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LE SENS DES MITSVOT : BALAK

In Uncategorized on juin 24, 2021 at 11:47
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« Soudain, le Seigneur dessilla ( vayaghel ) les yeux de Bilaam et il vit ( vayar) l’Ange du Seigneur debout sur la route, l’épée nue à la main; il s’inclina et se prosterna sur sa face » ( Nb, 22, 31). Bible du Rabbinat.

Seul l’étrange incite à l’interprétation. Quelle paracha est plus étrange en ce sens que celle qui relate la tentative de malédiction du peuple d’Israël par Balak, le fils de Péôr, sollicitant à cette fin le savoir-faire présumé d’un non moins étrange prophète, nommé Balaâm, littéralement « l’engloutisseur du peuple »? Pourtant de nombreux obstacles vont contrarier cette tentative qui vise l’âme même du peuple sorti de l’esclavage égyptien. Au delà des péripéties du récit biblique, le verset précité concerne aussi la nature même de la vision prophétique.

On le constate, deux verbes en rendent compte: vaYaGheL et vAYaR. Sont-ils redondants? Il faut le comprendre aussi exactement que possible parce que la prophétie, dans l’acception biblique du terme, la nevoua, n’a que peu de rapports avec ce qu’il est convenu d’appeler la divination et avec la prédiction de l’avenir. La nevoua concerne plutôt la perception exacte de la Parole divine afin d’en transmettre non moins exactement le contenu. Dans tous les cas il y faut une disposition de l’esprit caractérisée par une complète disponibilité et par une réceptivité maximale; ce qui exige encore que l’esprit du prophète fût désencombré de ses propres préoccupations; qu’il s’avère pleinement lucide, sans taie ni tache opaque. Lorsque cette disposition de l’esprit n’est pas assurée, l’esprit du prophète ou de celui qui passe pour tel reste entaché d’un très fort coefficient de réfraction, pour ne pas dire de déformation au risque de rendre incompréhensible la Parole divine et d’en compromettre la transmission à celui ou à ceux à qui elle est destinée afin qu’ils s’en reviennent de comportements possiblement dangereux, au risque de leur vie.

C’est pourquoi, s’agissant du prophète de malédiction, de Bilaam, incité à la destruction spirituelle puis physique du peuple d’Israël, le premier verbe employé pour ce qui le concerne est le verbe VaYaGhel construit sur la racine GL qui désigne toujours le recouvrement de la vue optique et spirituelle mais par la levée préalable de l’obstacle qui l’obscurcissait, du caillot de pensée qui empêchait la pleine compréhension de la Parole divine.

Cet obstacle se manifeste en l’occurrence par la succession de passages à l’acte d’une particulière violence commis par le prophète stipendié contre sa malheureuse ânesse avec laquelle il menait pourtant une sorte de vie commune, de concubinage contre nature! Celle-ci est certes un animal mais toutefois en mesure de discerner, elle, le sens de la parole divine, celle qui l’incite instamment à dévier de la route tortueuse qui voudrait lui faire prendre son maître malédicteur et irascible.

Si Bilaam passe ainsi à l’acte, c’est qu’habité par le sentiment de sa force divinatrice, il ne supporte pas qu’on lui résiste, qu’on n’obéisse pas à sa toute puissante volonté. Mais celle-ci se heurte désormais à celle du Créateur qui ne s’en désistera guère. Il faut alors que l’obstacle obstruant chez le prophète de malédiction le sens de la véritable perception de la parole divine fût levé – l’équivalent d’une opération de la cataracte; que fût désobstrué le puits mental qui empêchait en son esprit retors la transmission de la volonté divine, parfaitement contraire à celle de son commanditaire, de Balak.

Et c’est une fois cette opération accomplie qu’il peut pleinement percevoir ce que le Créateur attend de lui, qu’il peut véritablement voir l’Envoyé divin qui s’oppose à la progression de sa marche à contre-sens de l’Histoire d’un Israël voué à la bénédiction divine ravivant celle de tout le genre humain (Gn).

