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Meutrissures – Pessa’h 1991

In Uncategorized on mars 29, 2018 at 12:35

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Les déracinements sont-ils guérissables ? Avec le printemps s’en vient la fête de Pessah’, celle qui célèbre la Sortie d’Egypte, la libération d’un peuple voue a une complète destruction par la folie d’un despote qui se prenait pour Dieu. A Paris le printemps c’est ce bleu particulier du ciel qui place la ville tout entière sous la juridiction de la lumière. Le champ de celle-ci s’allonge encore avec l’avancement artificiel des aiguilles sur le cadran de la montre au titre de « l’heure d’été ». Lorsque les préparatifs de Pessah’ commencent, les arbres reverdissent et le sommet des feuillages semble capter cette luminosité de plus en plus surabondante vers laquelle se dirige le regard. C’est alors que survient l’éveil d’autres images, que la mémoire commence à faire mal. Non pas que s’altère d’aucune manière la joie de la libération. Mais comment oublier ces Pessah’ fêtés en Algérie lorsqu’y vivaient des communautés ferventes dont chacune revendiquait le titre de « petite Jérusalem » en attente de la Grande… A Constantine l’hiver était partagé entre des ciels d’un gris plombé, lourds d’une neige prégnante, et des firmaments d’un bleu glacé. Mais au printemps toute couleur était festive. Chacun ressentait, des Pourim, une sorte de légèreté par les multiples parfums qui montaient alors de toute la terre. Ensuite commençait avec les grands et méticuleux nettoyages des maisons le reflux de la ville dans l’ascèse de Pessah’, la marée descendante de l’effervescence sociale, symbolisée par l’abstention du levain durant plus d’une semaine. Mais plus inoubliables restent ces soirées de Seder vécues comme il convient, non pas assis à table, à la manière européenne, mais à l’orientale, ce qui donne aux postures de la liberté toute leur ampleur et leur caractère intentionnellement démonstratif. Plusieurs familles se réunissaient ainsi, constituant des volières d’enfants dont les mères et les tantes et les grands-mères tentaient de calmer les chahuts pour ne pas indisposer le groupe des grands pères, des pères et des oncles qui chantaient la Haggadah, d’abord en hébreu puis en sol’h, en judéo-arabe, s’accompagnant parfois du luth, du od’ jusqu’à ‘aube. Le sol’h avait des accents poignants, Car il attestait de la proximité des spiritualités juive et musulmane tandis que l’Algérie était politiquement à feu et à sang, que les attentats horribles des uns s’engrenaient avec les représailles aveugles des autres. Chaque communauté, européenne et musulmane, glorifiait a sa façon la liberté mais hélas ces glorifications étaient divergentes, chacune ressentant l’autre comme menace pour la sienne tandis que la Guerre civile promenait sa faux de sanglante terreur. Pessah’ à Paris ravive cette mémoire cruelle. Le plus dur dans le déracinement c’est que la terre que vous avez quittée ne vous quitte pas. ll suffit d’un accord de couleurs, d’une senteur d’acacia, d’une chemise neuve lentement dépliée en l’honneur de la fête, et aussitôt le pays fantomatique vient revendiquer une part d’ombre, ou pire encore la trace d’un rayon de lumière venue d’outre ciel. Il faut accepter en même temps que le souvenir de la Libération ce chagrin obstiné parce qu’il évoque lui aussi ce que fut la tragédie de l’impuissance à coexister. Qu’il reste question ouverte comme une plaie, attendant l’on ne sait quel remède rétroactif. Mais de Pessah’ à Shavouot le printemps s’affirme et la lumière du Sinaï le conforte. La joie finit par l’emporter, apaisant ces souvenirs remontés en flots. Accepter cette joie ce n’est pas abolir le chagrin ni l’interrogation qu’il entretient. C’est espérer qu’il s’effacera un jour dans la réconciliation.

Que Constantine, ou tout autre ville natale et inoubliée, Paris et Jérusalem, seront les trois joyaux étincelants d’une couronne de paix, les trois degrés d’un psaume consolateur.

 

Raphaël Draï, zal, L’Arche Mai, 1991

PARACHA TSAV

In Uncategorized on mars 22, 2018 at 8:54

(Lv, 6, et sq)

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Cette paracha est doublement importante, par son contenu propre et par son lien avec le  Chabbat Hagadol qui précède Pessah’, et d’ailleurs il y est aussi question ici de matsot, de pain azymes, à pétrir et à consommer par les cohanim, et plus particulièrement par les fils d’ Aharon, le Cohen gadol.

