayekhel

In Uncategorized on février 28, 2019 at 10:02

22Vayakhel14

«Pendant six jours on travaillera mais au septième jour vous aurez une solennité sainte (kodech chabbat chabbaton) en l’honneur de l’Eternel; quiconque travaillera en ce jour sera mis à mort (youmat). Vous ne ferez point de feu (lo tébaârou ech) dans aucune de vos demeures ce jour là »… «Puis, que tous les plus industrieux d’entre vous (col h’akham lev) se présentent pour exécuter ce qu’a ordonné l’Eternel ». (Ex, 35, 2, 3 et 10). Traduction de la Bible du Rabbinat.

Point n’est besoin de revenir sur l’insertion des prescriptions concernant le chabbat lors de la construction puis de l’édification du Sanctuaire[1]. Cependant, il faut s’interroger sur la reprise de ces prescriptions en même temps que sont récapitulés les différents éléments entrant dans cette construction. Ils sont récapitulés de nouveau parce que cette fois Moïse s’adresse au peuple après la faute du Veau d’or, au peuple muni des secondes tables de la Thora, au peuple édifié lui même moralement par la commission de cette transgression inouïe qui a failli lui être fatale. Et ce peuple – on l’a déjà explique aussi, est abordé comme KaHaL, doté des deux lettres hei et lamed, que l’on retrouve dans la louange du HaLeL.

Ce peuple n’est pas doté d’une mémoire exclusivement factuelle mais d’une mémoire transcendante. Il est en mesure de se souvenir non pour répéter mais pour se dépasser. A cette fin, il doit conjoindre deux attitudes et deux aptitudes qui d’ordinaire sont difficilement conciliables: la maîtrise de soi, soulignée par la reprise de l’interdit chabbatique, et la capacité de créer, d’où la référence aux « savants de cœur ».

Rachi s’interroge d’ailleurs sur la signification de cet interdit en ce point du récit biblique: serait-ce pour signifier que faire du feu le jour du chabbat relève d’une défense spécifique? Ou bien pour rappeler de manière plus générique encore la catégorie même des interdits opérants ce jour là? Il faut sans doute relier ces deux lectures. La seconde concernerait la référence formelle à ces prohibitions. La première, elle, soulignerait la dynamique interne, la contagiosité des transgressions. En ce sens, l’interdit de faire du feu comporte bien sûr un sens en soi mais aussi au regard du fait qu’une fois allumé un feu se propage, pour peu qu’il trouve sur son passage des matières à brûler.

La langue hébraïque l’indique par le verbe BoÊR: consumer, dont la racine constitue la « décombinaison » de la racine ÂBR qui désigne au contraire le déplacement progressif et se rapporte à l’état d’esprit du ÎVRi, de l’être-hébraïque capable en ses déplacements de relier le point de départ et le point d’arrivée, le passé et l’avenir. L’ombre du Veau d’or se discerne dans cette préfiguration du principe de précaution dont on sait la portée dans les dispositifs juridiques et éthiques contemporains. S’agissant du Veau d’or, le processus avait commencé par une injonction verbale en direction d’Aharon, durant l’absence de Moïse. Il s’est terminé par la brisure des Tables et, n’eût été l’inoubliable intervention de Moïse en personne, il se fût achevé par l’effacement du peuple de l’Alliance divine.

Toutefois, le principe de précaution ainsi entendu ne doit pas aboutir à l’inhibition du peuple rendu timoré, pusillanime et ayant peur en effet de son ombre. C’est pourquoi, suivant immédiatement le rappel des règles du chabbat et, on l’a dit, plus particulièrement de l’interdit d’allumer du feu, sont reprises les prescriptions relatives à la construction du Sanctuaire. L’on comprend mieux ainsi comment opère le récit biblique dans ses intentions didactiques: il met chaque fois l’accent, en tant que de besoin, sur les parties du comportement individuel et collectif à propos desquelles inattentions ou négligences, sans mêmes parler de transgressions, seraient certainement dommageables et mêmes irrémédiables. Agir sans précaution peut s’avérer destructeur, activement. S’entourer de tant de précautions qu’il devienne impossible d’agir serait tout aussi destructeur, quoique passivement.