L’interaction de ces deux verbes a néanmoins une portée encore plus large que celle relative à ce singulier personnage que les Pirkéi Avot considèreront comme l’antithèse d’Abraham, le premier à être qualifié de navi, de prophète, dans le récit biblique (Gn). Dans une époque marquée par les thèmes intensément discutables que sont « la mort de Dieu », ou son « éclipse » ou son « mutisme », il importe de s’interroger, chacun à part soi et collectivement, sur la présence éventuelle en l’esprit humain d’obstacles comparables à ceux qui obstruaient l’esprit de Bilaam, et cela afin d’en opérer la levée comme il faut libérer un bien de l’hypothèque qui l’immobilise et qui le rend indisponible pour d’autres transactions.

Ces obstacles sont de plusieurs sortes et se renforcent mutuellement: les préjugés tenaces, l’ignorance voulue, l’étroitesse des conceptions, l’avarice intellectuelle, tout ce qui rabat l’esprit sur lui même et l’enferme dans un cercle de fer. Il ne faut jamais oublier que le Créateur est qualifié de « Prochain » dans le Lévitique (19, 18). Que serait un Prochain que l’on se refuserait d’accueillir, de voir et d’entendre en prétextant qu’il n’existe pas?

                                                          Raphaël Draï zal, 3 juillet 2014

LE SENS DES MITSVOT: H’OUKAT

In Uncategorized on juin 17, 2021 at 10:47
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« Voici la règle (hathora), lorsqu’il se trouve un mort dans une tente (baohel): quiconque entre dans cette tente et tout ce qu’elle renferme sera impur (ytmah) durant sept jours; et tout vase (kéli) qui n’est pas entièrement clos d’un couvercle, sera impur. Quiconque touchera (acher ygâ), en pleine campagne (âl pnéi hassadé), au corps d’un homme tué par le glaive ou mort naturellement ou à un ossement humain ou un sépulcre sera souillé pendant sept jours. Pour purifier l’impur on prendra des cendres provenant de la combustion d’un purificatoire (hah’atat) auxquelles on mêlera de l’eau vive (maym h’aym) dans un vase » (NB, 19, 14 à 16). Bible du Rabbinat.

A l’évidence et une fois de plus les prescriptions précitées semblent renforcer les stéréotypes les plus ancestraux concernant le ritualisme d’Israël, son attachement à une pureté obsessionnelle et tout extérieure au point de méconnaître la vie de l’esprit et les aspirations spécifiques de l’âme. Il se peut aussi que ces prescriptions n’aient rien à voir avec ces dispositifs névrotiques et qu’au contraire elles soutiennent les exigences de cette vie spirituelle et la vie propre de l’âme déposée en l’Homme par le Créateur.

Car quoi que l’on fasse, et quelles que soient les élancements de notre vie intellectuelle, la mort est un fait et c’est par elle que s’achève, au moins temporellement, toute existence. Sans la dénier, il s’agit de savoir comment éviter qu’elle ne devienne, elle, une obsession au point d’ôter à l’existence présente toute motivation et toute perspective. Comme le dit le Roi agonisant dans la pièce de Ionesco: « Le Roi se meurt »: « A quoi bon naître si ce n’est pour toujours! ».

Mais une hégémonie ne se marque vraiment que dans un lieu clos, lui même sans ouverture et sans environnement. Qu’est ce à cet égard qu’une tente, en hébreu OHeL? Un lieu fermé? Sans doute non. Mais un lieu doté d’une protection contre les intempéries et simultanément d’une ouverture vers la transcendance. Les lettres qui forment le mot OHeL sont les mêmes que celles formant le mot HaEL: la divinité, celle qui promeut la vie puisque ce mot est à son tour formé sur le radical EL qui désigne toujours une direction, un aller-vers, ou une poussée vitale, comme dans ILaN, l’arbre. On sait qu’en hébreu le mot arbre se dit de deux façons; soit ÊTs, qui désigne son arborescence bifurquante, des racines jusqu’à ses ramilles; soit ILaN qui désigne sa croissance verticale.

