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BLOC-NOTES: Semaine du 4 Aout 2014

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on août 8, 2014 at 12:38

5 août.

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S’il est en France un homme politique qui devrait prendre garde à ne pas user de mots outranciers, c’est bien Laurent Fabius qui ne cesse de parler de «massacres» commis selon lui par l’armée d’Israël dans sa guerre contre le Hamas. Notre ministre des Affaires étrangères a t-il oublié ce qu’il a enduré lors de l’affaire dite du « sang contaminé » qui l’a conduit jusqu’à la Cour de Justice de la République sous l’imputation d’homicide involontaire? Et il en est sorti heureusement acquitté. Pourquoi alors massacre t-il la langue française? La notion de « massacre » implique une intention à la fois délibérée et aveugle: celle de tirer dans le tas, de tuer pour tuer. Qui peut honnêtement prétendre que telle soit la conduite des opérations menées par l’armée israélienne à Gaza alors que le Hamas a disséminé ses engins de mort, ses postes de commandements, ses bunkers et ses tunnels en pleine population civile, d’une part pour inhiber les opérations militaires de l’armée adverse et d’autre part pour mener contre elle une guerre des images voulue dévastatrice? Il n’en va pas autrement de la tribune publiée dans un journal du soir par le quadrige Morin, Brauman, Debray et la dame Hessel. En somme le prétendu haut du panier « moral » qui là encore fait d’Israël un monstre d’inhumanité, acharné à l’oppression d’un peuple qui n’est pour rien dans son propre malheur. Pourtant à la place des faiseurs d’opinion et des pouvoirs publics, je me méfierais de ce genre d’intervention vipérine. Face à notre quadrige fatal, se tiennent dans ce qu’il est convenu d’appeler la communauté juive de France, entre autres des centaines et des centaines de chefs d’entreprises, de médecins, d’avocats, d’enseignants, de chercheurs, de professeurs d’université qui n’ont pas moins de cervelle que nos aigles aux serres crispées d’indignation sélective. Eux pensent exactement le contraire: qu’Israël est dans son droit, qu’un jour ou l’autre l’on prendra conscience qu’à vouloir le souiller, politiquement, juridiquement, moralement on ne fait que cracher en l’air. Il est vrai qu’à la dernière manifestation de soutien à la population d’Israël ciblée par des milliers de roquettes peu nombreux étaient les hommes et les femmes politiques n’appartenant pas à la communauté juive de France. Cette absence aussi est un enseignement qui engage les choix d’avenir. Il faut espérer pour l’instant que le cessez-le feu intervenu il y quelques jours tiendra. Car la rentrée s’annonce dure pour le peuple de France. A bout de ressources, le gouvernement de Manuel Valls en est maintenant à jouer du rabot à tour de bras contre les professions libérales; notaires, pharmaciens, huissiers etc… qui lui promettent une rentrée calorifique. L’agence Moody’s estime que la France n’a toujours aucune possibilité de faire ne fût-ce qu’une partie des économies qui lui permettraient d’apercevoir le bout du tunnel, si l’on ose dire par les temps qui courent. Et l’Allemagne refuse toute bouteille d’oxygène à François Hollande par ailleurs empêtré dans le charcutage des régions au point que les radicaux de Gauche menacent à leur tour de quitter le gouvernement. Que l’Afrique semble calme vue du beffroi de Lille…

6 août

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Pour le magazine « Time », avec Poutine a commencé le seconde « guerre froide » de l’histoire du monde contemporain. Le ministre des Affaires étrangères de Pologne ne cesse de lancer des cris d’alarme: la Russie ne reculerait pas devant une intervention armée massive en Ukraine et elle entérine par une série d’actes symboliques son annexion physique de la Crimée, accomplie dans la torpeur diplomatique générale. Telle est d’ailleurs la méthode Poutine: faire fond sur la passivité de ses homologues, pour ne pas dire sur leur lâcheté; se placer chaque fois dans la position du challenger si ce n’est de la victime, que ce soit des Etats-Unis ou de l’Union Européenne, et rendre coup pour coup. On le menace de sanctions financières et économiques? Il menace à son tour d’interdire le survol de la stratégique Sibérie aux compagnies d’aviation des Etats qui lui font des misères. Le reste à l’avenant. Il semble bien que, lui, sache ou il va puisqu’il y va de manière lucide et déterminée, alors que les Etats- Unis se sont laissés engluer dans les négociations filandreuses avec l’Iran et que la France patauge dans le centre de l’Afrique, tandis que le Liban, menacé par l’Etat Islamique, lui réclame des armes, de la logistique, des conseillers au risque de l’entraîner dans un autre conflit régional, couleur bourbier. La France flambeuse qui envoie des millions d’euros à Gaza et au Liban, comme si son taux de croissance était de 5% l’an …

7 août.

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Lecture du livre d’Arthur M. Schlesinger Jr: « The Politics of Hope ». Belles leçons à la fois de réalisme et de morale, sans mièvrerie, sans aucune vocalise de belle âme. Pour Arthur M. Schlesinger Jr, il n’est pas de politique libérale, au sens conceptuel ou décisionnel, qui n’implique à un moment ou à un autre des choix intensément moraux. Nul besoin de s’abriter derrière une prétendue force des choses ou devant des contraintes techniques incoercibles. Il faut en ce domaine savoir ce que l’on peut, ce qui dépend toujours de ce que l’on veut, de ce que l’on veut vraiment, et s’y tenir. Depuis les années 40, ce qu’il est convenu d’appeler « société » est constitué moins de personnes vivantes et contradictoires que de choses jetables après usage, même partiel. L’idéologie coconnière des « groupes » et des « collectifs » a lentement érodé le sens de la responsabilité personnelle. Au point que lorsque celle-ci est sollicitée, qu’elle est requise par les fonctions mêmes auxquelles tel chef d’Etat ou de gouvernement a pourtant prétendu, l’on ne sent qu’aboulie et désarroi, le tout camouflé par la «com» qui ajoute la cécité à l’illusion. En prendre conscience n’est pas s’exposer à la déprime ravageuse. Au contraire: c’est donner plein sens au titre de ce recueil d’études: la politique de l’espoir. L’espoir ne s’inscrit jamais dans un avenir donné: cet avenir il le crée.

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QUAND GAZA CACHE BENGHAZI …

In CHRONIQUES RADIO, SUJETS D'ACTUALITE on août 4, 2014 at 12:44

On peut légitimement se demander pourquoi le Hamas et le Djihad islamique s’obstinent à poursuivre les combats à Gaza malgré les pertes qu’ils y subissent et la défaite cuisante qui s’annonce pour leurs chefs.

C’est qu’il ne faut pas perdre de vue qu’en réalité deux guerres étroitement coordonnées se déroulent en ce moment au Proche et au Moyen-Orient mais aussi en Afrique et dans d’autres régions du monde. La première fait l’objet d’une fixation émotionnelle, médiatique et diplomatique planétaire. Il s’agit de la guerre qui oppose en effet à Gaza, l’Etat d’Israël d’une part, le Hamas et le Djihad islamique d’autre part. Pour protester contre cette guerre-là de nombreuses manifestations anti-israéliennes sont organisées un peu partout, amalgamant comme en France, des salafistes, des CGTistes, des communistes, des écologistes, et on en passe, bref tous ceux que le grand écrivain britannique George Orwell appelait dans les années 30, pour caractériser ce pudding idéologique, les « fascisfistes », faisant défiler cette fois côte à côte, sans un battement de cils, pacifistes scandalisés et fanatiques d’un islamisme exterminateur.

Pendant que le monde, comme on dit, a les yeux tournés vers Gaza, les maîtres de l’Etat pirate, nommé Etat Islamique qui a pris pied en Irak poursuit, lui, son expansion inexorable en profitant de cette diversion. De cette emprise de piraterie internationale, aucune chancellerie, ni la Maison Blanche, ni l’Union Européenne, ni nos « fascifistes » gaulois, belges, espagnols ou londoniens ne se préoccupent.

Et pourtant: après s’être emparées d’un grand lambeau de l’Irak et d’une partie de la Syrie, avec le Liban en ligne de mire, et donc le nord d’Israël, les troupes du nouveau Calife viennent de capturer la ville libyenne de Benghazi, à brève distance de Tunis. C’est sous le commandement de la même nébuleuse que les unités de Boko Haram investissent, là encore méthodiquement, des parties entières de l’Afrique où, seule, l’armée française fait le coup de poing. Certains observateurs ne croient pas devoir s’en alarmer outre-mesure, envisageant cyniquement une tripartition de l’Irak entre sunnites, chiites et kurdes. Ce ne pourrait être qu’une vue fallacieuse. Dimanche, le plus grand barrage hydraulique d’Irak est tombé dans les mains de l’armée du Calife qui vise à présent la prise de Bagdad et donc non un tiers de l’Irak mais l’Irak entier car confrontés à ses éléments armés les kurdes n’ont pas résisté longtemps. Face à une menace d’une telle envergure rien ne se passe: aucun défilé, aucune réunion des Ministres des affaires étrangères de l’Union Européenne, aucune réunion du Conseil de sécurité, la présidence Obama s’étant engluée dans les négociations sans résultats tangibles avec l’Iran. D’où ce gigantesque absentéisme diplomatique et militaire…

Dans la guerre de feu et d’images où l’Etat d’Israël se trouve en première ligne, il en va vraiment du sort de l’ensemble de cette zone géopolitique moyen-orientale, qui affectera inévitablement, au train où vont les choses, la zone euro-méditerranéenne et tout particulièrement la France. François Hollande et Manuel Valls mais non pas Laurent Fabius semblent l’avoir compris. Ce qui explique qu’ils se fassent copieusement conspuer dans ces défilés où exsude la haine d’un Etat qui, pour se battre à Gaza, ne perd pas de vue une seule seconde sa frontière nord.

Raphaël Draï, Radio J, le 4 août 2014.

OBAMA ET KERRY: LA PAIX OU LA PLAIE?

In CHRONIQUES RADIO, SUJETS D'ACTUALITE on juillet 28, 2014 at 11:46

Alors que les observateurs de bonne foi et soucieux de l’avenir des démocraties découvrent ce qu’est devenu en réalité le territoire de Gaza sous l’emprise du Hamas, et alors que celui-ci préparait rien de moins qu’une invasion du sud d’Israël pour Roch Hachana, le président américain actuel vient, ce dimanche, sur un ton particulièrement comminatoire, d’enjoindre à Israël d’observer un cessez-le feu inconditionnel. Autant dire un cessez-le feu qui préserve l’existence du Hamas et qui lui permettra de préparer le round suivant. Une pareille attitude, vis à vis d’une démocrate et d’un allié, ne peut pas ne pas profondément choquer ceux et celles qui ne considèrent pas que ces deux termes soient vides de sens.

L’Etat d’Israël n’est pas la Tchécoslovaquie dont un quatuor composé pour la moitié de lâches et l’autre de forbans décidaient de son avenir en septembre 1938. Selon les plus récents sondages, et pour la première fois sans doute depuis la première guerre du Liban, pas moins de 85% de sa population qui sait son existence même menacée voudrait que le régime de terreur et de piraterie en place depuis au moins 2007 à Gaza fût mis définitivement hors d’état de nuire. Qu’à cela ne tienne: pour des raisons dont certaines sont idéologiques et d’autres plus ambiguës, Barack Obama a décidé de sauver le Hamas en donnant le sentiment qu’Israël n’a pas réussi en 20 jours à en venir à bout. Ce qui conduit à reconsidérer toute la politique de l’actuel président des Etats Unis depuis 6 années à présent dans cette région du monde.

De l’Egypte à l’Irak en passant par l’Iran, la Syrie et à présent par Gaza, Barack Obama mène la plus grande puissance du monde d’erreurs en échecs. Déjà avec Hillary Clinton comme Secrétaire d’Etat il a cru devoir favoriser l’illusoire «printemps arabe». On sait désormais que cette expression désigne le plus court chemin pour passer du général Moubarak au Général El Sissi en transitant par les Frères musulmans. Depuis le début de l’été, l’installation sur le territoire de l’Irak d’un Etat Islamique qui fait paraître le Moyen Âge comme une source de lumière le laisse inerte. Sous la présidence d’Obama, la Libye de Khadafi est devenu en outre une réplique du chaos. Une fois Hillary Clinton remplacée par John Kerry, celui-ci s’est acharné à vouloir imposer sa vision des choses dans le conflit israélo-palestinien. Il s’y est embourbé comme personne avant lui, ce qui à présent le rend irascible et vindicatif vis à vis du gouvernement Netanyahou et l’incite à la politique du pire en compagnie du turc Erdogan et de l’émir du Qatar. Quel enseignement en retirer?

D’abord et avant tout ne pas se laisser impressionner. Lorsqu’il y va de l’existence, les pressions d’où qu’elles viennent appellent les contre-pressions et les justifient. Dans deux années, s’il tient jusque là, car l’Ukraine à son tour est entrée selon le CICR en guerre civile, Obama sera retourné à ses études et plus personne n’aura plus à subir son pacifisme inconséquent. D’ici là, il appartient au peuple d’Israël uni comme jamais de définir lui même les conditions de son existence politique et historique. En 1948 c’est contre la Grande Bretagne, puissance mandataire, que ses responsables l’avaient décidé. En 2014, ce sera contre un président des Etats Unis pacifiste en paroles mais qui ne tolère pas qu’on le contrarie. En 1948, le peuple d’Israël a combattu comme il le fallait un ennemi. Aujourd’hui, il doit savoir avec détermination s’opposer à un faux-ami.

RD

BLOC-NOTES: Semaine du 21 juillet 2014

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on juillet 25, 2014 at 12:59

23 juillet.

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Ce n’est pas sans réelle appréhension que les pouvoirs publics ont finalement autorisé la manifestation pro-palestinienne et surtout anti-israélienne qui devait battre le pavé de Paris ce mercredi. Les mots d’ordre avaient été passés au crible, les services d’ordre, notamment celui de la CGT, validés. On peut d’ailleurs s’étonner que cette centrale syndicale ait été de la partie, ce qui démontre son osmose avec le PCF dont on ne répètera jamais assez qu’il ne représente plus rien ou presque, électoralement parlant, dans le pays. Quant à sa vocation syndicale, la CGT est incapable de créer un seul emploi en France ou d’empêcher la fermeture de n’importe quelle usine. Pour faire corps avec les dirigeants du Hamas, elle se retrouve en première ligne. S’assemblent ceux qui se ressemblent. Partout dans le monde, les islamistes qui y prennent le pouvoir agissent de même. Ils ne savent ni ne veulent rien construire. Ils sont spécialisés dans la destruction sans appel. Il n’est que de constater le sort réservé aux chrétiens de Mossoul sous le pouvoir sauvage d’El Baghdadi. Est-ce cela qui attend la France? Les pouvoirs publics en sont conscients même si certains démagogues renâclent et voudraient transformer la place de la Concorde en place Tah’rir avant de faire défiler les unités de Boko Haram sur les Champs Elysées. Pourtant des failles apparaissent dans ce « front » anti-israélien, lequel trouve ses avant – postes au quai d’Orsay, dans la pure tradition gaulliste et mitterrandienne. Laurent Fabius en est le porte-parole obligé, quoi qu’il en pense, in petto. Il n’est que de comparer ses déclarations officielles à celles moins sinueuses de ses collègues britanniques et allemands. Quant aux « Verts », les états d’âme y deviennent loquaces. Il n’est pas sûr que Emmanuelle Cosse et que François de Rugy soient sur la même ligne. Pour ce dernier l’antisionisme n’est que le faux-nez d’un antisémitisme indécent qui n’a pas le courage de s’avouer à la première personne. A EELV, qui compte autant d’adhérents qu’un club bouliste de moyenne importance, la mouvance verdâtre est activée notamment par une nommée Esther Benbassa, faufilée au Sénat, qui ne sait se prévaloir de son judaïsme natif et de sa nationalité israélienne que pour prendre le contre-pied systématique de la grande majorité des Juifs de France et dénoncer à la télé ceux dont la tête ne lui revient pas, lesquels le lui rendent par un mépris d’une rare compacité. Au bout du compte et au regard de l’affluence attendue, la manifestation de ce mercredi sur laquelle l’on percevait tout même quelques effluves de honte reste bien un semi-échec pour ses organisateurs. Un cortège comptant entre 15 000 et 20000 manifestants n’est pas un exploit. Reste l’accumulation des rancoeurs, des haines, des ressentiments et des menaces de représailles électorales contre François Hollande et Manuel Valls qui se sont néanmoins comportés en hommes d’Etat pendant que pas un mot n’émanait en ces heures tendues de Nicolas Sarkozy en vacances au Cap Nègre. Quant à Marine le Pen, elle devait se trouver en stage de spéléologie, au plus profond des entrailles de la terre, sans portable et sans tablette numérique …

24 juillet.

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Deux avions de chasse ukrainiens abattus probablement par des missiles de séparatistes pro-russes. Pendant que John Kerry a été littéralement assigné à résidence par Obama au Moyen Orient, le reste du monde entre en éruption dans cette région où Mackinder, le père de la géopolitique, localisait le cœur battant de la planète. John Kerry voudrait bien jeter l’éponge mais il a oublié d’en emporter une dans sa mallette diplomatique. Le président égyptien El Sisi lui voue une si grande considération qu’il n’a pas hésité à le faire passer avant audience sous le portail de sécurité, comme n’importe quel livreur du Palais présidentiel. Les Etats-Unis sont entrés en campagne électorale et les Républicains sont décidés à faire avaler ce qui lui reste de chapeau à leur président actuel, lequel au bout de six années de pouvoir restera comme l’un des plus calamiteux de l’Histoire des Etats Unis, puissance présumée planétaire dont l’influence diplomatique recule et dont l’économie souffre d’un fort coup de froid. Si le Conseil de sécurité et si le Conseil onusien des droits de l’Homme sont toujours disponibles pour une bastonnade collective contre Israël, pas un mot n’y est prononcé pour la sauvegarde des chrétiens d’Irak, rançonnés, pillés, sommés de se convertir sur le champs ou de faire ce qu’il leur reste de bagages sous peine d’égorgement en famille. En leur direction Mgr Barbarin a lancé un appel de détresse qui pour l’instant semble tomber dans le silence comme la pierre au fond de l’eau. D’où cette question: pourquoi les centaines de milliers de manifestants qui ont protestés contre le mariage pour tous s’avèrent incapables de se retrouver pour cette cause? La peur? La résignation? Ou la fascination morbide du martyre? Et cet avion d’Air Algérie qui s’est écrasé au dessus du Mali où la France opère militairement. Plus de cinquante victimes françaises parmi les passagers …

25 juillet.

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Après avoir vu le film – opéra de Tom Hooper tiré des « Misérables », replongé dans ce livre-fleuve, dans ce roman-monde de Victor Hugo, admiratif comme jamais devant ses dimensions, sa densité et surtout son architecture interne, sans parler de ses personnages qui sont devenus de véritables personnes vivantes. Dans « Les Misérables », au travers des péripéties du récit, l’on voit se dessiner le paradigme: Infini (Dieu), justice, loi, droit, règle, avec son envers: le démoniaque, l’arbitraire, le déni de justice, l’anarchie destructrice, jusqu’au moment de la réduction des antinomies: la conversion de Javert, la rédemption de Jean Valjean, le mariage « inter-classes » de Marius et de Cosette. Et puis, pas une phrase qui ne soit une formule. Je retiens celle ci, valable comme jamais pour les temps actuels: « Ce n’est pas une raison de se taire parce que qu’on n’est pas écouté ». L’éthique hébraïque le formule autrement: quelle est la différence entre le « dire » et la simple parole? La parole n’a pas besoin que l’on élève la voix pour se faire entendre. Ce qui présuppose à tout le moins que votre interlocuteur ne s’avère pas dur d’oreilles ou qu’il ne pratique pas la surdité sélective.

