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CHRONIQUE DE LA HAINE ANONYME – Arche Février 2002

In Uncategorized on janvier 24, 2016 at 12:49

 

Avec Tou Bichvat, le Nouvel an hébraïque des arbres, l’on voudrait consacrer toute notre attention aux premières efflorescences, aux premiers pointillements de couleurs tendres dans les arbres et dans les buissons reverdis. La mémoire heureuse se réveille en la circonstance. A Constantine, pour Tou Bichvat, les mouvements de jeunesse se livraient à des concours fort disputés pour célébrer les pulsations de la vie, le ciel rasséréné, l’eau libérée des glaciations de l’hiver. Aujourd’hui l’esprit se porte à de plus dures pensées. Depuis 18 mois la communauté juive de France vit dans l’inquiétude, évaluant au jour le jour les troubles qui l’affectent, les violences qui la visent, les propos qui la désobligent, lorsqu’ils ne la diffament pas. Il est dur d’envisager les propos de la haine nue quand le printemps commence, et pourtant…

Au fait, qu’est ce que la haine? Un sentiment « obscur », disent les psychanalystes. N’est-il pas impossible d’en préciser la nature, après son examen sur pièce? La haine résulterait alors d’un désir de mort contrarié dans son expression assassine. Soit le cas du judaïsme et de l’Etat d’Israël. Lorsque l’un est insulté et l’autre injurié, y ajouter, si possible publiquement, vous vaut désormais louanges et couronnes de laurier. Mais répondre comme il se doit, sans concéder un seul poil de notre pelisse, provoque ceci, qu’il faut découvrir dans son ampleur. Venons aux faits. Après la publication dans Le Monde d’un reportage de François Maspéro présentant la politique profonde de l’Etat d’Israël envers les Palestiniens comme une politique « d’apartheid » (cette invention malheureusement occidentale et pseudo-chrétienne) nombreux en ont jugé la thématique insultante et la mise en page quelque peu complice. Et nous avons été quelques uns alors à signer une réponse dans ce même journal, laquelle fut certes publiée sous le titre « Durban sur Seine » mais de manière bien moins voyante, et encadrée comme il se doit par un avis de sens contraire (21 janvier). Après quoi le courrier est arrivé. Deux lettres ont retenu mon attention inquiète. L’une partageant les thèses de Maspéro mais exprimée dans le langage cotonneux des universitaires militants qui jouent les impartiaux. L’autre exprime une haine si pure, qu’elle mérite d’être portée à la connaissance publique pour servir à leur information sur les gisements de mort décelables dans notre beau pays tout juste après les déclarations de Jacques Chirac en 1996 et celle de l’Episcopat français en 1997. Ce texte est anonyme. Moralement l’anonymat est un indice de lâcheté. Mais psychiquement et politiquement, il incite précisément à ne pas minimiser ce qu’il exprime, à lui conférer un plus haut coefficient de nuisance et de destructivité. Cette lettre, anonyme donc, se présente formellement en un propos principal et deux NB (respectivement NB et NB2 ). Elle se veut ainsi très structurée. L’écriture est d’un trait, sans rature, ni repentir. Celle d’un « éduqué ». Que dit le paragraphe : « Je lis aujourd’hui votre article intitulé « Durban sur Seine ». Point n’est besoin de chercher bien loin les causes d’une recrudescence – qui reste à prouver – de l’antisémitisme. Si elle existe, vous en êtes vous mêmes les meilleurs vecteurs. Vous étiez odieux, vous voilà obscènes. Avec mon mépris, un ancien ami d’Israël ». Toute cette salves d’injures et d’insultes, couronnée de « mépris » (on y reviendra), simplement pour avoir exprime un dissentiment… Comme la tentative maspérienne de souillure eût été voluptueuse si nul ne l’avait récusée! Toutefois, à présent, il faut descendre plus bas. Le propos initial n’est vraiment que du hors d’œuvre. Le plat principal requiert un estomac d’autruche: « Vous connaissez cette terrible photo des années 43 ou 44 représentant un petit enfant juif, les bras levés sous les yeux d’un soldat allemand ». Qui n’en a pas eu, pour sûr, le regard giflé… L’Anonyme poursuit: « J’ai longtemps cru que si je l’avais pu, par miracle, j’aurais essayé de le sauver. Aujourd’hui je ne lèverai pas le petit doigt pour lui. S’il a survécu il est sans doute colon à Gaza, il parle comme vous, et il vote pour Sharon qu’il trouve trop mou». Il faut serrer le mors à la psychiatrie pour ne pas lire cette argumentation à l’envers: comme l’aveu honteusement contre-tourné que l’auteur de ces lignes anonymes, s’il eût été présent, eût sans nul doute laissé cet enfant là dans sa profonde détresse, s’il ne l’eût pas directement livré, de ses propres mains, à la Gestapo. L’halluciner comme un « colon de Gaza » décharge notre haïsseur sans nom avouable de cette lâcheté rétroactive. En somme, le colon irréel de Gaza permet d’anéantir une nouvelle fois et post-mortem l’enfant qu’on gaza réellement. Si la haine est là, pansue à en crever, sa dilatation n’est pas achevée. Il faut à présent viser les co-signataires du crime de lèse haine – tranquille : « Et vous même, si vous aviez été allemand en 33, on voit bien quel uniforme vous auriez porté … ». A vrai dire, en 33 je n’étais pas né. Je suis né en 1942, privé de la nationalité française par l’abrogation du décret Crémieux et si l’armée américaine pour l’essentiel n’avait pas débarqué sur les côtes d’Algérie en novembre, cette année là, tout était préparé à notre intention pour des départs aussi lointains que sans retour.

