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LE BOXEUR A L ETOILE DE DAVID – Arche Décembre 2006

In Uncategorized on décembre 30, 2015 at 11:50

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Alphonse Halimi, champion du monde de boxe des poids coq en 1957, s’est éteint à l’hôpital Bichat, le 13 novembre 2006, d’une pneumonie. La maladie d’Alzheimer l’avait déjà complètement miné. Il était âgé de 75ans. Qu’un champion meure dans ces conditions indignes est plus qu’un signe des temps. Non pas que les vedettes d’un jour, d’un mois ou d’une année ne subissent souvent ce sort tragique, fait de chute sociale et d’oubli dissolvant. Mais en même temps, il semble que tout un système de valeurs s’en trouve ébranlé. Alphonse Halimi n’a pas été que cette « petite terreur » des rings sur lesquels il brilla de 1955 à 1962, avec son dernier championnat d’Europe disputé et remporté à Tel Aviv. Pour notre génération, il représenta bien plus qu’un boxeur d’exception ou une sorte de surhomme. Il incarna plutôt un homme tout court, capable d’accomplir l’ascension des sommets tout en restant fidèle à ses origines et à son peuple. Alphonse Halimi est né à Constantine en 1932 dans une famille nombreuse, d’une extrême pauvreté. Qui ne connaissait ses parents et surtout sa mère, une forte petite femme, qui ne se laissait impressionner par rien ni par personne en dépit, ou peut être à cause de sa condition précaire! Comme toutes les femmes juives de ces années là, elle avait enduré les ordonnances pétainistes, l’abrogation du décret Crémieux et le renvoi des enfants juifs d’Algérie des écoles de la France. Toute une génération avait ainsi été exclue du circuit scolaire puis universitaire, avec quelques brillantes exceptions mais qui ne sauraient racheter ce véritable infanticide scolaire. Cette génération qui précéda la mienne de quelques années n’avait retiré d’une épreuve si cruelle ni rancoeur ni sentiment d’humiliation mais le désir de s’affirmer autrement, par d’autres moyens, en conservant intacte l’énergie d’une révolte qui eût pu se dégrader dans la « voyouserie » et dans la grande délinquance. Il faillait l’emporter sur le destin mais par les moyens que nous permettaient moralement nos grands rabbins, si peu dogmatiques mais tellement exemplaires. Pour les uns, la passion scolaire sauta une génération. Pour les autres, les chemins de l’art s’ouvraient ou se confirmaient – songeons au peintre Atlan. Pour d’autres encore, le sport se proposait telle une voie royale. Encore fallait-il avoir la force de s’y engager et celle de s’y maintenir aussi longtemps que possible. A Constantine, comme dans toute l’Algérie, les bagarres de rues étaient quotidiennes. Camus en a parlé à sa façon dans L’Etranger. Le point d’honneur y était toujours à vif mais il excluait que l’on allât se plaindre auprès de la police en cas de raclée. Cependant, faire jouer ses poings dans une ruelle, une cour de récréation ou dans un bar et devenir champion du monde ne requiert pas les mêmes qualités. Alphonse ne se contenta pas d’être un bagarreur. Il devint un véritable boxeur, intégrant les règles et les contraintes fort éprouvantes de ce sport qui est aussi un art physique autant que moral lorsqu’il est exercé comme il se doit. Alphonse franchit toutes les étapes de ce parcours où la sueur et le sang se mêlent: des rues constantinoises au championnat de France, aux championnat méditerranéen puis au championnat du monde. Lors de son combat pour le titre mondial contre d’Agata en 1957, nous étions tous suspendus à nos postes TSF. Il n’y avait plus âme qui vive dans les rues de la ville suspendue dans le vide. Ce n’est pas seulement que nous soutenions, comme il se doit, l’enfant du pays: Alphonse boxait avec un Maguen David sur son short de satin. Dans cette attitude il ne fallait voir aucune rodomontade car l’issue des combats de boxe est toujours incertaine. Alphonse du haut de ses vingt cinq ans voulait surtout signifier, à sa manière, que les Juifs eux aussi étaient capables de se battre et de vaincre. Avec lui, en effet, le peuple juif reprenait le combat sur tous les terrains où il devait se dérouler. C’est en cela qu’il fut un exemple pour nous, comme l’autre champion du monde de boxe, originaire de Bône: Robert Cohen ou comme le nageur Alfred Nakache. En toutes ses disciplines, le sport prit une place très importante dans la jeunesse de Constantine avec des entraîneurs qui vouaient un immense respect à ces champions hors du commun et qui tentaient de nous placer dans leurs traces, au moins moralement, en nous inculquant le sens de l’effort continu, le respect de l’adversaire, le courage de l’affronter sans sourciller, mais aussi la possibilité de la chute avec l’obligation de se relever et celle de rester dans la partie jusqu’à la fin. Car ces champions étaient d’une réelle humilité laquelle procédait de leur éducation reçue à la maison. Tout champion du monde qu’il était, Alphonse savait qu’à l’égard de son père ou de sa mère il demeurait tel un enfant parmi ses frères et ses sœurs. C’était le temps où l’on se souciait plus du comportement humain que de l’image fabriquée à l’usage de foules en mal d’émotions troubles. Je revois la mère d’Alphonse au cinéma Vox, celui qui se situait au cœur du quartier juif. Nous l’y appelions lorsque les Actualités Pathé diffusaient des séquences des combats de son fils. Dans la salle de cinéma, elle houspillait l’écran comme si elle se fût trouvée dans la cour de sa maison: «Alphonse! Alphonse que fais tu là bas, donnant des coups et en recevant! Penses-tu à tes parents et à ce que vont dire les gens ! ». Nous la prenions alors dans nos bras avec tendresse : « Mais, Madame Halimi, votre fils n’est pas entrain de distribuer des coups de boule à la brasserie du « Cambrinus ». Alphonse est champion du monde! Vous comprenez: Champion du Monde! ». Et elle nous répondait vertement, en judéo-arabe : « Champion ou je ne sais quoi, ça n’est pas un métier. J’aurais tant voulu que mon fils ait un emploi tranquille et qu’il se retrouve chabbat à la maison! ». Nous la reprenions dans nos bras en évitant d’attiser ses colères mémorables : « Madame Halimi, votre fils est une lumière d’Israël ! ». Et elle répliquait : « Vous arrive t-il de vous demandez ce qu’il deviendra lorsqu’il ne pourra plus boxer? Qui se souciera de lui? Je ne serai plus là ». Et, comme les meilleurs, Alphonse Halimi dut raccrocher les gants. Il ne revint pas à Constantine puisque l’année même de son dernier championnat d’Europe l’Algérie devient indépendante. Il lui fallut donc survivre et commença une descente inexorable, à pente si graduée que nous n’en entendions pas parler. Un champion du monde ne se plaint pas. Emportés nous-mêmes par la tourmente du déracinement, nous évitions de trop penser à ce qui rappelait le pays d’avant, ses peines et ses gloires. Au détour d’une phrase nous apprenions qu’Alphonse Halimi avait ouvert un bar du côté de Vincennes. Puis que les affaires n’avaient pas été très florissantes. Qu’on lui avait trouvé un petit poste à l’Institut National des Sports; qu’il était devenu maître nageur… Et puis plus rien jusqu’à cette triste nouvelle de novembre: Alphonse Halimi, notre étoile, décédé à l’hôpital sans assistance digne de ses exploits. Avec juste une aide caritative de la Fédération française de boxe. Cette mort m’a fait penser à celle du poète Celan se foutant à l’eau comme si nul ne l’avait connu dans notre Communauté. J’en éprouve de la tristesse et de la honte. Jamais Alphonse, lui, n’aurait laissé le moindre d’entre nous se battre seul. Et ces dernières années, Alphonse Halimi avait affronté les plus terribles des adversaires: la maladie, la solitude, l’oubli des jours glorieux, la dissolution de la conscience. Face à eux nous venons de perdre un combat décisif: celui de la solidarité et de la reconnaissance. Mais si l’Eternel nous écoute et nous aime, qu’il nous accorde la revanche. Pour la mémoire d’Alphonse et de sa mère.