 

RD

 

 

 

AU BOUT DES TUNNELS, L’HISTOIRE

In CHRONIQUES RADIO, SUJETS D'ACTUALITE on juillet 21, 2014 at 7:28

Pour ceux qui pouvaient encore entretenir la moindre illusion sur la nature du Hamas et sur ses véritables buts, et à l’intention de ceux qui s’interrogeaient sur ce qu’est le Djihad, la guerre de Gaza vient de l’attester. Il ne s’agit ni d’un western ni d’une guerre virtuelle. Le Hamas cherche obsessionnellement la destruction de l’Etat d’Israël dans sa toute réalité, et en premier lieu en s’attaquant à sa population civile par des moyens qui dépassent l’entendement ordinaire, sans parler du droit international.

Car les fameux tunnels que l’armée d’Israël détruit à présent sur place et systématiquement ne partaient pas seulement de l’Egypte pour arriver à Gaza. Ils partaient de Gaza pour déboucher en territoire israélien afin d’y pratiquer des enlèvements, des égorgements, afin de terroriser une population laquelle, ne pratiquant pas cette sorte de guerre innommable, n’aurait plus eu d’autre choix que de capituler, le territoire d’Israël étant ensuite annexé non pas même à l’Etat de Palestine, à l’Etat-OLP, mais à l’Etat islamique qui s’est sauvagement constitué sur des lambeaux de la Syrie et de l’Irak.

Il faut imaginer, et désormais on le fera sans nulle difficulté, des tunnels analogues à ceux qui ont perfusé de mort le territoire de Gaza durant plus de deux années, partant cette fois d’habitations civiles sises à Hébron ou Bethléem et débouchant à Guilo, à Baka, à Mamilla, pour nous limiter à ce seul point cardinal, avec le Kotel pour objectif. En prendre conscience a quelque chose d’horrifique. Tel était le plan que l’assassinat commis à Hébron a mis au jour et a permis in extremis, et non sans interrogations, de déjouer. Il est vrai que dans cette sorte de guerre exterminatrice, le Hamas comptait exploiter les clivages idéologiques de la société israélienne, sur son goût de la vie, peut être sur les habitudes liées à son occidentalisation économique.

A présent, et à fronts renversés, il réalise qu’il a réussi à mobiliser un peuple entier, toutes générations confondues, un peuple qui refuse d’être plus longtemps la dupe de la fausse morale, de la morale à sens unique, et des droits de l’homme invoqués cyniquement, sans aucune obligation de réciprocité. Appelés à la grève générale ceux des Arabes d’Israël qui crachent sur leur nationalité et entendent disloquer cet Etat de l’intérieur doivent également le comprendre sans équivoque. Tocqueville, cité par Raymond Aron avait raison: les démocraties, lorsqu’elles sentent leur existence en cause, sont longues à se mettre en mouvement mais lorsqu’elles l’ont décidé elles ne s’arrêtent plus. Revenir à la situation de 2012 serait démentiel.

Je suis de ceux à qui le vocabulaire guerrier inspire une sainte horreur. J’éviterais donc d’user du mot «victoire», sauf lorsqu’il demeure associé au choix de la vie. Car c’est à présent sa vie que l’Etat d’Israël doit défendre contre une engeance à la fois mortifère et planétaire qui s’exprime aussi bien à Gaza, qu’à Londres, à Paris ou Sarcelles et à laquelle l’Egypte elle même a décidé de se confronter. Pour le peuple juif en général et pour les citoyens juifs de France en particulier ces jours sont historiques puisqu’il y va de l’avenir.

Puisse la République française, menacée à son tour dans ses fondements et sapée dans ses principes vitaux, le comprendre et, en fait d’avenir, discerner dans quelle direction s’inscrira ou s’effacera inéluctablementle sien.

Raphaël Draï – Radio J – 21 Juillet 2014

Bloc-Notes: Semaine du 14 Juillet 14

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on juillet 20, 2014 at 6:28

14 juillet.

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Hier, dimanche, une bande d’énergumènes, manifestant pour la cause palestinienne et en faveur du Hamas – comme si les deux allaient de soi et surtout comme si les deux étaient automatiquement liés – s’en sont pris à la vénérable synagogue de rite judéo-portugais de la rue de la Roquette. On se demande quel eût été le sort des fidèles qui se trouvaient là s’ils avaient pu y pénétrer! Que des militants islamistes donnent cours à leur haine et à leur ressentiment est une chose. Que leur manifestation ait été soutenue par des formations politiques comme le PCF ou le NPA autre chose. Le Parti Communiste Français joue un rôle délétère dans la propagation de l’antisionisme en France. Passe encore si cette position correspondait à une conviction véritable. En réalité, pour ce parti devenu fantomatique, si l’on songe à ce qu’il était du temps de Thorez et même de Marchais, l’antisionisme est une « cause » qui lui donne l’occasion d’exister et qui finit par l’en convaincre. Il ressemble de plus en plus à ces morts des champs de bataille dont on a bourré les cadavres d’explosifs. Quant au NPA de Besancenot qu’en dire qui reste charitable? Le Nouveau Parti Anticapitaliste est mené ou inspiré par ce postier d’opérette qui joue dans son registre dérisoire les prêtres-ouvriers des années d’après-guerre. Son «service» à La Poste, aménagé en fonction de ses « responsabilités » syndicales et politiciennes, lui laisse suffisamment de temps pour engranger des points de retraite et faire l’important sur les plateaux de télé qui veulent encore filmer ce poulbot quadragénaire. Car Olivier Besancenot est tout sauf un intermittent du spectacle. Comme il est contesté à l’intérieur même de son groupuscule, et comme celui-ci n’a aucune légitimité démocratique – il faut réaliser que le score du NPA aux dernière élections européenne a été de 0,30% des suffrages exprimés, autant dire nul – il récusera le principe même de la démocratie et cherchera aveuglément des alliances amphétaminiques. D’où sa collusion avec les islamistes dont la préférence pour le vert n’est celle du vert écologiste – à quelques exceptions prés. Les salafistes-djihadistes de France doivent en faire intérieurement des gorges chaudes. Ils savent bien s’ils prenaient le Pouvoir quel sort serait réservé à des benêts de cet acabit qui prétendent parler au nom de l’avenir mais qui ne font que ressasser des idées déjà sénescentes en 1968. La haine ne va pas sans simplisme intellectuel, si ces deux mots pouvaient être accolés. Plus que jamais la pensée doit retrouver en France ses droits et ses exigences. Ce qui nous reconduit au système de la Vème République dans son délabrement présent. II faut espérer qu’entre-temps les Pouvoirs publics ne perdront pas de vue leur devoir.

 

16 juillet.

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Un avion de ligne malaisien abattu par un missile ukrainien. Prés de 300 morts. A quoi s’ajoutent pour cette seule journée les 200 morts, égorgés ou abattus d’une balle dans la nuque, en Syrie, plus les 14 militaires tunisiens et les 2 militaires algériens tués dans des coups de main djihadites. Sans compter les nouvelles victimes de Boko Haram et la menue monnaie des morts qu’on ne dénombre plus en Irak où « l’Etat Islamiste » auto-proclamé vient de rétablir le Caliphat. Les Etats-Unis soupçonnent les indépendantistes ukrainiens pro-russes d’avoir déclanché le tir et provoqué ce massacre caractérisé. Pourtant le Conseil de Sécurité ne se réunira pas pour ces broutilles tant qu’il aura Israël à se mettre sous la dent. Le conflit israélo- palestinien fait désormais l’objet d’une véritable polarisation diplomatique, pour ne pas dire d’une inquiétante fixation psychique. Quoi qu’il se passe dans le monde, tout y conduit, ou tout y ramène. Pendant ce temps, les conflits prolifèrent et la carte du monde change. La relecture du livre de Raymond Aron « Dimensions de la conscience historique » en fait justement prendre conscience. Après la chute du mur de Berlin et la liquéfaction de l’URSS, l’on pensait que la structure des relations internationales allait se modifier sensiblement; que le temps de la paix allait advenir; que celui des nationalismes impériaux ou des Empire nationalistes était révolu; que le règne modeste de l’éthique était fort proche. Raymond Aron a écrit un autre livre aussi: « Les désillusions du progrès ». Il en va du progrès économique comme du progrès en diplomatie. Sous nos yeux se constituent ou se reconstituent deux formes d’impérialismes dont la nature attend d’être plus précisément étudiée: l’impérialisme russe, à la Poutine, et l’impérialisme djihadiste. Le premier ne tient aucun compte des «équilibres» et concessions consenties après la chute de l’URSS. La captation de la Crimée en représailles contre la tentative de « sécession » ukrainienne l’atteste. Et ce n’est sans doute pas fini pour cette région du monde. Quant à l’impérialisme djihadiste, il ne se limite plus au territoire capté par l’ex-«Etat Islamique en Syrie et au Liban» devenu «Etat Islamique» tout court. Il se configure partout où cette forme d’islam peut s’exprimer, militairement ou par manifestations de masse, en Europe notamment; partout où les populations de référence islamique en forment le substrat matériel et le potentiel mobilisable. Les démocraties sauront- elles y réagir? Désillusions du progrès, progrès de la désillusion. L’anarchie augmente un peu partout. En Turquie mentalement islamisée, Erdogan ne cesse d’éructer sa haine contre Israël et l’Egypte. Il n’a plus qu’Hitler à la bouche. On imagine cette Turquie là, toujours membre de l’OTAN, à l’intérieur de l’Europe…

17 juillet.

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Le livre que j’ai ouvert, en même temps que ma fenêtre: la biographie d’Anaïs Nin par Deidre Bair, en est à la même page. Par quoi en avoir été distrait? Partiellement par son objet même. Sans doute les Journaux de Nin sont-ils d’un grand intérêt pour les admirateurs de cette sorte de littérature que l’on pourrait qualifier, sans chercher à être désobligeants, d’«orificielle» tant les orifices corporels y jouent un rôle déterminant. Quant à son comparse, Henry Miller, je doute qu’il soit le grand écrivain que l’on prétend. J’ai lu Sexus il y a quelque trente ans et ai perçu la différence avec Sade, et même avec Bataille ou Guyotat. Mais c’était le temps du reflux irrépressible des corps viscéraux, jusque là ignorés ou sublimés, dans le corps même des livres imprimés. Une phase inévitable, comme celle du cinéma pornographique des années 70. Pourtant cette cause- là ne jouait pas seule. Ce jour de plein juillet me trouvait attentif à la chute des feuilles, aux platanes géants déjà roussis, aux pans du mur de l’immeuble d’en face, que l’on ne voit pas durant le printemps, qui redevenaient visibles, avec dans l’épaisseur même des feuillages d’où l’on sent que la sève se retire des trouées de ciel bleu, d’un bleu insensiblement atténué. L’automne pressé d’arriver dans les pas de l’été pressé de s’en aller? Du Vivaldi silencieux.

RD

Bloc-Notes: Semaine du 7 juillet 14

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on juillet 20, 2014 at 6:07

9 juillet.

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Dans l’effondrement au moins moral du système politique français, frappent les homologies entre UMP et PS. D’un côté, des « vieux de la vieille », politiquement parlant, comme Alain Juppé ou Jean-Pierre Raffarin, affirment qu’ils n’ont jamais été témoins d’autant de manifestations haineuses des uns contre les autres au sein de leur propre famille; de l’autre Jean-Christophe Cambadélis, « patron » du PS, et qui n’est pas tombé non plus de la dernière pluie, affirme qu’il faudra au moins un an, et à condition de commencer sans tarder, pour que le PS se relève de ses ruines. On aura assisté ainsi à la capitulation finale des députés PS qualifiés de « frondeurs » pour le vote du budget de la Sécu. Frondeurs, certes mais pas téméraires. Pour sa part, Jean-Luc Mélenchon broie du noir. On espère pour lui qu’il ne se mettra pas aux boissons fortes. Tel est le tableau, avec un Président qui a changé de lunettes mais non sa façon de voir, qui se trouve de plus en plus seul à l’Elysée mais qui laisse dire qu’il sera présent en 2017, ce qui, au regard de l’état actuel de la France, transforme ses fameuses lunettes carrées en télescope tourné vers la comète. Pour Alain Juppé le diagnostic est clair et il l’affiche: à droite et à gauche sévit le « chacun pour soi ». L’idée de « service », au sens du bien commun, disparaît des champs mentaux et quiconque représente une menace pour un intérêt personnel est déclaré ennemi public. Aucune arme ne semble trop assassine ni polluante: mise en cause de la vie privée, déballage des comptabilités, épluchages des fiches de paye et des notes de pressing. Le pire, c’est que depuis quelques décennies, en même temps que cette boulimie de pouvoir, s’est confirmé le déclin de la morale, même si le « tout-éthique » s’est répandu comme une nappe de pétrole après le naufrage du tanker. Heureusement, la coupe du Monde de foot ouvre des dérivatifs hebdomadaires et permet de recoller aux tragédies antiques. Le naufrage du Brésil face à l’Allemagne – qui avait déjà éjecté la France – a dépassé ce que les pronostiqueurs et tireuses de cartes avaient cru pouvoir en pronostiquer. Et il reste le tour de France cycliste avec ses petits drames et ses grandes tragédies transférentielles. Car il faut rester capables de rêver comme des enfants épris d’héroïsme, à condition de ne jamais perdre de vue qu’il faudra aussi se réveiller dans cinq ou six semaines. D’ici là rien n’interdit d’emporter dans ses bagages L’Ethique de Spinoza ou L’esprit des Lois de Montesquieu. A l’évidence, la lecture en sera moins haletante que le match Brésil–Allemagne mais au moins on se sera remis, comme dit l’expression populaire, les yeux en face des trous. Que chacun et chacune se pose ensuite ces deux questions cruciales, développées en ces ouvrages austères: « Où en suis je vis à vis du Principe des principes: « Tu aimeras ton prochain comme toi même », et « Quel est mon taux de vertu personnelle compatible avec la préservation d’un régime réellement républicain »?

10 juillet.

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Poursuite des prétendues négociations sur le nucléaire iranien. Depuis bientôt six mois, le régime de Téhéran mène ses interlocuteurs en bateau à croire qu’ils sont tous adeptes des sports de voile. Le principal meneur de jeu: John Kerry, placé à son poste par un président des Etats-Unis qui ne comprend rien à la politique étrangère, la comprend encore moins bien que lui. Pour reprendre une image à la fois d’actualité et un peu datée, une image du temps de Chirac, Kerry ne cesse de courir d’un bout à l’autre du terrain sans se rendre compte qu’il n’a pas de balle au pied. L’Iran veut « la » bombe, « sa » bombe. Tel est l’axiome de départ car l’Iran entend demeurer à tout le moins une puissance régionale. Lorsque le Shah régnait, après le premier choc pétrolier et les milliards de dollars qu’il avait engrangé à l’occasion, celui-ci déjà voulait faire de l’Iran une puissance mondiale. On sait ce qu’il en est advenu. L’Iran prend désormais son temps – qui est le nôtre. Pendant que les démocraties palabrent, ses chefs et autres guides suprêmes renforcent leur dispositif et peu à peu le rendent inexpugnable. Lorsque l’on constate ce que le Hamas a pu faire de Gaza depuis le «cessez-le feu» de 2012, on mesure ce que coûterait une véritable intervention militaire contre la République islamique. Pourtant, il ne faut pas désespérer de nos diplomates et toujours tenir au principe de Tocqueville repris par Raymond Aron: les démocraties sont lentes à se mettre en marche mais lorsqu’elles ont pris le départ plus rien ne les arrête. Ce départ le prendront-elles un jour avec l’Iran atomique?

11 juillet

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« L’attente des femmes » de Bergman. Ingmar Bergman bénéficie selon les uns, pâtit selon les autres, d’une réputation de cinéaste intellectuel, pour semi-snobs ou insomniaques déclarés. Dommage. Le film date des années 50 mais, là encore, les images en noir en blanc, images de lacs, de forêts, de visages en pleurs, d’arbres en fleurs, sont admirables. Avons- nous encore le temps et le goût de nous intéresser à ces mouvements des cœurs, à ces pulsions des corps, à ces ressacs des regards qui attestent que nous sommes bien doués d’une âme? Nous vivons de plus en plus en temps réel. Le cinéma que nous regardons est le plus souvent un dérivé de l’informatique, avec des décors tellement insubtantiels qu’ils finissent par faire plus carton-pâte que le carton pâte. Un film comme « L’attente des femmes » ou « Le Visage » nous rend de nouveau attentifs à ce que les obnubilations des effets spéciaux rendent de moins en moins perceptible: la durée intime des amours fidèles, l’érosion lente des amours imprévoyants, l’incroyable immaturité du phénomène humain mais sa non moins incroyable capacité de dépassement. Il en va du cinéma comme du piano: il ne faut pas confondre ceux qui en jouent réellement avec ceux qui savent juste pianoter. Regarder le cinéma de Bergman c’est découvrir le clavier d’un piano de concert, avec ses deux rangées de touches-images, les blanches et les noires, pour le moment rangées en parallèle mais qui ne tarderont pas à se combiner de telle manière que de nouveaux univers se créent. Car la Création est tout sauf achevée..