Il faut maintenant conclure par le NB2, inattendu : « Ne vous méprenez pas : j’ai visité 2 fois Auschwitz, le lieu absolu de l’horreur… » Me méprendre, cher auteur anonyme, mais vous n’y pensez pas! Quelles raisons, vous lisant, aurais – je de m’y laisser aller? Que redoutez vous? Que cette méprise ne soit qu’une juste et immanquable rétorsion, sans phrases et sans appel, elle, au mépris dont vous croyez pouvoir me gratifier au début de votre nauséeuse missive? Sans doute telle eût été ma réaction si je n’avais jugé que votre lettre est sans doute anonyme quant à son signataire – un véritable couard moral – mais non pas quand à son contenu que scarifie de son paraphe en forme de faux, dans les deus sens du mot, la grande Haine anonyme qui tente de nous gâcher les printemps de la résurrection. Pour une fois, je crois devoir la sortir de son enveloppe – girondine – pour la donner à lire s’ils le peuvent, du lieu où ils se trouvent, à ceux et celles, de tous âges qui, au contraire de vous, ne s’en sont allés à Auschwitz qu’une seule fois. Et pour cause…

                                       Raphaël Draï zal, 5 février 2002

Conference UPJF – Dimanche 24 Janvier dédié à la mémoire de Raphaël Draï zal

In Uncategorized on janvier 23, 2016 at 8:21

 

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Une Histoire d’Amour et .. d’Amour, Arche Janvier 2006

In Uncategorized on janvier 20, 2016 at 11:46

UNE HISTOIRE D’AMOUR

ET … D’AMOUR

 

                           A la mémoire de Jacqueline Lévi- Valensi qui sut

                           tant aimer Camus et Wiesel, Alger et Kolvillag.

 