         Raphaël Draï zal, L’Arche Dec 2006

 

DEPREDATIONS MEDIATIQUES – Radio J 27 décembre 2010

In Uncategorized on décembre 28, 2015 at 12:37

La condition juive exclut l’idée de vacances. Peu avant Noël, France Inter a diffusé en boucle un « reportage » selon lequel, à Jérusalem, des Juifs religieux se livreraient à des actes de violence physique et symbolique contre des établissements, des habitants, des pèlerins ou des passants chrétiens. Et aussitôt certains autres Juifs, particulièrement vertueux, de clamer leur indignation avec force effets de manche éthiques afin de rappeler le peuple d’Israël aux grands principes qui doivent commander ses comportements. Or en tout, et y compris en morale, l’excès est nuisible. L’Etat d’Israël est un Etat de droit. Quiconque y subit un préjudice ou y souffre une offense peut déposer plainte à la police ou saisir des tribunaux dont la réputation n’incite pas à la complaisance. De là à mettre en cause cet Etat tout entier, ou une sensibilité religieuse tout entière, comme si ces actes de violence, inadmissibles ici comme ailleurs s’ils étaient avérés, étaient commis à leur instigation, il y a de la marge. Alors France Inter ou France Intox? Car il n’aura échappé à personne que ce « reportage » a été diffusé juste avant Noël. Aurait-on voulu salir de manière délibérée la présence juive dans la Ville sainte, sur la terre Sainte, l’on n’aurait pas autrement procédé. L’on devrait alors constater une manoeuvre supplémentaire dans la stratégie actuelle de déligitimation de l’Etat « Juif ». Fallait-il également déployer un écran de fumée devant la persécution des chrétiens en terres d’Islam, persécution réelle pour le coup et que le Pape vient de condamner fermement surtout après les violences commises durant la nuit de la Nativité. Il faudra donc se pincer très fort pour se convaincre qu’en l’occurrence France Inter a honoré ses obligations de service public en matière d’information digne de ce nom. Il n’en va pas autrement avec cet autre « reportage » diffusé cette fois par un hebdomadaire à sensation, reportage relatif à la dénonciation par des militaires israéliens de cruautés et de violences qui auraient été cyniquement commises par Tsahal en violation des droits de l’Homme et du droit international de la guerre. La encore, aucune enquête contradictoire. La presse mercantile, le prolétariat journalistique et la volonté de nuire auront eu le pas sur le souci d’informer, tout simplement. Puisque nous en arrivons à la saison des vœux, formons celui-ci: que les auteurs de ces reportages à sens unique et à forte teneur idéologique le comprennent: loin d’entamer la volonté de vivre de l’immense majorité des israéliens, leurs déprédations la renforce. En cette période de l’année, le tourisme en Israël bat des records et les pèlerins affluent par avions pleins à ras bord. L’Histoire à venir pourrait à son tour être pleine de surprises.

                               Bonne année 2010.

 

                     Raphaël Draï, chronique de Radio J du 27, 12, 2010.

ETHIQUE JUIVE ET EXTREMISMES – QUEL « FRONT NATIONAL »? – ActuJ Oct 13

In Uncategorized on décembre 13, 2015 at 3:35

 