Le début de la paracha Vayakhel conjoint donc ces deux attitudes. Il ne faut pas oublier d’abord que l’interdit précité est un interdit de finalité chabbatique et non pas une prohibition strictement arbitraire. L’expression chabbat chabbaton, par sa répétition, fait pièce à l’expressions symétrique et antagoniste, usitée dans la précédente parachamot youmat. Celle-ci désigne non pas seulement la peine de mort au sens juridictionnel, avec son encadrement procédural, mais la mortalité et même la morbidité d’un esprit, d’une institution, d’une forme sociale ou d’un régime politique. Celle-là se rapporte non pas seulement à la vie, à l’existence, mais aussi à ce qui fait que la vie soit vivante, à la « vivance », à ce que le Rav Kook nommera: h’ey hah’aym, la vie de la vie. C’est pourquoi, le récit biblique rappelle que les travaux du Sanctuaire doivent être confiés non pas seulement à des artisans «industrieux» mais à des « savants de cœur » qui sachent mettre le leur dans ce qu’ils accomplissent, avec vigueur et avec rigueur pour eux-mêmes et pour leur Prochain.

Encore une observation concernant cette fois les dimensions propres de l’anthropologie biblique. La transgression du Veau d’or ne fut certes pas vénielle ni anecdotique. Elle ravivait par sa violence et par ses caractères de passage à l’acte la transgression originelle commise au Gan Êden, celle des deux prescriptions constitutionnelles qui en garantissaient la viabilité: travailler (leôvdah) et préserver (lechomrah) (Gn,2, 15). C’est bien ce doublet intimement équilibrant qui se retrouve dans la présente paracha: attention au feu qui dévore, mais simultanément attention à la passivité qui dissout. Tous les chemins de la Création exigent cette illumination à deux degrés.

Raphaël Draï zal, 20 février 2014


[1] Cf. commentaire sur Tétsavé.

LE SENS DES MITSVOT: PARACHA KI TISSA

In Uncategorized on février 22, 2019 at 11:15

21 Ki-Tissa

« L’Eternel parla ainsi à Moïse: « Et toi, parle aux enfants d’Israël en ces termes: Toutefois observez ( tichmorou ) mes sabbats, car c’est un symbole de moi à vous ( oth hi beyni ou beynekhem) dans toutes vos générations pour qu’on sache que c’est moi l’Eternel qui vous sanctifie. Gardez donc le sabbat, car c’est chose sainte pour vous (kodech hou lakhem)! Qui le violera (meh’aleleha) sera puni de mort (mot youmat) ; toute personne même qui fera un travail, ce jour sera retranchée (nikhreta) du milieu de son peuple » ( Ex, 12 à 14). Traduction de la Bible du Rabbinat.

L’importance de cette mitsva, en forme de rappel, tient à sa position dans cette paracha, elle même d’une importance exceptionnelle puisqu’elle relate la transgression du veau d’Or et ensuite le pardon obtenu par Moïse pour les anciens esclaves qui peinent à se libérer de leur état d’esprit et de leurs conditionnements antérieurs. Cette paracha poursuit en effet la description des éléments constitutifs du Michkane, du Sanctuaire, une description qui avait commencé dans la paracha Térouma. Pourquoi  cette soudaine insertion des règles du chabbat à ce propos? Ne dirait-on pas un ajout superflu produisant une rupture de ton, une cassure logique, un parasitage du récit? Il ne le semble pas.

Ce rappel en est bien un, mais dont il faut comprendre la finalité avant de revenir sur son contenu propre. Quel malentendu risquait d’entacher la confection puis l’édification du Michkane? Précisément d’en faire une chose en soi, un but ultime, l’équivalent d’un mausolée des Choses saintes, elles-mêmes fétichisées. C’eût été un comble de lutter contre les rémanences de l’idolâtrie par une oeuvre érigée à son tour,  directement ou subrepticement, en idole. Il fallait alors que la véritable finalité de l’entreprise fût rappelée.