Mais elle commence par une prescription fort importante qui concerne la ôla, la liturgie ascensionnelle, qui doit se poursuivre toute la nuit, tandis que le feu de l’autel doit brûler sans intermittence, et être alimenté chaque matin. Cette prescription s’énonce en ces termes : «Un feu perpétuel (ech tamid) sera entretenu (toukad) sur l’autel, il ne devra point s’éteindre (lo tichbé) (Lv, 6, 6)».

Le sens de pareilles prescriptions pourrait paraître anthropologique et concerner l’état  actuel d’un peuple à peine sorti de l’esclavage, accédant non sans mal à la liberté des corps et à celle de l’esprit. Ces rituels là seraient alors strictement didactiques, sans transcender le temps où ils furent institués. Une  telle vue serait superficielle. Le terme même de ôla, formé sur le radical ÂL, élever, indique au contraire qu’au delà de tous les korbanot individuels ou même collectifs, se plaçait  cette liturgie d’élévation, d’ascension et de transcendance qui devait commencer le soir, lorsque la lumière du jour reflue et laisse place à l’obscurité, jusqu’au matin. Comme si la ôla devenait l’équivalent d’un  maor, d’un luminaire.

En quoi plus précisément une telle intention transcendante se discerne t–elle? En ce qu’elle ne s’accommode pas des temps où la lumière ne brille pas d’elle-même. Il faut rappeler, justement en termes d’anthropologie religieuse, que dans la religion égyptienne, s’il faut ainsi la dénommer, d’où le peuple des Bnei Israël est sorti, la nuit était particulièrement angoissante où refluaient tous les monstres du sous–monde. La liturgie de la ôla surmonte cette disparition de la lumière du jour en instituant une lumière spécifique, de nuit, la nuit de la conscience. Et s’il faut insister sur une telle continuité, c’est que la liturgie nocturne de la ôla doit s’opérer à partir d’un feu allumé dès le matin (baboker), et qualifié en tant que tel de perpétuel, tamid, pour bien souligner que les différentes phases du temps cosmiques ne provoquent pas l’hétérogénéité du temps de la Création divine ; que toutes les temporalités particulières et locales retrouvent leur cohérence d’ensemble dans la volonté de perpétuer une clarté inextinguible, pour peu qu’on l’entretienne.

Et c’est pourquoi deux verbes sont employés  à son propos : d’abord  ce feu devra être entretenu : toukad, positivement. La traduction en langue française ne rend pas tout à fait compte des connotations de ce verbe en hébreu puisqu’il est construit sur le  radical KD que l’on retrouve dans KoDeCh ; comme si ce feu devait être non pas dévorant mais sanctificateur. Ce premier verbe se rapporte à la qualité intrinsèque d’une  telle source de lumière et d’énergie.

L’autre verbe sous sa forme négative se rapporte cette fois à l’attention humaine, au sens de la responsabilité par laquelle la notion de garde, de chemira,  trouve toute sa résonance. L’on devra donc se garder de laisser ce feu – référence de l’esprit et de l’âme – s’éteindre. Et cela non par à coups mais perpétuellement. La vie de l’esprit comme l’histoire du peuple d’Israël s’inscrivent ainsi dans la longue durée, vers l’éternité, le tamid se profilant vers le netsah’.

Les fils d’Aharon devront de leur côté confectionner avec de la farine issue d’offrandes des matsot, des pains non levés, le h’ametz, le levain, désignant l’effervescence, le gonflage sans augmentation de substance, l’équivalent de l’alcool dans le vin, l’alcool dont il devront se garder à leur tour avant de procéder aux actes qui relèvent du service divin. Par suite, si pour l’ensemble du peuple la consommation exclusive de telles matsot, avec ce qu’elles symbolisent et qui est rappelé lors du séder de Pessah, n’est prescrite que durant huit jours, elle l’est à titre quotidien et en somme perpétuel pour les cohanim, sachant que tout le peuple est lui même qualifié de mamlekhet cohanim, de souveraineté pontificale, le mot pontife prenant à son tour son sens du mot pont, de cette construction humaine  qui relie l’ici  et le là-bas, l’homme et son prochain, l’homme et le Créateur.

