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LE SENS DES MITSVOT: PARACHA VAYICHLA’H

In Uncategorized on novembre 30, 2017 at 11:37

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« Il donna aussi un ordre au deuxième, ainsi qu’au troisième, ainsi qu’à tous ceux qui suivaient les troupeaux, en disant: « C’est de cette façon que vous parlerez à Esaü quand vous le rencontrerez. Et vous direz: «Voici ton serviteur (âvdékha) Jacob est aussi derrière nous ». Car Il disait: « Je veux l’apaiser (akapéra panaiv) par le présent (béminh’a) qui me précède et ensuite je me présenterai à lui, peut être me pardonnera t-il (oulay yssa panay) » (Gn, 32, 20, 21).

« Jacob resta seul et un homme lutta avec lui jusqu’au lever du jour » ( Gn, 32, 25). 

Dans la Tradition juive et dans la symbolique d’Israël, le troisième des Patriarches est associé à deux valeurs suprêmes: la vérité et la paix. C’est surtout à la paix (émeth) et au chalom que s’attachent les versets précités car toute valeur a son envers, si ce n’est sa caricature.

A l’évidence, sachant que son frère aux intentions fratricides s’approche de lui et de son camp, Jacob choisit une stratégie: celle de l’apaisement. Il s’agit de savoir si celle-ci ne confine pas au désistement, à la négation de soi. Cette attitude là résulte d’une analyse psychologique et de l’évaluation d’un rapport de forces. Pour Jacob, il est compréhensible qu’Esaü nourrisse à son encontre ressentiment et haine puisque ce frère unique se sent dépossédé du droit d’aînesse et qu’il se montre inconsolable.

Certes, la rétrogradation qui s’en est suivie dans l’ordre de la bénédiction abrahamique n’a pas empêché Esaü de prospérer matériellement et de devenir une sorte de superpuissance. Jacob ne peut pas ne pas en tenir compte. Lui, est resté homme d’études, pasteur de troupeaux et ne dispose d’aucune force armée, à moins de considérer que ses fils pourraient en tenir lieu. D’où, après avoir opté pour la stratégie de l’apaisement, la tactique à laquelle il se résout: séduire, si ce n’est circonvenir son frère en adoptant une attitude de soumission et en le subornant par une série de présents successifs censés le faire revenir à de meilleurs sentiments. Jacob entend préserver sa vie et surtout celle des siens. Mais ne tombe t-il pas d’un excès dans l’autre au point d’aboutir à l’inverse de l’objectif qu’il se proposait d’atteindre?

D’abord comment peut-il imaginer qu’Esaü, chef de guerre, se fasse dupe de ce stratagème, qu’il ne se tienne pas sur ses gardes, sachant comment Jacob, de son point de vue, a déjà abusé de son état de faiblesse? Cependant, et avant même que de rencontrer son frère, Jacob va devoir faire face à une nouvelle épreuve. Une fois son dispositif de survie mis en place, et alors qu’en pleine nuit il s’apprêtait à franchir le gué du Yabbok, une créature innommée se saisit de lui, le contraint au combat, et cela jusqu’à l’aube. Le dénouement de cet affrontement énigmatique consistera dans le changement de nom du patriarche qui désormais sera nommé Israël. D’où cette interrogation: pourquoi ces deux événement sont –ils juxtaposés comme si le second avait été causé par le premier?

Une des réponses possibles tient dans le mot âvdekha: « ton serviteur » initialement employé par Jacob pour s’adresser à son frère et tenter de se le concilier. Ce mot a été jugé excessif tant sur le plan relationnel que sur le plan spirituel. Sur le plan relationnel, il semble déjuger la position de Jacob en tant que frère aîné de droit depuis que Esaü s’est désisté de cette aînesse et des obligations qui lui sont attachées dans les conditions que l’on sait. Une chose est l’humilité, la ânava, autre chose la négation de soi, l’abaissement, l’auto-humiliation, à la limite du masochisme lequel ne peut que provoquer le sadisme du protagoniste. Tout se passe donc à cet instant comme si Jacob doutait rétrospectivement de sa légitimité et reconnaissait Esaü de facto comme l’aîné véritable. De ce fait même, déroger à ce niveau conduit à déroger au niveau spirituel. Jacob qui se déclare serviteur d’Esaü est-il encore le serviteur de l’Eternel, dispensateur de la bénédiction générique dévolue à l’Humain (Haadam) et qu’Abraham doit relever?

C’est sans doute pourquoi, en cette phase de doute, le combat qui s’ensuit et qui contraint Jacob à se dépasser constitue t-il la preuve que la peur n’est pas le mobile de son attitude; qu’il ne redoute aucun affrontement. Quiconque l’y engage – être humain ou créature autre – n’est pas maître d’en déterminer l’issue. C’est en ce sens que Jacob est nommé Israël. Au terme de ce combat, ce n’est plus Jacob mais bel et bien Israël, l’aîné confirmé en son aînesse, que rencontrera Esaü, qui désormais doit se le tenir pour dit.