Oeuvre de pensée et oeuvre collective, le Sanctuaire demeurait toutefois une oeuvre  accomplie de main et d’esprit humains  et en tant que telle susceptible de leur imposer ses rythmes et ses cadences, sa logique interne et ses entraînements, de l’autonomiser et de l’hétéronomiser en même temps. D’où, ici même, le rappel des règles du chabbat, de sa raison d’être et de ses finalités propres. On observera d’ailleurs que la nomenclature talmudique des actes prohibés le jour du chabbat et de leurs dérivés se raccorde expressément à la construction du Sanctuaire et à la nomenclature des actes qui y étaient interdits ce jour-là. Autrement dit encore, la signification du Sanctuaire et celle du chabbat se rapportent réciproquement l’une à l’autre.

Au demeurant, la signification du chabbat  ne se réduit pas à la somme négative des travaux interdits ce jour. D’abord et avant tout, le chabbat est un signe, mieux un symbole, et un symbole exhaustif qui permet la remémoration et l’actualisation perpétuelle de l’Alliance nouée entre le Créateur et le peuple appelé à mettre en oeuvre la Loi donnée au Sinaï, celle qui se rapporte à l’Oeuvre de la Genèse, au Maâssé Beréchit. Le lien entre la Loi du Sinaï et la situation de l’Humain dans le Gan Êden se trouve dans l’emploi du verbe LiChMoR: garder et sauvegarder (Gn, 2, 15). Ce qui conduit à bien comprendre ce que signifie « interdit » dans les deux contextes puisque d’autres interdits, non limités au chabbat, se trouvent énoncés par exemple dans les deux Tables.

L’interdit se dénote en hébreu par la préposition LO et s’écrit par les deux lettres conjointes: le lamed et le aleph, à ne pas confondre avec le pronom personnel: LoV  qui s’inscrit par la conjonction du lamed et du vav et qui veut dire: « lui ». La lecture en sens inverse, en hipoukh, de LO –  donc aleph – lamed,  donne EL qui désigne toujours une direction, un vecteur, une orientation. Dans le système juridique d’Israël, dans sa compréhension particulière de ce qu’est une Loi, un interdit ou une défense ne doit pas se comprendre comme une restriction et encore moins comme une atteinte au principe de liberté. Un  interdit barre une route sans issue tout en ouvrant une voie alternative. En l’occurrence, le chabbat dont la structure est mutualisante, puisqu’il lie le  Créateur  et le peuple qui l’écoute, est également sanctificateur. La sainteté doit être comprise selon l’économie politique et psychique instaurée par la Thora donnée Sinaï. Elle détermine un niveau supérieur de l’être dont toutes les facultés reçoivent ainsi leur plus haute expression. Après Maimonide, le Rav Kook insistera à ce propos sur la libération notamment de la faculté imaginative, corrélée à la faculté de raison, de sorte qu’elle développe son potentiel créateur du fait même qu’elle ne soit plus assignée à une tâche et à une seule[1].

Pourquoi ensuite l’annonce d’une sanction pénale aussi dure puisqu’elle confine à la peine de mort et à l’équivalent d’une excommunication? Une fois de plus, il importe de relier des énoncés juridiques aux principes vitaux qui leur donnent plein sens. On l’a dit, la construction du Michkane se rapporte à la situation de l’Humain dans le Gan Êden. C’est là que la première sanction au sens juridique a été énoncée sans qu’il soit sûr qu’elle eût été entendue. Dans le Gan Êden, et au titre de la responsabilité qui lui incombait, l’Humain (Haadam) devait à la fois transformer (leôvdah) ce site et le sauvegarder (léchomrah) ( Gn, 2, 14, 15) avec l’interdit du passage à l’acte sur l’Arbre de la Connaissance. Autrement, au lieu de s’inscrire dans le chenal de la vie, il se projetterait dans son contraire. L’expression alors usité, et que l’on retrouve dans la présent paracha: « mot tamout » ne se rapporte pas expressément à la peine de mort au sens judicaire mais à une inévitable et incoercible mortalité, à ce que les physiciens nomment parfois l’entropie, à la dégradation irréversible de l’énergie dans les systèmes clos.

