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LE SENS DES MITSVOT: Paracha Vayekhel

In Uncategorized on février 24, 2022 at 1:56
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«Pendant six jours on travaillera mais au septième jour vous aurez une solennité sainte (kodech chabbat chabbaton) en l’honneur de l’Eternel; quiconque travaillera en ce jour sera mis à mort (youmat). Vous ne ferez point de feu (lo tébaârou ech) dans aucune de vos demeures ce jour là »… «Puis, que tous les plus industrieux d’entre vous (col h’akham lev) se présentent pour exécuter ce qu’a ordonné l’Eternel ». (Ex, 35, 2, 3 et 10). Traduction de la Bible du Rabbinat.

Point n’est besoin de revenir sur l’insertion des prescriptions concernant le chabbat lors de la construction puis de l’édification du Sanctuaire[1]. Cependant, il faut s’interroger sur la reprise de ces prescriptions en même temps que sont récapitulés les différents éléments entrant dans cette construction. Ils sont récapitulés de nouveau parce que cette fois Moïse s’adresse au peuple après la faute du Veau d’or, au peuple muni des secondes tables de la Thora, au peuple édifié lui même moralement par la commission de cette transgression inouïe qui a failli lui être fatale. Et ce peuple – on l’a déjà explique aussi, est abordé comme KaHaL, doté des deux lettres Hei et Lamed, que l’on retrouve dans la louange du HaLeL.

Ce peuple n’est pas doté d’une mémoire exclusivement factuelle mais d’une mémoire transcendante. Il est en mesure de se souvenir non pour répéter mais pour se dépasser. A cette fin, il doit conjoindre deux attitudes et deux aptitudes qui d’ordinaire sont difficilement conciliables: la maîtrise de soi, soulignée par la reprise de l’interdit chabbatique, et la capacité de créer, d’où la référence aux « savants de cœur ».

Rachi s’interroge d’ailleurs sur la signification de cet interdit en ce point du récit biblique: serait-ce pour signifier que faire du feu le jour du chabbat relève d’une défense spécifique? Ou bien pour rappeler de manière plus générique encore la catégorie même des interdits opérants ce jour là? Il faut sans doute relier ces deux lectures. La seconde concernerait la référence formelle à ces prohibitions. La première, elle, soulignerait la dynamique interne, la contagiosité des transgressions. En ce sens, l’interdit de faire du feu comporte bien sûr un sens en soi mais aussi au regard du fait qu’une fois allumé un feu se propage, pour peu qu’il trouve sur son passage des matières à brûler.

La langue hébraïque l’indique par le verbe BoÊR: consumer, dont la racine constitue la « décombinaison » de la racine ÂBR qui désigne au contraire le déplacement progressif et se rapporte à l’état d’esprit du ÎVRi, de l’être-hébraïque capable en ses déplacements de relier le point de départ et le point d’arrivée, le passé et l’avenir. L’ombre du Veau d’or se discerne dans cette préfiguration du principe de précaution dont on sait la portée dans les dispositifs juridiques et éthiques contemporains. S’agissant du Veau d’or, le processus avait commencé par une injonction verbale en direction d’Aharon, durant l’absence de Moïse. Il s’est terminé par la brisure des Tables et, n’eût été l’inoubliable intervention de Moïse en personne, il se fût achevé par l’effacement du peuple de l’Alliance divine.

Toutefois, le principe de précaution ainsi entendu ne doit pas aboutir à l’inhibition du peuple rendu timoré, pusillanime et ayant peur en effet de son ombre. C’est pourquoi, suivant immédiatement le rappel des règles du chabbat et, on l’a dit, plus particulièrement de l’interdit d’allumer du feu, sont reprises les prescriptions relatives à la construction du Sanctuaire. L’on comprend mieux ainsi comment opère le récit biblique dans ses intentions didactiques: il met chaque fois l’accent, en tant que de besoin, sur les parties du comportement individuel et collectif à propos desquelles inattentions ou négligences, sans mêmes parler de transgressions, seraient certainement dommageables et mêmes irrémédiables. Agir sans précaution peut s’avérer destructeur, activement. S’entourer de tant de précautions qu’il devienne impossible d’agir serait tout aussi destructeur, quoique passivement.