Si, selon les circonstances, un mort se trouvait dans un lieu marqué par une pareille symbolique, intiment contradictoire, par où se profilerait le risque d’une nouvelle confusion entre la vie et la mort, il faut d’abord et avant tout reconnaître, avec lucidité, ce risque là. La notion d’impureté (au sens biblique de toum’a) en rendra compte. Comme si la mort recelait l’on ne sait quel pouvoir irradiant, quelle contagiosité psychique. Durant sept jours, ayant respiré de cet air là, il faudra alors se déconditionner réellement. Il n’en ira pas autrement si dans les mêmes circonstances l’on se trouvait en contact avec un vase non hermétiquement clos dans lequel cet air mortifère aurait pu s’insinuer et devenir par son usage ultérieur transmetteur de cette confusion morbide.

Et c’est sur ces points précis que le dispositif prophylactique ne se transforme justement pas en dispositif obsessionnel. D’une part l’impurification initiale n’est pas permanente et irréversible: elle dure sept jours, durée homologue à celle de la Création; d’autre part, il n’est question seulement que de vases ou de réceptacles non étanches. Les autres ne sont pas concernés, sous des modalités que l’on explicitera dans la Michna.

Si l’on était porté à assimiler ces prescriptions à une sorte de principe de précaution, l’on doit alors constater que celui-ci ne vire maladivement pas à la phobie. L’indication d’une limite à la limitation elle même est précisément ce qui distingue une règle morale ou juridique d’un conditionnement névrotique. Il n’en va pas autrement en cas de contact en milieu ouvert avec un cadavre ou avec ce qu’il en reste. Le contact (magâ) ne doit pas transformer en inoculation (négâ). Dès lors, les mêmes prescriptions s’avèrent applicables, selon la même intentionnalité.

Confirmant la cohérence de ce dispositif de retour à une vie détachée des fascinations éventuelles de la mort, l’on comprend mieux en quoi consiste la procédure – car c’en est une – de purification. L’on aspergera la personne en cause d’un liquide singulier constitué par les cendres d’un sacrifice nommé h’atat: la faute – ou la transgression: des cendres par nature résiduelles mais mélangées dans de l’eau vive. En réalité l’expression maym h’aym peut s’entendre d’une autre manière encore: le courant de la vie, laquelle finalement doit seule prévaloir.

                                    Raphaël Draï zal 26 juin 2014

LE SENS DES MITSVOT : KORA’H

In Uncategorized on juin 11, 2021 at 9:07
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« L’Eternel parla à Moïse en ces termes: « Parle aussi aux Lévites et dis leur: « Lorsque vous aurez reçu des enfants d’Israël la dîme (maâsser) que je vous donne de leur part, pour votre héritage, vous prélèverez là dessus, comme impôt (térouma) de l’Eternel, la dîme de la dîme (maâsser min hamaâsser) » » »

(Nb, 18, 25, 26).  Bible du Rabbinat

Certaines traductions du texte de la Thora sont réellement problématiques non seulement à cause de leurs contre–sens ou de leurs approximations mais en raison du pli qu’elles impriment aux dispositions précises et pratiques de ce texte. Ainsi en va-t-il de la traduction précitée qui imprime aux prescriptions de volonté divine une tonalité surtout fiscale, engagée par la traduction de « térouma » en « impôt », alors que ce mot signifie offrande, comme le précise au demeurant cette même traduction à la paracha intitulée « Térouma ».

Et c’est donc cette tonalité fiscaliste qui risque de fausser le sens de l’institution nommée maâsser, traduit plus exactement cette fois par « dîme ». D’où ces deux questions emboîtées: quel est le sens de ce prélèvement, ou de cette contribution, pour tout Israël, et pourquoi les Lévites qui en étaient les destinataires devaient à leur tour et à leur niveau s’en acquitter également?