La sanctification chabbatique permet  de retrouver le chenal d’une création infinie puisqu’elle trouve sa source dans l’infini de la Présence divine. Il n’en va pas autrement de la peine de kareth, du retranchement. Il suffira à ce sujet de noter que la racine de ce vocable KRTh est l’exacte dé-combinaison, si l’on peut dire, de la racine KThR qui désigne la Couronne royale: KeTheR, sachant qu’il n’est d’autre Roi que celui dont la désir de vie sort de sa parole  aimante.

Raphaël Draï zatsal 13 février 2014


[1] Orot Hakodech.

L’ANTISIONISME MALADIE SÉNILE DU GAUCHISME (2001)

In Uncategorized on février 18, 2019 at 11:40

2 juillet 2001. Comment imaginer un avenir lorsque les jours se suivent et violemment se démentent l’un l’autre? Cette semaine, au Portugal, lors de la réunion du bureau de l’Internationale socialiste, Yasser Arafat et Shimon Péres se sont longuement serrés la main. Augure favorable pour une application sans échappatoire du rapport Mitchell et du document Tenet qui tente d’en inscrire les résolutions sur le terrain où le feu ne cesse pas? Aujourd’hui la frontière israélo -libanaise est de nouveau exposée à la canonnade et aux tirs de roquettes. Le Hezbollah, instrument de la Syrie au Liban, exécute, une nouvelle fois, les ordres incendiaires de Damas. Trois commanditaires d’attentats -suicides viennent eux mêmes de trouver la mort alors qu’ils fomentaient une nouvelle tuerie. Des israéliens sont assassinés quotidiennement. Pendant que cette nouvelle drôle de guerre s’installe, d’autres « fronts » se pérennisent. En France et en Europe il s’avère que la lutte contre le sionisme et le « colonialisme » israélien ont déclenché d’autres affects dont nul ne peut prévoir quelle sera l’évolution mais qu’il faut savoir identifier. Cet antisionisme virulent trouve désormais ses porte – voix dans les mouvements gauchistes revigorés comme Lutte Ouvrière et La Ligue communiste révolutionnaire. Les y rejoignent une partie des Verts, des militants anti-mondialistes comme José Bové et d’autres associations : Droit Devant ou Droit au Logement (le DAL) dont on s’étonnera de cette politisation de leur objectifs statutaires (on sait que l’abbé Pierre est proche du DAL ; Roger Garaudy serait-il encore proche de l’abbé Pierre ?). Le PCF électoralement sinistré se retrouve également dans cette mouvance. Pourtant qu’est-ce que le gauchisme ? En 1920, Lénine avait rédigé un opuscule : « Le gauchisme, maladie infantile du communisme ». Il y explique notamment que le mouvement révolutionnaire authentiquement prolétarien est sans cesse compromis par la tendance au passage à l’acte de groupes minoritaires, sorte d’éjaculateurs politiques précoces. Le gauchisme se caractérise alors selon lui par l’esprit de surenchère. Il conduit ses émules à imaginer qu’une conviction baptisée « théorie » est une chose en soi, qu’elle n’a pas à subir la validation du réel, seul antidote néanmoins aux mortelles illusions. Par suite, le rôle du Parti est de reprendre les choses en main, de fixer la ligne en sanctionnant durement ceux qui s’en écartent pour saboter la Révolution sous prétexte d’en hâter l’avènement.