Raphaël Draï zatsal 21 mars 2013

HAPHTARA VAYAKHEL-PEKOUDEI

In Uncategorized on mars 9, 2018 at 12:39

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Les haphtarot « chronologiques » pour ces deux parachiot – reliées entre elles (méh’oubarot) – devraient être tirée successivement du livre des Rois (I, VII, 13 à 51 et VIII, 1 à 21). Mais celle de cette semaine se trouve cette fois corrélée à la paracha « Para » (Nb, 19) qui traite de la liturgie dite de « la vache rousse (para adouma) et qui concerne les modes de purification (tahara) des Bnei Israël qui se sont exposés à une pollution pulsionnelle ou mortifère (toum’a).

La présente haphtara est tirée du livre d’Ezéchiel en son chapitre 36 (versets 16 à 38). Il s’agit avant tout d’en comprendre le mouvement interne car trop souvent, au titre de la théologie polémique et disqualificatrice qui a sévi contre le peuple juif durant des siècles, les prophètes d’Israël sont invoquées surtout comme réprobateurs et annonciateurs de châtiments; rarement comme consolateurs et dispensateurs d’encouragements pour reprendre le cours d’une Histoire torrentueuse. Aussi ce passage commence t-il incontestablement et expressément par de dures paroles de réprobation, qui confinent à un réquisitoire.

Le prophète, qualifié en l’occurrence de « Ben Adam (fils de l’Homme) », doit attirer l’attention de son auditoire, pour aussi rétif qu’il lui paraisse, sur les points suivants. L’Eternel a bien fait dévolution aux Bnei Israël d’une terre qui fût la leur avec pour contre-partie qu’ils y observent la Loi du Sinaï, non seulement en apparence et verbalement mais par leurs conduites et par leurs oeuvres. Le contraire s’est produit. Au point d’avoir mené cette terre à rebours de sa vocation, une terre assimilée à une « femme menstruée », autrement dit qui ne peut concevoir la vie durant cette période au cours de laquelle son époux ne saurait non plus l’approcher, conjugalement parlant.

Il en est résulté un châtiment: l’exil et la dispersion de ce peuple, retourné à l’idolâtrie, parmi des nations étrangères afin qu’il y réalise ce que signifie perdre sa liberté de choix, être à nouveau traité en objet et en déchet. Cependant à l’expérience, le remède présumé s’est révélé pire que le mal qu’il fallait guérir. Cette fois c’est au sein même des nations étrangères, elles mêmes idolâtres, que les exilés ont profané (yéh’allélou) le Nom de la sainteté divine (eth Chem kodchi). Il faut s’arrêter à cette dénomination qui reviendra plusieurs fois dans la suite du texte. Que signifie t-elle exactement d’autant que le prochain remède annoncé aura prioritairement pour but non pas de rétablir la souveraineté d’Israël par le propre mérite de ce peuple mais bel et bien de reconstituer la sainteté du Nom de Dieu ((36, 22) ?

Selon la pensée juive, l’Être divin ( êtsem ) est en soi inconnaissable. Dieu se fait connaître par son Nom ( Chemo ) c’est à dire par ce qui l’appelle et qui le personnalise. En ce sens la Thora tout entière est considérée comme « Nom de Dieu » parce qu’elle en appelle personnellement à sa Présence, comme lors de la construction du Sanctuaire, du Michkane, au désert, ou au retour de celle-ci lorsqu’elle s’est éloignée du peuple ou retirée de lui ( Esther Panim ). Or selon la Loi du Sinaï le Nom de Dieu ne peut être « appelé » qu’en vue précisément de sa sanctification: pour être corrélé exclusivement au choix de la vie. La profanation du Nom de Dieu advient lorsqu’il est clamé et proclamé, on l’a dit, à rebours de cette orientation, lorsque la bénédiction ( berakha ) s’inverse en malédiction ( kelala ); lorsque les comportements et les conduites dénaturent et déjugent les normes et les valeurs que l’on prétend incarner.