Le début de la paracha Vayakhel conjoint donc ces deux attitudes. Il ne faut pas oublier d’abord que l’interdit précité est un interdit de finalité chabbatique et non pas une prohibition strictement arbitraire. L’expression chabbat chabbaton, par sa répétition, fait pièce à l’expressions symétrique et antagoniste, usitée dans la précédente parachamot youmat. Celle-ci désigne non pas seulement la peine de mort au sens juridictionnel, avec son encadrement procédural, mais la mortalité et même la morbidité d’un esprit, d’une institution, d’une forme sociale ou d’un régime politique. Celle-là se rapporte non pas seulement à la vie, à l’existence, mais aussi à ce qui fait que la vie soit vivante, à la « vivance », à ce que le Rav Kook nommera: h’ey hah’aym, la vie de la vie. C’est pourquoi, le récit biblique rappelle que les travaux du Sanctuaire doivent être confiés non pas seulement à des artisans «industrieux» mais à des « savants de cœur » qui sachent mettre le leur dans ce qu’ils accomplissent, avec vigueur et avec rigueur pour eux-mêmes et pour leur Prochain.

Encore une observation concernant cette fois les dimensions propres de l’anthropologie biblique. La transgression du Veau d’or ne fut certes pas vénielle ni anecdotique. Elle ravivait par sa violence et par ses caractères de passage à l’acte la transgression originelle commise au Gan Êden, celle des deux prescriptions constitutionnelles qui en garantissaient la viabilité: travailler (leôvdah) et préserver (lechomrah) (Gn,2, 15). C’est bien ce doublet intimement équilibrant qui se retrouve dans la présente paracha: attention au feu qui dévore, mais simultanément attention à la passivité qui dissout. Tous les chemins de la Création exigent cette illumination à deux degrés.

Raphaël Draï zal, 20 février 2014


[1] Cf. commentaire sur Tétsavé.

HAPHTARA KI TISSA

In Uncategorized on février 17, 2022 at 7:03
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(Rois, 18, 20 à 39)

La paracha Ki Tissa relate les circonstances et les conséquences de la transgression du Veau d’or, tout juste après que les Bnei Israël ont accepté les dix Paroles du Sinaï. Pour bien faire comprendre qu’il ne suffit pas d’accepter un idéal, formellement. Qu’ensuite tout dépend de sa réalisation et celle-ci – à moins de supposer le problème résolu de la discordance entre l’idéal et le réel – ne va jamais de soi.

A des siècles de distance c’est à une discordance analogue que se heurte le prophète Elie, sous le règne du couple royal et idolâtre formé par Achab et Jézébel. En ce temps là les prophètes fidèles à l’Alliance du Sinaï sont impitoyablement persécutés. Lorsque l’on parvient à les capturer ils sont exterminés en masse. Dans son ensemble, le peuple fait montre de passivité laquelle encourage le couple royal et scélérat à persister dans ses agissements. C’est pourquoi le prophète Elie le convoque maintenant à une inéluctable épreuve de vérité. Il est temps que le peuple cesse « de boiter sur ses deux jambes », qu’il cesse de tergiverser, s’imaginant que le Dieu du Sinaï et que les idoles de Canaan sont des choix alternatifs. Le prophète Elie, lequel en attendant a bloqué toutes les sources d’eau sur la terre en litige divin, défie les 450 « prophètes » de Baâl face à ce peuple moralement claudiquant. Que l’on prépare un autel et qu’on y apprête symétriquement deux taureaux mais sans y mettre le feu avant l’heure convenue. Après quoi chacun invoquera son dieu. Le premier qui consumera le sacrifice, sera reconnu pour l’unique et vrai Dieu. Le peuple acquiesce.