                         Raphaël Draï zatsal, 4 décembre 2014

RAPPEL EVENEMENT Dimanche 26 Novembre : Hommage Raphaël Draï

In Uncategorized on novembre 23, 2017 at 11:07

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Institut Universitaire Élie Wiesel
119 rue La Fayette, 75010 Paris, 

Sous la direction de
Michel Gad Wolkowicz 
Professeur de Psychopathologie, Universités Paris-Sud, Tel Aviv, Glasgow ; psychanalyste – Association Psychanalytique de France – ; Président de l’Association Internationale Inter-Universitaire Schibboleth – Actualité de Freud –
Raphy Marciano 
Directeur de l’Institut Universitaire d’Etudes Juives Élie Wiesel
Franklin Rausky 
Doyen de l’Institut Universitaire d’Etudes Juives Élie Wiesel

ARGUMENT 
La réflexion de Raphaël Draï sur la signification de la liberté et de la culture dans la société, sur la problématique de la civilisation et de la barbarie, et la responsabilité stimulante qu’il nous laisse du choix de la vie… participeront d’une présentation commentée et critique de la part de chacun des intervenants depuis leurs disciplines respectives – décrivant le champ de la pensée de Raphaël Draï, telle qu’elle se développe dans ses livres (entre autres) : « La politique de l’inconscient », « La sortie d’Égypte », « Le mythe de la loi du talion », « Freud et Moïse », « Psychanalyse, loi juive et pouvoir », « Lettre ouverte au Cardinal Lustiger », « La traversée du désert. L’invention de la responsabilité », « La communication prophétique », « Sous le signe de Sion », « Topiques sinaïtiques », à « Totem et Torah », en passant par ses textes dans les ouvrages de Schibboleth – Actualité de Freud – (éditions In Press), notamment : « États du Symbolique… depuis « L’Homme Moïse et la religion monothéiste, en passant par Freud, Rothko, Appelfeld – Droit, Loi, Psychanalyse – », « Présence de la Shoah et d’Israël dans la pensée contemporaine Nom sacré/nom maudit », et « Les Figures de la cruauté – Entre civilisation et barbarie –». Ainsi se croiseront et s’étaieront les unes les autres, la pensée psychanalytique, la pensée juive, le Droit, les sciences politiques, le sionisme, la bio-éthique, la philosophie…

AVEC

Marc-Alain Ouaknin
Professeur des Universités, rabbin, philosophe, Membre du Comité Scientifique de Schibboleth— Actualité de Freud – : « Pensée juive, philosophie et psychanalyse ».

Jean-Pierre Winter
Psychanalyste, Fondateur du Coût Freudien, Membre du Comité Éditorial de Schibboleth — Actualité de Freud – : Titre à préciser .

Prof. Marc Zerbib 
Professeur de Médecine, Chef de Service Urologie, Centre Hospitalo- Universitaire Paris-Centre : « Et tu choisiras la vie ».

Franklin Rausky 
Doyen de l’Institut Universitaire Élie Wiesel : « Babel et Jérusalem ».

Daniel Draï 
Chef d’entreprise « De L’Arbre de la Connaissance au Choix de la vie » .

Yaël Elkyess-Draï 
Juriste : « La responsabilité en droit et selon la Loi Juive » .

Michel Gurfinkiel
Philosophe, économiste, essayiste : « Raphaël Draï, intellectuel et universitaire juif engagé » .

Michaël Bar Zvi 
Philosophe, Université de Tel Aviv, Membre du Comité Éditorial de Schibboleth — Actualité de Freud – :« Sous le regard de Sion » .

Rav.Daniel Dahan
Grand Rabbin dAix-en Provence, Docteur en Droit : « La Loi du Talion: mythe ou réalité ? » .

Claude Birman 
Professeur de philosophie ; Professeur d’études juives à l’Université Populaire du Judaïsme ; Membre du Comité Éditorial de Schibboleth — Actualité de Freud – : « L’approche plurielle de Raphaël Draï. L’unité de dimensions diverses – le klal –, et : la même Thora, mais toute autre» .

Thibault Moreau 
Psychanalyste, Vice-Président de Schibboleth — Actualité de Freud – : « Le lieu mental» .

Michel Gad Wolkowicz 
Prof. Psychopathologie, Universités Paris-Sud, Tel Aviv, Glasgow, psychanalyste, Président de l’Association Internationale Inter-Universitaire Schibboleth — Actualité de Freud – : « Ouverture — Le meurtre est-il fondateur ? »

LE SENS DES MITSVOT: PARACHA VAYETSE

In Uncategorized on novembre 23, 2017 at 10:57

7 VayétséTexteNov14

 

« Il fit un rêve (h’alom) et voici qu’une échelle (soulam) était dressée (moutsav) vers la terre et son sommet conduisant vers les cieux (hachamaïma) ; et voici que des Envoyés de Dieu (malakhim) y montaient et en descendaient (bo). Et voici que l’Eternel (Tétragramme) se tenait au dessus de lui (nitsav) et lui dit: «Je suis l’Eternel, Dieu d’Abraham ton père, et Dieu d’Isaac; la terre sur laquelle tu es couché c’est à toi que je la donnerai ainsi qu’à ta postérité» (Gn, 28, 12, 13). 

Le livre de la Genèse relate un rêve de Jacob, une manifestation de son imaginaire, une production de son inconscient, mais fortement structurée et orientée dans le sens de la vie alors qu’il est poursuivi à mort par la vindicte d’Esaü. Sur quoi s’ouvre cette vision car il s’agit bien d’une ouverture et l’on relèvera à ce propos la proximité phonétique et alphabétique des mots: h’alom, rêve et h’alon, fenêtre?

Tandis que Jacob tente de fuir la colère possiblement fratricide d’Esaü, ce rêve lui commande de faire halte et de considérer les événements en cours du point de vue le plus haut qui soit, sans pour autant que l’hallucination l’emporte. D’où la symbolique centrale de l’échelle, du soulam, qui est aussi symbolique de l’activité intellectuelle et spirituelle conduisant jusqu’à la Présence divine.

