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LE SENS DES MITSVOT : EMOR

In Uncategorized on avril 29, 2021 at 7:15
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« Quant au pontife supérieur à ses frères (hacohen hagadol), sur la tête duquel aura coulé l’huile d’onction (chemen hamichh’a) et qu’on aura investi du droit de revêtir les insignes, il ne doit point découvrir sa tête ni déchirer ses vêtements; il n’approchera d’aucun corps mort, pour son père même et pour sa mère il ne se souillera pas (lo yttamma), et il ne quittera pas le Sanctuaire pour ne pas ravaler le Sanctuaire de son Dieu (mikdach Eloh’av) car il porte le sacre de l’huile d’onction de son Dieu: Je suis l’Eternel » (Lv, 21, 10 à 12).

Traduction de la Bible du Rabbinat.

A les découvrir dans leur énoncé primaire, de telles règles ne sont-elles pas de nature à profondément choquer les esprits les moins prévenus contre « l’Ancien Testament » qui ne semble ne faire aucun cas des sentiments les plus élémentaires de l’affectivité humaine et des obligations minimales de la parenté? D’où cette exigence de méthode: de telles règles doivent-elles s’interpréter ex abrupto, ou en tenant compte d’autres règles encore, par exemple le respect des parents rappelé dès le début de la paracha Kedochim, sans parler de la Vème Parole du Décalogue?

Il faut alors comprendre que les règles et normes précitées sont destinées non à controuver ces injonctions mais à leur conférer un surcroît de résonance. De telles règles et normes ne sont pas applicables au premier venu mais au Grand Prêtre en personne, au Cohen Gadol, donc en tout premier lieu à Aharon, le frère de Moïse, autrement dit à la figure la plus compatissante de tout le peuple hébreu.

Ce n’est pas qu’en cas de deuil, il lui soit interdit d’exprimer ce qu’il en ressent afin de déférer aux contraintes d’un sacerdoce glacial. Mais la fonction de Cohen, et de Cohen Gadol en l’occurrence, ne se réduit pas à des gestes liturgiques de portée strictement ethnographique. Le Cohen Gadol est par excellence le desservant de la Vie. Quoi qu’il advienne dans son existence personnelle, le primat de la Vie créée et créatrice doit y être respecté sans aucune discontinuité et, en effet, Aharon en donnera l’exemple pathétique et grandiose lors de la mort brutale de ses deux fils, Nadav et Avihou. Il faut ainsi explorer le sens et la résonance d’une exigence aussi intransgressible. On l’a déjà relevé, selon la conception biblique de la vie, celle-ci n’a de réelle valeur que d’être sanctifiée et c’est pourquoi les règles et normes précitées se rapportent toutes au Sanctuaire et au Créateur sous la modalité de sa propre sainteté sourcière. L’institution du cohénat transfère cette exigence au peuple qui doit y accéder progressivement (beseter hamadrégot).

Encore faut-il que la source de cette sainteté reste intacte le temps que s’accomplisse la sanctification d’ensemble ainsi envisagée. Car face à la kedoucha sévit son antagoniste, la toum’a, qui a partie liée avec la mort. Ce n’est pas que les deux domaines, si l’on ose dire, soient clairement identifiables et d’emblée circonscrits. Depuis la transgression originelle au Gan Eden, la vie et la mort se sont mélangées au point de devenir indiscernables, matériellement et spirituellement. Il est à cet égard des vivants plus que morts et des morts plus que vivants. Telle a été la conséquence de la consommation du fruit de l’arbre précisément nommé de la connaissance du bien et du mal. La dimension mortifère de ce fruit est indiquée par la conjonction unissant, comme si ce lien allait de soi, le bien avec le mal, le vital et le létal ; comme s’il s’agissait des deux profils d’un même visage alors qu’en réalité il s’agit d’un visage et de sa défiguration. La mort ne doit pas équivaloir à la vie en une sorte d’équation d’indifférence. Une distinction drastique, un discernement sans faille, doivent cantonner la mort dans le ressort où elle se veut hégémonique.

Le Cohen incarnera cette séparation, cette havdala des deux domaines, sans compromis possible, quoi que l’on puisse ressentir au titre de la sensibilité humaine dont c’est peu dire que la Thora n’est pas avare (Lv, 19, 18). Ce qui ne l’exemptera pas en cas de besoin des devoirs liés à la guémilout h’assadim envers une personne décédée si à part lui personne ne se présentait pour les assumer.