Après le décès de mon père, une fois passé le temps de la shiva, j’ai conçu le projet d’un journal de l’année de deuil. Il se serait intitulé: « Journal de l’Année du Père ». Il me fallait à la fois conjurer cette perte mais aussi sauver ce qui relevait désormais de notre mémoire familiale, elle-même liée à la mémoire plus vaste, plus ancienne, d’une communauté humaine que l’Histoire, la brutale, l’insensée, n’avait pas épargnée. Très vite, ce cahier s’est interrompu. Ecrire, c’est montrer publiquement. Qu’avais-je le droit de montrer d’une existence à peine achevée dont l’Eternel lui-même écoutait le début de sa reddition de comptes? Il fallait attendre le temps propice. Quand le temps est-il jamais propice… Je ne sais presque rien de mes arrière-grands parents. Dès que je parviens à leur date de naissance, l’on dirait un filet d’eau qui disparaît dans les sables. Albert Camus l’a bien décrit dans le Premier homme: les pauvres sont privés de leur histoire parce qu’ils n’ont pas les moyens d’être les archivistes de leur propre destin. Si Dieu me prête vie, une fois achevé deux ou trois chantiers en cours, je commencerait cette Histoire des miens, fût-ce que parce qu’ils ont veillé sur moi, d’où ils se trouvent, plus que je ne saurais le dire. En attendant, je m’attache à d’autres entreprises, analogues dans cette intention mémorielle. Deux témoignages ne m’ont pas quitté ces derniers jours, venant de deux parties différentes du peuple juif mais convergeant vers un même besoin, irrépressible comme l’eau des ouadis après un orage plus que diluvien, celui de l’israélien Amos Oz et celui du « Pied noir » de la seconde génération Martin Winckler, « de son vrai nom Marc Zaffran », comme tient à le préciser sa notice biographique. Deux histoires qui s’entrelacent[1], par leur thème apparent et par leur douloureux et plus secret « Je t’aime » adressé l’un à la mémoire de sa mère Fania qui mit fin à ses jours en terre d’Israël, au début des années 50, et l’autre à la mémoire de son père, Ange, décédé à Paris après le déracinement d’Algérie et un bref passage, au début des années 60 en Erets Israël. Se peut-il que deux âmes, venues de deux points si éloignés de l’horizon se conjuguent pour mener sur quelques centaines de pages le même duo de souffrance et d’amour? Deux témoignages de la vie du peuple juif en ses différents visages, lorsque l’Histoire le saisit à la gorge, qu’un combat s’engage en pleine nuit et que les descendants de Jacob n’entendent plus laisser partir l’Ange innommé avant qu’il ne leur eût confié son amère bénédiction. Il faut lire ces deux livres ensemble, tel un duo de voix presqu’étrangères qui font soudain connaissance tant leurs souffrance aimantées sont comparables et parce que, au-delà des localisations géographiques, elles proviennent d’une source unique. Amos Oz compte parmi les plus grands écrivains de sa génération. Sa voix est entendue dans le monde entier. Chaque fois que j’aie lu l’un de ces livres, j’y ai rencontré un peu plus de ténèbre – de h’ochekh, comme il le dit lui-même – que nécessaire, un peu plus de ouaté dans l’expression que le récit apparent ne le demandait. Ces sourdines là laissent pressentir l’existence d’une blessure qui n’ose pas s’avouer directement. L’on dirait une ombre dessinée à contre – sens par un peintre à qui une présence inquiète aurait fait oublier un bref instant les lois de la perspective. Ombre parlante qui indique sûrement le gîte d’un secret de famille. Dans ces cas là, il faut, lecteur, savoir passer son chemin, ne pas chercher à fouiner. Si l’auteur n’en dit pas plus il a ses raisons et s’il n’en dit pas moins il a ses raisons aussi. Il faut lui laisser le temps de venir à soi. Un jour, comme si le cœur crevait à l’instar d’un nuage saturé d’eau, le secret se confiera, avec pudeur parce qu’il ne concerne plus ce qu’il est convenu de nommer « la vie privée ». A sa manière, le suicide de la mère dans la confession de Amos Oz est un événement de l’histoire d’Israël alors en pleine construction. Les parents et grands parents de Amos Oz sont nés en Europe orientale et en Russie. Ils en ont émigré au début du siècle dernier parce que l’antisémitisme y devenait de plus en plus assassin. Construire un Etat juif, une société sans anti-sémitisme sanguinaire devenait plus qu’une nécessité immédiate: le besoin de ne point laisser se dissoudre la notion même d’espérance. Si la terre natale fut cruelle, la terre d’accueil fut infiniment dure. Lorsque tout est à construire, les constructeurs non seulement doivent se contenter de peu mais eux même doivent compter pour peu, et parfois pour presque rien. Amos Oz décrit son enfance dans cette terre là, aride en surface, miraculeuse en ses soubassements. Comme tous les récits d’enfants, le douloureux y mange dans la main du merveilleux. Mais, au-delà de la biographie personnelle, son récit témoigne encore des souffrances intimes que coutèrent l’édification de l’Etat d’Israël. Les hommes et les femmes de tous âges qui étaient venus là pour trouver la rédemption de leur être se heurtèrent à la pénurie, à la guerre, au goutte à goutte de l’existence quotidienne. Au non-amour des pays de départ s’enchaînait l’amour en guerre de la terre espérée. La mère de Amos Oz ne savait pas mendier ce sentiment sourcier qui confère la vie en ce monde et la survie dans l’autre. Elle espéra longtemps que les « siens », obsédés par la réédification de leur propre existence et par la lutte pour l’indépendance de l’Etat, feraient enfin attention à elle, écouteraient ses demi-mots, puis ses silences, puis son mutisme. L’Histoire menait ses chevaux à train d’enfer. Nul gémissement venant des passagers ne s’entendait plus. Et un jour la mère ne crut plus indispensable de prolonger ce qui, à ses yeux, n’était plus une vie depuis longtemps. C’est sans doute depuis ce matin enténébré que Amos Oz n’a plus su détacher de son regard cette ombre à contre-sens qui ajoute une dimension de plus à ses descriptions de la Jérusalem introvertie des années 40 ou de la ville d’Arad lorsque tombent sur elle des crépuscules cuivrés. Un amour meurt en ces lieux mais un pays s’élève. Ailleurs un amour s’élève mais un pays se meurt.