Comme nombre de commentateurs l’ont souligné, notamment le Ben Ich H’ay, une échelle sert à s’élever mais à le faire graduellement avec des échelons séparés de manière égale pour éviter les chutes. On retrouvera l’exigence de cette gradualité à propos du Sanctuaire auquel on accédera par une rampe en pente douce. Par ailleurs l’échelle symbolise la constance. Elle ne se déforme pas lors de son utilisation et, lorsqu’elle est renversée, elle conserve la même forme et, en général, peut s’utiliser comme auparavant. Ajoutons qu’une échelle, au sens du soulam biblique peut être considérée comme un vecteur puisque, ainsi que le texte le précise, elle conduit vers les hauteurs célestes, ce qui est à la fois une direction physique mais aussi, on l’a dit, intellectuelle et spirituelle. En somme, à ce moment du parcours des Patriarches – dont il ne faut jamais oublier que le but est de rétablir la bénédiction divine pour toutes les familles de la Terre, la vision du soulam est exactement opposée à celle de la tour de Babel dont les constructeurs se proposaient de monter à l’assaut du ciel et d’en déloger, si l’on ose ainsi parler, le Créateur, avec les suites catastrophiques relatées au chapitre 11 de Beréchit.

Ainsi la Présence divine n’est pas hors de portée de l’esprit humain mais elle s’approche de manière asymptotique à condition de relier le monde d’en Haut et le monde d’En bas, comme il est précisé à propos des envoyés divins dont il est précisé qu’ils y montaient et qu’ils en descendaient. Aucune de ces deux dimensions ne doit être oubliée. Un rêve véritablement prophétique n’incite pas à fuir la réalité. Au contraire c’est lorsqu’il est tenté par cette évasion qu’un rêve de cette sorte l’y reconduit.

A partir de quoi, il faut savoir ne pas se prendre à l’imagerie du rêve. Ce qui se déduit de la terminologie employée à ce sujet lorsqu’il est précisé cette fois que la dite échelle « était dressée (moutsav) vers la terre ». Que laisse entendre le récit biblique? Non pas que l’échelle était fixée au sol – disposition physique, qui tombe sous le sens et qui serait donc superflue. MouTsaV est construit sur la racine TsV qui désigne le commandement légal et l’obligation morale. Si le soulam symbolise la structure de l’esprit orienté vers la Présence divine, celle ci ne s’approche que par l’accomplissement des MiTsVot dont on comprend au passage qu’elles ne se réduisent pas à des rituels sans signification interne et sans finalité. Par cette voie l’on serait conduit à voir dans l’image du soulam une représentation de l’Alliance, de la Berith puisque sans désemparer mais par une logique qui est certes celle du lien d’Alliance il est indiqué à présent et par suite que l’Eternel se tenait (NitSaV) au dessus du soulam, autrement dit que sa position était elle même déterminée par l’univers des MiTsVot dont on mesure alors l’importance.

Un autre élément doit être encore souligné: lorsque l’Eternel se révèle par cette voie, il respecte la généalogie du rêveur-prophète et cela non pas à titre formel mais afin de récapituler tout le chemin parcouru par ces devanciers pour que soit rétablie la bénédiction générique dont il a déjà été fait état.

                                         Raphaël Draï zatsal, 27 novembre 2014

LE SENS DES MITSVOT: PARACHA TOLEDOT

In Uncategorized on novembre 16, 2017 at 6:37

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« Les jeunes gens grandirent et Esaü devint un homme sachant chasser, un homme des champs et Jacob était un homme intègre, demeurant dans les tentes (ohalim). » (Gn, 25, 27) …

« Jacob fit cuire un mets et Esaü revint des champs et il était fatigué (âyeph). Esaü dit à Jacob: « Fais moi donc avaler de ce rouge car je suis fatigué. C’est pourquoi on l’appela Edom. Jacob dit: « Vends moi de ce jour ton droit d’aînesse (bekhoratekha) ». 

Esaü dit: « Voici, je vais mourir et de quel avantage (lamah zé li) m’est un droit d’aînesse »

« Et Esaü dédaigna le droit d’aînesse « (Gn, 26, 27 à 34) » 

Après une phase de préoccupante stérilité, et après que son époux Isaac a intensément prié pour elle, Rebecca conçoit et enfante deux jumeaux dont la venue au monde se fera dans cet ordre –la notion d’ordre est ici essentielle -: le premier, tout roux, sera nommé Esaü; le second sans autre signe particulier que de tenir le talon de celui-là, sera nommé, de ce fait, Jacob (de êkev: le talon). Autant dire qu’il talonne son frère aîné dans l’ordre de la primogéniture biologique. Les deux enfants grandissent, chacun selon sa voie, et le Midrach éclaire ces deux cheminements parallèles. Esaü se fait chasseur, vivant dans les champs et retrouve ainsi les traces de Nemrod et aussi de Caïn. Jacob devient homme d’étude et de prière.

Il advint qu’un jour, tandis que le cadet faisait cuire son plat – la Tradition évoque un plat de couleur rouge – Esaü s’en retourne de sa chasse qui devait avoir été maigre puisqu’exténué il se précipite vers son frère. Sans même savoir quelle est la consistance du plat que celui-ci fait cuire, il lui demande littéralement, au seul vu de cette couleur, de son apparence, de l’en gaver car dit-il, « il est fatigué ». Jacob, en contrepartie, lui demande aussitôt de lui vendre son droit d’aînesse. D’où ces deux questions emboîtées: Jacob a t-il abusé d’une situation de détresse pour usurper un rang qui ne pouvait être le sien – par où se reconstitue si l’on n’y prend garde le conflit ayant opposé Caïn et Abel? Et sur quoi portait ce droit d’aînesse que Jacob, le cadet selon la « nature », ait voulu sur le champ l’acquérir et en disposer?