Au Jardin d’Eden, l’Humain s’est adonné à un tout autre choix que celui de la Vie sanctifiée et l’on sait ce qu’il en est advenu. Aussi, dans l’exercice de leur sacerdoce vital, les Cohanim sont-ils comparables aux Kérouvim postés à l’entrée du Gan Eden non pour en interdire l’accès mais au contraire pour en préserver l’ouverture, selon l’enseignement de Chimchon Raphaël Hirsch (Gn,3, 24). Car, et il faut prendre garde à ne pas l’oublier: depuis la faute originelle le Gan Eden est un lieu vide d’humanité, d’une humanité qu’il faut y réimplanter selon le projet divin initial jamais abandonné et dans lequel seul l’Arbre de vie mérite son nom.

Raphaël Draï zal, 1er Mai 2014

Le sens des mitsvot: A’harei Moth

In Uncategorized on avril 22, 2021 at 10:57

A Jacky Milewski et à Daniel Dahan 

 

« L’Eternel parla à Moïse après la mort des deux fils d’Aharon qui s’étant avancés devant l’Eternel avaient péri, et il dit à Moïse: «Signifie à Aharon ton frère qu’il ne peut entrer à toute heure (becol-êth) dans le sanctuaire (el hakodech), dans l’enceinte du voile, (mibeth laparokheth), devant le propitiatoire (el pnéi hakaporeth) qui est sur l’Arche (aron) s’il ne veut pas encourir la mort car je me manifeste dans un nuage (beânan) au dessus du propitiatoire » (Lev, 16, 1, 2).

Traduction de la Bible du Rabbinat.

Entame étonnante! Il aura fallu attendre trois parachiot au moins pour apprendre à quoi il convenait de procéder après la mort brutale de deux des fils d’Aharon qui avaient d’enthousiasme présenté un feu néanmoins étranger devant Dieu, un feu qui ne correspondait pas à celui requis par son Service. Cet intervalle est loin d’être arbitraire. Il tend surtout à ne pas compacter un récit de mort avec l’exposé de règles concernant la vie, quitte à y revenir au moment pédagogique et spirituel le plus opportun, celui qui à présent s’ouvre à notre intelligence.

Et il faut avant tout prêter attention à la connexion phonétique de plusieurs termes: d’abord le nom de Aharon, qui n’est séparé que d’une seule lettre du mot aron qui désigne l’Arche de la Loi ; mais encore les mots voile, parokhet, et propitiatoire, kaporeth, constitués des mêmes lettres présentées dans deux combinatoires différentes. Sans doute pour nous indiquer qu’entre ces éléments opèrent des continuités, des « courances » qu’il faut se garder d’interrompre ou de mal aiguiller.

La mort de Nadav et Avihou a donné lieu à de nombreux commentaires qui présentent néanmoins un point commun. En tant que cohanim ces deux fils d’Aharon ont accompli une liturgie de portée divine qui ne leur incombait pas. Il ne s’agit pas de juger de leurs motivations. Il s’agit surtout de prendre conscience qu’aussi prés qu’il soit ou qu’il se veuille de la Présence divine, même un cohen doit réaliser qu’entre Elle et lui il ne saurait y avoir de commune dimension. Aharon a beau être par son nom même au plus prés possible du arone, de l’Arche où sont déposées les Tables de la Loi, celles-ci, eussent elles été réécrites de main d’homme, en l’occurrence par Moïse après la transgression du Veau d’or, ont été initialement gravées du doigt de l’Eternel.

Deux autres termes, également fort proches, permettent d’en prendre une plus claire conscience encore: parokhet, qui désigne le voile tamisant l’intensité de la Présence divine et qui en permette l’accommodation par l’esprit humain, et kaporeth, le propitiatoire qui, lui, atténue la peccabilité inhérente à la condition humaine et permette de ce fait l’approche vitale de cette Présence. Car l’on n’entre pas de plain-pied et, si l’on ose dire comme dans un moulin, dans le Sanctuaire et à plus forte raison dans le Saint des Saints. Pour s’y aventurer il faudrait s’estimer – fort dangereusement – être parvenu à un degré de perfection qui n’est qu’illusoire négation de cette peccabilité. Le bois peut se prétendre ignifugé. Il suffit de l’approcher de la flamme pour démontrer à quel point il s’avère au contraire combustible.

L’Eternel est le lieu du monde, son makom. La notion de Présence divine, de Chekhina indique que le Créateur dispense les bienfaits de cette Présence à lensemble de ses créatures créatrices et qu’au moment où il y procède Il est tout entier à chacune d’elles, en communication (ânan) intimement personnelle. Imagine t-on au moment où se déroule l’entretien du Buisson ardent, ou lorsque se déploie la demande de pardon de Moïse au Sinaï que quiconque ait cru devoir faire irruption de soi-même dans cet envoi en mission libératrice ou dans la prière salvatrice du prophète!

La disponibilité divine doit toujours se vérifier. Il y faut le temps d’une préparation, d’une approche, d’une hitkarbout. L’enthousiasme ne doit pas se confondre avec l’impulsivité, ni la spontanéité avec le passage à l’acte. C’est pourquoi les desservants du Sanctuaire devaient s’abstenir de toute boisson enivrante, ivresse des affects ou ivresse des «idées».