Alors que la République française perd un à un ses points de repère, avec la confusion des esprits que cette extinction engendre, il importe de rappeler l’axiome essentiel de l’éthique politique juive: « Prie pour la paix de l’Etat; n’était le respect qu’il inspire chacun avalerait son voisin tout vif ». Quelles leçons en tirer pour la situation politique actuelle, au regard notamment de la victoire du Front national à l’élection cantonale de Vitrolles, ce qui n’eût été qu’un épiphénomène si des sondages récurrents et convergents ne plaçaient invariablement Marine Le Pen en tête des personnalités les plus populaires en France et son – nouveau? – parti en tête des prochaines Européennes? La science politique ne s’accommode ni de la démonologie ni de l’apologie aveugle. Marine le Pen est la fille de Jean-Marie le Pen. Il s’agit de savoir si l’affiliation idéologique suit l’affiliation à l’état civil. Héritière politique de son père en assume t-elle l’héritage anti-juif? Car, si Marine Le Pen ne cesse de déclarer ou de faire dire qu’elle n’est pas antisémite, et que ce n’est pas de son fait si elle n’est pas entrée officiellement en contact avec des représentants de l’Etat d’Israël, elle marchera longtemps dans l’ombre d’un père dont les mots d’esprit répugnants et l’apologie du pétainisme l’ont érigé en figure répulsive pour la communauté juive de France. Pendant longtemps la fille a ainsi subi la stigmatisation du père dont le parti était rejeté au marges extrêmes de la vie politique, ce qui n’empêchait que l’on s’en servît à des fins de manipulation électorale. Le reproche acerbe en a été adressé à François Mitterrand. Si le Front National ne compte aujourd’hui que deux députés à l’Assemblée Nationale, au temps du mittterandisme il en comptait un bien plus grand nombre sans que la République ait sombré. Marine le Pen l’a compris. Son élection à la tête du Front National l’obligeait à ménager son père avec les affidés de celui-ci et à ouvrir grand les portes et fenêtres du parti, d’abord en se faisant admettre comme l’une des figures incontournables du PAF puis en faisant habiliter le Front National comme une formation politique « normale » et légale, se réclamant à corps et à cris de la morale républicaine. Elle y a réussi. Cependant, pour aussi intelligent qu’ait pu être son « reloookage » et l’accession aux affaires d’une nouvelle génération, elle n’y serait guère parvenue si les partis républicains patentés n’avaient entrepris de s’auto-démolir et de s’entre-tuer. Extrémisme de l’irresponsabilité. Après vingt années d’opposition, la Gauche est revenue au pouvoir en 2012, promettant monts et merveilles. Depuis, pas un seul véritable emploi n’a été créé. La fiscalité prend des allures de racket et nul jour ne se passe sans que des ministres du gouvernement Ayrault ne se déchirent à belles dents. Le président de la République, lui, reste rivé à sa lorgnette, guettant le retour du beau temps. A droite, le tableau est non moins lamentable. D’abord privée de chef après la défaite de Nicolas Sarkozy, l’UMP s’en est donné un: Jean- François Copé, avant qu’un deuxième ne surgisse: François Fillon, tandis qu’un troisième se prépare à remonter en selle. C’est dans l’hiver 2013, au pire moment de l’étripage entre les deux premiers, que le tocsin a sonné. Aucun régime politique ne dure lorsque majorité et opposition se trouvent simultanément en crise majeure. Dans l’opinion publique, la déception dépressive s’ajoute à la désillusion féroce. Telle est la raison non pas exclusive mais prépondérante de l’irrésistible montée sondagière de Marine le Pen: dans la déliquescence de la Vème république elle a fini par incarner l’espoir d’une alternative. Les réactions affectives n’y feront rien. On s’écriera que le programme économique du FN est délirant et inapplicable. Celui de la Gauche s’est-il avéré plus opératoire? Et la Gauche des bons sentiments a t-elle mieux réussi dans l’intégration à la République de l’Islam? Manuel Vals y est diabolisé. Le grand philosophe anglais Hobbes l’avait souligné: le Léviathan apparaît lorsque les régimes se décomposent. C’est pourquoi l’année électorale 2014, sauf miracle économique urgent, risque d’être sismologique en consacrant la primauté du Front national dans l’opinion publique. En cette perspective, il importe que le leadership de la communauté juive soit plus uni que jamais, surtout en considération de son propre agenda électoral qui s’annonce houleux. Si les temps à venir sont incertains, l’on n’aura pas manqué d’avertissements.

Raphael Draï, zal 18 Octobre 2013

Marine le Pen, Radio J le 2 juin 2014

In Uncategorized on décembre 7, 2015 at 12:21

Face aux transformations actuelles de la Vème république, on s’est souvent demandé si le Front National était vraiment un parti comme les autres, en mesure de s’intégrer dans le jeu républicain et de préserver la démocratie. Le 25 mai dernier il a semblé que la question avait reçu une réponse positive puisque le corps électoral, en dépit d’une forte abstention, l’avait placé avant l’UMP et le PS.

Et puis, patatras, a été diffusée sur les réseaux sociaux l’interview de Marine le Pen par Guillaume Durand sur la chaîne publiquement subventionnée, Public Sénat. Et qu’entendons nous alors: que Marine Le Pen serait toujours persona non grata pour tout un groupe de communication, Publicis si l’on a bien compris, où non seulement on lui faisait toujours barrage mais où on la combattait parce que selon elle cette engeance dans laquelle précisait elle « on se marie entre soi » captait indûment pouvoir et argent, pour imposer son arbitraire médiatique. Pourtant qu’on se le dise: cela ne durerait pas très longtemps. Une fois devenue présidente de la République, Marine le Pen se faisait fort de confisquer le pouvoir de cette engeance et de le restituer aux Français. La charge était d’une telle violence que Guillaume Durand n’a pu alors réprimer un haut le corps, retenant par devers lui le qualificatif d’antisémitisme qui lui paraissait pourtant aller de soi car l’on sait que le présidente du Front national assigne en justice quiconque prétend mettre en doute son label républicain. Il n’en demeure pas moins que les étiquetages politiques suivent les propos explicites de leurs auteurs. Il faudrait alors que la présidente du Front National, dont on ne sache pas qu’au titre de sa conception personnelle de l’exogamie elle partage son existence avec un membre de la Ligue communiste révolutionnaire, nous explique comment elle s’y prendrait pour ramener Maurice Lévy et consorts à la saine raison.