Dans l’ordre des versets qui relatent cet épisode aux conséquences considérables, à la proposition de son frère Jacob Esaü répond déjà par un calcul, par une supputation: il est tellement exténué qu’il ne perçoit plus non pas même l’avantage de l’aînesse mais en quoi cette chose () le concerne encore, personnellement(li). Autrement dit, Esaü devant son frère érigé en témoin, déclare que son existence immédiate est hautement et sans tergiversation préférable à sa vocation spirituelle. Quelle raison déterminante en donne t-il pour se justifier? Il se dit « fatigué (âyeph) ». Mais, de nouveau, à quel facteur imputer cette fatigue? Est-elle simplement physique, Esaü ayant présumé de ses forces et par trop prolongé sa chasse? Cette cause là semble secondaire puisque le récit biblique a cru devoir préciser au préalable qu’Esaü était « homme des champs », que cette situation non seulement correspondait à son être profond mais qu’il trouvait dans l’activité d’homme de proie d’incessantes forces reconstitutrices.

La raison déterminante est donc autre: ce dont Esaü se dit « fatigué », c’est du droit d’aînesse proprement dit, de la bekhora spirituelle qui le contraint à contrarier sans cesse son activité préférentielle. Sans doute était-il particulièrement exténué à ce moment parce que, si l’on ose dire, aîné d’Isaac et de Rébecca, petit-fils d’Abraham, il se trouvait dans la nécessité de courir deux lièvres à la fois, tandis que Jacob, lui, se trouvait en pleine possession de ses moyens et parfaitement disponible. Malgré tout, devant le plat dont Esaü ne perçoit que l’aspect externe, Jacob n’exerce sur son frère aucune emprise puisqu’il lui propose de lui acheter cette aînesse. Transaction qu’Esaü accepte pour le mobile qu’on a précisé. Après avoir fait son propre calcul « coût – avantage » il préfère l’instant présent à la construction de l’avenir promis à Abraham puis à Isaac. Car il faut maintenant s’interroger sur ce qu’est le propre de l’aînesse, au sens biblique en général et abrahamique en particulier.

On l’a vu, l’aînesse se dit en hébreu BeKhoRa, terme construit sur la racine BRKh dont les recombinaisons aboutissent, entre autres, à ces deux nouveaux radicaux, capitaux: BRKH, et RKhBBeReKh se retrouve dans BeRaKha, la bénédiction, dont on sait, d’une part, que c’est le viatique initial donné par le Créateur à l’Humain une fois celui –ci créé, de sorte qu’il puisse assumer sa vocation native (Gn, 1, 28) et, d’autre part, après la faillite des générations du Déluge et de Babel, qu’il reviendra personnellement à Abraham de la rétablir au bénéfice des familles de la Terre (Gn, 12, 2). Cette bénédiction originelle dont Esaü vient à son tour de se désister, Jacob ne la laissera pas un seul instant en déshérence, quelles que puissent en être les conséquences, telles que les relatera la suite du livre de la Genèse.

Quant au radical ReKhEb, on le discerne dans le concept en effet capital de MeRKaBa, centrale dans la vision du prophète Ezéchiel, qui désigne la structure, le soutènement, ce qui assure la stabilité d’une construction et sa pérennité, et c’est de cela dont Esaü se sera également désisté, lui qui en donnait à ce moment précis par sa « fatigue » mortelle l’image exactement inverse. Les deux frères cependant n’en resteront pas là …

Raphaël Draï zatsal, 20 Novembre 2014

LE SENS DES MITSVOT : PARACHA H’AYE SARAH

In Uncategorized on novembre 10, 2017 at 12:12

Haye Sara

« Sarah mourut à Kiriat Arabâ qui est Hébron dans le pays de Canaan ; et Abraham vint faire l’éloge funèbre (lispod) de Sarah et la pleurer (velibcotah) » ( Gn, 23, 2) 

Pour la première fois dans le livre de Beréchit nous est fait un récit de funérailles et celles ci concernent Sarah, l’épouse d’Abraham, sans laquelle il ne serait sans doute pas devenu «l’inventeur de l’Histoire» comme on a pu parfois le caractériser.

Sarah sera donc inhumée en un lieu qui comporte deux dimensions. La première est à la fois géographique et topographique. Sa sépulture sera située dans un lieu dit la « Ville des quatre » qui est simultanément nommé H’ebron. Ce dernier terme retient l’attention puisqu’il est construit sur la racine H’BR qui désigne le lien et le compagnonnage. La sépulture de Sarah sera donc symbolique de son existence qui aura consisté à relier – seconde dimension – l’en-bas avec l’en-haut, ce monde-ci et le monde qui vient, non sans difficultés et non sans avoir elle aussi traversé de nombreuses épreuves dont la dernière, la Akedat Itsh’ak, aura eu raison d’elle.

Cependant une vie ne s’anéantit pas avec le départ de ce monde et c’est sans doute pourquoi le récit biblique relate, sans en rien omettre, comment Abraham veuf reconduit son épouse, la compagne et la partenaire de sa propre existence, jusqu’à sa dernière demeure, pour reprendre l’expression consacrée, sans oublier que cette demeure là n’est dernière que dans le monde d’en-bas mais qu’elle est le lieu de passage vers le monde d’en-haut. Et c’est pourquoi Abraham défère à deux obligations elle aussi corrélées.

D’une part il s’acquitte de l’éloge funèbre, du hesped, de Sarah. Quelle en est la signification? Celle-ci donne l’exemple même de l’amour du prochain car à quel moment cette qualité risque t-elle d’être perdue de vue et même d’être abrogée sans rémission, sinon après le décès de la personne concernée, après qu’elle a été réduite, au moins en apparence, à un corps inerte, privé de parole, une « dépouille » que l’on serait tenté de considérer comme un déchet sans plus aucune valeur? Au contraire c’est à ce moment là que le défunt ou que la défunte voit consacrer son statut si l’on peut dire de prochain, un statut qui s’atteste par cet éloge, ce hesped, qui relatera et qui mettra en valeur tout ce qui a valu que cette vie, à présent absente, a valu d’être vécue.