QUESTIONS DE MORALE (Actu J – 16 juillet 14)

In ActuJ, SUJETS D'ACTUALITE on juillet 16, 2014 at 2:05

Au moment où ces lignes sont écrites, quelques jours avant la parution d’Actu J, nul ne peut prédire les événements qui se produiront dans la confrontation mortelle entre le Hamas et l’Etat d’Israël. Pourtant des questions de fond apparaissent, liées aux « massacres » prétendument commis par l’armée israélienne, présentée néanmoins comme « l’une des plus morales du monde » et dont aucun coup de feu ne part sans l’avis préalable d’un juriste spécialiste de droit international public. Avec quel résultat? Sur LCP, chaîne du service public, face à Meyer Habib, et à côté d’Alain Gresh dont l’antisionisme passionnel va en s’aggravant, un jeune militant de l’on ne sait quelle organisation humanitaire affirmait « qu’un enfant palestinien était tué tous les trois jours par les forces de Tsahal »!  Ainsi, en 2014, il est possible pour cette nouvelle génération de perdre le sens commun au point de paraître sortir du Moyen Âge lorsque les Juifs étaient accusés de dévorer des enfançons chrétiens à Pessah. Quelle argumentation morale peut prendre sur une conscience aussi enténébrée dont la lie est formée par tout ce que l’enseignement multiséculaire du mépris, si fort dénoncé par Jules Isaac, y a accumulé d’ordures et de déchets! En va t-il autrement, à un autre endroit du monde, en Afrique du Sud, lorsque l’un des principaux leaders de l’ANC, Jessie Duarte, déclare qu’Israël ne se comporte pas autrement à Gaza qu’un régime nazi? Là encore comment ne pas déceler dans cette attitude la rémanence de cet enseignement du mépris dont le dialogue inter-religieux mondain masque la présence persistante et les insupportables transpositions politiques? Le reste à l’avenant. En fait de guerre, quiconque s’autorise à donner des conseils doit démontrer qu’il paye de sa personne. Je ne m’aventurerais pas à donner des « conseils » au gouvernement d’Israël. Il lui faut juste réaliser qu’une argumentation morale n’a de sens que pour des consciences qu’anime cette préoccupation et non pas vis à vis d’engeances qui s’en prévalent cyniquement comme une arme contre un ennemi dont elles cherchent obstinément l’extermination. Car tant du point de vue de la morale que du droit de la guerre, doit être réellement considéré comme « crime » non pas le ciblage de combattants en action mais les tirs de missiles délibérés et simultanés sur des populations entières, sur des installations civiles, sur des écoles, des usines, des aéroports. Pour le dire dans le langage de la philosophie politique, le Hamas, qui s’estime délié de toute Loi, à part la sienne, est comme retourné à l’état de nature. Considérant qu’entre deux cessez-le feu, il ne sait rien faire d’autre que reconstituer ses arsenaux, que de creuser encore et encore par centaines des tunnels de contrebande pour espérer qu’un jour il atteindra son objectif ultime: la destruction de l’Etat juif, quelle réaction morale s’impose sinon de lui en ôter cette fois définitivement le goût? Dans une récente déclaration Tony Blair a assuré qu’il n’était pas au pouvoir d’Israël d’annihiler cette organisation, qu’il appartenait à la population palestinienne elle-même de s’en charger. Déclaration réaliste ou souhait à mots couverts? Elle conduit en tous cas à répéter que ceux des habitants de Gaza qui transforment leurs habitations en entrepôts pour les artificiers du Hamas, en sont moralement et légalement les receleurs et les complices. Les porte-paroles de l’armée israélienne le rappellent à toutes fins utiles. Mais l’assertion de Tony Blair appelle une autre remarque. Après les bombardements de la côte anglaise et de Londres par la Luftwaffe en 1940, quelle promesse Churchill en personne a t-il faite au peuple anglais? Qu’il n’y aurait aucune négociation avec Hitler et que l’Allemagne nazie ne tarderait pas à comprendre ce qu’il en coûte de s’être donnée à un psychopathe de cette envergure. En 1944 et en 1945, c’est par des centaines de milliers de morts que la RAF en fit la démonstration. On perçoit aussitôt l’objection: « Ne procédez vous pas à un dangereux amalgame entre deux situations qui n’ont rien de commun? ».Tant à éviter les amalgames autant les éviter des deux côtés. Et puis, s’agissant du Hamas est ce vraiment un amalgame de cette sorte? Constatant qu’il n’est pas un seul mètre carré du territoire d’Israël, de Sdérot à Haïfa, à l’abri de ses missiles, imaginons un instant, ce qu’au Ciel ne plaise, ce qu’il adviendrait à la population civile d’Israël, hommes, femmes et enfants, si Tsahal vaincue les forces du Hamas se trouvaient en mesure de franchir ses frontières et de pénétrer rue Ben Yéhouda à Jérusalem ou rue Allenby à Tel Aviv … A ce moment, qui reprendra dans le monde le chant funèbre de la « Morale » à sens unique?

Raphaël Draï – Actu J

BERLIN 1938, PARIS 2014

In ARTICLES, SUJETS D'ACTUALITE on juillet 16, 2014 at 1:51

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A la mémoire de Jacques Ellul, auteur de « La parole humiliée ».

Imaginons un seul instant que la bande d’énergumènes qui s’était lancée ce dimanche 13 juillet à l’attaque de la synagogue sise rue de la Roquette, dans le 11eme arrondissement de Paris, aux cris de « Juifs on va vous crever », et « Nous sommes tous des Mohamed Mérah » ait pu y pénétrer, comme ses membres en ont eu la volonté délibérée, pour la mettre à sac et pour lyncher les fidèles qui s’y trouvaient, et notamment le grand Rabbin de Paris, Michel Guggenheim avec Joël Mergui, le président du Consistoire? N’est-ce pas le mot de pogrom qui se serait imposé? A quelle époque mentale nous trouvons-nous? A Berlin, en 1938, où à Paris, la veille du 14 juillet? Au lieu de quoi, certains compte-rendus de presse se contentent d’évoquer des « incidents » qui auraient « terni » la grande manifestation pro-palestinienne mise en mouvement à partir du métro Barbès!

Il est aujourd’hui de bon ton d’évoquer ad nauseam la formule de Camus: mal nommer les choses c’est ajouter à la misère du monde. Quel sera le sort de ce même monde si les choses en question n’étaient même pas nommées du tout? L’agression commise contre la vénérable synagogue de tradition judéo-portugaise de la rue de la Roquette s’est masquée d’un prétexte: les bombardements de Gaza par l’armée israélienne. En réalité, elle est le signe de l’emprise croissante d’une mouvance singulière de l’Islam en France, la mouvance salafiste, non seulement sur le dit Islam (quartiers, lieux de culte, vêtures ) mais de plus en plus sur l’espace public de la République. Il n’est pour s’en convaincre que de découvrir les photos prises à l’occasion, si l’on ose dire. Mais prétexte ou raison, nul ne saurait faire l’économie de qu’il se passe véritablement à Gaza et des réalités vérifiables de ce territoire transformé en base d’attaque contre l’Etat d’Israël et sa population.

I

Pour les ennemis physiques et idéologiques de l’Etat d’Israël, Gaza a été transformé en prison à ciel ouvert si ce n’est en camp de concentration. On se souvient des propos tenus en ce sens par Eva Joly. Il faut bien se prévaloir du pire pour s’autoriser à passer à l’acte, physique ou verbal. Il faut alors rappeler que le territoire de Gaza – qui ne se limite pas à la ville de Gaza, à ce qu’il est convenu d’appeler Gaza City – a été dévolu après les accords d’Oslo à l’Autorité palestinienne, alors incarnée par Yasser Arafat avant que Mahmoud Abbas n’en devienne le titulaire, mais que celui-ci en a été chassé manu militari en 2007 par une faction dissidente: le Hamas devenu depuis le concurrent direct et acharné de l’OLP malgré des compromis purement tactiques. Là encore, un prétexte de surface en couvre un autre. En apparence la cause de la sécession devrait être cherchée dans la mollesse présumée de l’OLP face à l’obstination de l’Etat d’Israël, obstination relative puisque, l’on s’en souvient, c’est Ariel Sharon en personne qui a imposé en 1995 le retrait unilatéral de tout habitant israélien de la zone dite du Goush Katif.

En réalité il est une autre cause moins avouable qui doit être cherchée. Elle se trouve dans ce qu’est devenu ce territoire qui jouxte le territoire israélien – des villes comme Sdérot, Ashkelon, Ashdod, Netivot s’y trouvant distantes d’à peine quelques kilomètres de Gaza City: autrement dit une sorte de territoire sui generis où aucune autre loi que celle du Hamas ne prévaut, dictée par lui et imposée par ses miliciens, grassement payés. Car il faut prendre en compte ce facteur aussi. Pour décréter de manière insensée que Gaza est un camp de concentration comparable à Buchenwald ou à la Kolyma, il faut se crever les yeux et par exemple ne pas voir ce qui s’y construit et s’y aménage: immeubles de luxe, centres commerciaux sur le modèle de Dallas, plages dignes de Malibu. A chaque transaction les chefs du Hamas dont beaucoup se sont considérablement enrichis en deux ou trois ans perçoivent de mirifiques pots-de-vin. Les plus importants d’entre eux se font construire des villas à un million de dollars l’une. La fortune de leurs deux principaux leaders, Khaled Meschaal et Ismaël Hanyeh est estimée pour chacun à une dizaine de milliards de dollars virés sur des comptes égyptiens ou émiratis. On comprend mieux pourquoi la guerre contre « l’Etat sioniste » est sans cesse entretenue. Elle seule permet de proroger le système existant de corruption et de prébendes, avec ses milliers de tunnels de contrebande, ses centres de fabrication de rockets mais aussi l’embrigadement d’une population serve, macérant compulsivement dans la haine de l’ennemi juif depuis son plus jeune âge. Cette corruption, cette prévarication et ce détournement complet de l’aide internationale à ciel ouvert, y compris celle apportée par la France, se produisent au détriment d’une population maintenue dans un chômage endémique mais qui n’hésite pas pour se faire soigner à solliciter les soins des hôpitaux d’Israël où elle est naturellement reçue.

II

Et c’est bien de ce même territoire que partent pourtant depuis des jours et des nuits des centaines et des centaines de tirs de missiles contre la population civile israélienne, sans faire de distinction entre les écoles, les aéroports, les immeubles d’habitation, les hôpitaux décrétés par nature ou par destination « objectifs militaires ». Ces tirs qui sont constitutifs par le choix de leurs cibles et par leur simultanéité de véritables crimes de guerre et même de crimes contre l’humanité sont aussitôt commués en actes de «résistance» par leurs commanditaires et auteurs, et cela en usant d’une rhétorique dont toute l’efficacité provient de ceux qui l’écoutent et la valident en fonction de préjugés multiséculaires attachés à la figure maléfique des Juifs: l’armée d’Israël commettrait des massacres de femmes et d’enfants, et deviendrait ainsi une réincarnation diabolique à tout le moins de la Wehrmacht. D’où la légitimité de la « résistance » déployée à son encontre et donc des manifestations destinées à la stigmatiser partout dans le monde, des manifestations dont la violence est d’avance absoute. C’est en ce point que d’autres considérations encore doivent être soulignées. Comme les leaders du Hamas sont parfaitement conscients que leur rhétorique rencontrera la complaisance « intellectuelle » pour ne pas dire la collusion mentale de leurs relais, islamistes ou non (en France un député « Vert » vient de déclarer que les synagogues ne sont que des annexes de l’ambassade d’Israël), ils se livrent cyniquement à des pratiques pour lesquelles dans d’autres occasions la communauté internationale en Irak, en Libye ou au Kosovo, a su faire preuve d’une intransigeance justifiée: transformation d’habitations civiles en postes de commandement militaires, stockage et dissémination d’armements dans des habitations et installations civiles, transformation de mosquées en arsenaux. Etc… Toutes ces pratiques correspondent bien à cette nouvelle forme de guerre dite asymétrique mais dans un sens bien particulier: l’un des belligérants « auto-victimisé » ne respecte lui même aucune norme du droit international mais s’en prévaut à l’encontre de son protagoniste, ainsi paralysé. Il faudra bien que les démocraties en prennent acte au lieu de tomber dans le panneau comme notre ministre de la défense, Jean-Yves le Drian, lorsqu’interrogé sur l’attaque de la synagogue de la rue de la Roquette il enjoint à Israël de… respecter les règles du droit international, et cela alors que l’armée française qu’on ne soupçonnera pas de néo-colonialisme est engagée au Mali à des milliers de kilomètres du territoire national. Autant déclarer que l’Etat d’Israël n’a aucun droit à se défendre ni aucune possibilité opérationnelle de le faire et qu’il ne lui reste plus qu’à rejouer Massada.

III

Jusqu’à quand restera t-on sourds à l’expression d’une haine aussi incandescente, à une pareille falsification de la pensée? Plus aucun Juif en France ne s’y sent en sécurité. La communauté juive, pour employer ce terme dans son acception strictement sociologique, est désormais convaincue que sa parole n’est plus entendue, que les biais des médias dans ce conflit particulier est directement l’expression de tropismes mentaux incoercibles, renforçant la nouvelle sociologie religieuse et donc politique de la France, une sociologie démographiquement asymétrique à son tour qui n’est plus celle de 1905 lorsque fut votée non sans douleurs la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat. Quoi qu’elle endure, il faudra toujours imputer la responsabilité ultime des conflits du Proche-Orient avec leurs inévitables retombées «communautaristes» à « l’Occupation » israélienne, comme si ce concept allait de soi et ne servait pas surtout à interdire d’évoquer l’occupation de ces mêmes territoires par les armées mahométanes lancées hors de l’Arabie dès les VIIème et VIIIème siècle de l’ère chrétienne. Faut-il rappeler que c’est en 1453 que Constantinople, capitale de l’empire romain d’Orient fondé en 330, tombe aux mains des musulmans et que c’est en 1683, soit 35 ans après la signature du Traité de Westphalie, qu’échoue le second siège mis devant Vienne par les armées turques?

D’où, pour y revenir, les décisions d’émigrer vers Israël ou ailleurs de beaucoup d’entre eux, sachant que la vie juive est impossible en pays arabo-musulman (les mêmes salafistes viennent à nouveau de s’opposer à la réouverture d’une invisible synagogue à Alger). Les pouvoirs publics en prennent progressivement conscience mais en même temps, lorsqu’ils ne jouent pas les belles âmes à l’instar d’Alain Juppé (pourtant incapable de ramener la paix dans son propre parti!) ils apparaissent littéralement sidérés par l’ampleur du problème, comme vient de l’exprimer le député Thierry Mariani. C’est en ce sens aussi que la parole publique et démocratique apparaît profondément humiliée pour reprendre le titre du beau livre de Jacques Ellul: ne pas nommer la chose, c’est en favoriser la prolifération; la nommer, c’est s’exposer à l’accusation de racisme. Par où l’on voit comment la philosophie des droits de l’Homme peut se corrompre non seulement en idéologie mais en idéologie guerrière puisque ceux-là mêmes qui invoquent ces droits les méprisent et les violents en toute impunité.

Ainsi sont bafoués les deux principes majeurs, pour ne pas dire les deux piliers de la tradition philosophique et morale kantienne qui ont largement inspirés cette philosophie avec la culture démocratique qui en est issue: le principe de réciprocité et celui d’universalité. Les démocraties prises dans ce piège fait de mots privés de sens, d’intimidations et de mutismecontraint, y survivront elles?

Jusqu’à quand faudra t-il répéter qu’il n’en va plus seulement de l’avenir des Juifs de France mais de celui de la France entière?

                                 Raphaël Draï pour le site Magistro.fr (Juillet 14)

FRERES DANS L’EPREUVE – Radio J 14 Juillet

In ARTICLES, SUJETS D'ACTUALITE on juillet 14, 2014 at 2:50

Au moment où la confrontation armée entre les forces d’Israël et le Hamas prend le tour que l’on sait, les hôteliers d’Israël et les compagnies aériennes notent, semble t-il, un nombre significatif d’annulations. Celles–ci soulèvent un débat de conscience qu’il faut savoir engager.

Bien sûr nous vivons dans un monde où nul n’est en droit de dicter à autrui sa conduite. Mais pour faire sien ce principe, il faut être immergé dans l’univers asphyxiant du chacun pour soi, un monde dans lequel seul compte l’intérêt personnel et où la solidarité n’est qu’un principe verbal, valable uniquement lorsque tout va bien et qu’il n’est pas besoin d’en faire la démonstration concrète.

Il faut juste se demander si ce comportement, pour autant qu’il soit celui de la majorité d’un peuple, est compatible avec le fait pour ce peuple de disposer d’un Etat. A cet égard il faut lire où relire la magnifique allocution d’André Malraux pour le centenaire de l’Alliance Israélite Universelle à Paris en 1960, lorsqu’il rappelait le dialogue mémorable entre Haïm Weizmann et le grand poète Nathan Altermann.

Au successeur de Theodor Herzl qui rappelait « qu’on n’avait jamais offert à un peuple un Etat sur un plateau d’argent », le poète répond par ces mots:

«  Et alors d’en face paraîtront une jeune fille et un garçon,

Et nul ne dira s’ils sont vivants ou fusillés,

Et à pas lents ils marcheront à la rencontre d’Israël ;

Israël alors s’interrogera, baigné d’incantations et de larmes:

«  Qui êtes  vous ? »,

Et les deux, apaisés, lui répondront:

«  Nous sommes le plateau d’argent sur lequel t’est donné l’Etat juif ».

Il ne s’agit pas ici de tomber dans l’emphase poétique ni de procéder à des confusions d’époques. Il s’agit de se demander si, toutes mesures de sécurité prises, il ne faut pas assurer, quoi qu’il en coûte en termes de confort personnel ou de vacances estivales, notre présence effective dans l’épreuve actuelle auprès des membres de nos familles, de nos amis, de nos collègues. Aujourd’hui le plateau d’argent s’est transformé en dôme de fer mais est–il imaginable que tandis que les uns doivent courir aux abris les autres arpentent les promenades de la Côte d’azur ou les solariums de Deauville ?

Une autre considération vaut d’être soulignée. Jean-Jacques Rousseau a écrit quelque part: « De quelqu’un qui affirme: «  Je ne dois rien à personne », personne ne lui devra rien non plus ». Va t–il de soi, qu’après les tueries de Toulouse ou de Bruxelles par exemple, sans parler de la tentative de pogrom islamiste ce dimanche contre les fidèles réunis à la Synagogue de la Roquette, si l’on considère que la Âlya soit la solution salutaire aux risques de la vie juive en diaspora, qu’au moment du danger l’Etat d’Israël se retrouve seul ?

Heureusement, à la pire époque de la seconde Intifada le judaïsme de France par ses actions de solidarité a su provoquer l’admiration de la population israélienne. Il ne saurait en aller autrement à présent une fois, répétons le, que les mesures de sécurité indispensables ont été prises, en suivant d’ailleurs les instructions des autorités responsables en Israël. Et par exception, dans cette chronique hebdomadaire vouée à l’éclairage des grands problèmes politiques contemporains, l’on nous permettra de citer le Zohar, lorsqu’il rappelle cet adage de la Sagesse hébraïque, justement à propos de la fraternité: «  Les frères ? C’est pour les temps d’épreuves qu’ils ont été créés ».

A méditer en tant que de besoin, puisque la fraternité fait aussi partie de la devise républicaine de la France.

                                                                                   Raphaël Draï

Bloc-Notes: Semaine du 1er Juillet 14

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on juillet 9, 2014 at 9:17

2 juillet.