Fera t-elle voter à leur encontre une loi de nationalisation? Désignera t-elle ensuite un séquestre de ce patrimoine? Et enfin puisqu’il ne s’agit de rien d’autre que de rendre aux Français le pouvoir abusivement détenu par le groupe vampirique, privera t-elle de leur nationalité les dirigeants, les membres et les actionnaires de cette entreprise de dimension mondiale? Le programme, on le constate, ne manque pas d’ambition.

La seule difficulté est qu’il paraisse terriblement daté. Depuis plus de dix ans à présent, Marine le Pen tente de convaincre la France qu’elle incarne une génération politique nouvelle, une extrême droite digne de gouverner. Pour la circonstance, elle vient de démonter exactement le contraire, que son « relookage extrême », comme on dit dans certaines émissions télévisées, n’est vraiment pas une réussite, qu’un masque reste un masque Ce qui impose plus que jamais en France la constitution d’un véritable rassemblement démocratique où se taisent enfin les ambitions personnelles au profit du bien commun.

Comme disait Faulkner, cité par le très regretté Jean François Mattéi: « le passé ne passe pas parce que ce n’est pas le passé ».

                 Raphaël Draï zal, Radio J, le 2 juin 2014.

H’anoukiot

In Uncategorized on décembre 6, 2015 at 12:04

Au temps de H’annouca, les ciels diamantifères

Brillaient d’un bleu mordant sur le quartier Welvert

Et dans les bars l’anisette avec la morue frite

Jetait de la blancheur jusqu’au fond des guérites.

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Une à une les lumières montaient la nuit

Inscrivant dans les yeux le bel exemple qui luit,

Celui de Juda Maccabée contre Epiphane

Et celui de H’anna contre le roi profane.

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Et lorsque la neige ensevelissait la Ville

Nous allions à l’école au pas des serre-files,

Raclant de nos galoches les trottoirs glissants,

Le cartable fixé à nos dos de dix ans.

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Nos mères attendaient le repas de midi

Priant pour nos santés, Ah yah Rebbé Sidi;

Sur la table les plats de fèves au cumin

Allaient nous réchauffer des rigueurs du chemin.

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Au bout de ces huit jours la lumière plénière

Nous promettait proches floraisons printanières,

Les Psaumes se chantaient accompagnés au luth,

Les plus beaux piyoutim au son vif de la flûte.

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Ces huit Lumières ne se sont plus éteintes,

Elles nous protègent comme des murs d’enceinte;

Avec celles de Paris, celles d’Israël

S’en vont éclairer jusqu’aux étoiles du ciel.

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H’ag saméah

 

Raphaël Draï, zal, 23 décembre 2011

L’EXISTENCE D’ISRAËL ET L’ESPRIT DE H’ANOUCCA, Radio J 10 Dec 2012

In Uncategorized on décembre 5, 2015 at 11:30

L’histoire du peuple juif se déroule toujours à l’intersection de deux lignes, celle d’une histoire, immémoriale, et celle de l’actualité la plus brûlante. Il ne faut perdre de vue ni l’une ni l’autre. Cette semaine est celle de la célébration de H’annouca, la fête de la lumière, celle qu’aurait voulu obscurcir le pouvoir démentiel d’une Grèce oublieuse d’Aristote. Et en même temps, c’est celle qui succède aux jours anxieux qui ont vu la majorité de l’AGNU reconnaître un « Etat observateur » de Palestine qui observe surtout la meilleure manière possible de détruire l’Etat d’Israël. Et c’est à l’intersection de ces deux lignes névralgiques que naît une inquiétude tenace, indissociable de l’espérance indéfectible du peuple juif. Inquiétude en effet lorsque l’on assiste au retour triomphal et en toute impunité d’un Khaled Méchal sur le territoire de Gaza et qu’il y célèbre la « victoire » du Hamas face à un fétiche géant reproduisant un de ces engins de mort constamment propulsés contre la population d’Israël pour tenter d’y provoquer le plus dégâts possibles. A ce propos il convient de revenir à la communauté juive de France face à la décision de sa diplomatie française de voter oui le 29 novembre. En reconnaissant qu’à ce sujet sa mobilisation effective a été bien plus faible et moins visible que l’an dernier, il ne s’agissait pas de laisser entendre que rien n’avait été tenté mais dans une indispensable discrétion. L’affirmer serait injurieux pour le ou les leaders concernés et les exposer au grief de forfaiture compte tenu de leurs responsabilités électives. On a voulu surtout mettre en question l’inadéquation de cette sorte de politique avec l’objectif poursuivi. Une démarche discrète ou qui ne puisse s’annoncer à son de trompe, comme cela se comprend, ne doit pas moins être appuyée simultanément sur des actions menées au grand jour, aussi larges et aussi visibles que possible, afin que les autorités publiques, surtout sensibles aux rapports de force, s’y montrent attentives. Chacun en jugera pour la communauté juive de France au regard par exemple de la communauté juive d’Italie, trente fois moins nombreuse. Face à la décision du gouvernement de Mario Monti de soutenir la demande de l’Autorité palestinienne, elle a réussi à mobiliser quelque cent parlementaires italiens contre cette décision, au passage celle d’un gouvernement moribond.