Il ne s’agit pas ici d’un rituel d’apparence, de ce que l’on appelle parfois « l’expression obligatoire des sentiments », mais bel et bien de maîtriser une propension: celle qui assimile la mort à une dévaluation de la vie puisque tous les signes de celle-ci ont disparu. C’est à ce moment précis qu’à l’inverse d’une autre formule consacrée « le vif saisit le mort » et le projette dans le temps de la survie. Car qu’est ce qui mérite de survivre d’une existence sinon ce qui la hausse au dessus d’elle-même par tout ce que le défunt ou la défunte de son vivant a su accomplir et dont désormais il lui est fait inoubliable mérite…

Ce qui n’empêche pas la douleur de s’exprimer aussi. Abraham pleure son épouse ce qui témoigne à quel point ils furent attachés l’un à l’autre. Sans attachement il n’est pas d’arrachement. Les pleurs ici ne sont pas non plus de convenance. Ils marquent la réaction du corps face à ce qui désormais l’ampute d’une partie de lui-même. Une vie dite « commune » n’est pas constituée par la juxtaposition de deux vies parcellaires mais par leur symbiose au point de ne plus former qu’un seul être.

Et pourtant, au delà de cet arrachement pleinement exprimé et qui ne se limite pas à la durée « légale » du deuil, la vie doit à nouveau l’emporter, sachant qu’elle sera désormais, et plus que jamais, constituée par un avant et un après. La mémoire la plus inaltérable ne doit pas se confondre avec le deuil pathologique ni un décès avec une incurable blessure narcissique. Cette différence vitale est indiquée par une particularité de la transcription du récit de Beréchit puisque dans le mot « velibcotah » la lettre caph apparaît de moindre dimension que les autres. Ce n’est pas l’indication d’une consolation prématurée mais d’ores et déjà l’injonction discrète d’avoir à continuer de vivre afin de poursuivre l’œuvre voulue par le Créateur, le Consolateur par excellence lorsque le temps est venu de comprendre vraiment que le règne de la mort est circonscrit et temporaire, qu’une âme ne meurt jamais pour peu que les vivants acceptent d’en préserver la lumière.

Raphaël Draï zatsal, 13 novembre 2014

26 Novembre 2017 – La pensée et l’œuvre de Raphaël Draï : L’invention de la liberté responsable

In Uncategorized on novembre 6, 2017 at 11:39

 

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Institut Universitaire Élie Wiesel, 14 h

adresse: 119 rue La Fayette, 75010 Paris

Sous la direction de

Michel Gad Wolkowicz, Président de l’Association Internationale Inter-Universitaire Schibboleth

Raphy Marciano, directeur de l’Institut Universitaire d’Etudes Juives Élie Wiesel 

Franklin Rausky, Doyen de l’Institut Universitaire d’Etudes Juives Élie Wiesel

Un point de force de la pensée de Raphaël Draï fera l’objet d’une présentation commentée et critique de la part de chacun des intervenants à partir de leur disciplines respectives qui constituaient le champ de la pensée de Raphaël associant tradition juive et sciences humaines, qui nous laisse la responsabilité stimulante d’une transmission constitutive du choix de la vie.

Se croiseront et s’étaieront les unes les autres, la pensée psychanalytique, la pensée juive, le Droit, les sciences politiques, le sionisme, la bio-éthique, la philosophie…
(Depuis « La politique de l’inconscient », « La sortie d’Égypte », « Le mythe de la loi du talion », « Freud et Moïse ». « Psychanalyse, loi juive et pouvoir », « Lettre ouverte au Cardinal Lustiger », « La traversée du désert, L’invention de la responsabilité », « La communication prophétique », « Sous le signe de Sion », « Topiques synaptiques », à « Totem et Torah », en passant par ses textes dans les ouvrages de Schibboleth-Actualité de Freud-).
A partir d’une réfl exion de Raphaël Draï sur la signification de la liberté et de la culture dans la société, des auteurs des différentes disciplines et sensibilités, se retrouveront pour un colloque consacré à la mémoire
du regretté Raphaël Draï.

Cet hommage prend pour point de départ, l’ouvrage « Figures de la cruauté ».
Il s’agit de réfléchir ensemble à la problématique de la civilisation et de la barbarie à la double lumière de la pensée juive et la pensée universelle.

avec


Marc-Alain Ouaknin
(professeur des Universités, Rabbin, philosophe, Membre du Comité Scientifique de Schibboleth – Actualité de Freud . « Pensée juive, philosophie et psychanalyse »

Jean-Pierre Winter
(Psychanalyste, Fondateur du Coût Freudien, Membre du Comité Éditorial de Schibboleth- Actualité de Freud -) : « Le psychopathe, bras armé de l’antisémitisme »

Prof. Marc Zerbib (Professeur de Médecine, Chef de Service Urologie, Centre Hospitalo- Universitaire Paris-Centre) : « Et tu choisiras la vie ».

Franklin Rausky (Doyen de l’Institut Universitaire Élie Wiesel) : « Babel et Jerusalem ».

Daniel Draï (chef d’entreprise) » de L’Arbre de la Connaissance au Choix de la vie »,

Yaël Elkyess-Draï (juriste): La responsabilité en droit et selon la Loi Juive.

Michel Gurfinkiel (philosophe, économiste, essayiste) : pour l’ économie, les sciences politiques et médiatiques, le dialogue inter-religieux et le commentaire biblique : »Raphaël Drai, intellectuel et universitaire juif engagé »

Michaël Bar Zvi (philosophe, Université de Tel Aviv, Membre du Comité Éditorial de Schibboleth-Actualité de Freud) : « Sous le regard de Sion


Rav.Daniel Dahan
(Grand Rabbin dAix-en Provence, Docteur en Droit) : La Loi du Talion: mythe ou réalité ?.