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Un homme qui s’approche de la soixantaine peut-il véritablement changer en deux années de silence médiatique, volontaire de surcroît? Telle est la question qui se posait après l’annonce que Nicolas Sarkozy, ayant passé sa nuit jusqu’au petit matin en garde à vue, allait s’adresser au pays par l’intermédiaire de TFI et d’Europe 1. Qui a t-on découvert? Aussi objectivement que possible, un homme maître de soi en dépit de sa nuit blanche, même si ses tics corporels paraissent toujours incoercibles. Là n’est pas l’essentiel. Les partisans de l’ancien président l’auront trouvé « génial », ses ennemis une caricature de Berlusconi. Le partage se percevait déjà entre les deux interviewers, l’un s’adressant ostensiblement à « Mr Sarkozy » et l’autre lui donnant obséquieusement du « Mr. le Président » si ce n’est du « Mr. le Président de la République ». Quoi qu’il en soit, l’interview pré-enregistrée dans l’après midi aura réuni près de 9 millions de téléspectateurs et de téléspectatrices. Les sondages de popularité menés au sein même de l’UMP ont beaux révéler une érosion du potentiel de sympathie dont bénéficie le prédécesseur de François Hollande, on doute qu’aucun de ses rivaux, déclarés ou déroulant leurs anneaux dans l’ombre, réunisse jamais une audience comparable. Pourtant ce n’est qu’à la rentrée qu’on saura si Nicolas Sarkozy redescendra ou non dans l’arène pour affronter, directement cette fois, ce François Hollande qui à l’entendre ne cesse – par Taubira interposée – d’ourdir sa persécution judicaire. Persécution, réelle ou supposée, à propos de laquelle des interrogations de fond se posent, notamment celle-ci en effet: peut-on être magistrat et syndiqué? L’appartenance syndicale, surtout lorsqu’elle est marquée à gauche, comme c’est le cas pour la Syndicat de la Magistrature, n’a probablement pas d’incidence lorsqu’il s’agit du droit des obligations ou d’excès de vitesse. En va t-il de même lorsque le justiciable a été fiché comme cible morale et politique? C’est sans doute pourquoi Nicolas Sarkozy a cru devoir lire en direct des extraits de la lettre guerrière reçue par lui durant la campagne de 2012 au nom du dit Syndicat auquel, si l’on a bien suivi, l’un des deux magistrats qui l’ont gardé à vue de manière tellement « humiliante » appartient. En droit administratif et en matière de libertés publiques un principe essentiel est celui dit de « l’économie des moyens ». Etait-il vraiment nécessaire d’infliger à celui qui présida la Vème République de 2007 à 2012 ce régime dégradant et excessif? Comme si, indépendamment même de ce qui lui est reproché, l’on voulait effacer rétroactivement sa victoire de 2007 et le quinquennat qui a suivi. Les réactions démesurées que suscite l’ancien président de la République apparaissent préoccupantes. S’agit-il d’une inavouable voire inconsciente xénophobie, d’une haine de l’Etranger? Ou d’une allophobie, d’une non moins inavouable haine de l’Autre? Il ne semble pas que VGE en ait autant pâti lorsqu’au début de son propre mandat il allait modifier jusqu’au rythme de la Marseillaise et abroger la commémoration du 8 mai 1945. La Hongrie est-elle si éloignée de l’Auvergne ou de Latché?

4 juillet.

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Les trois adolescents juifs enlevés prés de Hébron ont été retrouvés. Morts. Le gouvernement de Benjamin Netanyahou impute cette tuerie au Hamas, pour l’exécution matérielle, si l’on ose dire, mais politiquement à l’Autorité palestinienne du fait qu’elle a mis en selle l’organisation qui détient aussi le pouvoir à Gaza et un stock illimité de rockets pouvant atteindre Tel Aviv. Et chacun de redouter un nouveau cycle de vengeances et de représailles. Si partout dans le monde, il faut prévenir la radicalisation des jeunes musulmans, celle de jeunes juifs est à prendre en compte. Surtout qu’à part ces enlèvements nombre de pays, européens notamment, incitent au boycott des entreprises israéliennes situées en Cisjordanie. Ainsi le Portugal vient de se joindre à la France et à d’autres Etats membres de l’Union Européenne. Est-ce par cette voie que l’on ouvrira la voie d’une paix véritable? Quoi qu’on en pense, ces appels collectifs au boycott et au désinvestissement financier par des Etats qui ne trouvent d’ordinaire aucun autre point comme entre eux s’assimilent à de véritables actes unilatéraux de belligérance. Car quel contentieux direct oppose le Portugal et l’Etat d’Israël? Un forcené de l’antisionisme comme Noam Chomsky vient d’ailleurs de déclarer que des incitations de cette sorte sont préjudiciables surtout aux travailleurs palestiniens que l’administration de Mahmoud Abbas ne réussit pas à employer. A quoi l’on pourrait ajouter que ces mêmes incitations auront probablement les mêmes résultats que les décisions d’embargos militaires de la fin des années 60 et du début des années 70: elles contribueront à un développement supplémentaire de l’ingéniosité et de l’ingénierie d’Israël. A la veille de la Guerre des six jours, Nasser se vantait du fait que pour les fusées égyptiennes Tel Aviv n’était qu’à une heure de distance du Caire. A quoi Moshé Dayan se contenta de répliquer qu’il en était exactement de même dans l’autre sens.

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Les « Mémoires » de Jean-François Revel. Un ouvrage compact, mais dont rien ou presque n’est à jeter. Un style à la fois ravageur et poinçonné ou les formules abondent, souvent assassines. Des portraits qui placent sous des angles de vue souvent inattendus des personnages politiques ou du monde universitaire et journalistique dont on pensait que plus rien n’était à découvrir. Parfois, Revel sait retenir son stylet au curare. Parfois il s’en sert comme ferait un boucher massacreur de son coutelas. Les pages concernant Mitterrand sont d’une férocité peu commune. Il est vrai qu’à l’instar de tous les affidés d’un camp qui finissent par se retourner contre lui, même la férocité est un sentiment doux, comme l’on parle de piment doux. Aux yeux de Revel, le cynisme de Mitterrand, la servilité de son entourage, son mépris des idées, n’auront pas peu contribué au déclin actuel de la France. Avec Georges Marchais, le règlement de comptes est encore plus sanglant. Que reste t-il au bout du compte de ces pages où l’amour de la littérature ne trouve pas à s’exprimer complètement dans le monde du journalisme? Le danger pour un pays à ne plus penser, à s’adonner au spectacle, à confondre le véritable événement, celui qui par définition survient, et celui que l’on fabrique. Les portraits de Jean-Jacques Servan-Schreiber ou de Françoise Giroud, ceux de Raymond Aaron et de Bertrand de Jouvenel, révèlent tout autant le danger du mélange des genres. Quant à Sartre, il serait difficile de soutenir que pour Revel il représentait autre chose qu’un bavard incontinent, capable de tout justifier, y compris le contraire de tout, fasciné par une violence qu’il ne pouvait assumer que par PCF interposé. Tableau ethnographique d’une France fascinée par les gouffres, politiques, financiers ou intellectuels.

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Bloc-Notes: Semaine du 23 Juin 2014

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on juillet 2, 2014 at 11:50

24 juin.

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Au hasard des relectures, je retrouve ce texte d’Henri de Montherlant intitulé « Duces », une charge d’une extrême férocité contre les drogués du Pouvoir, de la Potestas, à commencer par Jules César. Ils tueraient parents et enfants, voisins et étrangers de passage pour conquérir la « Chose » fascinante ou pour la préserver. Car aux yeux de Montherlant, la recherche du Pouvoir ne va pas sans la bassesse par laquelle l’esprit humain devient chaos puis néant. La charge n’est-elle pas excessive? Pourquoi le Pouvoir, surtout dans la vie politique, rebute t-il moralement à ce point? Oscar Wilde ira jusqu’à écrire: « L’ambition est le dernier refuge des ratés » ! Le spectacle actuel de la vie politique française conforterait ces vues acerbes. Depuis quelques semaines la planète entière s’adonne à la Coupe du monde de football qui se déroule au Brésil. Vibrer au spectacle d’une équipe d’artistes du ballon rond est une chose. Pirater, médiatiquement parlant, ses vedettes en espérant tirer l’on ne sait quel parti de leur victoire, autre chose. La posture est pitoyable et ne trompe personne, à commencer par les joueurs qui se demandent ce qui peut justifier qu’un Président de la république en personne croie devoir en rajouter à ce point et respecter si mal son rang et sa fonction. La volonté de proroger un Pouvoir durement conquis fait chasser ces pensées agaçantes, comme l’on chasse les mouches de la face du Sultan. Tout aussi féroces sont les pages consacrées, si l’on ose dire, par feu Jean-François Revel à François Mitterrand dans ses Mémoires « Le voleur dans la maison vide ». François Mitterrand selon lui n’avait même pas lu le fameux programme commun de la Gauche. Il se moquait des intellectuels et écrivains qu’il « draguait » pour en orner sa coiffe offensive de plumes rutilantes. La jouissance du Pouvoir pour le Pouvoir l’emportait sur tout le reste: doctrines économiques, cohérence morale, souci de la vérité. A n’en pas douter il est une corrélation entre cette goinfrerie et le sentiment d’une profonde incomplétude personnelle dont la volonté de pouvoir, portée à de degré d’incandescence et d’indécence, serait le déni massif. Il n’est que de voir comment se comportent aujourd’hui tant d’anciens ministres de Nicolas Sarkozy qui ne trouvent pas de mots assez durs contre celui qu’ils avaient pourtant servi avec un zèle dont la désintéressement n’apparaît pas, rétroactivement, comme la caractéristique principale, jusqu’à Bernard Debré qui le qualifie de « branche morte » et qui voudrait pouvoir l’achever d’un coup de bistouri fatal. Ces retournements de veste, de pareils reniements contribuent autant que les mensonges et les fraudes d’ex-ministres acculés à démissionner au discrédit de la « classe » politique. On verra si Nicolas Sarkozy tient bon ou s’il finit par mourir sous les crocs de la meute qu’il a pourtant nourrie de viande rouge pendant cinq ans. Il est un point cependant propre à rassurer la France sur la capacité de changement de son successeur. François Hollande a finalement honoré son slogan de campagne présidentielle. Il vient en effet de changer la monture de ses lunettes.

26 juin.

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L’Union Européenne va se doter d’un nouveau Président de sa Commission en la personne du luxembourgeois Jean-Claude Juncker. Angela Merkel était pour, David Cameron contre et ne l’a pas laissé dire. Là encore, la dite instance est sans doute destinée à faire progresser l’entité européenne. Elle sert aussi de bureau de placement pour des éminences non reconduites et qui estimeraient que leur vie serait privée de sens sans titulature ronflante ni voiture de fonction. A cet égard, les démarches, états d’âme, offres de service et auto- panégyrique d’anciens premiers ministres ou ministres fendent le cœur… Depuis le début des années 70 et durant les décennies de crise qui ont suivi, économistes, sociologues, philosophes et psychanalystes n’ont cessé de mettre en évidence la peur corporelle et psychique du déclassement, de la rétrogression sociale, de la marche à reculons des juniors relativement à leurs parents. Mais cette peur n’affecte pas seulement les ouvriers de chez Peugeot ou de Veolia. Dans les plus hautes sphères du pouvoir politique, économique ou médiatique quiconque a été narcissiquement quelque chose ne supporte pas l’idée de ne l’être plus, au point d’en oublier d’être ou de devenir quelqu’un, doté d’une personnalité générique, non gagée sur ses fonctions par définition circonstancielles et transitoires. « Corps sans âmes » diraient les mystiques du Moyen Âge. « Gastéropodes » diraient les jardiniers.

30 juin.

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Le fil conducteur mérite son nom. La biographie « Condé ou le héros fourvoyé » signée par Simone Bertière, se lit d’une traite et ramène aux préoccupations de notre époque après nous avoir dépaysé dans la France de Louis XIV. Le prince de Condé rêvait d’être Roi mais se trouva si durement frustré du trône qu’il en vint à trahir la France et à servir la monarchie espagnole. Un prince, au sens absolu du terme, qui s’estimait né de la cuisse de Jupiter, qui ne craignait ni la peur ni la mort et qui excellait dans les charges à épée nue évoquant Alexandre le Grand. Il faut relire là encore l’oraison funèbre mais non obséquieuse que lui dédia Bossuet. Pourtant cette oraison à l’orgue vocale ne rend pas pleine justice au personnage lequel, une fois compris que le trône de France ne lui reviendrait jamais, au lieu de remâcher sa bile et d’aigrir ses ressentiments, s’adonna au château de Chantilly, avec une clarté d’âme sans égale, à l’une des plus belles entreprises artistiques de l’Histoire de France, y réunissant de vrais penseurs et écrivains dont il ne déparait pas les entretiens, avec une collection de manuscrits et de peintures dignes des plus grands musées mondiaux et parfois les surpassant. Signe que cet homme hors du commun avait bien une âme dont il comprit très vite qu’elle est, en chaque être humain, la preuve que la Création est issue du chaos de l’égocentrisme, bien au dessus de la vanité aux jambes de héron enfoncés dans la vase.

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L’«ISIS» NAISSANCE ET EXPANSION D’UN ETAT PIRATE – Radio J, 30 Juin 2014

In CHRONIQUES RADIO, SUJETS D'ACTUALITE on juin 30, 2014 at 11:36

Ce qui se déroule sous nos yeux et à nos portes, en Irak et en Afrique, est l’équivalent géopolitique de l’explosion de Tchernobyl ou de Fukushima. Des zones entières de la planète sont sur le point de se transformer en territoires voués à la destruction des Etats qui s’y inscrivent et la subjugation de leurs populations.

Car tel est l’objectif affiché de l’Etat Islamique autoproclamé dans le nord de l’Irak. Son chef, qualifié de Calife comme au bon vieux temps des conquêtes islamiques des VIIIe et IXe siècle de notre ère, vient de déclarer que son but était la mise au pas de tous les Etats de la région sous la règle unique du Coran tel qu’il le comprend: autrement dit ne faisant aucune part à l’idée de coexistence avec ce qui ne se courbe pas devant la bannière de Mahomet. C’est pourquoi il importe de nommer cet Etat non pas selon son appellation en langue française, autrement dit: « Etat Islamique en Irak et au Levant », soit EIIL, mais en anglais, soit ISIS: « Etat Islamique en Irak et en Syrie ». Pour commencer, avant que ne suivent les Emirats, la Jordanie, le Liban pour nous y limiter. D’autres Etats sont sur la liste, gagnés à cette cause ou sur le point de l’être: notamment la Libye et la Tunisie. Jusqu’à l’Europe où se configure un satellite de l’Etat Islamique puisque aux yeux du Calife et de sa clique l’Islam doit prévaloir partout où se tiennent des populations affiliées à la religion coranique, de Marseille à Amsterdam, de Roubaix à Sarajevo.

On comprendra donc qu’actuellement se joue rien de moins que la paix du monde car l’histoire du siècle dernier nous enseigne à quel point mettre un terme à des entreprises aussi insensées est difficile et le prix, humain et matériel, qu’il faut finalement consentir, faute d’avoir eu le courage de les neutraliser dès leur surgissement.

Dans cette situation l’Etat d’Israël une fois de plus se retrouve en première ligne et il faut avoir l’esprit bien bas pour prêter à ses dirigeants confrontés à une si vaste et si pressante menace des intentions politiciennes. Les unités armées du Calife Abou Bakr el Baghdadi exercent désormais leur contrôle sur une partie de la frontière jordanienne, à quelques encablures du territoire d’Israël. Les recherches jusqu’ici vaines pour retrouver les trois adolescents enlevés il y a deux semaines ont révélé à quel point les parties de la Cisjordanie sous contrôle présumé de l’Autorité palestinienne n’étaient plus que des annexes de Gaza qui est à sa manière un califat depuis que le Hamas y a pris le pouvoir. Sur le territoire d’Israël lui même, dans des localités comme Umm El Fahem des manifestations sont ostensiblement organisées en toute impunité par des militants du même Hamas soutenus par des parlementaires de nationalité formellement israélienne mais d’obédience islamiste et qui n’hésitent pas à faire l’apologie du kidnapping. Aucune autre loi que l’Islam n’a de portée à leurs yeux.

Le droit international connaît plusieurs sortes d’Etats, l’Etat classique, l’Etat artificiel, le pseudo-Etat et même l’Etat voyou. Face à la création d’un Etat pirate, tout autre Etat, membre de l’Organisation des Nations Unies et ayant adhéré à sa Charte, se trouve d’ores et déjà en état de légitime défense. A condition d’être déterminé à ne pas se laisser détruire, à l’image de la Syrie ou de l’Irak.

Pour le momentla diplomatie européenne, complètement décérébrée et qui fait penser à ces véhicules qui prennent l’autoroute à contre-sens, ne s’agite que pour appeler Israël à la « retenue ». Quant à Barak Obama c’est à Téhéran même qu’il espère trouver les raisons de continuer à ne pas assumer ses responsabilités.

Jusqu’à quand ?

                     Raphaël Draï zal, Radio J, 30 juin 2014.

Bloc-Notes: Semaine du 16 Juin 2014

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on juin 28, 2014 at 11:49

17 juin. 

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« Il faut tout changer », dixit Nicolas Sarkozy, orchestré par « Le Fig Mag ». Une formule n’a jamais constitué un programme et un programme n’engage que ceux qui y adhèrent, et encore… Pourtant la formule ne doit pas être prise à la légère. Que signifie « changer », verbe dont François Hollande a usé et abusé? Et que veux dire « tout »? « Tout » est un mot-clef dans le pamphlet explosif de Sieyès: « Qu’est ce que Tiers Etat? » qui devait contribuer à mettre le feu révolutionnaire dès janvier 1789 dans le déliquescent royaume de France. Pourtant le vocable est tellement englobant qu’il finit par s’auto-dissoudre, non sans causer de notables dégâts puisque entre le « toutalitarisme » et le totalitarisme il n’est guère que l’épaisseur d’une lettre. Ce que veux dire probablement l’ancien président, c’est que la Vème République n’est pas dans un état moins miteux et piteux que ce royaume en faillite sur lequel Louis XVI s’efforçait de proroger le règne des Bourbons. Ce ne sera pas la première fois que l’on en aura fait le constat. L’UMP est en lambeaux. Le PS est l’ombre du parti recréé par Mitterrand. Le Front de gauche fait croire aux tables tournantes. Seul le FN donne l’illusion qu’il incarne l’avenir. Or il ne suffit pas de changer le numéro d’une République pour en commuter la nature. S’il fallait fonder une VIème République sur les débris de la Vème, quelles seraient les novations décisives? Il faudrait que Nicolas Sarkozy s’en explique autrement que par des allusions distillées à son entourage proche afin que celui-ci les diffuse à la France entière. Quant au « changement », le seul qui vaille en priorité est celui qui infléchirait la courbe calamiteuse du chômage. Du coup quelles sont en ce domaine les solutions concrètes et précises préconisées par l’ancien président de la République et qui n’auraient pas été encore essayées? Surtout que l’économie américaine s’annonce atone et qu’à force d’attendre Grouchy c’est Blücher qui va surgir de l’horizon. D’où les rumeurs insistantes de dissolution de l’Assemblée nationale par François Hollande en 2015. Le prix de l’opération? Selon les sondeurs accrédités: au moins 100 sièges pour le PS et l’on pointe déjà lesquels. On peut comprendre qu’à ce tarif les intéressés préfèreraient dissoudre Hollande préventivement.

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De plus en plus difficile de comprendre la filandreuse stratégie américaine au Moyen Orient. Pour l’UE, la difficulté est moindre: elle n’en a pas. Catherine Ashton fait commander ses billets d’avion sans prendre l’avis de l’anglais Hague ni celui de Laurent Fabius qui comptabilise un nombre périlleux de nuits blanches. La doctrine Obama est surtout idéologique: nous ne sommes pas en 2014 face à l’IAIS mais en 1968 sur le campus de Princeton. Pourtant le sigle des djihadistes, surtout lu en anglais, est parfaitement explicite, ce que trouble son adaptation en langue française: AIIL: L’Armée Islamique en Irak et au Levant. En langue anglaise cela donne, sans aucune équivoque: en Irak et en Syrie, en attendant la Jordanie, le Liban, Tel Aviv et Marseille. Déjà une partie de la frontière irako-jordanienne se trouve sous le contrôle de la dite armée qui se nourrit des défections et des déjections du régime en place et pour qui la vie humaine a encore moins de valeur que les particules de sable dans le désert nombreux. Nul n’ignore que les djihadistes sunnites sont soutenus pour ne pas dire commandités par l’Arabie saoudite qui n’en demeure pas moins l’alliée principale des Etats Unis, lesquels croient néanmoins négocier simultanément avec le régime antagoniste d’Iran selon le truisme des « deux fers au feu », au risque de propager deux incendies d’un seul coup. Israël pour sa part est toujours à la recherche de ses trois adolescents enlevés selon la plus pure tradition barbaresque. Et l’on découvre ainsi que les territoires présumés sous le contrôle de Mahmoud Abbas ne constituent en réalité que des banlieues de Gaza, truffés de caches et de tunnels… Les autorités allemandes ont lancé un strident cri d’alarme: le feu, toujours lui, menace à présent l’Europe entière. En France, il semble que les sapeurs-pompiers ne soient pas complètement rompus à ce genre d’alerte et qu’au gouvernement on imagine toujours que pour éteindre des flammes goulues il suffit de leur tourner le dos…

23 juin.