Indépendamment des modalités pratiques de telle ou telle action, la communauté juive est également en droit d’être informée clairement de ce qui la concerne compte tenu de sa proximité affective et souvent familiale avec la populations d’Israël. A moins qu’on la tienne pour pratiquement inexistante, réduite à un carré d’institutions plus ou moins privatisées et de petites cellules coupées du réel. Aucun plaidoyer auto-justificatif et surtout aucune invective ne prévaudra contre ces obligations. En ce sens, et dans cette période précise, il faut une fois de plus rappeler que si la vie de la communauté juive de France se réduisait à éponger les insanités de l’antisémitisme et de l’antisionisme son existence ne sera plus que végétative. La symbolique de H’annouca le rappelle avec force et insistance. Par leur détermination et par leur intelligence des rapports de force, physique et spirituelle, les Hasmonéens pour la première fois dans l’histoire du peuple juif ont vaincu une puissance militaire plus grande que la leur. Mais c’est aussi le manque de lucidité de leurs continuateurs qui a conduit les légions romaines en terre de Judée. Allumer les lumières de H’annouca c’est les apporter au monde, certes. Encore faut-il au préalable y avoir éclairé notre propre esprit.

                                       Raphaël Draï

                               Radio J le 10 décembre 2012

AN 2002 – LA COMMUNAUTE JUIVE DE FRANCE DONNEES ET DEFIS (L’Arche Décembre 2002)