Claude Birman (Professeur de philosophie; Professeur d’études juives á l’Université Populaire du Judaisme,Membre du Comité Éditorial de Schibboleth-Actualité de Freud) : « L’approche plurielle de Raphaël Draï. » (l’unité de dimensions diverses – le klal-,et :  » la même Thora, mais toute autre»

Thibault Moreau (psychanalyste, vice-président de Schibboleth – Actualité de Freud-) : « Le lieu mental ».

Michel Gad Wolkowicz (Prof. Psychopathologie, Universités Paris-Sud, Tel Aviv, Glasgow, psychanalyste, président de l’Association Internationale Inter-Universitaire Schibboleth – Actualité de Freud) : « Ouverture — Le meurtre est-il fondateur ? « 

 

               

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Génération scission ? – Arche Avril 1996

In Uncategorized on novembre 5, 2017 at 11:28

YitzhakRabin

L‘assassinat d’Itzhak Rabin autant que les commentaires qui l’ont suivi sont sources d’une anxiété que, pour ma part, je ne cherche pas a dissimuler. Notre génération, contemporaine de l’Etat d’Israël, est-elle vouée à se casser au moins en deux parties, à faire scission idéologique et sécession politique ? Dans des circonstances aussi tragiques, ni la bonne conscience ni l’alarmisme ne sont de mise et chacun de nous a le devoir de parler net. Cependant, la fin de la sonnerie du chofar doit tout de même éveiller notre aptitude à l’espérance.

Le meurtre du premier ministre d’Israël par un citoyen israélien est une catastrophe en soi. La catastrophe se différencie de l’accident. Celui-ci n’affecte que le fonctionnement d’un organisme ou d’une institution. Celle-là met en cause conceptions et fondements.  Le geste d’Igal Amir a des mobiles. ll a aussi des causes qui ne relèvent pas du même plan de l’analyse. Les mobiles ? Le meurtrier les a déclarés : Rabin aurait trahi le peuple d’Israël et l’histoire du peuple juif. Les accords d’Oslo officialiseraient cette trahison. Ils aboutissent à l’abandon aux mains des ennemis d’Israël de terres et de cités dans lesquelles l’histoire juive est écrite. Les experts psychiatres et judiciaires donneront leur sentiment sur la personnalité du tueur, qui aura droit à un procès respectant toutes les règles de l’Etat de droit israélien. Mais pourquoi est-il impossible de se limiter à ses propres déclarations ? Parce que son geste s’inscrit dans un contexte de violence et dé dénonciations d’une plus vaste ampleur. Cet été, circulait une lettre-tract dénonçant en effet Rabin comme escroc et comme bradeur du territoire d’Israël, signée par des personnalités d’un tout autre standing social, religieux et universitaire, et invoquant force références bibliques à tonalité apocalyptique. Chacun de ses signataires se reconnaitra dans ces lignes. Mais la encore, une fois la prise de conscience suscitée, l’analyse doit s’élargir. Les signataires de cette lettre ne sont ni des voyous ni des fascistes. Durant ces années qui viennent de s’écouler, et plus particulièrement depuis les accords de septembre 1993, leur sentiment de solitude et d’abandon n’a fait que croître. Montés en Israël après la guerre dite des Six jours, puis marqués à vie par le froissement des talits, à la hâte repliés le jour de Kippour 1973, déchirés ensuite par la guerre du Liban, ils n’ont cessé de se demander si leur alyah n’avait pas été une tromperie sur l’identité juive. C’est en ce point que l’analyse des mobiles individuels d’un forfait devrait s’articuler à celle des causes plus globales qui ont pu le susciter ou à tout le moins le favoriser.

Car deux Israël (s) semblent désormais se faire face, presqu’à en découdre : l’Israël religieux de Kyriat Arba et l’Israël laïque de Tel-Aviv. Cette polarité n’est pas de mon fait. Je l’ai entendue martelée dans le film diffusé par La Cinquième le samedi soir 25 novembre. D’un côté, des Juifs affirment qu’au titre de l’histoire véridique d’Israël les territoires inaliénables afférents a cette histoire sont ceux qu’illuminent Jérusalem, Hébron et Bethléem, — Abraham n’ayant que fort peu fréquenté les salons de massage tel-aviviens ; de l’autre, des Juifs affirment que le mouvement sioniste a été laïque dès son commencement et que la modernité du peuple d’Israël se situe précisément du coté de Tel-Aviv – Hébron, sinon Jérusalem, étant le bunker et le terrier d’un messianisme destructeur. La radicalisation des opinions en présence s’appréciera par les perspectives suivantes : d’un côté, fonder un Etat autonome de Judée  » vraiment juif « ; de l’autre, préparer  » une guerre de sécession  » à l’encontre des  » colons irrédentistes « , à l’image de la guerre que menèrent en 1861 les Etats du Nord de l’Amérique contre les Etats esclavagistes et racistes du Sud. Naguère, ces positions se seraient disqualifiées par leur extrémisme même. Aujourd’hui, il n’est pas sûr qu’elles n’expriment pas une opinion plus large, qui n’ose encore s’exposer ouvertement. Autrement dit, à présent ce n’est même plus le principe d’une scission qui est à craindre, mais déjà ses conséquences, le principe étant peu ou prou entériné en maints esprits. Cette scission s’aggravera si ces antagonismes se radicalisaient plus durement, notamment parce que des universitaires, des intellectuels, des chercheurs et des commentateurs de la Torah, au lieu d’identifier l’engrenage et de s’en préserver, se laissaient happer par lui, comme si l’appartenance à un parti, quel qu’il fit, ou l’adhésion à une vision de l’avenir, quelles qu’en soient les promesses, étaient absolutisées au point d’être payables par la fracture du peuple juif.