Le premier contre-sens est signalé par Chimchon Raphaël Hirsch. Pour le sens commun, la dîme consiste à prélever sur une quantité donnée le dixième de celle–ci. Ce sens là ne correspond pas à l’institution en question puisqu’un tel prélèvement se ramène finalement à réduire la quantité initialement donnée à 9 dixièmes de ce qu’elle représentait. L’opération est donc diminutive, amputatrice, d’où l’étymologie du verbe « décimer », de sombre résonance. Or l’institution de la dîme, entendu bibliquement comme maâsser, recèle une tout autre signification.

Il s’agit certes d’un décompte mais accompli de telle sorte que la dixième unité qui le constitue le constitue précisément non pas en une succession linéaire mais en un ensemble. Nul n’ignore en effet la symbolique du chiffre 10 dans la pensée biblique sinaïtique, qu’il s’agisse de la Création ou du Décalogue.

Le chiffre 10, marque le passage d’un ordre, celui des unités, distinctes les unes des autres, à un autre ordre, celui des dizaines qui les configure, on l’a dit, en ensemble d’un niveau supérieur. C’est pourquoi le mâasser ne se réduit pas à une opération fiscale mais concerne la formation du lien social, celui par lequel la subjectivité individuelle, reliée à celle d’autrui, devient inter-subjectivité, celle d’un peuple, d’un âm. De ce point de vue la racine ÂSseR est affine à la racine ÂTseR, que l’on retrouve notamment dans la solennité de Chemini Âtséret qui marque non pas la fin, au sens chronologique, des liturgies de Tichri mais leur aboutissement spirituel, leur accomplissement liturgique et leur plénitude sociétale.

C’est pourquoi les Lévites n’en étaient pas exemptés. Autrement c’eût été les exclure du modèle social et spirituel d’Israël. Il était bon de le préciser au regard, justement, des difficiles événements relatés au début de la paracha, relativement au coup de force tenté par Korah’ et ses affidés, eux aussi Lévites mais ayant, au moins pour un temps, perdu le sens de leur vocation et de leur mission. A aucun prix les Lévites ne doivent s’imaginer qu’ils forment un groupe singulier, séparé, si ce n’est une caste. Certes, ne disposant d’aucune possession personnelle ils sont confiés à la solidarité de leurs concitoyens. Mais ce statut ne les dispense pas de contribuer à leur tour, et dans leur orbe propre, à la formation du lien social qui relie entre eux tous les descendants de Jacob–Israël.

Avec une différence qui n’est pas une simple nuance. Comme le verset concerné l’indique, ils auront à prélever la dîme de la dîme. L’expression en hébreu n’est pas non plus simplement quantitative. Il ne s’agit pas d’ailleurs d’un prélèvement physique mais bien d’une extraction essentielle, d’une dîme au carré, si l’on pouvait user de cette expression, qui concerne la dîme elle même et non plus ses éléments matériels premiers.

Les Lévites sont les desservants électifs du Sanctuaire. Lorsqu’ils procèdent à leur propre maâsser ils forment non plus seulement des ensembles sociaux mais des entités spirituelles susceptibles de s’approcher de la Présence divine et de devenir le réceptacle des bénédictions qui en émanent, et cela chaque fois que l’aube réapparaît dans l’univers et plus particulièrement dans la conscience humaine.

Raphaël Draï zal 19 juin 2014

A Daniel Draï, en souvenir de sa bar–mitsva

LE SENS DES MITSVOT: CHELAH’ LEKHA

In Uncategorized on juin 4, 2021 at 7:36
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« L’Eternel parla à Moïse en ces termes: « Parle aux enfants d’Israël et dis leur de se faire des franges (tsitsit) aux coins de leurs vêtements (âl kanphé bigdéhem), dans toutes leurs générations et d’ajouter à la frange de chaque coin un fil d’azur (petil tékhélet) (…) afin que vous ne vous égariez pas à la suite de votre cœur et de vos yeux qui vous entraînent à l’infidélité (zonim ah’aréhem) » (Nb, 15, 37 et sq).

Cette paracha relate l’une des péripéties les plus tragiques de la Traversée du désert. Le groupe des chefs d’Israël envoyés par Moïse pour explorer la terre de Canaan en revient avec des paroles amères de découragement au point de provoquer la désespérance éplorée du peuple. La sanction divine conduira plus tard à rien de moins qu’à la future destruction du Temple de Jérusalem.