In Uncategorized on décembre 4, 2015 at 12:46

Une enquête sur les Juifs de France en 2002? En période de si profonde inquiétude et de doutes si nombreux? Autant vouloir changer les roues d’un véhicule en pleine lancée. Pourtant, pour risqué qu’il soit, l’exercice est parfois nécessaire. Lorsque l’inquiétude grandit, lorsque les fantasmes et les peurs l’infectent, il est nécessaire de revenir aux réalités. Celles-ci, avant tout, se chiffrent et se configurent. Au fait: les Juifs de France, combien sont-ils? Et puis à quelles valeurs s’identifient-ils? Leur inquiétude incontestable va t-elle jusqu’à remettre en question l’avenir d’une communauté juive en France même? Et d’ailleurs va t-il de soi que l’on se pose tant de questions lancinantes moins de cinquante ans après la libération du territoire français occupé par les armées du Reich, et quarante ans tout juste après l’arrivée des quelques cent mille Juifs éradiqués d’Algérie? Un premier chiffre en forme de confirmation frappe l’attention. Contrairement aux fantasmes des hallucinateurs du « lobby juif »en France, la communauté juive de ce pays ne compte pas plusieurs millions d’habitants qui tous résideraient dans les quartiers huppés, tandis que leurs élites se rencontreraient clandestinement au Métro Bourse. La communauté juive de France compte un peu plus de 500 000 personnes, pour la plupart réunies dans Paris et la région parisienne. Les autres se regroupent dans les grandes cités de l’Hexagone, pas forcément là où le soleil est le plus constant mais là où il n’est pas impossible de former un minian. Car la vie s’en vient et, hélas aussi, s’en va et dans les deux cas il y faut quelques prières. Ce chiffre modeste peut faire d’abord l’objet d’une évaluation interne. Si la communauté juive de France est à présent la plus peuplée d’Europe, ce n’est pas qu’elle soit en forte croissance endogène. L’Europe s’est profondément désertifiée de ses Juifs depuis la Shoah pour les raisons qu’il n’est plus besoin de souligner. Alors, la France est-elle une exception? Un refuge? Un vestige? A vrai dire ce chiffre ne prend son sens intense qu’au regard des bouleversements actuels de la sociologie religieuse et donc politique de la France et, notamment, au regard des quelques quatre millions – au moins – d’arabo-musulmans qui s’y trouvent et y demandent l’intégralité de leurs « droits », pour reprendre un slogan de Tarik Ramadan, tandis qu’un anti-israëlisme – pour ne pas dire un anti-judaïsme – virulent, déclaré ou mutique, les gagne massivement. Depuis la fin des années 70, la position démographique de la, communauté juive s’est profondément dégradée. A présent elle se trouve numériquement reléguée en dernière position, loin derrière les communautés catholique, islamique, protestante, orthodoxe slave et bouddhistes. Cela n’aurait d’autre signification que statistique, si précisément le nombre n’était devenu, au fil des ans, un « indicateur » de réalité politique. Le tristement célèbre rapport Boniface pourrait-il se comprendre autrement? S’adressant aux leaders socialistes mais cherchant une oreille beaucoup plus large, il tentait d’accréditer l’équation anti- républicaine entre importance politique réelle et chiffre de la population effective. Froisser les Juifs? Voire les piétiner? Qu’importe. Tant à se fâcher, autant le faire avec le plus faible nombre, insusceptible par ailleurs de croître d’avantage. La leçon devrait porter. Il est inutile d’arguer du faible chiffre de la population juive pour tenter de faire le bon élève de la classe, pour rejouer les « fous de la République » et les accros de la démocratie. En considérant la progression de la mentalité démagogique, avancer ce chiffre comme un label de bonnes vies et mœurs civiques, c’est ipso facto faire aveu de faiblesse. Le suffrage universel s’alignant désormais sur l’audimat télévisuel comment autrement s’étonner que rien ni personne dans cette communauté ne puisse infléchir en quoi que ce soit la politique pro-arabe de la France? En ce sens, les prestations de Jacques Chirac lors du sommet de la francophonie au mois d’octobre à Beyrouth ont eut tôt fait de fossoyer les espoirs de plus grande impartialité soulevés par Jean Pierre Raffarin et Dominique de Villepin. Comment espérer aussi que les grands médias nationaux, surtout télévisés, relayés notamment dans tout le Maghreb, abandonnent ce qui n’est plus au fond qu’une attitude de mépris à l’encontre de l’immense majorité des citoyens français de religion et même de sensibilité juive, comme on a pu le vérifier lors des grandes manifestations d’avril dernier? Alarmes excessives? Inquiétudes infondées? Complexe obsidional? La soupçon aurait été plausible si les membres de cette communauté ne constituaient qu’un ramassis d’illettrés primaires portés aux identifications grégaires. Ce que l’enquête de 2002 révèle et établit c’est qu’au regard de la moyenne nationale, la communauté juive de France compte le plus grand nombre de bacheliers et de diplômés de l’enseignement supérieur. On est loin