L’exemple du patriarche Jacob

Les épreuves multiséculaires de tous les dirigeants d’Israël, depuis la traversée du désert jusqu’à l’après-Shoah, furent toujours à deux degrés : l’épreuve proprement dite et, dans son déroulement, le danger toujours à surmonter d’une irréparable déchirure interne préfigurant l’anéantissement du peuple. L’épreuve actuelle de la paix ne saurait être présumée franchie si elle conduisait à laisser au bord du chemin la moitié des Juifs de la fin du XXème siècle.

Avec le meurtre de Rabin, nous découvrons que Caïn sévit toujours au sein de ce peuple qui lui a opposé le « Tu ne tueras pas ». Nous découvrons aussi qu’Israël danse au-dessus du volcan lorsqu’il se livre à ces polémiques dont chaque terme pave la route du fratricide. Combien de fois n’ai-je pas été stupéfié d’entendre des responsables politiques israéliens de tous bords s’écharper comme s’ils voulaient se démontrer à quel point ils étaient mutuellement étrangers au sein d’un même Etat ! Pour des ouailles moins professionnelles, des idées toutes faites et des slogans unilatéraux ont mené de la tension à la cassure. Par exemple : « Le messie maintenant », Ou « L’on ne peut faire la paix qu’avec ses ennemi ». Certes, mais en attendant il faut veiller a ce que vos amis ne se retrouvent pas de ce fait en conflit avec vous. Lorsque des peuples entiers sont imprégnés depuis des décennies par l’idée de guerre, la conversion à la paix d’un seul gouvernant ou d’un seul parti ne suffit pas à établir la paix dans les esprits. Lorsqu’un exil a duré deux millénaires il devient une forme de vie. L’ignorer, c’est supposer le problème résolu et s’exposer à de terribles déconvenues. Ceux que l’on appelle « colons », pour les disqualifier et les stigmatiser, comme si l’Etat d’Israël était assimilable à l’Algérie française ou à la Rhodésie, ont été incités à s’établir dans les lieux qu’ils habitent à présent parce que ces lieux leur étaient désignés par les gouvernements successifs de l’Etat d’Israël comme des sites de mémoire prophétique et des points stratégiques. Il n’est que de reprendre les argumentaires de l’alyah des années soixante-dix. Aujourd’hui, les voici désignés, au sein même du peuple juif, comme des galeux, des parasites et des fous qui ne seraient plus dignes d’en faire partie. Et l’on voudrait, en même temps, que la paix en cours ne fut pas marquée par l’on ne sait quelle panique interne, et qu’elle se déroulât sans encombre ?

Dans une de ces périodes sombres ou la division nourrit l’angoisse qui l’alimente en retour, ou les références de la Torah semblent incongrues et participer à la guerre civile du peuple juif, il peut être utile de reprendre l’exemple du patriarche Jacob. Apres que le rêve prophétique lui avait fait découvrir la splendeur de sa descendance, ayant rencontré les messagers de Dieu en chemin, le lieu de la rencontre de l’humain et du divin fut nommé mah ’anaym: le « double camp », la résidence à double dimension (Gn, 32; 1). Lorsque pressé par la peur d’Esaü il fut contraint d’organiser sa périlleuse survie, alors, au contraire. il « coupa le camp en deux moitiés » (Gn. 32 ; 8). Deux moitiés de camp laissent chacune d‘elle amputée de son complément. Dans un camp 21 double dimension, chaque moitié se renforce de la force et des valeurs de l’autre.

Puisse la mort de Rabin, l’homme qui finit par chanter la paix en conscience, mais parfois avec la gorge nouée, nous engager dans cette seconde voie, de sorte que, sortant d’exil, nous fassions enfin sortir l’exil de nous.

Raphaël Draï zal, L’Arche Janvier 1996

Chronique Radio J, 20 mars 2012

In Uncategorized on novembre 2, 2017 at 11:19

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Bonjour à tous et à toutes,

Le carnage qui s’est produit dans l’école Ozar Hathora de Toulouse nous saisit de stupéfaction. Commis de sang-froid, avec une préméditation terrorisante, il en appelle à toutes les institutions policières et judicaires du pays pour que son auteur, criminel entre tous, soit rapidement arrêté et traduit devant la juridiction compétente. Tant qu’il restera en liberté, chacun et chacune se sentira menacé dans sa personne et dans celle de ses enfants, aussi bien dans la région de Toulouse qu’ailleurs. Naturellement, il ne faut propager aucune psychose en ce domaine et il faut faire confiance aux chefs d’établissement pour prendre les mesures qui s’imposent mais il faut prendre garde aussi qu’un serial killer, puisque c’en est un, présente cette particularité pathologique : il fait des émules. La priorité des priorités reste donc l’enquête policière et judiciaire et s’il va de soi qu’en une pareille épreuve le chef de l’Etat se rende sur place, il va également de soi qu’aucune récupération politicienne ne soit admissible, de quelque camp qu’elle advienne. De ce point de vue des similitudes frappantes apparaissent entre la tuerie de Toulouse et celle de Montauban qui a coûté la vie à des militaires français dont l’un porte un nom à consonance arabe. Le tueur aurait-il alors cédé à une idéologie raciste devenue démentielle au point de l’inciter au passage à l’acte ?  Une fois de plus, seule l’arrestation effective de l’auteur de ces assassinats permettra de le savoir. En attendant il importe que les familles ainsi affligées soient assurées du soutien complet et effectif de la communauté juive mais également de la communauté nationale. Car quels que soient les mobiles de la tuerie ceux-ci s’aggravent par les nouvelles victimes choisies : des enfants avec leur encadrement adulte, et par le lieu où elle a été perpétrée : une école. Dans tout conflit, il est des êtres et des lieux sanctuarisés. L’école fait partie de tels lieux. L’avoir souillée par un déchaînement meurtrier d’armes à feu, déclenchées dans le but de tuer pour tuer, et par une désignation collective des victimes, devrait dépasser l’imputation requise en droit pénal ordinaire, si l’on osait cette formule. Tout crime vise l’humain en tant que tel mais un crime commis de cette façon et avec de tels buts vise à l’évidence au-delà de la dimension individuelle : il vise à sa façon la dimension collectivité d’humanité. Pour l’instant toutefois l’on se gardera de toute considération supplémentaire qui risquerait de devenir superflue si ce n’est malvenue. Puisque les élèves visés étaient ceux d’une école nommée Ozar Hatorah, littéralement la ressource de la Thora, il faut trouver dans la ressource de justice mais aussi dans les ressources de la prière la force d’affronter ensemble cette nouvelle épreuve