Pourtant sanction ne signifie pas damnation et lorsque dans le peuple une faille se révèle, aussitôt suit la prescription destinée à y remédier. En l’occurrence, il s’agit de celle concernant la contexture des vêtements que devront porter désormais les Bnei Israël afin de ne plus faillir à leur vocation. Contexture éminemment symbolique dont il faut comprendre le sens intime et son impact sur la définition des conduites et des comportements qui éviteront la répétition de la défaillance mise en exergue.

Aux quatre coins de leurs vêtements, homologues aux quatre directions de l’espace, les Bnei Israël devront désormais attacher des franges nommées en hébreu tsitsit. Ce mot est formé par le redoublement de la racine TS qui signifie ouverture, émergence, bourgeonnement, mais aussi lancer et trajectoire. Autant dire que dès le moment où ils se revêtent d’un tel vêtement, les Bnei Israël prennent conscience qu’ils se situent non pas dans un espace clos et statique mais en un espace vectorisé dans lequel il leur appartient de s’orienter, alors que le groupe premier des explorateurs les avait à la lettre désorientés, l’on dirait presque déboussolés.

Par la même cet espace dynamique s’oriente à son tour. D’espace strictement territorial, il devient espace spirituel et riche d’événements dans lequel un avenir se dessine tandis qu’un destin fixé d’avance, celui de l’esclavage rémanent, s’y efface progressivement. Le redoublement de cette racine signifie que ces événements là seront tout sauf impulsifs. Dès qu’ils se produisent ils sont investis par une pensée réflexive qui en fera paraître puis consolider le sens. Cette symbolique peut ainsi être qualifiée de symbolique concrète parce qu’elle se confirme par la confection proprement dite de ces tsistit mémoriels.

Chacun d’eux en effet est formé d’abord par quatre fils continus. On les fait passer et pendre ensemble à chacune de leurs extrémités par une ouverture ménagée à chacun des coins du vêtement. Huit fils dédoublés se retrouvent alors en attente de leur fixation. Celle-ci va consister à les réunir ensuite selon le schéma suivant, à partir de la dite ouverture: en quatre segments, de dimension différente, du plus bref jusqu’au plus long, séparés et unis chaque fois par un nœud, un kecher. Pourquoi un tel schéma?

Précisément parce qu’il donne à penser. Le redoublement initial des quatre fils rappelle qu’il n’est de réalité que placée sous le signe de la lettre Beth, qui désigne la dualité et l’altérité au sens éthique. Que les quatre segments du tsitsit ainsi conçu ne soient pas de la même dimension rappelle que toute réalité est une suite ou une combinaison de continuité et de discontinuité. De ce point de vue, la confection des tsitsit se corrèle à un autre mémorial: la sonnerie du chofar, elle aussi constituée par une combinaison de séquences discontinues (térouachevarim) et continues (tékiâ).

Cependant, pour que l’unité de l’ensemble soit préservée, il importe que ces segments soient réunis. Ils le seront par des nœuds. Qu’est ce qu’un nœud ? A la différence de l’entrave, un nœud se noue et se dénoue. Il symbolise simultanément l’attachement et la possibilité de se détacher mais sans rupture ni déchirure et devient symbole à la fois de responsabilité et de liberté.

Enfin, en chaque tsitsit se faufilera un fil spécifique, azuréen. Son nom est à lui seul programmatique puisque tékhlélet se réfère à takhlit qui signifie objectif, destination, finalité. Un vêtement configuré de la sorte n’est plus destiné seulement à protéger le corps des atteintes du froid ou de la chaleur. Il inscrit ce corps dans une histoire où chaque pas marque non pas un simple déplacement mais également un dépassement de soi.

Il s’agit juste de ne jamais l’oublier en chemin, surtout lorsque celui-ci est long, sans terme fixé d’avance, pourtant sans l’être jamais autant que la longanimité divine.

Raphaël Draï zal 10 juin 2014