d’y pratiquer le prêt à penser et l’embrigadement confessionnel même si un très fort sentiment d’appartenance culturelle et religieuse s’exprime en même temps chez la plupart de ses membres. A quel titre d’ailleurs lui en ferait-on reproche alors que le Pape en plein Parlement italien croit devoir une nouvelle fois rappeler les citoyens européens aux « racines chrétiennes de l’Europe », tandis que Valery Giscard d’Estaing fait obstacle de son corps à l’inassimilable Turquie au risque de faire se retourner Pierre Loti dans sa tombe? Au surplus, non seulement, cette communauté ne se coupe pas de la communauté nationale, mais elle cultive des valeurs propres que cette même communauté nationale voudrait bien voir largement diffuser dans ses zones sensibles: le respect des autres et de soi, l’attachement familial, la solidarité envers les plus démunis, intra comme extra muros, le souci de comprendre, l’aspiration à une paix qui ne soit pas un jeu de dupes. Quoi que l’on pense des écoles juives, des centres communautaires, de l’état des mouvements de jeunesse ou de celui du rabbinat, ce résultat n’aurait pu être atteint depuis au moins cinq décennies sans un lent et patient et méritoire travail d’éducation et de socialisation, aussi ouverte que controversive. En cherche t-on une preuve supplémentaire? L’enquête de 2002 souligne justement que désormais la majorité des chefs de familles juives sont nés en France et n’ont plus avec le pays d’origine de leurs parents qu’un lien de mémoire. Faut-il alors rappeler que la communauté juive de France a reçu dans les années 61 et 62 plus de cent mille juifs rapatriés en catastrophe d’une Algérie en situation apocalyptique? Que malgré la faiblesse de ses moyens elle a su au moins y faire face sans cultiver la haine et recuire le ressentiment? Que de très nombreux juifs ont vécu et vivent parfois encore dans des barres de HLM? Qu’ils ont accepté des petits boulots? Que le chômage ne les épargne pas? Qu’ils ont néanmoins eu à cœur de surmonter dislocations familiales, déprimes tenaces et autres tragédies plus graves? Que, cependant, leurs enfants sont aujourd’hui les dépositaires d’une mémoire à peu prés heureuse, disponible pour toute réconciliation qui se voudrait sincère? Or c’est précisément cette réussite-là qui engendre à présent tensions, désarroi et parfois colère, quand elle n’incite pas à l’émigration, selon les schémas classiques de Albert O. Hirschman dans Exit, Voice and Loyalty: lorsque la voix n’est plus audible, la « loyauté » n’est plus qu’aliénation et, à son tour, l’issue n’est plus, si l’on peut dire, que dans la sortie. Depuis septembre 2000 et la contagion en France de l’Intifada des Mosquées, on l’a maintes fois souligné, tout se passe comme si la communauté juive de France comptait désormais pour rien. Les violences physiques ou les agressions verbales qui la visent ont été longtemps et largement minimisées. Il suffit que sous l’effet de contraintes extérieures (attentats du 11 septembre 2001 ;changement de majorité en 2002 ) elles connaissent une accalmie pour que ceux qui les dénoncent avec force et endurance se voient taxés d’affabulation quand ce n’est pas de servir les intérêts inavouables d’une puissance occulte aux sombres desseins. Pourquoi donc des hommes et des femmes dont la citoyenneté repose sur l’adhésion à des valeurs profondes, historiquement consolidées, sont ils et sont elles à ce point politiquement bafoués? Les données chiffrées de cette enquête méritoire ne sont pas en contradiction avec l’observation de comportements incompatibles, eux, avec la qualité théorique de citoyen: sentiment d’exclusion converti en projet d’émigration « extérieure » vers Israël certes mais aussi vers les USA, le Canada ou même la Nouvelle Zélande; développement de stratégies dites de « précaution », au cas où…, cette dernière formule ne se comprenant vraiment qu’à la condition d’être rapportées aux traumatologies extrêmes et reviviscentes des années 40, s’agissant de la Shoah, et des années 60 s’agissant d’un déracinement qui fut collectif et sans préavis. A quoi s’ajoutent tant d’attitudes et de gestes qui se rapportent maintenant à une véritable émigration intérieure, si ce n’est à un auto-retranchement de caractère phobique: désabonnement rageur de publications, appréhensions angoissées à la lecture des journaux, crainte d’allumer la télévision, addiction aux sources d’information en boucle, zapping anxieux d’une chaîne à l’autre pour y quêter un peu d’impartialité et y guetter un peu moins de haine à l’égard de ces nouveaux non humains: les « colons » israëliens – parfois des parents! dont le meurtre est absous d’avance, où qu’il se produise, directement ou par amalgame idéologique. Dans ces conditions, la théorie des dominos opère a grande échelle et de manière exhaustive: lorsque l’horizon se bouche, lorsque le passé semble se répéter, à quoi riment, en matière d’éducation ou d’équipements communautaires, lancements de nouveaux programmes et élaboration de « projets d’établissements »?