Le gauchisme, ennemi mortel du communisme soviétisé, s’était refait une santé lors des mouvements étudiants de 1968 qui invitaient à découvrir « sous les pavés la plage » et ordonnant « l’interdit d’interdire ». En même temps, il adoptait des positions particulièrement belliqueuses contre Israël et à l’encontre du sionisme assimilé, en bloc, à l’impérialisme américain, au colonialisme, à l’apartheid et au racisme. Sans refaire ici l’histoire du gauchisme à la française et de ses surprenantes composantes, l’on relèvera, d’une part, qu’il n’ébranla finalement en rien dans les années 70 la Vème république de Pompidou et de Giscard d’Estaing – qui a su le récupérer « culturellement » – et, d’autre part, que dans les années 80, il se dissolva par petits tubes dans le mitterrandisme triomphant. Aujourd’hui, cependant, il se rejouvence. La chute de l’URSS a entraîné avec elle l’effondrement de ses mythes et les évolutions de la société capitaliste ont provoqué l’émiettement des classes populaires. La poutre de soutènement de l’idéologie marxiste : la lutte des classes n’y a pas résisté. D’où ce mot d’ordre, inavouable ouvertement : « Cherche nouvelle mythologie désespérément ». C’est ainsi que dès le milieu des années 90 « le mouvement social » est venu remplacer la lutte des classes et le prolétariat comme prothèse politique. La crise qui dure depuis 1973 a produit entre temps, en effet, une nouvelle plèbe : RMistes, précaires, sans papiers, SDF. La détresse des uns sera la providence des veufs et des orphelins de la Révolution, leur aubaine eschatologique, leur nouvelle raison de vivre. En vérité, aucune véritable solution n’est proposée par eux pour remédier à la misère du monde mais celle ci permettra le come-back de vieux jeunes, les « soixante-huit -trop tard » qui ont remâché durant trois décennies leurs déboires, leurs échecs et leur déconsidération intellectuelle (1). Ceux-ci n’apportent pas d’avantage de vraies réponses à la détresse post-moderne qu’ils n’en avaient apporté à la condition prolétarienne du temps de Billancourt ? Qu’importe! On s’autorisera de soi pour s’ériger en nouveaux hérauts de l’exclusion sauvage, de l’émigration clandestine, des victimes de cyniques plans sociaux. L’utilisation du « mouvement social » devient ainsi une forme de méthadone idéologique, à base de démagogie extatique, non « coupée », elle. Les « nouvelles luttes sociales » seront replacées dans un cadre ripoliné : l’anti-mondialisation, avatar de l’anti-américanisme du temps de la guerre du Vietnam. Dans ce schéma véritablement maladif, Israël est sempiternellement dénoncé comme ennemi global. Les palestiniens y remplacent, corrélativement, et toujours en amalgame démonologique, les noirs de Soweto, les Peaux-rouges du génocide yankee, les Arabes de la guerre d’Algérie, les jaunes de Cochinchine et les mendiants de la gare de l’Est. Quand au PCF, il recouvre dans cette brume mentale ses leaders et ses laideurs de l’époque stalinienne. Car en pleine faillite électorale, indissociable de sa faillite intellectuelle, lui-même se retrouve en dérisoire « gauchisation ». Sautant d’un incendie social à un autre sans en éteindre aucun, il tente à présent de circonvenir les jeunes des banlieues en faisant l’éloge de l’Intifada comme il n’hésiterait pas à faire la promotion de l’aquarium de la Porte Dorée si les poissons-chats pouvaient voter pour lui. Avec un risque insensé : celui de contribuer à l’éclosion, puis à l’explosion d’un antisémitisme à visage musulman dont les conséquences en France seraient incalculables compte tenu de l’échelle des populations concernées, des malaises multiples qui les taraudent : sociaux, culturels, identitaires, et de la tentation corrélative de donner à ces malaises avec une explication simple une réponse expéditive, pour ne pas dire paranoïaque. Au Maroc, sous le règne de Mohamed VI, une fatwa ne vient-elle pas de proclamer que les personnages des Pokemon sont des virus judéo-sionistes alliés à la franc maçonnerie (Al Alam, Istiqlal) ! Irresponsabilité partagée car l’on aura noté, pour revenir au gauchisme agricole, qu’avec José Bové, et le DAL, figurait au mois de juin, en « Palestine occupée », un certain Mouvement de l’immigration et des Banlieues… ainsi que des représentants du Syndicat de la Magistrature (Agence Reuters). A quoi sert donc la misère du monde et l’antisionisme du nouveau millénaire ? A faire, entre autres, le salut du gauchisme reviviscent et politiquement affairiste. Et peu lui chaut si, pour faire oublier sa fausse jeunesse et sa sénilité patente, son nouveau rouge à lèvres a un arrière-goût de sang.

                               Raphaël Draï, juillet 2001

(1) Cf  le roman de autobiographique de Jean Rolin, L’Organisation, Folio.