Les premiers, dès le matin, les prophètes de Baâl, apprêtèrent leur sacrifice et se mirent à invoquer leur divinité tutélaire. Leurs implorations durèrent jusqu’à midi. En vain. Point de réponse. Et les voici qui s’agitent et se démènent au dessus de l’autel qu’ils avaient eux même confectionné, comme s’ils y cherchaient un défaut de conception et de fabrication qu’ils n’y avaient pas immédiatement perçu. A midi, Elie les interpelle sur un ton qui passerait pour ironique s’il ne correspondait exactement à la réalité de la croyance idolâtre et à ses liturgies illusoires: « Appelez à haute voix (bekol gadol) car c’est un dieu ! » Sans doute ce dieu est –il occupé à des affaires plus importantes ! A moins qu’il ne se soit accordé, qui sait, un petit somme dont il finira bien par s’éveiller ! Face à ce défi les prophètes de Baâl s’adonnent à une liturgie encore plus violente et sanglante, paroxysmique. Ils tailladent le corps d’où leur sang ruisselle, sans cesser d’invoquer leur divinité, et cela jusqu’au milieu de l’après midi. Cependant, toujours point de réponse ni aucune marque d’attention. C’est le moment décisif. Elie demande au peuple, à tout le peuple (col haâm) de bien vouloir s’approcher de lui (guéchou élay). Et le peuple dans son entier s’approche de lui.

Elie commence par rétablir symboliquement et matériellement l’autel de Dieu, jusqu’alors démantelé. Ensuite il réunit un ensemble de douze pierres représentant également les douze fils de Jacob, nommé à présent Israël, de ce nom transcendant que chaque Bnei Israël doit assumer personnellement. Après quoi, il dispose les éléments du sacrifice proprement dit et fait entourer l’autel d’une tranchée. Sur le taureau sacrificiel il fait verser par trois fois quatre cruches d’eau, par quoi se retrouve la symbolique du douze. Cette eau est versée en abondance au point d’emplir la tranchée.

Et c’est au moment précis de la prière de minh’a, qu’Elie en appèle au Dieu d’Israël « Réponds moi, Seigneur ! Réponds moi et que le peuple sache que tu es l’Eternel Dieu (Hachem Haélohim) et toi tu les ramèneras leur cœur à son origine (ah’oranit) ». Et cette fois la réponse de Dieu survient sous la forme d’un feu qui consume le taureau sacrificiel, le bois, les pierres et la terre avant d’assécher toute l’eau de la tranchée. Enthousiasmé, le peuple exulte et proclame son adhésion élective en en redoublant l’expression: « L’Eternel est Dieu, l’Eternel est Dieu ».

Peut on affirmer alors qu’Elie a « gagné », qu’il est sorti vainqueur de cette épreuve divine, de cette ordalie? La réponse est moins évidente qu’il ne le semble. Pourquoi? Précisément parce que nous ne sommes plus immédiatement après la Sortie d’Egypte, alors que le peuple était encore tout imbibé, si l’on peut dire, de mentalité et d’habitudes idolâtres. Des siècles et des siècles se sont écoulés et il semble que le travail spirituel soit sans cesse à reprendre depuis le début (ah’oranit), tant s’avèrent lourdes les propensions idolâtriques.

Version biblique du mythe de Sisyphe? En partie mais surtout enseignement profond sur ce que signifie cheminer dans l’Histoire avec ce que celle-ci exige de patience, de lucidité, d’endurance et de fermeté spirituelle.

                       Raphaël Draï zal 6 mars 2015

COMMENTAIRE DE LA HAPHTARA TETSAVE

In Uncategorized on février 10, 2022 at 7:34
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(Ez, 43, 10 et sq.)