Les Juifs de France ont-ils un avenir?

Les alternatives prennent la forme de dilemmes mutilants: a) en tant que Juifs, peut être, mais ailleurs, ou b) en tant que Français mais à condition de subir une sérieuse capitis dimiutio et de se désister d’Israël. Il faudrait donc de nouveau choisir? L’on entend les belles âmes se récrier, avec effets de manches: « Mais comment oser vous ! » En matière aussi grave il ne s’agit pas de s’indigner mutuellement mais de répondre aux défis de l’époque. L’on aurait bien tort de croire que les Juifs de France seraient tous atteints de communautarisme galopant, qu’ils ne verraient plus midi ou minuit qu’à leur porte alors que tant d’entre eux ne cessent de proclamer, à qui veut bien les entendre, le contraire. Les Juifs de France réagissent en fait comme des sismographes. Il y a au moins deux ans qu’ils ressentent des secousses erratiques et déséquilibrantes que d’autres préfèrent attribuent à leur « agitation ». Midi? Minuit? Et s’il était plus tard qu’on ne le pense? L’espérance d’Israël ne s’est jamais accommodée d’aucune illusion et c’est pourquoi elle a su trouver les voies de l’avenir. Grâces soient donc rendues aux sociologues du temps présent s’ils permettent d’ouvrir la discussion sur les issues des temps futurs.

                 Raphaël Draï zal, L’Arche, Décembre 2002