LE SENS DES MITSVOT : PARACHA TETSAVE

In Uncategorized on février 14, 2019 at 11:04

13

(Ex, 27, 20 et sq)

«Tu feras confectionner pour Aaron ton frère (ah’ikha) des vêtements sacrés (bighdé kodech), insignes d’honneur (lechabod) et de majesté (oultif’éret). Tu enjoindras donc à tous les artisans habiles (h’akhmei lev) que j’ai doués du génie de l’art (rouah’hokhma), qu’ils exécutent le costume d’Aaron, afin de le consacrer à mon sacerdoce »

(Ex, 2 à 4). Traduction de la Bible du Rabbinat.

Les termes hébraïques originaux mis entre parenthèses indiquent à quel point la traduction précitée, fort approximative, ne rend pas compte de leur signification véritable. ll faut donc y revenir.

La précédente mitsva incombe à Moïse désigné ici comme le « frère d’Aharon », lequel doit officier comme Cohen Gadol, le Grand Prêtre. Chaque fois que des termes fondamentaux sont utilisés dans les quatre livres qui suivent le sépher Beréchit, il faut se reporter à ce livre pour en comprendre les significations initiales. Ainsi des mots vêtement (BeGeD) et du mot frère (AH’). La première fois qu’il soit question d’un vêtement dans la Thora c’est à propos du premier couple, après la transgression initiale du commandement de ne pas consommer du fruit de l’Arbre de la connaissance du bien et du mal. Cette transgression met pour ainsi dire l’Humain à nu et à découvert. Pour se recouvrir Adam et Eve cousent ensemble des feuilles d’autres arbres et s’en font des « pagnes », comme traduit encore la Bible du Rabbinat (Gn,3, 7). Sans doute ces feuilles-là désignent-elles d’autres modes de connaissance.

Sans entrer une fois de plus dans des questions complexes de traduction, il suffit de comprendre que la notion de vêtement se rapporte physiquement et moralement à cette transgression générique qu’elle a charge de recouvrir et non de dissimuler. La confection des vêtements du Grand Prêtre ne s’y limitera pas. Il s’agit à leur propos d’aller plus loin: de réparer d’abord, de sublimer ensuite.

Les mêmes observations s’imposent à propos de la notion de frère, de ah’. Ne savons-nous pas qu’Aharon et Moïse sont frères de père et de mère? La mention du mot ah’désigne en réalité un élément problématique découlant du premier fratricide. En d’autres termes, les mitsvot relatives à la confection des vêtements inhérents au sacerdoce sont voués à la réparation et au dépassement des deux transgressions initiales. Il ne s’agit pas non plus et seulement de decorum. C’est pourquoi la vêture du Grand Prêtre est elle même référée à l’idée de sainteté qui n’apparaît pas explicitement dans la traduction précédente.

Dans l’univers biblique la sainteté se rapporte chaque fois qu’elle est mentionnée, sous quelque modalité que ce soit, au choix de la vie, à son établissement pérenne. De ce point de vue, la confection de cette vêture importe tant par son objet que par les procédés mis en oeuvre. On observera que cette confection est confiée à des artisans, pour reprendre cette terminologie, qui ne doivent pas seulement faire preuve d’«habileté». Ils doivent être doués de facultés d’un tout autre niveau, être d’une part des savants de cœur (h’akhmei lev) et, d’autre part, être doués non seulement de sagesse mais d’esprit de sagesse (rouah’ h’okhma). Ce qui conduit au passage à cette observation: il se trouvait donc au sein du peuple des esclaves à peine libérés de la servitude pharaonique des êtres de cette stature qu’il fallait savoir discerner, tout comme il avait fallu savoir le faire pour les juges et autres dirigeants du peuple selon la paracha Ytro (Ex,18, 21).