En résonance avec la paracha Tétsavé, par laquelle se poursuit la description de l’édification du Sanctuaire au Désert, du Michkane, comme toujours, à des siècles de distance, et comme si le temps prophétique n’était pas sous la juridiction du temps chronologique, ce passage du prophète Ezéchiel vient à la fois marquer la continuité de l’histoire chronologique d’Israël et déployer cette histoire dans un espace-temps différent, celui de la vision prophétique, de la névoua. Ce qui conduit aux observations suivantes.

La prophétie d’Ezéchiel est sans doute la plus incandescente, la plus énigmatique, celle qui déploie l’esprit prophétique jusqu’à des limites jamais atteintes jusqu’alors – que l’on songe aux visions concernant Gog et Magog et celle relative à la résurrection des morts. Et pourtant le prophète y est désigne par la parole divine comme « Fils de l’Homme » (ben Adam). Ce qui tend à établir la dimension universelle de cette prophétie puisqu’il y est question de rétablir le peuple d’Israël en ses véritables assises mais également l’Humain sur les siennes. D’où l’attention que l’on doit porter au contenu de cette prophétie.

Par ailleurs, et c’est en cela qu’elle concerne directement la paracha homologue, il y est question de la construction d’un nouveau Temple dont on se demandera, au regard de la période où Ezéchiel intervient: après la conquête de Jérusalem par Nabuchodonosor et la déportation d’une très grande partie de sa population, s’il s’agit du second Temple, du Baït cheni, ou d’ores et déjà du troisième Temple. Dans tous les cas, il est donné à comprendre que cette succession n’est pas strictement linéaire mais, une nouvelle fois prophétique. Dans la pensée prophétique – et le moment venu la pensée talmudique en prendra le relais – le 2 ne succède pas mécaniquement au 1 tout en précédant le 3 et les chiffres qui s’ensuivent. En réalité cette succession souligne une élaboration, une décantation, un affinement.

  • Le 1 marque le commencement du processus.
  • Le 2 sa modification.
  • Le 3 sa phase synthétique.

Encore faut –il déployer les efforts personnels et collectifs, matériels et spirituels, qui permettent à ce processus de se développer au lieu de se trouver bloqué sur une des phases antérieures.

Le premier Temple, bâti par Salomon, comme on l’a vu dans la précédente haphtara, a été détruit par les armées venues du Nord. Un autre temple sera reconstruit après le retour de l’exil babylonien et ce Temple sera détruit à son tour par les légions romaines. La prophétie d’Ezéchiel saute t-elle, si l’on ose dire, cette étape pour décrire les caractéristiques non pas d’un autre Temple mais d’un Temple autre dont nombre de ses caractéristiques, dimensions et aménagements font justement l’objet d’une grande partie du livre d’Ezéchiel, jusqu’à sa vision conclusive? Faut-il en déduire que les temples, une fois détruits, se remplacent et se rebâtissent comme des bâtiments ordinaires et qu’il n’y faut pas chercher d’autres enseignements qu’architectoniques?

On serait tenté de le penser par une lecture rapide et superficielle des versets constituant cette haphtara où il sera question, certes, de la construction physique de l’édifice mais de telle sorte qu’il devienne ou redevienne apte à recevoir les purs sacrifices, les korbanot, des Prêtres, des Cohanim, assistés des Lévites; les uns et les autres reconnus dignes d’assumer cette responsabilité sacerdotale, celle par laquelle un double rapprochement est opéré entre les Créateur et ses créatures, et entres les êtres humains, es qualités.