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Achevé la lecture du tome II des « Lettres » de Tolstoï malgré la coupe du monde de foot. Je préfère le sport qui se pratique à celui où l’on se transforme en gibbon hurleur comme si, à chaque corner au second poteau ou chaque passe manquée, il y allait de la survie de l’espèce… On dira que tout cela vaut mieux que la guerre. A l’évidence mais est-il sûr que cela aussi n’en maintienne pas l’esprit? L’essentiel est de conserver face à son écran plat un minimum d’esprit ludique devant ces équipes bariolées de 11 joueurs coiffés à la huron, avec des chaussures fluos dépareillées et des maillots transformés en panneaux-réclame. Les stades ne sont en vérité que des hyper-marchés où l’exploit individuel ne cède que rarement devant l’esprit d’équipe tant chacun y est à la recherche d’un meilleur emploi au Réal, au PSG ou au Bayern. Et que dire du snobisme footballistique qui n’épargne ni les ministres ni les patrons du Cac 40, tombant la veste d’alpaga et enfournant leur part de pizza refroidie pour ne pas rater le coup franc de Benzema ou les slaloms de Valbuena… Revenant à Tolstoï, l’on s’interrogera longuement sur son apologie de l’amour qui présente ce point commun avec le sport tel qu’on le comprend: la pratique en vaut toujours mieux que le spectacle. C’est pourquoi en même temps que les lettres du patriarche de Isnaïa Poliana, il faut lire le « Journal intime », minutieusement tenu, de son épouse Sophia et qui en constitue pour tout dire la contre-marque. « Aimez! » dit-il. « Ah bon! » dit-elle..

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LE DJIHAD DANS LES ESPRITS – Radio J – 23 Juin 2014

In CHRONIQUES RADIO, SUJETS D'ACTUALITE on juin 23, 2014 at 1:09

L’enlèvement des trois adolescents juifs qui faisaient du stop en territoire cisjordanien sous contrôle de l’Autorité Palestinienne, et cela sans aucune revendication ouverte d’une part; l’assaut donné au régime irakien par les forces djihadistes de l’Etat Islamique en Irak et au Levant d’autre part, devraient conduire à de profondes mises en cause des définitions de l’éthique et à de déchirantes révisions stratégiques.

Car, outre les procédés eux mêmes, ces événements mettent en oeuvre un schéma mental dont la nocivité n’est pas prés de s’atténuer. Dans les deux cas, les auteurs de crimes et de violence ne se reconnaissent liés par aucune loi, ni par aucun droit pouvant protéger autrui mais, simultanément, ne cessent de rappeler leurs protagonistes au respect de leurs propres lois et de leurs propres dispositifs juridiques, à leur seul bénéfice. Ainsi, le crime d’enlèvement est à présent encotonné dans celui de «riposte disproportionnée» imputée aux forces de sécurité qui recherchent les trois adolescents enlevés sans qu’il en reste trace. En Irak, les crimes de masse commis par les djihadistes, les captations de territoire comptant des milliers de kilomètres carrés, l’emprise désormais exercée sur la frontière irako-jordanienne, les violences contre nature faites aux non-combattants, sont d’ores et déjà absous par l’invocation à la lutte pour la « libération » de ce pays des mains de ceux là-mêmes qui l’avaient soustrait à la dictature de Sadame Hussein. Et cela, jusqu’à présent au moins, sans aucune réaction ni militaire ni diplomatique des Etats-Unis et d’une Europe qui sait pourtant se gendarmer comme un seul homme à l’annonce par l’Etat d’Israël de la construction d’une tranche d’habitations civiles.

Ce schéma affecte jusqu’au système parlementaire israélien où, situation sans doute unique au monde, des députés comme Ahmed Tibi ou Hanin Zoabi, abusant de leurs prérogatives et de leur immunité, prennent ouvertement le parti des kidnappeurs et justifient cyniquement leur crime par l’invocation à la « libération des territoires occupés ». Comme si ces Havrei Knesseten titre comptaient leur nationalité, qui jusqu’à preuve de contraire est la nationalité israélienne, pour moins que ce qui se jette dans une poubelle de gare routière. Imaginerait-on une situation analogue à l’Assemblée Nationale ou à la Chambre des Communes ?

Partout la stratégie des djihadistes, de corps ou d’esprit, est la même et s’avère d’une redoutable efficacité: paralyser la réaction de leurs ennemis en infectant leur sens de la culpabilité et surtout en sollicitant leur narcissisme moral. Des organisations comme Amnesty International ou Bétselem au plan régional dont on n’a pas entendu un mot après l’enlèvement de ces êtres humains, sans doute parce qu’à leurs yeux, étant «code-barrés» «colons» ils ne le sont pas vraiment, en appellent à présent les autorités israéliennes au sens de la «retenue».

Dans un de ses articles les plus acérés de 1939, le grand écrivain anglais Georges Orwell, cherchant à expliquer la prise de pouvoir en Europe sans coup férir par les partis totalitaires, invoquait à ce propos l’interaction destructrice entre ces deux personnages qu’il appelait dans son langage peu châtié d’un côté « le gangster » et de l’autre « la lavette ». Changerait-il aujourd’hui sa manière sa façon devoir? Il appartient aux régimes démocratiques, et qui entendent le rester, de le démontrer.

                           Raphaël Draï zal, Radio J, le 23 juin 2014

BLOC NOTES: Semaine du 9 juin

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on juin 22, 2014 at 11:38

10 juin.

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Annonce de grèves très dures à la SNCF. Le gouvernement avertit qu’il ne cèdera pas. Les syndicats concernés répondent qu’ils ne cèderont pas non plus. Pour leur part, les usagers consultent leur tableau de RTT, regonflent les pneus de leurs vélos ou sollicitent les sites de co-voiturage. De part et d’autre l’on péjore les intentions du protagoniste. Pour les syndicats, ce gouvernement dit de « gauche » mène une politique du temps de Thatcher. Pour le gouvernement de Manuel Valls, les syndicats français sont les plus ringards de la planète. Et si d’autres ressorts jouaient en vérité? La représentation mentale des Finances publiques est surdéterminée par celle de déficit, par l’image du tonneau des Danaïdes. L’Etat est à bout de ressources et ne peut distribuer, sous forme directe ou non, un argent qu’il n’a plus, ni augmenter la dépense publique tout en satisfaisant aux obligations drastiques de la Commission bruxelloise. Mais dans le système économique et social actuel, ce que dépense l’Etat nourrit en contre-partie le revenu de ses agents ou de ses affiliés. Prétendre réduire le déficit est certes louable. Comme il correspond symétriquement à des rémunérations, à des salaires, à des aides multiformes, la quadrature du cercle en fait un cercle plus rigide que l’acier. Au surplus, la dimension collective de l’existence ne cesse de s’éroder. Chaque individu se transforme en îlot souverain et renâcle lorsque l’on prétend toucher à ses clôtures… Le décalage devient ainsi béant entre les valeurs officielles de la république (le « vivre-avec », le désintéressement, le service public etc…) et les conduites effectives. Rappelons-le autant que nécessaire: aucune politique durable, à moins de se transformer en nécrose à visage étatique, ne peut se limiter à des mesures négatives, de restriction, de réduction d’effectifs, de licenciements, de ponctions fiscale, sans contre-partie. Autrement, c’est le principe même de l’Etat qui se trouve mis en cause. Toutes les idéologies se sont fracassées devant cette évidence. Comment retrouver la croissance qui permettrait de reformuler le schéma fondamental de la vie en commun, en repassant effectivement du « vivre-sans » à nouveau « au vivre-avec »? Nombre d’économistes affirment que les Trente Glorieuses ont été une parenthèse, qu’elles sont indissociables des reconstructions massives requises par l’après-seconde Guerre mondiale. Depuis l’achèvement de ces reconstructions, les besoins primaires des populations étant satisfaits, on ne sait plus par quoi les relayer de sorte à créer de nouveaux emplois, dignes de ce nom, et à stimuler une demande véritablement créatrice. Pour y répondre, il faudrait que les besoins de l’esprit et ceux de l’âme fussent érigés en données immédiates de l’économie politique. Non seulement ces besoins sont insatiables mais pour y répondre il suffit parfois d’un livre de poche ou de s’accouder au Pont des Arts. A condition, il est vrai, de pouvoir également payer son loyer.

12 juin.

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La diplomatie mondiale, occidentale en tous cas, semble frappée de torpeur devant les offensives éclairs des djihadistes en Mésopotamie. Les éléments armés de l’Armée Islamique en Irak et au Levant – en attendant l’Occident – se sont emparés de plusieurs villes et localités importantes, en y commettant de sanglants massacres de chrétiens et de chiites. Obama ne bouge pas et prend langue avec l’Iran. Tout se passe comme si à la Maison blanche l’on n’excluait plus une dislocation territoriale de l’Irak entre sunnites, chiites et kurdes, les uns et les autres sous les magistères antagonistes de l’Arabie saoudite ou de Téhéran. Après tout, dira t-on, l’Irak est un Etat artificiel, créé de toutes pièces dans la foulée du premier conflit mondial. Pourquoi ce qui a été ainsi monté ne serait pas aujourd’hui démonté? Pareil raisonnement serait simpliste et surtout dangereux. Les buts de guerre de l’AIIL ne sont pas limités à l’Irak. Ils visent à assurer l’hégémonie de cet islam- là non seulement dans tout le Moyen Orient mais partout où vivent des populations de confession coranique. Le feu commence à prendre sur le territoire européen, comme viennent de l’admettre les autorités allemandes et britanniques. Et que dire de la France… La question posée aux services de sécurité concernés et même aux responsables de la défense nationale s’avère d’une redoutable complexité: comment lutter contre un ennemi qui ne se reconnaît lié par aucune règle de droit ou de morale mais qui vous rappelle sans cesse aux vôtres? Il faudra bien trancher. Si la peine de mort a été abolie dans maintes démocraties contre les individus elle ne l’a pas été contre les démocraties elle mêmes.

15 juin.

Le dernier train de Gun Hill

Revu le fameux western de John Sturges: « Le dernier train pour Gun Hill » (1959). Deux acteurs d’exception tiennent les principaux rôles dans cette véritable Tragédie de l’Ouest: Kirk Douglas et Anthony Queen, le blond et le brun-noir. La femme du premier, sheriff de son état, une indienne – a été violée à mort par le fils de l’autre, gros propriétaire terrien qui croit pouvoir faire la loi chez lui. Mais le sheriff, Patt Morgan, ne l’entend pas de cette oreille et va chercher le violeur, lui même orphelin de mère, jusqu’au ranch paternel afin de le faire comparaître devant un tribunal dont la sentence est prévisible. Le père, Craig Belden, ne l’entend pas de cette oreille non plus. Le sheriff alors passe à l’acte et s’empare de vive force du fils à papa qu’il séquestre dans la chambre d’un hôtel, le colt braqué sur sa tempe en attendant qu’arrive le dernier train qui le conduira jusqu’à la prison, en attendant la comparution devant le tribunal fatidique et sans doute la pendaison du meurtrier. A ce coup de force, le père répondra par l’assaut en règle de l’hôtel. Pourtant les deux hommes sont amis. Mais rien ne doit résister à la Loi. Ils ne le seront plus. Et c’est dans la nuit embrasée par l’incendie de l’hôtel que le sheriff conduira le fils menotté, le canon d’un fusil à présent poussé sous la mâchoire, au train nocturne enfin arrivé. Le père et ses hommes de main suivent, guettant sa défaillance. En réalité c’est le fils qui en sera victime. La fin du film signée par le duel entre les deux pères meurtris est digne de l’Antique.

Il faudrait qu’Obama qui semble abonné à Disney Land se fasse projeter cette grande leçon de choses.

RD

QUEL GRAND RABBIN DE FRANCE? (Actu J – 19 Juin 2014)

In ActuJ, ARTICLES, SUJETS D'ACTUALITE on juin 19, 2014 at 9:09

L’instance consistoriale qui se réunira le 22 juin pour élire le prochain grand rabbin de France assumera une lourde responsabilité au regard de la communauté juive de ce pays. Non pas à cause des circonstances qui ont provoqué le départ de l’ancien titulaire du poste. Ni même de l’affaire dite du « guet » qui en a assombri l’intérim. En cette affaire calamiteuse, l’ensemble des protagonistes devrait faire un solide examen de conscience: ceux qui ont monté le stratagème, ceux qui s’y sont laissés prendre et ceux qui ont tenté de l’exploiter. Les dégâts collectifs sont connus: tous les médias s’en sont saisis, effritant encore un peu plus non seulement l’image de l’institution rabbinique mais le crédit moral de toute la communauté. C’est donc ce crédit que le prochain grand rabbin de France devra reconstituer. Sera t-il non pas personnellement mais institutionnellement en mesure de s’y atteler? Pour autant qu’on l’ait su, les candidats ont dû souscrire une sorte de charte qui les subordonnera étroitement, soit pour leur financement, soit pour leurs prises de position publiques à l’équipe dirigeante du Consistoire central. On peut expliquer ce luxe de précautions au regard de déboires et errements passés. Il faut néanmoins mesurer la nuance qui distingue le retour aux règles communes de la mise en tutelle débilitante, laissant penser qu’au fond le Consistoire central est un champ clos où le mot Pouvoir demeure magnétique, et revenir au sens minimal des réalités. En dépit de son appellation officielle il s’en faut de beaucoup que le grand rabbin de France soit reconnu de tous les Juifs vivant en métropole et dans les DOM-TOM. Son autorité ne s’exerce formellement qu’au regard des Juifs affiliés au Consistoire. Feindre de le méconnaître c’est affliger ce poste d’un fort coefficient fictionnel. Et encore, cette autorité là, ou ce qu’il en subsiste, n’est pas légitimée par nombre de mouvance dites orthodoxes, si ce n’est hyper–orthodoxes puisqu’en ce domaine la surenchère tend vers l’infini. Et pourtant plus que jamais les Juifs de France ont besoin, en cette phase tourmentée et inquiète de leur histoire commune, d’une véritable autorité spirituelle et cohésive. Sans vouloir regarder dans le rétroviseur, souvenons nous de ce que fut une figure de ce format lorsqu’il échut à Jacob Kaplan de l’incarner non pas dans tel ou tel raout mondain mais en France occupée. Et pour en prendre la mesure relisons ses « drachot » des années d’épouvante. Ce que l’on appelle en 2014 « la communauté juive de France » se réduit à l’oligopole de quatre institutions principales, coexistant avec un archipel d’allégeances diverses dont tous les îlots ne communiquent même plus entre eux. Salutaire diversité? Faute d’une véritable orientation d’ensemble, face à l’élargissement et à l’assombrissement de l’horizon des menaces, de plus en plus nombreuses sont les familles qui partent ou qui songent au départ, puisqu’en république, mais une république qui s’affaisse, la réplique adaptée aux agressions physiques et verbales ne saurait consister dans l’incitation aux expéditions punitives. Depuis des années une douloureuse demande de conseil se dirige non pas vers ses destinataires naturels mais vers ceux à qui l’on croit devoir accorder son crédit, intellectuellement et moralement. Faut–il réaliser son alya? Faut–il demeurer sur place et combattre pour la préservation de sa pleine citoyenneté? Devant des dilemmes aussi lourds de conséquences, qui oserait s’ériger en phare et en guide des âmes? Il faut aborder également l’autre aspect de la question: si chacun doit veiller seul à son salut et à celui de ses enfants à quoi bon s’affilier à la communauté juive institutionnelle? Et à quoi rime l’élection d’un grand rabbin qui le serait d’apparence? La France de 2014 n’est plus celle de 1807 lorsque Napoléon convoquait un Sanhédrin sous influence pour lui dicter ses volontés. Elle n’est plus celle de 1905 lorsque fut votée non sans mal la loi séparant l’Eglise et de l’Etat. Elle n’est même plus celle de 1940 lorsque l’ennemi identifiable paradait sur les Champs-Elysées. En 2014, l’ennemi mortel est formellement citoyen français, pouvant tuer où ses commanditaires djihadistes de Tripoli ou de Mossoul ont décidé qu’il le ferait. D’où, assurément, la grande responsabilité qu’assumeront les électeurs du 22 juin. Une erreur de leur part portera un coup sans doute fatal au grand rabbinat de France mais encore à la vénérable institution qui se prévaut souvent de son origine impériale. Tant d’abeilles en leur temps se sont déjà envolées du manteau vert et or! Mais le discernement et l’esprit de suite sont aussi des facultés prophétiques.

                                     Raphaël Draï – Actu J 19 Juin 2014

 

 

 

FACE AU FLEAU – Chronique Radio J – 16 Juin 2014

In CHRONIQUES RADIO, SUJETS D'ACTUALITE on juin 16, 2014 at 12:18

Décidément l’impact de la prière commune au Vatican sous les auspices du Pape François entre Mahmoud Abbas et Shimon Pérez aura été de fort courte durée. A peine quelques jours après, et tandis que Madame Abbas était soignée dans un hôpital d’Israël, trois jeunes gens se faisaient enlever à Hébron selon toute vraisemblance par des sbires du Hamas, de cette organisation toujours vouée à la destruction d’Israël et avec laquelle le président de l’Autorité palestinienne vient de constituer un gouvernement unitaire dont nul n’est dupe de ses objectifs véritables.

Pendant ce temps, les unités fanatisées mais parfaitement organisées et entraînées de l’Armée Islamique en Irak et au Levant investissaient méthodiquement des villes importantes de ce pays disloqué, procédaient selon nombre d’observateurs à des massacres de chrétiens et de musulmans chiites, et se disposent, le moment venu, à investir Bagdad où la population se terre.

Face à une pareille menace, à ce fléau de dimension mondiale, on pouvait attendre du président des Etats Unis, de Barack Obama, qu’il prenne sans tarder au delà de condamnations verbales les mesures de défense puis de contre-offensive et de dissuasion qui s’imposent. Mais c’eût été imaginer le problème résolu. Si de tels événements se produisent, c’est bien parce que les chefs de guerre en cause sont persuadés qu’Obama est frappé d’irrésolution, pour ne pas dire d’aboulie politique. Ils l’ont testé en Syrie. Ils l’ont contre-testé lors de la crise en Ukraine, confronté au contraire à la détermination de Poutine. Il faut prendre garde que ce pacifisme là ne prenne la pente de la forfaiture. De Bruxelles à Mossoul, de Tunis à Toulouse, de Hébron à Gaza et Bangui sévit une engeance nébuleuse pour qui la notion de Loi n’a de sens que lorsqu’elle est dictée par les djihadistes. Au nom de leur idée de Dieu, des individus en qui s’incarne une glaciale pulsion de mort raptent, violent, décapitent, persécutent et imaginent pouvoir se livrer à ces innommables forfaits en toute impunité.