Que faut-il entendre par sagesse de cœur? Une sagesse qui transcende la simple intelligence technique. Comme l’expliquera plus tard le rav Kook, toute spécialisation (miktsoâ), efficiente dans son domaine propre, risque d’enfermer le spécialiste concerné dans les bornes de son savoir. Pour participer à une oeuvre collective, il doit s’avérer capable de relier sa connaissance à celle d’autrui de sorte à former une échelle de savoir complémentaire et supplémentaire, compatible avec ce niveau de l’oeuvre. En l’occurrence il s’agit de la construction et de l’édification du Sanctuaire, oeuvre homothétique à celle de la Création. A cet égard le Maâssé Hamichkane devient assurément l’homologue de l’oeuvre de la Création, du Maâssé Beréchit, et de l’Oeuvre de la Structure, du Maâssé Mercava.

C’est pourquoi les hommes et les femmes de l’art attachés à cette réalisation doivent également faire preuve d’esprit de sagesse afin que celle-ci ne se réduise jamais à ses modes opératoires, qu’elle ne cesse de se transcender jusqu’à atteindre les degrés de la Création nommé Cavod et Tif’éret. Chacun aura compris que des vocables, comme ceux de H’okhma, de Rouah’et de Tif’éret procèdent chacun et ensemble de l’univers des séphirot par lesquelles l’oeuvre de la Création divine devient accessible à l’entendement humain, sachant que depuis sa propre naissance l’Humain est le coopérateur (choutaf) du Créateur pour le parachèvement de cette Création.

Si les différents vêtements constituant la vêture du Cohen Gadol soulignent sa position singulière, particulièrement élevée, dans le processus de la Création sanctifiée ils ne doivent pas l’isoler du klal Israël. C’est pourquoi, ces vêtements sont confectionnés par des membres du peuple qui ne doivent pas être considérés comme de simples exécutants. C’est l’esprit du peuple, à son plus haut niveau, qui se transfère dans cette vêture. La prêtrise au sens biblique n’est pas une caste. Pareil dispositif se retrouvera d’ailleurs à propos de « la bénédiction des Cohanim » dont on sait qu’elle n’est pas unilatérale, descendant des prêtres jusqu’au peuple, mais qu’elle se formule en sanctification réciproque et dialoguée.

Raphaël Draï zal 6 février 2014

Le Sens des mitsvot : Parachat TEROUMA

In Uncategorized on février 7, 2019 at 6:37

photo-4

(Ex, 25, 23 à 30)

A la mémoire de notre ami  Alain Nabet (zal), du groupe des EIF de Montpellier, recréé  en 1963.

«  Et tu feras ensuite une table en bois de « chtitim », longue de deux coudées, haute d’une coudée et demie, tu la recouvriras d’or pur (…) Et tu placeras sur  cette table des  pains de propositions (leh’em panim), en permanence devant moi (lephanai tamid) » (Ex, 25, 23 à 30). (Bible du Rabbinat).

Sans disjoindre ces différents plans de l’existence charnellement humaine mais vouée à une transcendance, la paracha Michpatim concernait les règles de la « société civile hébraïque », avec son état de droit primordial et sa représentation de « l’être ensemble ». La paracha Térouma, elle, concerne  la  sainteté du peuple.

Ce n’est pas que la vie sociale ou que l’immanence soient des niveaux secondaires ou triviaux de l’être, mais l’humain n’est pas statique, ni corporellement ni intellectuellement. Il se déplace et il se dépasse. La coexistence civile est à la fois une fin en soi, pour éviter le « tous contre tous » (P.A. III, 2) et le point de départ d’une vie d’un niveau encore supérieur, celui de la sanctification, de la kedoucha, selon la proposition faite plus haut: « Vous serez pour moi une souveraineté de pontifes et un peuple sanctifié (goï kadoch) (Ex, 19, 6). En quoi consiste cette sanctification pour qu’elle n’apparaisse pas «  mystique » ou éthérée?