On ne saurait s’y méprendre: la présente haphtara prolonge effectivement la précédente dans sa lettre et dans son esprit tout comme la paracha Tétsavé prolonge la paracha Térouma. Ce qui se déduit des termes mêmes employés par le prophète Ezéchiel dès le verset 11 lorsqu’au nom du Créateur il précise l’état d’esprit dans lequel sera conduite la nouvelle entreprise: « Et s’ils ont vergogne de tout ce qu’ils ont fait, donne leur intelligence de la Forme primordiale (Tsoura) de la Maison, de ses installations, de ses voies d’accès et de ses issues et de toutes ses autres formes et de toutes mes principes légaux (h’oukotaiv) et de toute ma Loi générique (Torotaiv); donne leur connaissance et écris les à leurs yeux et ils observeront toutes ces formes et tous ces principes légaux et ils les accompliront » (Ez, 43, 11).

Selon les termes de ce verset particulièrement significatif, le vocabulaire proprement architectural avec le vocabulaire juridique et spirituel s’entremêlent comme si l’on avait voulu former par leur mixage un matériau d’un genre nouveau, particulièrement solide et inaltérable.

L’architecture matérielle n’a pas d’avenir tant qu’elle ne bénéficie pas de cette armature légale et spirituelle.

                         Raphaël Draï z »l, 26 février 2015

COMMENTAIRE DE LA HAPHTARA TEROUMA

In Uncategorized on février 3, 2022 at 7:01
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(Rois V, 26 et sq)

A la mémoire de Robert Attal, 

Mémorialiste scrupuleux du pogrom qui ensanglanta Constantine le 5 août 34. 

Cette haphtara entre en résonance avec la paracha Térouma qui décrit les modalités de construction du Sanctuaire, du Michkane, dans le désert, après la libération de l’Egypte esclavagisteEncore qu’il ne faille pas se méprendre sur l’intention directrice de cette oeuvre collective: « Ils me feront un sanctuaire et je résiderai en eux « (Ex, 25, 8). « En eux », dans leur milieu cordial et hospitalier, et non pas à proprement parler dans cette installation qui n’en est, si l’on peut dire, que le corridor spirituel, serait-il s’une splendeur inégalée. A des siècles de distance, alors que le peuple d’Israël s’est doté d’un roi et même d’une dynastie royale, et alors que le Roi Salomon, fils du Roi David a été autorisé à édifier un temple « en dur » dans Jérusalems’entend la même condition pour éviter le malentendu selon lequel le Dieu du Sinaï serait localisable et logé à demeure, pour ne pas dire assigné à résidence en un lieu déterminé.

La Haphtara commence par un rappel: conformément à son engagement, lequel suivait la demande particulière du jeune Roi en ce sens, Dieu a fait dévolution de la faculté de sagesse (h’okhma) à Salomon. Il s’ensuit très directement un état de concorde et de paix entre lui et le phénicien H’iram au point qu’ensemble ils concluent une alliance (berith). Quel en est l’impact sur le peuple d’Israël? Celui-ci sera t-il impliqué de corps et de cœur dans la construction du Temple comme le furent ses ancêtres au désert lors de la construction du Michkane?

Le Livre des Rois souligne à ce propos un changement radical, une régression préoccupante. En premier lieu les fonctions de H’iram en cette entreprise ne sont pas clairement définies. Etait-il simple conseiller et maître d’oeuvre ou avait-il une part décisive dans la conception spirituelle de l’édifice, ce qui en eût modifié l’intention première? Ensuite, la première des mesures prises par Salomon pour mener à bien cette tâche ne consiste guère à solliciter le concours volontaire du peuple mais à lever de lourds impôts (mass) et à expédier des corvées (10.000 hommes en rotation mensuelle) jusqu’au Liban pour s’y procurer les matériaux requis par cette construction. Adoniram est chargé de leur bonne marche. Salomon va également commander le port de lourds blocs de pierre qui serviront comme on l’a dit à la construction en dur, dans tous les sens de l’adjectif, de l’édifice.