Raphaël Draï zal, 9 avril 2014

 

Le sens des mitsvot: Paracha Tazria

In Uncategorized on avril 15, 2021 at 8:40
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Au Rav Dov Elbeze

« Puis le cohen examinera la plaie le septième jour, si la plaie présente le même aspect, si elle n’a pas fait de progrès sur la peau, le cohen la séquestrera (hisguir) une seconde fois(chenit) pour sept jours. Et le cohen au septième jour l’examinera de niveau (chenit): si cette plaie s’est affaiblie et qu’elle n’ait fait aucun progrès sur la peau, le cohen la déclarera pure

… Mais si cette plaie venait à s’étendre sur la peau après qu’il s’est présenté au cohen et qu’il a été déclaré pur, il se fera visiter de nouveau (chenit) par le cohen.. Si la dartre s’est étendue sur la peau, alors il le déclarera impur: c’est la lèpre ». Lévitique, 5à 7.

Traduction de la Bible du Rabbinat.

On peut le constater, cette paracha est une méthodique introduction à une «psychosomatique» biblique, les affections de la peau opérant comme les véritables révélateurs de troubles possiblement plus profonds. Ce qui conduit à deux enseignements majeurs.

En premier lieu, il appartient à chacun de veiller à l’état de son épiderme. La peau n’est pas un simple revêtement cutané mais un organe doué d’une vie propre, donc exposé à une symptomatologie spécifique. La peau est un récepteur de sensations, un capteur de multiples sensibilités, en tant que telle un véritable organe social qui se présente normalement dans une certaine conformation vitale: grain, tonus, éclat, irrigation, ductilité.

Lorsque ces traits s’altèrent, c’est signe d’un trouble qui pourrait être plus profond (âmok) et plus grave. Il ne faut pas tarder à s’en préoccuper. Le verbe hisguir ne veut pas dire exactement séquestration ou quarantaine mais plutôt prise au sérieux, constitution en problématique réelle. Le contraire de la désinvolture. Le symptôme est un avertisseur. Il se rapporte à cette modalité du comportement moral préventif: la zehirout, la capacité de faire attention.

A partir de quoi un examen proprement histologique est engagé par le cohen – personne tierce et désintéressée, mais profondément solidaire – qui consiste en une véritable interprétation du signe devenu apparent pour comprendre s’il se constitue ou non en symptôme durable.

C’est au regard de la nécessité d’une pareille interprétation – comme si l’épiderme constituait un texte – que l’expression chenit, qui indique la reprise, la résonance et la réflexion se fait insistance et récurrente.

Toutefois le diagnostic ne saurait être porté dans la hâte. Chacun sait la signification structurale du chiffre sept. Ce diagnostic doit être attentif, réflexif, élaboratif, et sans doute faire l’objet en cas de besoin d’un examen collégial. A l’opposé de «la langue mauvaise » caractérisée par sa jactance pulsionnelle et par l’absence de toute vraie maîtrise de la pensée délibérative.

Si au terme de cette première phase il se confirme que le signe cutané est superficiel, stable, circonscrit et surtout non expansif, il faudra de toutes façons s’accorder une seconde période d’observation réflexive avant de conclure. Car rien n’apparaît jamais complètement au premier regard ni à la première lecture. Dans ces conditions, au cas où il se confirmerait bien que le signe apparu n’est pas involutif, le recouvrement de la vie normale serait aussitôt indiqué.

Au cas contraire où le signe persisterait, qu’il se graverait dans la peau et dans la chair, ce serait l’indication d’une affection plus grave engageant alors un protocole à la fois personnel et social. On observera à cet effet que le qualificatif «profond»: ÂMoK est formé par les mêmes lettres que le mot KeMâ qui désigne le fait de lier. Dans ces nouvelles conditions, un symptôme de cette profondeur indiquerait la corrélation des niveaux épidermiques, sociaux et spirituels de l’affection avec la nécessité d’une intervention combinée à ces trois niveaux.

 Raphaël Draï zal 26 mars 2014

DECIDER DE VIVRE

In Uncategorized on avril 7, 2021 at 10:42

La commémoration de la libération des camps d’extermination nazie, et particulièrement celui d’Auschwitz, a donné lieu à une émouvante réunion de chefs d’Etat et de gouvernements sur les lieux de cette horreur. Et l’on a entendu des discours fervents, des allocutions en forme d’examen de conscience, des serments pour l’avenir qui, en cette période glaciaire, ont fait chaud au cœur.