Or c’est bien de ce clivage qui se trouve à présent mis en cause. Les conduites et les comportements des exilés semblent avoir empiré à cause de cet exil lui-même. En réalité les nations concernées en tirent prétexte et argument pour discréditer l’Alliance du Sinaï et profaner encore plus le nom de Dieu. C’est pourquoi, le prophète doit annoncer à Israël la décision divine: le retour du peuple sur sa terre, de sorte que cette « dés-exilation », si l’on pouvait ainsi la qualifier, devienne un enseignement pour ces peuples imbus d’eux mêmes qui n’ont pas compris quel était leur véritable rôle dans l’Histoire de Dieu et de l’Humain. Un enseignement universel se déploie en cette annonce et, comme on l’a souligné, c’est la raison pour laquelle Ezéchiel est appelé, lui, « Fils de l’Homme ».

Cependant cette nouvelle sortie d’exil ne sera que le prélude à une réelle prise de conscience de la part du peuple d’Israël qui retrouvera la confiance divine et la surabondance de ses bienfaits, ce qui entraînera, en identification bénéfique également, la reconnaissance de la Sainteté divine par ces mêmes nations qui avaient cru antérieurement la dénier.

Cette haphtara prend son plein sens lorsqu’elle est éclairée par le commentaire suivant d’Isaac Abravanel (ad. loc). Ces nations là, et en particulier celles qui descendent de Rome et d’Ichmaël, avaient connaissance de la prophétie d’Ezéchiel et donc de l’annonce par la Parole divine du retour d’Israël sur la terre que Dieu lui a confiée. De quel droit alors ont elles prétendu se l’approprier, tour à tour ou en se la partageant, au risque de perpétuer la profanation du Saint Nom divin et de s’en éloigner beaucoup plus loin qu’elles ne le réalisent?

                                                Raphaël Draï zal, 11 mars 2015

Evenement : « Si c’était Jérusalem – Hommage à Raphaël Draï et à Benjamin Gross » – 15 mars 2018

In Uncategorized on mars 8, 2018 at 12:35

sous la direction de Michel Gad Wolkowicz et de Michaël Bar Zvi, éditions

 Séminaire 2017-2018
Schibboleth – Actualité de Freud – 

Schibboleth

L’invention de la liberté,
et les voies de l’interprétation
— Clinique du contemporain — 

Sous la direction de
Michel Gad Wolkowicz 
Président de l’Association Internationale Inter-Universitaire
Schibboleth – Actualité de Freud – (Fr.) et de
The Interdisciplinary Institute Schibboleth – Presence of Freud – (Isr)

ISEG
28, rue des Francs-Bourgeois, Paris (IV)

7ème séance
en patenariat avec

SI C’ÉTAIT JÉRUSALEM

Jeudi 15 Mars 2018
de 20h30 à 23h00
Accueil dès 19h45

ISEG
28, rue des Francs-Bourgeois, Paris (IV)

Sous la présidence de 
Michel Gad Wolkowicz 
Professeur de Psychopathologie, Universités Paris-Sud, Tel Aviv, Glasgow ; psychanalyste, Association Psychanalytique de France ; Président de Schibboleth – Actualité de Freud –

AVEC

Philippe Val  
Écrivain, journaliste, essayiste ancien directeur de Charlie-Hebdo, et de France Inter ; Membre du Comité Éditorial de Schibboleth – Actualité de Freud –

Michaël Bar Zvi 
Philosophe, essayiste, Professeur à l’Université de Tel Aviv ; Membre du Comité Éditorial de Schibboleth – Actualité de Freud 

Alain Kleinmann
Artiste peintre, plasticien, Membre du Comité Scientifique de Schibboleth – Actualité de Freud 

Jacques Tarnero
Philosophe, documentariste, essayiste ; Membre du Comité Éditorial de Schibboleth – Actualité de Freud 

Daniel Sibony
Psychanalyste, philosophe, écrivain, Membre du Comité de Rédaction de Schibboleth – Actualité de Freud 

Eva Weil (psychanalyste, Membre de la SPP) et Patrick Bantman (psychiatre, membre du Comité Éditorial de Schibboleth – Actualité de Freud)

Marc-Alain Ouaknin

Rabbin, Professeur des Universités, philosophe, écrivain ; Membre du Comité Scientifique de Schibboleth — Actualité de Freud