Le texte croit devoir préciser que l’entreprise se déroulait 480 ans après la Sortie d’Egypte. Simple indication chronologique? Ou bien, là encore, observation de portée spirituelle pour indiquer, comme dans la haphtara précédente, la présence mentale, la prégnance consciente et inconsciente de l’Egypte sur les dirigeants d’Israël – comme sur tous ceux de cette partie de l’Univers – en dépit du don divin de la Sagesse qui leur a été départi, on l’a vu, à leur propre demande? Il s’ensuit également à partir du chapitre VI une série d’indications particulièrement précises sur le plan du Temple, sur ses dimensions portantes (middot) et sur ses aménagements internes. Au regard de la référence précédente à l’Egypte il s’agit de savoir quelle est la nature exacte de ces middot. Se réduisent-elles à leur projection spatiale ou bien comportent t-elles une énergie spirituelle transcendante? Aussi la Parole divine advient-elle une nouvelle fois au Roi Salomon pour dissiper tout malentendu à ce sujet.

A elle seule la construction du Temple ne suffit pas à garantir la Présence divine au sein du peuple. La condition déterminante se trouve énoncée à nouveau et elle s’avère d’une extrême clarté sur le mode « si.. alors »: « Cette Maison que toi tu construit, si tu te comportes (telekh) selon mes statuts (béh’oukotaiv) et que tu accomplisses mes jugements (michpataiv), et que tu observes l’ensemble de mes commandements (eth col mitsvotaiv) pour te comporter selon eux, alors je donnerai envers toi consistance à ma Parole selon ce que j’avais dit à David ton père ».

C’est à cette condition et à cette condition seulement que la Présence divine sera bien présente au cœur du peuple d’Israël et que Dieu n’abandonnera jamais ce peuple qu’il appelle « mon peuple » pour bien marquer, le cas échéant, que Salomon n’en est le Roi que pour autant qu’il observe la Loi entérinée par ce peuple sacerdotal au Sinaï; une Loi qui continue d’orienter son existence dans le sens de la vie en dépit des cahots de celle-ci et des éventuelles vicissitudes d’une Histoire qui demeure celle d’une indéfectible Alliance.

 Raphaël Draï zal, 19 février 2015

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Le mois de Adar (extrait Bloc-Notes – Février 2013)

In Uncategorized on février 1, 2022 at 3:11

10 Février 2013

Aujourd’hui commencement du mois nouveau, du mois d’ Adar, celui de Pourim, de la révélation du divin dans l’Histoire grâce à la constance et à la clairvoyance de l’esprit humain.

C’est une particularité du calendrier d’ Israël que de célébrer non seulement l’année nouvelle mais le mois nouveau. On sait que la structure non seulement chronologique mais spirituelle de ce calendrier a été fixée par les « Gens de la Grande Assemblée », au premier et au deuxième siècle de l’ère actuelle. Après quoi l’on viendra soutenir que le peuple d’Israël était fermé sur lui même, racorni, incapable de penser le nouveau ! Aujourd’hui ces deux échelles du nouveau se connectent : le nouveau de la vie quotidienne, celui qui se célèbre dans la prière du matin, et le nouveau du mois d’Adar. Cependant, le nouveau n’entraîne pas la dissolution de ce qui le précède en attendant d’être lui même dissous par ce qui le suit. La nouveauté n’exclut pas la constance. Elle la rend nécessaire.

Cela fait penser à cette observation de Picasso, génie des formes nouvelles s’il en fut. Alors qu’on lui demandait pourquoi il datait minutieusement toutes ses œuvres il répondit : « Sans doute existera t-il un jour une science que l’on appellera peut être « la science de l’homme » et qui cherchera à pénétrer plus avant l’homme à travers l’ homme-créateur. Je pense souvent à cette science et je tiens à laisser à la postérité une documentation aussi complète que possible… Voilà pourquoi je date tout ce que je fais. (Pierre Cabanes, Le siècle de Picasso,tome I) ».

Avancer  dans la durée pure mais sans lâcher le fil conducteur. La conduite des  vrais génies.

Picasso

Raphaël Draï zal (extrait Bloc Notes – semaine du 10 février 2013)