Pourtant, autant que la célébration des morts importe le souci dirigé vers les vivants. Et c’est en ce point que se décèle une faille dont il ne faut jamais s’accommoder. Elle s’exprime par cette formule: « La condamnation des horreurs du génocide juif ne doit pas empêcher la critique de l’Etat d’Israël ». On a déjà relevé à quel point cette rhétorique était basse et méprisable. Elle sous-entend que les Juifs exploiteraient les sentiments liés à la Shoah pour faire bénéficier l’Etat d’Israël de l’on ne sait quelle coupable impunité. Bien sûr, chacun a le droit de critiquer l’Etat d’Israël et de se proclamer urbi et orbi antisioniste. Mais sur quoi porté exactement cette critique qui en devient souvent obsessionnelle? Sur le principe même de cet Etat, sur sa raison d’être? Sur telle ou telle action de ses gouvernements successifs? Ou bien sur tel ou tel aspect de la société que depuis 1948 il met en œuvre avec des insuffisances patentes certes mais aussi avec des réussites éclatantes? Et d’ailleurs quel Etat au monde serait soustrait à toute critique, incarne la république idéale, réalise chaque jour la démocratie pure? La France? Les Etats-Unis? Le Qatar? La Grèce? La Chine? Face à de pareils excès l’on en arrive ainsi au point de réclamer symétriquement le droit de ne pas critiquer l’Etat d’Israël selon ce déplorable état d’esprit. Il faut s’attacher à l’expliquer sans relâche. Si le lien direct de causalité entre la Shoah et la création de l’Etat d’Israël reste toujours discuté, ce qui ne saurait l’être est bien le lien entre la création de cet Etat et la volonté des fondateurs du mouvement sioniste de mettre autant qu’il était alors possible les Juifs à l’abri de la «judéopathie», de la démence anti-juive, celle qui s’était manifestée en France durant l’Affaire Dreyfus ou lors des pogroms de Kichinev, pour nous y limiter. Mais jamais les fondateurs et les promoteurs du Mouvement Sioniste naissant n’ont réduit leur projet à l’établissement d’un territoire asilaire. De Pinsker à Gordon, de Ah’ad Haâm au Rav Kook, ce projet étant avant et par dessus tout un projet de civilisation, et de ce projet là, en dépit des guerres de toutes sortes auxquelles il a fait face du moment même de sa création l’Etat d’Israël, pas plus qu’aucun homme juif ou aucune femme juive conscient de sa vocation, ne s’est désisté.

Il faudra encore bien du temps pour comprendre vraiment le «pourquoi» de la Shoah si l’on en comprend mieux à présent, grâce à de mémorables travaux, le «comment». Il faut juste garder présent à l’esprit que durant les années où l’extermination se fomentait, des hommes et des femmes de toutes obédiences idéologiques ouvraient contre vents et marées à l’opposé des territoires de la mort les chenaux de la vie, comme leurs devanciers avaient ouvert des millénaires auparavant les eaux de la Mer Rouge. Dans les temps d’incertitude que nous traversons, puisse leur exemple conforter l’espérance d’Israël pour la rendre irrésistible.

Raphaël Draï, Radio J, 2 février 2015.

LUMIERES DE PESSAH

In Uncategorized on avril 1, 2021 at 7:15

                    A la mémoire de nos êtres chers 

Vous souvenez vous comme à Constantine 

Nous célébrions ensemble Leilet el mayda 

Aux terrasses les enfants  dévidaient des comptines 

Tandis que leurs parents chantaient la Haggada 

Dehors , le mois d’avril était clair et glorieux , 

L’air saturé des senteurs de rose et d’acacia ,

C’étaient des années de bonheur oublieux 

Quand la guerre s’effaçait au gré de nos cent pas 

Du quartier  Saint –  Jean aux tunnels de l’ Abîme 

Nous promenions nos désirs de seize ans 

Avec des souliers neufs et des robes sublimes 

En croisant des spahis rouges sur leurs alezans 

Nous pensions que le monde était droit et sûr , 

Que les promesses  faites seraient bien honorées 

Que le sort nous épargnerait la  pire des blessures 

Puisque nous grandirions là où nous étions nés 

Mais nous sommes partis  loin , vers l’ Ailleurs 

En terre de France faussement familière 

Nous y avons rappris l’alphabet des couleurs 

Tachant de préserver nos jeunes joies d’hier 

Nous nous  étions quittés au seuil de nos vingt ans 

Comme des voyageurs presque perdus de vue 

Mais nous nous retrouvons dans l’en- suite du Temps

Priant comme au Midrach ou comme à Bellevue 

Puissent nos enfants éclairer leurs choix et  leurs chemins 

A notre soleil d’avril , à notre  pleine lune  

Et que nos fidélités guident leurs surlendemains 

Sachant qu’au faîte de notre fête , la Création est une

                                                       

Raphaël Draï  zal Pessah’ 5771