… En présence d’auteurs et avec des interventions de Frédéric Encel (Géo-politicien), Franklin Rausky (Doyen de l’Institut Élie Wiesel), Claude Birman (Philosophe), Rivon Krygier (Rabbin), Monette Vacquin (Psychanalyste), Marc Cohen ( Médecin, exégète talmudique), Évelyne Chauvet (Psychanalyste), Richard Prasquier (Président du Keren Hayessod), Thibault Moreau (Psychanalyste), Jean-Jacques Moscovitz (Psychanalyste), Éliette Abécassis (Écrivain), Francine Kaufmann (Prof. culture juive), Sophie Nizard (Sociologue), Marc Nacht (Psychanalyste), Didier Long (pensée juive), Daniel Draï (Économiste), Michèle Lévy-Soussan (Médecin soins paliatifs), Danièle Brun (Prof. Psychopathologie), Émile-H Malet (Directeur de Passages), Michaël Jasmin (Archéologue), Emmanuel Jeuland (Prof.Droit), Jean-François Bensahel (Président de l’Ulif)…. 

 

  • Le nombre de places étant limité et l’affluence très importante, inscription préalable recommandée : secretariat@schibboleth.fr
  • Participation habituelle aux frais : 12 Euros
  • Nous vous remercions de diffuser auprès de ceux que cela intéresserait, et vous adressons nos cordiales salutations.

Informations, programme sur www.Schibboleth.fr 
ou en écrivant à secretariat@schibboleth.fr


INFORMATIONS
·  Les séminaires et colloques se retrouvent aux éditions In Press ainsi que, en partie sur Akadem.
·  Par un partenariat Schibboleth/RCJ (application RCJ téléchargeable), émission visio-radio mensuelle le 1er lundi de 12h30 à 12h50, avec l’invité du mois par  Jean Birenbaum et Michel Gad Wolkowicz : sont accessibles sur le site RCJ 94.8, « L’invité du 12-13 », les échanges avec Pascal Bruckner, Philippe Val, Georges Bensoussan, Jean-Pierre Winter, Bernard Golse, Marc Cohen et Daniel Sibony.
Prochaine émission :
– Lundi 5 mars
 2018 avec Jacques Tarnero.

Si C'etait Jerusalem

Michel Gad Wolkowicz 
et les Comités Éditorial et Scientifique pour le Séminaire : 

Thibault Moreau, Jean-Jacques Moscovitz, Jacques Tarnero, André Aboulkheir, Jacques Amar, Cyril Aslanov, Patrick Bantman, Michaël Bar Zvi, Jean-François Bensahel, Sylvie Benzaquen, Georges Bensoussan, Claude Birman, Pascal Bruckner, Danièle Brun, Viviane Chetrit, Claudine Cohen, Marc Cohen, Daniel Dayan, Frédéric Encel, Eugène Enriquez, Simon Epstein, Marion Feldman, Georges Gachnochi, Yolanda Gampel, Michel Granek, Bernard Golse, Serge Hefez, Christian Hoffmann, Joël Kotek, Michèle Lévy-Soussan, Didier Lippe, Émile H. Mallet, Éric Marty, Sylvie Méhaudel, David Mendelson, Lionel Naccache, Marc Nacht, Marc-Alain Ouaknin, Michaël Prazan, Ann-Belinda Preis, Philippe Robert, Rachel Rosenblum, Marie-Hélène Routisseau, Jacques Rozenblum, André Senik, Daniel Sibony, Jean-Benjamin Stora, Sam Tyano, Monette Vacquin, Philippe Val, Régine Waintrater, Eva Weil, Hélène Widlöcher, Simone Wiener, Jean-Pierre Winter, Jacques Wrobel, Daniel Zagury.

 

 

 

 

 

HAPHTARA KI TISSA – Rois, 18, 20 à 39

In Uncategorized on mars 2, 2018 at 12:00

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La paracha Ki Tissa relate les circonstances et les conséquences de la transgression du Veau d’or, tout juste après que les Bnei Israël ont accepté les dix Paroles du Sinaï. Pour bien faire comprendre qu’il ne suffit pas d’accepter un idéal, formellement. Qu’ensuite tout dépend de sa réalisation et celle-ci – à moins de supposer le problème résolu de la discordance entre l’idéal et le réel – ne va jamais de soi.