Pour l’Etat d’Israël, le scénario Guilaad Shalit recommence ainsi, mais à la puissance «trois». De Paris, l’on ne se permettra pas de conseiller les responsables de la sécurité d’Israël mais cette fois il importe au plus haut point que les auteurs de ce nouveau crime, car c’en est un au regard de la législation internationale, en paient le prix réel. L’engeance djihadiste par bien des côtés se révèle plus redoutable que les mouvements totalitaires qui ont ensanglanté la planète au siècle dernier. On sait en effet le prix qu’ont alors payé l’Allemagne qui s’était vouée à Hitler et le Japon des Kamikazes. Cela au moins leur aura fait passer définitivement le goût de la guerre et la fascination pour la mort.

Pour une civilisation digne de ce nom, il n’est pire danger que d’avoir à sa tête des faux dirigeants, incapables de prendre la réelle mesure d’un danger irrémédiable et ne sachant que s’auto-suggestionner sur le désir de paix de ses pires ennemis.

Le temps des démocraties est-il désormais compté?

                             Raphaël Draï, Radio J, le 16 juin 2014.

LE BLOC NOTES DE LA SEMAINE: Semaine du 2 juin 2014

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on juin 10, 2014 at 11:32

3 juin.

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Dans le cours d’une d’existence, il est rare d’assister par deux fois à la décomposition d’un régime ou d’un système politique. A 19 ans, il m’a fallu quitter en catastrophe une Algérie à feu et à sang malgré les promesses du 13 mai 1958, sans doute le seul vrai «printemps arabe» de l’histoire contemporaine. Plus d’un demi-siècle après, la Vème République dont l’abandon de cette Algérie là avait été le prix humain et politique de sa fondation, agonise. Cependant il est deux sortes d’agonies: les héroïques et les tragi-comiques. Actuellement, L’UMP explose, implose, se disloque, se délite à n’en pas en croire nos yeux. Les rivalités personnelles s’y exposent, nues et crues, sans pudeur, sans aucun discernement concernant l’avenir. Depuis décembre 2012 et la guerre pour la présidence du parti, François Fillon par exemple avait dénoncé le port de la casquette double: le cumul de la présidence de l’UMP et le «positionnement» pour la prochaine présidentielle, ce qui l’a conduit à une guerre sans merci contre François Copé, une guerre qu’il a semble t-il gagnée. Ce qui ne l’empêche pas aujourd’hui d’être l’un des trois consuls animés des mêmes intentions présidentielles mais qui sont chargés – l’on ne sait par qui d’ailleurs – de gérer les affaires du parti « gaulliste ». D’où les hauts cris des copéistes qui préparent déjà le coup d’après et des sarkozystes épiphaniques. Ne dirait-on pas un retour au temps de la Fronde, lorsque le Royaume de France était livré aux clans, aux brigues, aux belles intrigantes et aux coadjuteurs qui refusaient de choisir entre Dieu et Satan? Mais faut–il mettre en cause seulement les caractères, médiocres; les conduites, sans scrupules, si ce n’est l’instinct de destruction individuel et collectif, si bien étudié par Eric Fromm? La Constitution de la Vème république joue si l’on peut dire en l’affaire un rôle de plus en plus délétère. Initialement taillée sur mesure par et pour le général de Gaulle, elle avait pu être portée avec quelques retroussis de manches par François Mitterrand. A l’usage elle s’avère carnavalesque revendiquée par des personnages de bien moindre stature pour lesquels, seule eût convenu la Constitution de la IVème, avec ses présidents du Conseil giratoires, éphémères mais reconductibles et ses Présidents honorifiques mais impotents. Le goût des coalitions contre-nature revient ainsi aux babines des loups en chasse tandis que le Centre attend sa parousie revancharde. Et Nicolas Sarkozy? Son double jeu commence à lasser. Qu’a t-il réellement appris durant ces deux ans et plus d’un faux retrait? On le dirait encore livré à son défaut favori: confondre le métier politique et celui d’acteur. En est–il sorti? François Hollande pour sa part ne tire aucun avantage de la situation. Sa réforme territoriale menace de prendre l’eau avant même que d’avoir été baptisée au mousseux. Combien de temps la France pourra t-elle encore résister à cette nécrose systémique tandis que les prisons sont devenues des pôles de formation pour djihadistes décérébrés qui rêvent de substituer la Djamaâ à l’Assemblée Nationale?

5 juin.

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Iront? Iront pas? Mahmoud Abbas et Shimon Pérez sont invités par le Pape François à une prière commune au Vatican pour promouvoir la paix entre Israéliens et Palestiniens. En prenant une telle initiative, le Pape est complètement dans son rôle. Les deux principaux protagonistes l’ont d’ailleurs compris rapidement et ne se sont pas fait longtemps prier, eux, pour donner une réponse favorable. Quel peut être l’effet politique d’un acte dont on doutera qu’il restera spirituel? En matière de paix, l’endurance est une qualité première. Pour reprendre une formule du duc de Saint Simon, en ce domaine il ne faut jamais se lasser de monter à l’assaut. Depuis que ce conflit dure, chacun de nous est affectivement sollicité dans ses solidarités premières, sans se montrer imperméable aux sollicitations de l’espérance comme l’ont montré le voyage en Israël d’Anouar el Sadate puis la signature des accords d’Oslo. Pourtant la réalité des antagonismes irréductibles a vite repris le dessus, au prix de nouvelles violences, chacune servant de graine germinatrice pour la suivante. Ce qui, au demeurant, n’empêche pas une réelle co-existence quotidienne sur les aires d’affrontements. Pour l’heure, la guerre d’usure diplomatique s’est substituée à la confrontation armée. Mahmoud Abbas s’est réconcilié avec le Hamas et par la force des choses s’est « déconcilié » un peu plus avec Bibi Nétanyahou. Puisse cette prière trinitaire ne pas rester vaine. Après tout, il n’est pas impossible non plus que Dieu l’entende.

8 juin.

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Repris les « Lettres » de Tolstoï. Au fur et à mesure de son avancée en âge, l’écrivain se configure en prophète. Sa seule religion est celle de Jésus, mais tel qu’il le conçoit et le représente, hors de toute l’imagerie, de toute la «cultolâtrie » des religions instituées. Dans une de ces missives il prodigue ce conseil relatif à la lecture des Evangiles: biffer toutes les paroles indirectes imputées à Jésus pour ne retenir que celles sorties de sa propre bouche et se mettre aussitôt à son école. Certes, mais comment faire la différence? Et qui a autorité pour en décider? Pour les uns l’Evangile le plus originel sera celui de Luc, pour d’autres le plus christique sera celui de Jean. Et puis n’est-ce pas céder à la solution de facilité d’imaginer qu’il existe une morale première, spontanée, évidente, qui n’ait pas besoin d’être éclairée par les prescriptions d’une Loi elle même débattue par de véritables connaissants? La question mériterait d’être approfondie. Malheureusement, mis à par les principaux romans, ses carnets et ce recueil de lettres, bien des plus grands textes de Tolstoï sur la vie, le travail, l’art, la morale des conduites, l’altruisme ne sont plus disponibles en librairie et ne permettent plus de comprendre vraiment la doctrine du patriarche de Iasnaïa Poliana. A quand cette réédition fort indispensable en langue française, dans La Pléiade ou chez Bouquins?

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LE PEN, DERNIERE? (Chronique Radio J du 9 juin)

In ARTICLES, CHRONIQUES RADIO, SUJETS D'ACTUALITE on juin 9, 2014 at 9:39

La dernière sortie de Jean- Marie le Pen contre un certain nombre d’humoristes et de chanteurs, et en particulier contre Patrick Bruel, pose un problème inextricablement psychopathologique et politique, sans même évoquer les suites judiciaires qu’elle appelle.

Psychopathologique, car l’on constate une fois de plus que le président « d’honneur » du Front National qui prétend incarner la « France française » dans sa pureté immémoriale ne cesse d’en souiller la langue par ses odieux calembours et ses mauvais jeux d’esprit, si le mot esprit lui convenait le moins du monde. S’agissant notamment de Patrick Bruel dont il prétend qu’il ne savait pas que celui-ci est Juif on se demande alors pourquoi ce chanteur est distingué du reste de la cible et pourquoi son nom se trouve associé à celui de « fournée », qui rappelle le trop célèbre « Durafour crématoire » pour lequel Le Pen, on s’en souvient, a eu maille à partir avec la justice. Car si les rues de Paris sont jalonnées de poubelles où sont jetées vieux journaux et mouchoirs usagés, la cervelle de Jean-Marie le Pen est encombrée des détritus de la seconde Guerre mondiale et de ses spectres hitlériens.

Psychopathologique également sur le plan familial. Tout se passe comme si Jean-Marie le Pen, s’ingéniait à saper le travail de sa propre fille, chaque fois que celle-ci, en se démarquant de lui autant qu’il soit possible, assure la progression électorale du parti stigmatisé dont il lui a fait en somme donation, comme s’il ne supportait pas qu’elle le dépasse.

Reste toutefois la dimension politique puisque l’on peut douter qu’imbu comme il l’est de sa propre image le bateleur saturnien entreprenne une psychothérapie d’urgence. Car Jean-Marie le Pen reste bel et bien président « d’honneur » d’une formation qui prétend s’intégrer dans le système démocratique de la Vème république et en respecter la Constitution. Pour ce qui la concerne, depuis qu’elle est arrivée à la présidence du Front National, Marine Le Pen ne cesse de donner des gages en ce sens. Sa réaction d’ailleurs n’a pas tardé. Cette fois elle n’a pas hésité à se démarquer de son encombrant papa. Mais qu’en pensent les autres cadres du parti, notamment tous ceux qui assument des fonctions électives au Parlement européen, à l’Assemblée nationale et dans de nombreuses collectivités locales, les Collard, Ménard et autres? Jusqu’à quand tolèreront-ils que le président « d’honneur » de la formation à laquelle ils appartiennent ou qui les soutient déteignent sur eux, les stigmatise et fasse leur déshonneur?

On se gardera bien de donner des conseils à des personnalités qui prétendent incarner « le renouveau de la France ». On leur suggérera juste d’en faire la preuve en ayant le courage d’éjecter enfin de leurs rangs, sous des modalités à débattre entre eux, ce prétendu chef charismatique. Pour paraphraser Sade: Frontistes, encore un effort et vous serez réellement républicains!

             Raphaël Draï, Radio J, le 9 juin 2014.

LA Vème REPUBLIQUE A L’AGONIE – Vers une nouvelle – et fatale – polarisation FN-Djihad? (Magistro.fr – Juin 2014)

In ETUDES ET REFLEXIONS, SCIENCE POLITIQUE ET DROIT on juin 8, 2014 at 10:34

Vers une nouvelle – et fatale – polarisation FN-Djihad? 

I. La Vème république dans la durée longue.

La victoire du FN aux élections européennes du 25 mai dernier n’est pas circonstancielle. Elle marque encore plus fortement la mise à mal du régime politique qualifié formellement de Vème République au point que l’on s’interroge sur la viabilité réelle de ce régime. Il faut alors s’entendre que ce que l’on nomme « Vème république ». En termes constitutionnels, celle-ci existe depuis le référendum du 28 septembre 1958. C’est l’une des plus vénérables et des plus coriaces de toute l’histoire constitutionnelle de la France. On peut même considérer que ce régime-là conjoint ses deux avatars: le premier proprement gaulliste, ou assimilé, qui a duré jusqu’à 1981 et le second socialiste, sous les deux mandats de François Mitterrand qui s’était parfaitement accommodé d’un système pourtant qualifié par lui de «coup d’Etat permanent». Quels sont-pour ne pas dire quels étaient-les critères essentiels de ce régime?

La Vème République instituait un Etat fort, dominé par un Exécutif puissant, lui même servi par un parti dominant, et un Parlement se limitant désormais à la place congrue qui lui était assigné, l’ensemble sous la houlette d’un chef d’Etat charismatique, doté d’un coefficient historique hors normes. Grâce à un tel dispositif, l’économie et les finances de la France retrouvaient vigueur et confiance, à l’image du Franc nouveau garanti par la sobriété efficace des Pinay, Rueff et autres. Pourtant, un tel dispositif, une fois «liquidée» dans les conditions que l’on sait l’affaire algérienne, ne tarda pas à se lézarder. La crise de 1968 porta un coup fatal au charisme vieilli du général de Gaulle, tandis que l’autre «crise» commencée en 1973 avec la guerre dite de Kippour révéla les profondes vulnérabilités de l’économie du pays. Avec l’élection de Valéry Giscard d’Estaing, le Centre revenait au pouvoir, au détriment du gaullisme originel. Les valeurs et les comportements en cours commencèrent également à se disjoindre et le président d’alors essuya en fin de mandat les relents d’une sombre affaire de diamants africains. En 1981, la Gauche arriva enfin au pouvoir, toutefois décidée, sans se déjuger, à se loger dans les institutions créées en 1958. Les réformes succédèrent aux réformes, avec un vaste programme de nationalisations sans doute indispensables mais qui contribua à mettre l’économie du pays sur le flanc. D’où dés 1983, le tournant dit «de la rigueur» qui allait transformer le socialisme révolutionnaire en socialisme sagement si ce n’est cyniquement gestionnaire, à commencer par la gestion du pouvoir politique patiemment conquis en trois décennies. La suite prend l’allure d’une pente descendante.

Des présidents qui se sont succédés, aucun ne remplissait le costume militaire du général ni les costumes ajustés de Mitterrand. La clef de voûte de la Vème république branlait tandis que l’économie française était minée par un chômage teigneux. Et pourtant, malgré tous les appels à fonder une VIème république, la Vème s’accordait quelque toilettage et prolongeait son parcours de vie. L’élection présidentielle de 2002 claqua néanmoins comme un coup de tonnerre puisque le socialiste Lionel Jospin était éjecté dès les premier tour au profit de Jean-Marie le Pen. C’est à ce moment que fut commise une erreur d’analyse majeure qui consista à imputer cet échec à des considérations de personnes ou de circonstances alors qu’en réalité s’annonçait l’effacement de la réalité politique française de ses deux composantes principales et alternatives: le gaullisme et le socialisme au profit d’une idéologie sans cesse stigmatisée mais obstinément persistante: celle de l’extrême-droite, comme si le cours de l’Histoire refluait en deçà de 1945. En 2012, la défaite de Nicolas Sarkozy, nominalement de gaulliste affiliation, au profit d’un François Hollande moins socialiste que « PSiste » et que nul n’avait vu venir consomma l’agonie inavouable d’un gaullisme préhistorique! La guerre des chefs qui s’ensuivit immédiatement à l’UMP accentua le discrédit politique, moral et même personnel de ses dirigeants. Il n’en alla pas autrement au PS, avec l’aggravation du chômage, le matraquage fiscal, le scandale Cahuzac, sans parler des frasques sentimentales d’un Président qui déjugeait ses engagements de campagne et commençait à perdre toute autorité. Le socialisme suffoquait aussi. De sorte que la victoire du FN aux européennes était largement prévisible. Quelles conséquences en tirer?

II. Vers la polarisation FN – «Djihadistes»?

Le questionnement est plus grave que celui qui concerne spécifiquement la survie de la Vème République. Il s’agit de savoir et de décider si la France restera ou non un régime démocratique. Non pas verbalement, dans l’incantation outragée par le principe même de la question, mais dans sa réalité. Quelle est cette réalité? Elle apparaît comme celle d’un régime bien curieux puisque privé à la fois d’une majorité et d’une opposition, d’un régime aux carences cumulatives, dont l’économie se délite un peu plus et dont l’autorité de son chef n’est plus que fictive. Au lendemain des élections européennes, au lieu de procéder à un véritable « scanner » de la situation, comme on l’eût pratiqué pour les victimes d’un accident de la route, à l’UMP se livrait une nuit à la Borgia contre François Copé; et pour le PS le président de la République bâcla une allocution que chacun écouta distraitement et que personne ne comprit. A l’UMP s’installait aussitôt un trio de Consuls déjà concurrents, tandis qu’au PS, l’on supputait qui allait remplacer, à une date qu’on fixerait en temps opportun, ce président blagueur mais fantôme et aboulique.

Qu’à cela ne tienne, pouvait–on se dire: le FN constitue désormais une véritable alternative. Le temps est fini de sa stigmatisation notamment pour antisémitisme forcené et pathologique. Des syndicalistes de FO, de Sud, de nombreux ouvriers et jeunes de moins de 35 ans, n’hésitent plus à le gratifier de leur suffrage et à l’adouber comme parti de gouvernement, si ce n’est comme poutre maîtresse d’une nouvelle République, ce terme n’ayant pas tout à fait les connotations de celui de démocratie. Et puis, patatras, resurgit sur le Net une interview d’il y a quelques semaines à Public-Sénat, au cours duquel Marine le Pen, recouvrant un naturel dont on l’imaginait corrigée, retrouvait les insanités de son père contre le « lobby juif », « Publicis », Maurice Lévy et tous « ces gens là qui se marient entre eux » et dont à l’entendre, sitôt élue présidente, elle les dépossèderait de leurs richesses spoliatrices pour ne pas dire qu’elle les «aryaniserait». Au point que Guillaume Durand qui l’interviewait réprima une réaction de dégoût. Depuis, aucune correction de trajectoire n’est intervenue et Marine Le Pen est déclarée diplomatiquement parlant non grata en Israël où aucun officiel n’entend la rencontrer. Est-ce donc cela qui doit remplir le vide de la Vème République sexagénaire? Il se pourrait que l’avenir fût encore plus préoccupant.

Après l’élection présidentielle de 2012 et le début de la chaîne d’échecs du nouveau pouvoir, certains analystes conjecturaient que le débat politique ne tarderait pas à se polariser entre l’extrême-droite de Marine le Pen et l’extrême-gauche de Jean-Luc Mélenchon. L’élection du 25 mai a révélé que le Front de Gauche était encore plus inconsistant et sépulcral que le mouvement écologiste. Apparaît alors le risque d’une toute autre polarisation, que bien peu osent nommer de son vrai nom. Le FN indécrottable, « confirmé » par Marine le Pen, croit pouvoir masquer sa xénophobie sous des formules comme celle « de la préférence nationale » et mettre cette lubie en oeuvre en continuant de s’en prendre notamment aux Juifs qui ont le malheur de ne pas lui complaire. Mais qu’en sera t-il cette fois des Musulmans de France? Ceux-ci constituent une population non pas de quelques centaines mais de quelques millions de personnes. Il ferait beau voir que le FN les maltraite verbalement ou idéologiquement comme sa présidente l’a fait avec Maurice Lévy et consorts. L’on sait à présent que le tueur du Musée Juif de Bruxelles, arrêté à Marseille, est un « djihadiste français », l’un de ceux qui par centaines s’en vont participer aux combats qui se déroulent en Syrie, avant de revenir sur le territoire de France, pour y accomplir le moment voulu un Djihad sans merci. Ces tueurs fanatisés ne rêvent que d’un seul scénario: que le FN arrive au pouvoir en France et qu’ils aient toutes les raisons de le combattre à la façon dont ils font la guerre à Assad. Tel est le risque qu’il faut savoir nommer, tandis que le régime dit de la Vème république ressemble de plus en plus à ces canards dont on a coupé la tête mais qui n’en continuent pas moins de courir en tous sens.