 

Raphaël Draï zal, Chronique Radio J, 20 mars 2012

LE SENS DES MITSVOT: PARACHA VAYERA

In Uncategorized on novembre 2, 2017 at 10:41

« Il dit « Ne porte pas ( al tichlah’) ta main sur le jeune homme (hanaâr) et ne lui fais rien (méoumah) car maintenant Je sais que tu es craignant- Dieu et tu ne m’a pas refusé ton fils, ton unique » (Gn, 22, 12).

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L’entreprise abrahamique est dirigée vers la reconstitution d’une humanité créatrice, bénie en tant que telle. Puisque l’homme est mortel, la création dont il doit être l’auteur ne peut s’inscrire que dans le fil des générations, des toldot, comparables aux générations, aux toldot, du Ciel et de la Terre. Encore faut-il qu’il accepte consciemment – et inconsciemment cette perspective et qu’il n’estime pas que si Histoire il doit y avoir elle se limitera à son existence personnelle. D’où l’importance décisive de la 10eme épreuve d’Abraham, de la Âkédat Itsh’ak, de la ligature d’Isaac qui a donné lieu à de multiples commentaires qu’il faut également savoir découvrir.

Jusqu’à présent, le récit biblique s’est attaché à la construction individuelle d’Abram, homme resté longtemps sans progéniture et sans descendance. On le sait, Abram est devenu Abraham par intégration de la lettre héi, celle de l’interlocution, dans la reconnaissance d’autrui par soi même et de soi même par autrui. Puis Abram, Abraham devenu, est appelé à devenir enfin père. Pourtant l’interrogation demeure: cet enfant, le père est- il porté à l’inscrire précisément dans la suite des générations, en l’érigeant en auteur d’une histoire vivante, ou bien n’est-il entre ses mains que chose parmi les choses, dont il peut disposer à sa seule convenance? On sait également que dans cette période de l’aventure humaine qualifiée à tort d’Antiquité, tant elle demeure prégnante psychiquement, les géniteurs avaient droit de vie et de mort sur leur progéniture. C’est ce butoir là dont le récit biblique décrit le dépassement.

Tout commence par une injonction « classique » du point de vue que l’on vient de rappeler. Une divinité anonyme (expression de l’instinct plus que voix de la conscience) enjoint à un individu de sacrifier son fils, de le vouer à un holocauste. L’individu en question s’exécute, cédant sans objection audible à la poussée de ses instincts infanticides. Et le processus sacrificiel se déroule sans que rien ne nous en soit épargné. Jusqu’au moment fatidique où Abraham en personne se saisit du coutelas pour procéder à la phase ultime du sacrifice rituel et infanticide. C’est à ce moment même qu’une toute autre voix se fait entendre de lui pour lui enjoindre au contraire de ne pas porter la main sur cet être issu de son être et qui s’est complètement rendu à sa merci, de ne pas lui causer de dommage physique, et aussi de ne lui causer aucun autre préjudice, d’aucune sorte; et c’est de la sorte qu’Abraham se révélera « craignant Dieu », le Dieu non des pulsions instinctuelles et sacrificielles qui interdisent le déploiement intergénérationnel de l’Histoire mais le Dieu des générations liées entre elles, dirigées vers un avenir aussi ouvert et fécond qu’elles seront nombreuses et vivaces.

Car c’est sans doute ainsi que peut se comprendre la conclusion de l’injonction divine: Abraham n’a pas considéré qu’il disposait d’un pouvoir absolu sur son fils, au point de ne plus entendre la Parole divine et la Loi qu’elle proclame et promulgue à cet instant. Car le verset générique ici commenté doit être entendu et compris comme la proclamation et la promulgation des droits de l’enfant, et du premier d’entre ces droits: celui d’être considéré et reconnu dans sa généalogie, certes, mais aussi comme source spécifique de l’Histoire, comme génération (dor) créatrice. Autrement on ne comprendrait pas une autre loi, celle qui sera proclamée et promulguée cette fois au Sinaï: « Honore ton père et ta mère ». Comment la 5ème parole pourrait elle être acceptée par des enfants non reconnus personnellement, placés sous la menace de mort d’un père et parfois d’une mère nominaux, sans aucun lien affectif et qui ne désirent aucun prolongement de leur être… D’un point de vue pédagogique, d’une pédagogie du vivant, le verser 12 du chapitre22 de la Genèse et le verset 12 du chapitre 20 de l’Exode sont intiment corrélés et forment le chenal par lequel les toldot de l’Humain et celles de l’Univers se corrèlent à leur tour.

 Raphaël Draï zatsal, 6 Novembre 2014