A des siècles de distance c’est à une discordance analogue que se heurte le prophète Elie, sous le règne du couple royal et idolâtre formé par Achab et Jézébel. En ce temps là les prophètes fidèles à l’Alliance du Sinaï sont impitoyablement persécutés. Lorsque l’on parvient à les capturer ils sont exterminés en masse. Dans son ensemble, le peuple fait montre de passivité laquelle encourage le couple royal et scélérat à persister dans ses agissements. C’est pourquoi le prophète Elie le convoque maintenant à une inéluctable épreuve de vérité. Il est temps que le peuple cesse « de boiter sur ses deux jambes », qu’il cesse de tergiverser, s’imaginant que le Dieu du Sinaï et que les idoles de Canaan sont des choix alternatifs. Le prophète Elie, lequel en attendant a bloqué toutes les sources d’eau sur la terre en litige divin, défie les 450 « prophètes » de Baâl face à ce peuple moralement claudiquant. Que l’on prépare un autel et qu’on y apprête symétriquement deux taureaux mais sans y mettre le feu avant l’heure convenue. Après quoi chacun invoquera son dieu. Le premier qui consumera le sacrifice, sera reconnu pour l’unique et vrai Dieu. Le peuple acquiesce.

Les premiers, dès le matin, les prophètes de Baâl, apprêtèrent leur sacrifice et se mirent à invoquer leur divinité tutélaire. Leurs implorations durèrent jusqu’à midi. En vain. Point de réponse. Et les voici qui s’agitent et se démènent au dessus de l’autel qu’ils avaient eux même confectionné, comme s’ils y cherchaient un défaut de conception et de fabrication qu’ils n’y avaient pas immédiatement perçu. A midi, Elie les interpelle sur un ton qui passerait pour ironique s’il ne correspondait exactement à la réalité de la croyance idolâtre et à ses liturgies illusoires: « Appelez à haute voix (bekol gadol) car c’est un dieu ! » Sans doute ce dieu est –il occupé à des affaires plus importantes ! A moins qu’il ne se soit accordé, qui sait, un petit somme dont il finira bien par s’éveiller ! Face à ce défi les prophètes de Baâl s’adonnent à une liturgie encore plus violente et sanglante, paroxysmique. Ils tailladent le corps d’où leur sang ruisselle, sans cesser d’invoquer leur divinité, et cela jusqu’au milieu de l’après midi. Cependant, toujours point de réponse ni aucune marque d’attention. C’est le moment décisif. Elie demande au peuple, à tout le peuple (col haâm) de bien vouloir s’approcher de lui (guéchou élay). Et le peuple dans son entier s’approche de lui.

Elie commence par rétablir symboliquement et matériellement l’autel de Dieu, jusqu’alors démantelé. Ensuite il réunit un ensemble de douze pierres représentant également les douze fils de Jacob, nommé à présent Israël, de ce nom transcendant que chaque Bnei Israël doit assumer personnellement. Après quoi, il dispose les éléments du sacrifice proprement dit et fait entourer l’autel d’une tranchée. Sur le taureau sacrificiel il fait verser par trois fois quatre cruches d’eau, par quoi se retrouve la symbolique du douze. Cette eau est versée en abondance au point d’emplir la tranchée.

Et c’est au moment précis de la prière de minh’a, qu’Elie en appele au Dieu d’Israël « Réponds moi, Seigneur ! Réponds moi et que le peuple sache que tu es l’Eternel Dieu (Hachem Haélohim) et toi tu les ramèneras leur cœur à son origine (ah’oranit) ». Et cette fois la réponse de Dieu survient sous la forme d’un feu qui consume le taureau sacrificiel, le bois, les pierres et la terre avant d’assécher toute l’eau de la tranchée. Enthousiasmé, le peuple exulte et proclame son adhésion élective en en redoublant l’expression: « L’Eternel est Dieu, l’Eternel est Dieu ».

Peut on affirmer alors qu’Elie a « gagné », qu’il est sorti vainqueur de cette épreuve divine, de cette ordalie? La réponse est moins évidente qu’il ne le semble. Pourquoi? Précisément parce que nous ne sommes plus immédiatement après la Sortie d’Egypte, alors que le peuple était encore tout imbibé, si l’on peut dire, de mentalité et d’habitudes idolâtres. Des siècles et des siècles se sont écoulés et il semble que le travail spirituel soit sans cesse à reprendre depuis le début (ah’oranit), tant s’avèrent lourdes les propensions idolâtriques.

Version biblique du mythe de Sisyphe? En partie mais surtout enseignement profond sur ce que signifie cheminer dans l’Histoire avec ce que celle-ci exige de patience, de lucidité, d’endurance et de fermeté spirituelle.

                       Raphaël Draï zal 6 mars 2015