Alors que l’UMP s’est transformée en canard tricéphale, que le PS redoute de se faire éjecter dés le premier tour de la prochaine présidentielle, tandis que le Centre croit que son heure est proche et rejoue son jeu solitaire; tandis qu’à nouveau font rage les ambitions personnelles, prédatrices et finalement auto-destructrices, n’est–il pas temps de retrouver le sens du désintéressement et de forger non pas un front républicain, calculateur et opportuniste, mais un véritable arc démocratique où se retrouveraient face à un pareil horizon de menaces, quel que soit leur engagement politique initial, les hommes et les femmes inspirés par un réel impératif de liberté et de responsabilité, à la fois politique et moral? Le Pouvoir est il une drogue si dure qu’une fois goûté il produise une si inguérissable addiction au détriment du bien commun?

                           Raphaël Draï zal pour Magistro.fr (Juin 2014)

BLOC NOTES DE LA SEMAINE: Semaine du 26 Mai

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on juin 3, 2014 at 10:49

26 mai.

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Comme prévu depuis des mois, sans aucune surprise, le FN est en tête des Européennes, devant l’UMP et le PS, sans parler des autres listes à 3 ou 2%. Aussitôt Marine le Pen se pose en véritable incarnation du peuple et revendique le statut de « premier parti de France », affiches démonstratives ornées du buste de Marianne, en fond de tableau. Face à ce que Manuel Valls a aussitôt qualifié de véritable « séisme », l’on aurait pu penser que les deux partis défaits, dits « de gouvernement », s’adonnent à un examen de conscience et s’interrogent sur ce qui leur a valu cette déculottée qui n’est pas de circonstance puisqu’à l’analyse il semble que des syndicalistes de FO et même de Sud aient voté pour le parti taxé il y a peu encore d’extrême-droite, de xénophobie et d’antisémitisme. Au lieu de quoi, l’UMP s’est livrée à un replay de la nuit des longs couteaux. François Copé, contraint à la démission, a eu la tête coupée, le sabre étant de la marque Bygmalion. A sa place un improbable triumvirat composé des trois anciens premiers ministres: Juppé, Raffarin et… Fillon s’est auto-proclamé tuteur du parti sans tête non plus. La pantalonnade est tragi-comique lorsque l’on sait quelles ambitions antagonistes habitent les trois consuls. D’où les appels au Sauveur émanant d’autres concurrents encore! Sarkozy reviendra t-il? Cet autre ex se fait tirer par la manche, se fait désirer, supplier presque… Nadine Morano s’interroge, telle la Sibylle antique devant le chêne de Dodone: « En a t-il seulement envie! ». L’intéressé joue les désintéressés, se profile en de Gaulle. Revenir, mais pour quoi faire? Et puis comment se défaire des délices de Capoue? Preuve que le régime est à l’agonie: ses fonctions primaires n’opèrent plus. Au lieu de tirer parti, si l’on peut dire, de cette panade, François Hollande bâcle une allocution aux Français qui depuis longtemps ne l’écoutent plus. Les mots sont usés, les postures caricaturales, l’autorité nulle. On va à la « rencontre des Français de base ». On visite les Bleus et on joue les supporters primaires. Ensuite, une école par ci, un dispensaire par là. On repasserait par Lourdes s’il le fallait. Le Centre, si tant est qu’il n’en existe qu’un, croit son heure venue et refuse les avances de l’UMP. Le troisième François, l’insubmersible Bayrou, monte au créneau et fait la morale à ses pseudos-partenaires. Quel crédit accorder à celui qui ne cesse de passer d’un camp à l’autre? Le FN attend que tout ce microcosme poursuive sa décomposition. La suite est proprement imprédictible. La France entre dans cette zone que les aviateurs du temps de Mermoz appelaient le pot au noir, sauf qu’en ce temps-là les pilotes savaient piloter.

28 mai.

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Le tueur de Bruxelles a été arrêté inopinément à la gare routière de Marseille. Il transportait une kalachnikov toute neuve, des centaines de balles, un pistolet d’assaut, une casquette noire, un appareil photo et s’imaginait qu’il poursuivrait son périple en toute impunité. Le tueur en question se nomme Mehdi Ménnouche. De nationalité française, ses parents sont d’origine algérienne, comme ceux de Mohamed Merah. Il ne s’agit pas de donner dans la sociologie de bazar mais d’explorer la piste suivante. Cette génération est issue de celle qui a combattu la France coloniale pour lui arracher l’indépendance d’un pays mythifié par ce combat même. Va t-il de soi qu’elle se retrouve dans le pays à qui elle a fait la guerre, pour lui demander logement, emploi, avantages sociaux, sans en ressentir une sourde humiliation? Enclavée dans des quartiers devenus des isolats, la génération d’après tente de compenser cette déflation narcissique en se cherchant des causes exaltantes, paroxysmiques. La participation au Djihad y contribuera qui désigne les ennemis mortels de l’Islam, des ennemis à éliminer sans ciller. Reste à s’interroger sur les réseaux politiquement prostitutionnels qui recrutent des individus de cet acabit, qui les initient à ce Djihad assassin en les incitant d’abord à transgresser la loi du pays, d’où casses et agressions initiatiques conclus par des séjours en des prisons transformées en école du Parti divin. Le reste est programmé. Le poisson hameçonné ainsi pré-conditionné est ensuite envoyé en Syrie ou ailleurs. On l’y formatera en 3D pour assassiner sans ciller non plus. Les cibles sont déjà répertoriées. L’image la plus trompeuse est alors celle du «loup solitaire». Lorsque l’on fait partie d’une mouvance qui compte près d’un millier de comparses la notion de solitude devient une pure erreur. Les pouvoirs publics découvrent sidérés l’échelle du phénomène. Auront-ils les moyens d’y faire face alors que le gouvernement se creuse le crâne pour trouver par ailleurs des milliards d’euros …

29 mai.

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J’avais lu il y a une trentaine d’années « Le Portrait de Dorian Gray », ce texte étrange et parfois effrayant d’Oscar Wilde. Sa relecture ravive de telles dispositions d’esprit. Ce n’est pas exactement le thème classique du « double » mais celui de la relation spéculaire d’un être à son image, sachant que celle –ci fixe ses traits à un moment donné mais que ces traits s’altéreront fatalement sous l’emprise du temps. Sévit aussi le mécanisme psychique de la projection. Un portrait en soi n’existe pas. Il est constitué par tout ce qu’y dépose qui le regarde, le meilleur ou le pire de l’âme. De sorte qu’au fil des pages, le portrait de Dorian Gray passe du statut de chef d’oeuvre à celui d’objet phobique. Et le plus bel homme de sa génération, au visage fascinant, à la richesse sans limites, qui peut tout sauf arrêter le cours du temps et ne pas en projeter les déjections sur la portrait initialement glorieux, sera inexorablement mené à commettre des actes sans retour. Mais pourquoi raconter la fin du livre au risque de ne pas la laisser découvrir, chacun s’interrogeant sur les images de soi forgées au cours de sa propre vie?

 RD

Bloc-Notes: semaine du 18 mai

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on Mai 29, 2014 at 12:50

20 mai.

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Pendant que les sondages confirment la première place du FN dimanche aux élections européennes, plutôt que de serrer les rangs l’UMP se dirige droit vers l’iceberg du Titanic. Une sombre affaire de factures obliques est mise peu à peu sur le dos de François Copé, avec une tête chercheuse du côté de Nicolas Sarkozy. Zola écrit dans une de ses «Lettres parisiennes» que la haine est chose abominable en politique. Pas seulement en politique mais dans ce domaine erratique elle s’exempte de toutes les inhibitions qui peuvent la retenir dans la vie privée, lorsque c’est possible. Depuis la défaite de 2012, François Fillon s’est décrété à sa manière un destin national – tous les gaullistes se prennent pour de Gaulle ressuscité -, ce qui impliquait la prise de contrôle de l’UMP. François Copé, adonné à la même ambition, s’est mis en travers et a cru qu’il l’avait emporté, avec la route grande ouverte pour 2017 compte-tenu des premiers échecs de la présidence Hollande. Aussitôt, l’on s’en souvient, la guerre interne s’est déclarée avec une violence inouïe, au point que l’on s’interroge sur les intérêts et les affects véritablement en cause dans ces sortes de confrontations à mort. Après les chantages à la scission, des replâtrages ont été bâclés, chacun essayant de gagner du temps et se mettre en meilleure position de tir pour la prochaine bataille. Et si François Copé, trop pressé, ne manquait pas une occasion de s’exhiber et de jouer le président en titre de la formation « gaulliste », le François adverse se contentait de déclarations minimalistes et le sapait sans cesse. Nul ne l’a entendu s’exprimer après les municipales. Son concurrent mué en ennemi semblait y tenir le beau rôle. Mais l’affaire dite Bygmalion prenait corps, avec ses relents de fausses factures, de caisse noire, de double billetterie. Et l’ensemble était imputé au maire de Meaux, de plus en plus les deux pieds dans la glu. Bygmalion ou Big millions? Les sommes en cause paraissent exorbitantes au regard de l’indemnité d’un chômeur lorsqu’il y a encore droit! L’UMP passait pour un des principaux partis politiques de la Vème République. Elle est en passe de se transformer en abattoir pour faux-frères ennemis. On ne sait si ceux qui la dirigent sont conscients de l’impact psychique produit par ces fratricides sur ce qu’il faut bien appeler la conscience collective; à quel point celle-ci est affectée par le dégoût et par la désespérance. La Vème République se meurt et ce n’est pas de sa plus belle mort. Elle prend de plus en plus les traits de la IVème agonisante lorsque les partis qui la disloquaient se livraient déjà une guerre sans merci, et qu’à l’intérieur de ces partis eux mêmes les éliminations politiques palliaient de plus en plus difficilement les éliminations physiques. Bel exemple pour les « djihadistes » des cités sensibles qui n’en perdent pas une miette.

24 mai.

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Bruxelles. Un beau quartier. Le Musée juif. Des touristes. Un homme entre et tire sur eux comme sur des lapins. Quatre morts. Pourquoi? Parce que c’était eux. Des Juifs, ou présumés Juifs, eussent-ils été « laïcs » et visitant un lieu non moins juif certes mais ouvert le jour du chabbat. Deux des victimes sont de nationalité israélienne, ce qui signifie qu’à l’instar de leurs concitoyens un « contrat » global pèse sur leur existence, qu’ils sont éliminables à vue par quiconque considère leur existence sur terre comme un avatar de la causalité diabolique. Et que dire du tueur, toujours en fuite? Il doit se dépeindre en combattant de la liberté. Un justicier décidé à rétablir l’équilibre de la terreur qui selon lui sévit sur les habitants de Gaza ou de Ramallah. Ce qui l’autorise à s’ériger en juge et en bourreau, en exécuteur d’une sentence sortie de son cerveau glacial et chaotique. Pendant ce temps, le pape François visite la Terre Sainte et les militants anti-israéliens qui le pistent tentent d’accoler son image à celle du mur de séparation, substituant ce que ce mur représente à ce que symbolise le Mur occidental du Temple de Jérusalem. Toujours « la stratégie de la souillure » parce qu’elle colle à l’idée multiséculaire des Juifs, impurs et damnés plus que Caïn ne l’a jamais été. A des milliers de kilomètres, devant la synagogue de Créteil, deux jeunes juifs religieux, pour les mêmes mobiles pavloviens, se font agresser à coup de poing américain et rouer de coups. Ces formes d’aveuglement finissent par se payer très cher. Après la défaite de Nicolas Sarkozy en 2012, on prédisait que la vie politique française se polariserait violemment entre Marine le Pen à l’extrême droite et Jean-Luc Mélenchon à l’extrême gauche. Il se pourrait que cette polarisation se déplace, qu’elle oppose bientôt le FN d’un côté et les salafistes de l’autre, ceux qui rêvent de tirer à vue dans les galeries du Louvre sur les nus de Titien ou de Courbet.

25 mai.

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« Heidegger et son temps » de Rüdiger Safranski. Martin Heidegger passe pour l’un des plus grands philosophes du XXème siècle. Auteur de 60 ouvrages mais en vérité d’un seul livre: « L’Être et le Temps » on lui fait honte de son accès d’ivresse nationale-socialiste lorsqu’il a cru qu’Hitler avait lu ce livre plume en main. Comment un penseur de cette envergure supposée pouvait-il imaginer que la révélation de l’Être allait commuer dans la découverte de son inverse absolu, celui des camps de la mort? L’exercice de la pensée la plus élevée n’a jamais remplacé l’exigence d’un caractère charpenté et ils ne manquent pas ces penseurs dont les vies démentent, hélas, les vocalises cogitatives. Demeure aussi l’énigme de l’« amour » improbable entre l’auteur du décrié « Discours du Rectorat » de 1933 et Hannah Arendt, la juive allemande qui ne s’en est jamais désisté – ou libéré. Amour heideggerien, si ces deux termes pouvaient le moins du monde s’associer: l’exaltation de l’Être, d’un côté, de l’autre le choix d’une maison sacralisée dans un lieu nommé Todtnauberg. En allemand, Todt veut dire : mort. On peut comprendre pourquoi le grand homme remis en selle par une partie de l’(in) intelligenzia française d’après-guerre en mal d’adoration ne s’est jamais réellement frotté à Freud. La psychopathologie et la métapsychologie ne se dénient pas mutuellement : elles se complètent.

LA NOUVELLE LOTERIE JUIVE – Radio J – 26 Mai 2014

In CHRONIQUES RADIO, SUJETS D'ACTUALITE on Mai 26, 2014 at 3:48

Pour nous exprimer avec modération mais avec lucidité, l’on dira que ce week-end du 25 mai 2014 aura vu se restreindre encore plus les marges existentielles de la communauté juive de France, non seulement en raison de la victoire électorale du FN mais aussi à cause de la tuerie de Bruxelles et de l’agression de Créteil.

La victoire du FN aux élections européennes ne saurait être minimisée. Le premier Ministre en personne l’a qualifiée de séisme politique. Elle signifie que le régime politique français mute gravement, et qu’il mute parce que la société française connaît elle aussi des mutations aveugles et régressives que l’Etat ne peut plus accompagner, ni réguler. Aussi bien le score de l’UMP que celui du PS révèlent que deux des composantes idéologiques de la culture politique française: le gaullisme et le socialisme sont en voie d’effacement. Quelque chose d’autre prend leur place dont rien n’assure qu’elle sera mieux remplie. La victoire du FN était prévisible, annoncée. Point besoin d’ergoter: elle résulte autant de l’habileté politicienne de ses nouveaux dirigeants que du discrédit dans lequel ont sombré les deux partis dits de gouvernement dans lesquels l’addiction au pouvoir, les scandales, les échecs, le verbiage, nourrissent la chronique quasiment quotidienne. Le grand philosophe anglais Thomas Hobbes nous en a avertis depuis longtemps: le Léviathan surgit surtout dans les époques de décomposition. Nous y sommes. Tout souligne, au train où vont les choses que, sauf miracle, la Vème République fondée en 1958 s’effondre. Voilà pour les Juifs en tant que citoyens.

Pour les Juifs en tant que Juifs, si l’on peut ainsi s’exprimer, s’ajoutent, comme on l’a dit, d’abord la tuerie de Bruxelles. En Europe il est donc possible de tirer à vue au fusil sur des Juifs en visite dans un musée pour la seule raison qu’ils le sont et qu’ils suscitent une haine dont même la psychiatrie de guerre ne saurait rendre compte. Et ensuite l’agression de deux jeunes religieux à Créteil, dans le même contexte psychique.

Il apparaît alors avec une netteté de cristal que la communauté juive de France se trouve à la croisée des chemins. Il lui est possible de s’accommoder de cet état de fait, de se contenter d’un judaïsme de plus en plus couleur-muraille, un judaïsme de survie pour ne pas dire d’agonie, couvrant la kippa par la casquette et la casquette bientôt par un casque métallique. Elle peut choisir une autre voie, à part celle de l’expatriation aux Etats Unis ou en Australie, une voie compatible avec ses valeurs: celle qui la dirige vers l’Etat d’Israël, avec les problèmes mais aussi avec les solutions des citoyens de ce pays.

Qui pourrait lui en faire grief lorsqu’il y va de la vie de ses membres, quotidiennement jouée à la loterie de cette haine sans merci?

Désormais la décision appartient à chacun et à chacune, en pleine responsabilité vis à vis de soi et au regard des générations à venir.

                                             Raphaël Draï, Radio J, zal, le 26 mai 2014.

VERS UN EFFONDREMENT DE LA Vème REPUBLIQUE ?

In ARTICLES, SCIENCE POLITIQUE ET DROIT, SUJETS D'ACTUALITE on Mai 25, 2014 at 9:51

VERS UN EFFONDREMENT DE LA Vème REPUBLIQUE ?.

Bloc-Notes: Semaine du 12 Mai 2014

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on Mai 20, 2014 at 2:27

12 mai.

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François Hollande s’attend à une nouvelle gifle électorale pour les Européennes, bien plus cinglante que pour les dernières municipales. Nombre de sondages placent le PS en troisième position, derrière l’UMP et surtout le FN. Quoique ses dirigeants en laissent paraître, l’UMP de son côté se lézarde tandis que l’UDI attire ses déçus meurtris ou ses ambitieux aux dents longues. Pendant ce temps la médiasphère ne résonne que des polémiques et des diatribes d’un petit groupe, nouveau patriciat d’une république en déconfiture, qui se donne en spectacle permanent. Il faudrait ainsi choisir entre une émission de télévision racoleuse, où le casting est celui d’une troupe de carnaval, sachant qu’on y volera plus bas que les fonds de culotte des participants, et un film mettant férocement en scène les turpitudes libidinales d’un espoir du socialisme et la complaisance théâtrale d’une ex-épouse qui jette les hauts cris. Ce monde-là apparaît si détaché du réel, tellement enclavé dans son narcissisme panoramique, qu’il ne se rend plus compte du discrédit qui l’afflige. Ses membres s’imaginent faire partie de l’élite. Ils n’ont même plus rangs d’éboueurs. Car le pli est pris: quoiqu’il en coûte, tirer la couverture à soi, faire la «Une» des magazines «pipole», polémiquer à outrance de sorte qu’on n’entende plus que le choc de mots déguenillés, de verbes au curare, de métaphores dont Céline en personne aurait eu honte. Et l’on se demande comment l’on en est arrivé à ce degré de prétention et de bêtise, comme si la République n’était pas une exigence des sommets, requérant le meilleur de soi chez ses adeptes. L’ambition n’est pas un vice lorsqu’elle ne se réduit pas à l’auto–propulsion de Phaebus qui ne se sont jamais consolés d’être nés de l’union d’un homme et d’une femme, qui se prennent pour des divinités. Aussi la sanction risque d’être lourde et collective dimanche prochain. A supposer que le FN arrive en tête et s’en prévale aussitôt pour montrer la «bonne» direction à une France sans boussole, quel programme appliquera t–il? L’idéologie du FN est l’équivalent d’une machine de guerre. Ces machines-là sont conçues pour détruire mais non pour édifier. Pendant ce temps, Nicolas Sarkozy se tait, ou joue les ventriloques. Ce qui signifie que la France ne dispose actuellement ni d’une véritable majorité ni d’une réelle opposition, navire amputé de sa proue et de sa poupe et qui prétend ne présenter aucune voie d’eau. Aucun régime répertorié depuis Platon et Polybe ne saurait subsister dans ces conditions autrement que par simulacre et fiction. D’où comme on l’a dit l’abus narcotique de la «com». Est–il impossible que dimanche prochain, le corps électoral ayant repris ses esprits retrouve les voies du bon sens? Est-il inconcevable que les mots désintéressement, modestie, réserve, modération, recouvrent leur signification première et thérapeutique? L’ancien slogan de la Prévention routière avait du bon «Boire ou conduire, il faut choisir».