Martin Winckler est né à Alger en 1955.C’est dire qu’il fut arraché enfant à sa terre natale pour découvrir une France qui n’apparaît plus la même selon qu’on la regarde d’un bord ou l’autre de la Méditerranée. Comme tant de familles originaires d’Algérie, juives ou non juives, la famille Zaffran peina longtemps avant de retrouver ses marques. Martin Winckler a sans doute puisé dans ces arrachements successifs la source de sa future admiration pour le Georges Perec ubiquitaire de La vie mode d’emploi. Faisant suite à Légendes, Plumes d’Ange relate les commencements et la gloire de l’amour d’un fils pour son père: Ange Zaffran. Là encore ce qui importe n’est pas tant l’aveu de cet attachement que le tour qu’il prend. Martin Winckler a entrepris, lui, de sauvegarder tout ce qu’il pouvait recueillir de la mémoire paternelle, et plus largement familiale mais à condition qu’elle conforte son amour pour l’Ange grommelant. D’où l’exhaustivité des inventaires de dossiers, de valises, d’armoires, de menus, des programmes de la faculté ou Ange devint ce qu’il devint: un médecin plus attentif à la vie que la vie elle-même. Martin-fils ne veut pas laisser en échapper une miette, un flocule. Tout son livre est un des plus beaux récits d’histoire sur la vie en Algérie depuis le milieu du XIXème siècle. Combien d’oncles et de tantes n’y ai-je pas reconnus, avec nos voisins de quartier, nos camarades d’école, et nos médecins de famille. Survint l’exode des années 61-62, entrevu depuis la Toussaint de l’année 1954 et chassé comme une idée noire, puis l’hébétude de l’exil difficilement anesthésié, et puis sans désemparer le commandement de vivre. Tout ce dont Amos fut privé, Marc le reçut à profusion mais sans ostentation – comme elle est belle la pudeur des pères qui aiment l’enfant qu’ils ont conçu. Et cela jusqu’au dernier instant, lorsque le médecin algérois, dans la généalogie duquel roulent les eaux du Rhummel constantinois, rejoint par l’Envoyé de la Mort lui refuse la satisfaction d’une mort « douce » qui ne se ressemblerait pas… Amos, Marc ; Odessa, Alger ; Arad, Paris. L’Envoyé de la Mort profile son ombre du plus haut qu’il peut. Mais, dans ce monde ci, des êtres humains, juste humains, lui montrent le poing et le défient de s’approcher au plus prés du filet qu’ils ont su tendre: celui du Souvenir, aux mailles si serrées qu’il laisse à peine passer les mots meurtris de celui qui raconte: « Il était une fois, et pour toujours, mon père ; il était une fois, et à jamais, ma mère … ».

                                               Raphaël Draï zal, 12 Décembre 05

[1] Amos Oz, Une histoire d’amour et de ténèbre, et Martin Winckler, Plumes d’Ange, tous deux dans la collection Folio, 2005.

Bloc-Notes Raphaël Draï – Semaine du 4 mars 2013 (Extrait)

In Uncategorized on janvier 14, 2016 at 12:25

4 mars 2013

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L’un de mes amis me demande d’aller sur « la toile »  et de considérer ce qui apparaît en « tapant » mes nom et prénom. Je ne l’avais jamais fait. A ma grande surprise j’y découvre nombre de textes, de vidéos, d’autres documents qui forment un ensemble hétéroclite. Que, naturellement, je ne saurais cautionner. Avec une biographie plus qu’approximative. Le plus étonnant est que, dans une série de photographies qui sont censées se rapporter à mon humble personne, se trouve glissée, comme une fausse carte dans un jeu ordinaire, ou de la viande chevaline dans un surgelé étiqueté «charolais», un portait de …  Stéphane Hessel,  connecté à une chronique radio piquée je ne sais par qui, et ne sais à quel titre, et non actualisée. Difficile de croire que le procédé n’est pas délibéré sachant ce que dans ce même Bloc-Notes j’ai pu écrire du personnage en respectant le délai de décence qui précède toutes les inhumations. Comme je suis néophyte dans  l’usage de cette fameuse toile, dois-je préciser que je réponds uniquement des textes et documents publiés en ce Blog qui a été créé à cette fin?