Les versets précédents l’indiquent avec les mitsvot qu’ils énoncent. La « Table » dont il est question est à double dimension, comme le Sanctuaire, le « Mikdach » dont elle est un élément,  avec l’Arche de la Loi et la Ménorah, le Luminaire. Le « Mikdach » doit être construit et agencé selon un modèle, un tavnit, qui s’inscrit dans le Monde d’en-haut. Il doit opérer la translation, au sens quasi-mathématique, de sa structure et de ses fonctions dans le Monde d’en-bas afin de le transcender. Le mot « table » (choulh’an) est donc à  entendre selon deux sens, au sens matériel et au sens conceptuel  lorsque l’on parle par exemple de table d’orientation ou de table de logarithmes. Construit sur la racine ChLH’, ce terme désigne non pas un plan fixe mais un plan dynamique et vectorisé, littéralement « mandaté » comme l’est le chaliah’, l’envoyé, en droit hébraïque. On relèvera aussi les  contiguïtés phonétiques et de signification entre les racines ChLH’ et ChLKh, la seconde désignant le «tien», l’appropriation légale, moralement légitime. Que cette table soit recouverte d’or, qui représente le matériau pur par excellence,  marque la connexion entre  la pureté (tahara) et la sainteté (kedoucha); et l’on sait en outre qu’il s’agit là de deux des six Traités de la Michna, de la Loi Orale.

Sur cette Table située au Sud du Sanctuaire, et sanctifiant cette direction qui n’est plus exclusivement  topographique ou tellurique, doivent être disposées deux  rangées de six pains chacune. Donc, dans le Sanctuaire sont mis en relation les éléments les plus immatériels de la Création: la pensée, avec l’Arche de la Loi et la lumière, avec la Ménorah d’une part; et l’élément le plus matériel: le pain, symbole de toute nourriture humainement élaborée et cela, soulignons le aussi,  lors de la période même du don de la manne, de la nourriture la plus spiritualisée durant la Traversée du désert. Une nouvelle fois les Pirkéi Avot  insisteront sur cette connexion profonde « S’il n’y pas de Thora, il n’y a pas de farine; s’il n’y pas de farine, il n’y pas de Thora » (P.A.III, 21), exemple type de cognition «simultanée» dont les termes doivent être posés l’un après l’autre dans l’espace pédagogique mais qui doivent être pensés ensemble.

C’est dans le Lévitique que seront données d’autres indications relatives à ces pains immédiatement qualifiés de « pains de visage »  pour bien indiquer qu’il s’agit non pas exclusivement d’une nourriture « physiologique » mais bien d’une nourriture à visée sociale et, à la lettre, conviviale (Lev, 24, 5 à 9). Ces pains, appelés aussi h’alot, doivent être au nombre de douze, autant que le nombre des tribus d’Israël. Ils doivent non pas constituer un amas compact mais être distribués en deux rangées de six, chacune correspondant aux six jours «oeuvrables» de la semaine. Chaque pain est donc l’élément particulier d’un ensemble cohérent, séparé des autres par un intervalle distinctif mais en même temps relié à l’ensemble des douze. Sur chaque rangée devait brûler de l’encens, lequel indique la dimension de sublimation de cette alimentation ainsi sanctifiée.

Les pains étaient changés chaque chabbat de la manière suivante: sur un groupe de huit prêtres, deux portaient les pains nouveaux (six chacun) et deux  portaient des encensoirs. Les autres avaient les mains libres. Les deux premiers devaient disposer ces pains nouveaux sur la Table du Sanctuaire au fur et à mesure que les prêtres  aux mains libres ôtaient ceux de la semaine passée de sorte que la Table ne se trouve jamais vide. Puis l’on procédait au renouvellement de l’encens selon la même gestuelle. Il fallait ainsi que les mouvements des uns et des autres fussent parfaitement coordonnées[1]. Cette fois le lien n’est plus établi entre l’élément particulier et l’ensemble auquel il appartient, mais entre le discontinu et le continu. La succession des semaines, scandée par le jour du chabbat, est évidemment discontinue mais la coordination des mouvements de deux sizaines de prêtres rétablit  par elle même la dimension de continuité.

Enfin, les pains ôtés chaque semaine devaient être consommés à l’extérieur du Saint des Saints, six en priorité par les grands prêtres, par les cohanim, en raison du degré de sainteté auquel ils étaient d’ores et déjà dévolus depuis Aharon. Les autres étaient distribués aux prêtres ordinaires qui eux mêmes formaient transition et continuité avec le peuple tout entier en vue de sa sanctification propre.

Raphaël Draï zal, 29 janvier 2014