En revanche j’aime bien cette autre photo, qui étonnamment apparaît et disparaît, que je ne connaissais pas, et qui me montre coiffé d’une kippa. Savez vous ce qu’elle symbolise? La voûte céleste au dessus de nos têtes. C’est sans doute pourquoi, cherchant la plus sainte inspiration, les cardinaux actuellement réunis en conclave pour élire le successeur de Benoît XVI, la portent aussi.

Raphaël Draï zal

LES NOUVEAUX BOUCLIERS HUMAINS – Radio J 24 Sep 2012

In Uncategorized on janvier 6, 2016 at 10:23

Dans la belle France des années 2000, se passera t-il enfin un jour sans que la communauté juive ne se voie agressée, physiquement, moralement, symboliquement? Quel argument sensé, rationnel, peut justifier que pour sa couverture si contestée Charlie Hebdo ait mis sur le même plan l’islamisme nihiliste, celui au nom duquel l’ambassadeur des Etats-Unis en Libye a été massacré, et le judaïsme[1]? Quel même argument peut justifier la proposition plus que démagogique de Marine Le Pen visant indistinctement l’interdiction du voile et de la kippa dans l’espace public? Sur ce dernier point, la présidente du FN s’avère aussi piètre juriste qu’on peut l’être lorsque la haine alliée à la couardise, l’une et l’autre dissimulées, fait perdre le sens des fondamentaux de la science juridique. Car, mesurant qu’elle avait été sans doute trop loin, la toujours digne fille de son père s’est fendue d’une référence contraignante au prétendu « principe d’égalité » appliqué dans notre droit public aux religions présumées dangereuses. Sans comprendre l’énorme bourde qu’elle commettait par cette confusion entre le caractère en effet général d’une loi au sens démocratique, d’un côté, et de l’autre son uniformité, qui ruine ce dernier caractère. Jusqu’à quand par peur de se confronter directement à l’Islam fanatique continuera t-on à se servir des Juifs comme de boucliers humains? L’on peut juger que les caricatures de Charlie Hebdo sont offensantes pour des croyants. Mais le sont-elles d’avantage pour l’Islam que les images quasiment censurées montrant le jeune ambassadeur des Etats Unis en Libye, lynché, martyrisé, souillé, promené en trophée dans les rues d’un pays qu’il avait contribué à libérer, pour employer ce verbe qui relève en l’occurrence de plus en plus d’un abus de vocabulaire? Il faut s’en convaincre: il est bel et bien une mouvance dangereuse, ne reconnaissant aucune limite, aucun interdit, se réclamant de l’Islam et qui veut élargir son emprise partout où il lui est possible de le faire, y compris par processus électoraux et en construisant l’image d’un islam persécuté, humilié, toujours colonisé, sauf bien sûr par ses propres dirigeants. Pourquoi crier en France à l’islamophobie au vu des caricatures du dit périodique et ne pas célébrer plus fortement l’islamophilie s’affichant dans toutes les stations du Métro et sur tous les autobus de la RATP à l’occasion de l’exposition pérenne, et qui fera date, des arts islamiques non pas à l’Institut du Monde Arabe mais au Louvre même? Sans mettre en cause la nécessité du dialogue interreligieux dans la France laïque, il faut urgemment découpler les affaires de l’Islam de France et en France et la vie de la communauté juive, et à ce titre ne pas confondre non plus le dialogue inter-religieux qui exige distance et lucidité, d’une part, et d’autre part le copinage entre notables s’imaginant chacun qu’à la table des hypocrisies politiciennes sa fourchette sera plus longue que celle du collègue. Partout où il sévit l’islamisme teste les régimes qu’il veut abattre avant de faire régner sur les populations concernées un pouvoir sans plus aucune alternative, comme on le voit, entre autres, au Mali. L’attentisme, l’équivoque, le double langage font également son lit. Cela suffit, si l’on ne souhaite qu’un jour se renverse la célèbre formule dont on se gargarise parfois, et que l’on en vienne à se dire: « Malheureux comme Dieu en France ».

                       Raphaël Draï, zal

                 Radio J, le 24 septembre 2012

[1] « Marianne » y cède également.