14 mai.

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Le plus répugnant dans les exactions et les rapts du groupe islamiste nommé Boko Haram est qu’il se prévale de la loi divine. C’est en se couvrant de l’autorité d’un Coran adapté à ses vices et à ses pulsions qu’il s’est autorisé à enlever des dizaines de jeunes filles pour les livrer à ses «combattants», aux fins que l’on sait, parce qu’un combattant de cet acabit qui enlève, tue, décapite et égorge sans aucun respect pour les lois humaines de la guerre, y est autorisé de commandement divin par ses chefs. Mais de quel Dieu est-il question? En tous cas pas de celui du Décalogue qui en sa huitième Parole interdit le rapt et prohibe la séquestration. Les fanatiques de Boko Haram ne sont même plus des «barbares». Les barbares, au sens habituel, ne se prévalent d’aucune autre loi que celle de leurs instincts, d’aucun autre commandement que celui de leur volonté. Les forbans de Boko Haram constituent une engeance en laquelle se révèle le pire de l’être inhumain. Car de quel droit vouloir imposer sa foi personnelle à qui n’en veut pas parce que la sienne lui suffit, ou parce que la présence divine dans une société humaine n’est pas recevable en son esprit? Un esprit pas plus qu’un corps ne se force comme la porte d’une villa ou le fermoir d’un sac. Un esprit se respecte en sa propre configuration et un corps lorsqu’il est sollicité en la nécessité de son consentement. Avec les malfaisants de Boko Haram, l’Islam se défigure et le printemps promis il y aura bientôt quatre ans dans ce continent humain devient plus qu’une saison hivernale: une saison infernale. De nombreux pays ont déjà pris la mesure d’une telle menace. Quelle loi aura t-elle raison de ces hors-la-loi qui s’autorisent selon la leur à faire main basse sur des êtres humains pour les prostituer à la face de l’Eternel?

17 mai.

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«La lettre écarlate» de Nathaniel Hawthorne est un des plus beaux récits de la littérature universelle. A lire et à relire. Il faut se méfier des romans qui s’exposent à une lecture psychanalytique. Au temps où Hawthorne rédigeait ce récit la science de Freud n’était pas encore constituée. De quoi y est–il question? Dans la colonie du Massachusetts, dans la ville de Salem, une femme considérée comme adultère mais qui n’a pas été jugée complètement coupable de ce crime au regard de la loi des Puritains est condamnée à arborer sur son vêtement la lettre A qui la stigmatise publiquement. Elle se plie à la sentence et continue de vivre avec son secret. Cependant, au fur et à mesure de ses travaux d’aiguille et que le temps passe, l’opinion des habitants de la colonie évolue. Ce n’est pas qu’Hester Pryme soit absoute du forfait dont on l’accuse mais un peuple digne d’être qualifié d’humain sait transformer ses sentiments premiers. Et puis, si Dieu est le seul juge suprême n’est –il pas aussi miséricorde? Comment et dans quel sens se modifiera le sens initial de la lettre- stigmate? Le révéler serait sans doute couper court à la lecture du récit et priver le lecteur de quelques heures de véritable réflexion sur la peccabilité humaine en même temps que sur sa puissance de réparation. Alors, Welcome to Salem!

RD

Bloc-Notes: Semaine du 5 mai 2014

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on Mai 14, 2014 at 10:03

5 mai

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Changement à la tête de la «com» élyséenne. La phrase de Malraux est souvent citée: «La vie ne vaut rien mais rien ne vaut la vie». Elle devrait être étendue à la réalité. La réalité actuelle n’est pas très aguichante mais elle vaut encore mieux que les artifices et les simulacres par lesquels on tente de la farder. La «com», est le pire de ces trompe-le-réel. Il y a quelques décennies encore, le mot était réservé au vocabulaire de la théologie et se rapportait à celui de communion, lui même inhérent à la messe catholique. Communier signifiait «faire un» avec l’Agneau de Dieu. Et puis, comme tant d’autres vocables, le mot a muté et son sens a divergé de celui qui avait marqué son origine. «Communiquer» à partir des années 70 signifiait désormais faire savoir, porter un fait, une situation dans la sphère publique, sachant que le fait ou que la situation en question avaient substance et consistance tangibles. Il ne fallait pas confondre l’emballage du paquet et son contenu. Et puis une autre mutation est intervenue, la communication ainsi entendue s’abrégeant en «com», autrement dit à l’emballage tenant lieu de contenu, celui-ci serait–il diaphane. Ainsi est advenu le règne du simulacre avec ses experts et ses gourous. Peu importe qui l’on soit. L’image se décolle de l’être pour en tenir lieu. Le «simulant» apprend ainsi essentiellement, et à prix d’or, à paraître, à se dédoubler, à se mentir puis à se démentir. Ce que pense le cœur, le regard apprend à le simuler et à le dissimuler. On ne dira pas ce que l’on pense mais ce que le «coach» vous fera dire afin de vous faire apparaître une fois de plus sous votre meilleur jour mais un jour qui sera toujours faux. De sorte que l’homme ou la femme politique «coaché(e)» se réduise à un automate, à un golem, avec ses sourires pavloviens et mécaniques, ses postures dignes du musée Grévin, ses phrases coupées au cordeau, plus vides que le vide en personne. Le réel est ainsi proprement évacué de la réalité dont on ne soucie guère plus que de sa première chaussette. Et pourtant… Imaginons qu’à la place de tel gourou trentenaire, multi-diplômé, et qui sait son Mac Luhan sur le bout des doigts, apparaisse un homme ou une femme politique ayant compris le sens même du mot politique; qui se soucie non pas du papier-cadeau mais du contenu des choses, qui réduise réellement le chômage, qui restitue sa pleine valeur au concept de Cité sans rien revendiquer pour soi sinon d’avoir contribué à la réussite de tous, cet être là aurait-il besoin le moins du monde qu’on lui indique comment placer ses mains sur un pupitre, quelle doit être la couleur de sa cravate ou de son foulard et combien de secondes devra durer son sourire de circonstance? La sanction? Il arrive alors que le réel violenté ou refoulé se venge et prenne le visage nu et cru du scandale, autrement dit de la dénudation publique des artifices et des simulacres. A ce moment les trous de souris se louent plus chers que les suites royales des hôtels les plus huppés de la planète.

8 mai.

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Fête de la Victoire des armées alliées contre le régime monstrueux du IIIème Reich. Cette célébration prend un tour particulier cette année 2014, celle des élections au Parlement européen. De nombreux sondages indiquent que l’Europe est le moindre souci des Européens qui le sont de fait et de règle et non pas de cœur. Les débats et diatribes de 2005 sont encore dans les mémoires. Pour ses habitants, l’Europe est d’abord et avant tout une hyper-bureaucratie dont personne ne peut maîtriser à soi seul la connaissance de ses directives et règlements. Babel pour les langages, Byzance pour les règles. On en oublierait presque le but de la construction européenne: dégager ce continent de ses propensions létales. Pascal Quignard le rappelle dans «Les désarçonnés». «Occident», vient du latin occidere, d’où vient le verbe occire: tuer. La construction européenne ne relève pas d’une esthétique des assemblages ou des collages. Au regard de son passé, elle est vraiment sans alternative puisque «occire» reste son programme inconscient. Pourtant, cela fait soixante ans qu’elle réussit à ne pas réussir son passage à l’état de véritable fédération. Si elle ne cesse de s’élargir elle peine à s’élever. Elle traîne, traînaille, tâchant de se convaincre qu’elle non plus n’est pas un simulacre dilaté à l’échelle d’un continent. Chateaubriand écrit dans ses «Mémoires d’outre-tombe»: «A force de s’étendre, Napoléon rencontra les russes». Désormais, et cette fois, c’est à force de vouloir s’étendre dans ces conditions que l’Europe hétéroclite a rencontré Poutine.

11 mai.

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Dans une de ses lettres, Tolstoï écrit: «La mission de l’artiste n’est pas de résoudre victorieusement un problème mais de faire aimer la vie dans ses innombrables, dans ses inépuisables manifestations». Aimer et faire aimer! Qui en est vraiment capable? Qui donc en montre l’exemple? La haine est un affect obscur, sans doute, mais qui représente une telle solution de facilité! D’un mot, d’un regard, un être, un livre, un film, est jugé comme au Jugement dernier, sans compassion et sans procédure d’appel. Ce qui économise bien sûr l’exigence de la connaissance exhaustive, de la nuance, de la prise en compte des perspectives et des potentiels d’une création qui ne saurait se révéler avant que d’être advenue. Il faut revoir les épreuves d’imprimerie des livres de Balzac et de Proust pour comprendre le mouvement d’une oeuvre en gésine puis qui naît au jour, d’une oeuvre irriguant la conscience humaine et qui s’inscrit dans la durée au sens de Bergson avec ce qu’elle implique de souffrance insondable mais aussi d’inexprimable bonheur une fois que le mot juste se trouve à sa juste place, dans une phrase pesée à la balance d’or, dans un livre aux pages gréées comme les voiles d’un navire impatient de gagner la haute mer. La mer des siècles à venir.

 RD

JOHN KERRY ET L’ABUS D’«APARTHEID» – Article Actu J – 7 mai 2014

In ActuJ, SUJETS D'ACTUALITE on Mai 7, 2014 at 8:54

Suivant l’adage anglais il est difficile de faire rentrer dans le tube de dentifrice la pâte qui en est sortie. Il n’en va pas autrement des bourdes d’idées et des abus de langage. Après avoir mis en garde l’Etat d’Israël contre la probabilité de se constituer bientôt en « Etat-Apartheid », John Kerry, l’actuel secrétaire d’Etat américain, aurait voulu trouver un trou de souris pour s’y cacher. Mais ce qui avait été dit l’avait été. La pâte ne voulait plus rentrer dans le tube. D’où excuses et contorsions. Alors il s’agit d’essayer de comprendre en quoi ces bévues « font symptôme », comme disent les psychanalystes.

Le régime politique et juridique qualifié expressément d’« Apartheid » a été instauré en Afrique du Sud par des populations blanches, d’origine européenne et de confession officiellement chrétienne. Il tendait à littéralement « mettre à part » ces populations, auto-proclamées d’essence supérieure, d’avec les indigènes, noirs ou métis, la discrimination opérant dans tous les lieux qualifiés de publics, y compris ceux où l’on se soulage de besoins pressants. La discrimination se prolongeait dans les autres domaines de l’existence, si le mot « existence » pouvait s’appliquer à cette façon d’être, jusqu’au début des années 90 lorsque sous l’inspiration de Nelson Mandela mais avec l’appui déterminants de nombreux sud-africains « blancs », y compris de nombreux Juifs, cette partie du monde bifurqua vers la démocratie et l’égalité en faisant le pari d’une difficile fraternité à construire. Entre-temps, et sous couvert du conflit israélo-palestinien, le mot « Apartheid » avait muté. De vocable juridique et politique, il devint stigmate idéologique et crachat moral susceptible de déclencher les foudres de la justice internationale. C’est de cette mutation insensée dont l’Etat d’Israël pâtit désormais, qu’il s’agisse de son état de droit interne, de la construction du mur de sécurité contre le terrorisme ou de ses structures sociales. Passe encore si l’injure n’était proférée que par ses fieffés ennemis dont on n’ignore plus dans quelle situation calamiteuse ils laissent les Etats dont ils ont cherché le bonheur! Mais John Kerry! Il faut bien s’interroger sur la lie de l’inconscient occidental dont Pascal Quignard, grand étymologiste devant l’Eternel, vient de rappeler que l’origine vient de « occidere » qui signifie faire passer de vie à trépas: plantes, animaux, êtres humains, idées et langages. Car par quelle falsification d’idées, par quel prurit verbal appliquer le mot « Apartheid » à l’Etat d’Israël alors que celui-ci compte, et non pas à ses marges, prés de deux millions de citoyens d’origine arabe, musulmane et chrétienne, prés du quart de sa population et dont les droits fondamentaux sont surveillés par les juges–cerbères de la Cour Suprême, y compris un juge d’origine arabe? Pourquoi ne se pressent-ils pas à l’aéroport Ben Gourion pour fuir cette géhenne? Dans ces conditions l’espace Schengen doit-il être considéré comme une terre d’« Apartheid « à l’européenne? Tant que nous y sommes: depuis quand les Etats-Unis dont les soldats se sont entretués avec une sauvagerie inouïe durant la Guerre de Sécession déclanchée en 1861 ont-ils entrepris de mettre un terme méthodique à la discrimination entre blancs, noirs et latinos au pays de Lincoln, sinon prés d’un siècle plus tard et sans être encore arrivés au bout du chemin?

Tous les Apartheids ne présentent pas qu’un seul visage, une seule couleur de peau, une seule religion. Pourquoi l’Autorité palestinienne, ou ce qui en tient lieu, s’acharne t-elle à rejeter l’idée de la moindre présence juive sur le territoire qui lui serait dévolu au terme des ces négociations dont John Kerry a fait une affaire personnelle au point d’y laisser parler son cœur? Phobie? Racisme invétéré alors que cette Autorité ne cesse de proclamer urbi et orbi le « droit au retour » des réfugiés palestiniens sur le territoire résiduel qui serait ensuite concédé à Israël et qui reconstituerait la souricière de 1948? Il faut se le tenir pour dit: John Kerry n’est pas membre du BDS, encore que la porosité mutuelle de ces grands esprits ne soit plus à démontrer. John Kerry se veut médiateur infatigable dans le conflit israélo–palestinien. Pourtant, lors de ses études supérieures, il semble n’avoir jamais rencontre l’enseignement du grand théoricien du droit que fut Alexandre Kojève pour qui un médiateur digne de ce nom devrait réunir trois qualités indissociables: être neutre, impartial et désintéressé. John Kerry, l’un des hommes les plus influents de l’Administration Obama, devrait étudier d’un peu plus prés ceux qui savent que les mots vénéneux font mal et balle.

RD pour Actu J

Bloc-Notes: Semaine du 21 Avril 2014

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on avril 27, 2014 at 10:53

24 avril.

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Le printemps politiquement morose serait-il malgré tout libidineux? « L’Express » a consacré sa couverture aux femmes – recensées – du président Hollande. Ce n’est plus une succession de ménages mais un harem disséminant! De son côté, l’Ex-ex-ex, prénommée Ségolène, qui siège désormais à la table du Sultan, décrète à l’inverse l’ère de la pudeur, proscrit les décolletés et les jupettes qui ne cachent plus rien. Comme on le voit, l’Etat est au travail et la France s’en rend compte. D’où la « bronca » à laquelle s’est exposé le président de la République à Carmaux, patrie spirituelle de Jaurès. La mémoire des grands hommes se venge toujours lorsqu’elle est invoquée pour la frime, à contre-exemple. Une fois de plus les portes coupe-feux ont coulissé et le Président a quitté la région, persuadé qu’il avait accomplit une forte performance. Jusqu’à la prochaine marche savonnée… Car à n’en pas douter elle ne saurait manquer. Pour le mois de mars, la courbe du chômage ne s’est pourtant pas aggravée. La nouvelle est bonne à prendre. L’on a tendance à oublier, malgré les leçons de Comte ou de Michelet, que l’Etat n’est pas une fin en soi; qu’il est le « sacerdote » du peuple, surtout lorsque celui-ci souffre, doute et ne perçoit plus qu’un horizon trouble et obnubilé par l’anxiété. Ce qu’il est convenu d’appeler la « classe » politique – espérons que le « l » ne soit pas de trop – a t-elle le moins du monde souci du fameux Autre dont tant de grands penseurs rappellent l’existence souffrante? Dans cette fauverie qu’est devenue la vie politique actuelle, les prédateurs aux dents les plus longues ne laissent traîner aucun lambeau de chair vive, aucun os à moelle. Si Zola revivait, il réécrirait « La Curée ». Celle de son temps fait penser à un repas de famille bien élevée. Pas un jour sans apprendre qu’un tel est soupçonné de conflit d’intérêts; qu’un autre décore son petit « chez-soi » avec les tableaux des palais officiels, qu’un troisième, après chaque repas dit « d’affaires » souffle dans son carnet d’adresses comme il n’oserait pour un alcootest. Sommes-nous entrés dans la basse République comme Rome s’engagea pour sa part dans le bas Empire? L’on évoque souvent la perte des repères et l’anomie qui sévissent dans les pays de l’Est après quelques décennies de soviétisme et dont on constate les conséquences désastreuses notamment en Ukraine. Qui ne voit les dégâts de notre anomie intérieure où tout semble céder à ce que Jünger qualifiait de succion du vide? A quelques encablures des élections européennes, Sœur Anne ne voies tu vraiment rien venir?

25 avril.

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Dimanche, canonisations jumelées de Jean XXIII et de Jean-Paul II concélébrées également par deux papes, Benoît XVI et le pape François, en exercice.

Jean XXIII a été élu pendant que je préparais la seconde partie du bachot et je ne fus pas le seul à être saisi par la personnalité bonasse de ce pontife révolutionnaire à sa façon qui venait de succéder à Pie XII, ce qui était à soi seul un chemin de croix même si aujourd’hui encore le pape du temps d’Hitler trouve des défenseurs acharnés. Je me souviens d’une visite à Saint-Pierre de Rome avec un collègue juriste catholique qui m’entraîna illico devant le tombeau de Jean XXIII en évitant ostensiblement celui de Pie XII devant lequel il refusa de s’agenouiller.

Il faut laisser chaque religion balayer devant sa porte et trouver les voies de sa paix intime.

Les débuts de Jean-Paul II ne furent pas non plus de tout repos et l’on a gravement craint à la fin des années 80 que le pape polonais ne se livre à la christianisation de la Shoah notamment par Edith Stein interposée. A ce moment, face à l’obstination des Carmélites d’Auschwitz, la controverse faillit tourner à l’affrontement. Grâce à une partie décisive du clergé de France, le pape prosélyte mesura le tort qu’il allait causer précisément à l’oeuvre de Jean XXIII et de Jules Isaac malgré sa visite à la synagogue de Rome. Et il eut à cœur de se reprendre. Son voyage jubilaire à Jérusalem remit ses pas dans ceux du Juif Jésus face au mur Occidental, toujours debout. Depuis, la réconciliation se poursuit, se conforte et l’on forme des vœux pour qu’elle serve d’exemple au monde musulman puisque la période du pèlerinage, du H’ajj, à la Mecque s’est ouverte aussi.

27 avril.

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A qui s’interroge sur le sens du mot culture, sur les dimensions de l’Être à quoi il ouvre, sur les oeuvres qui en sont l’attestation indiscutable, deux noms sont à remémorer: Brigitte et Jean Massin. Leurs noms conjoints sont associés aux considérables biographies, ferventes, exhaustives mais non pas suffocatoires à force de vouloir tout expliquer, qu’ensemble ils consacrèrent à Mozart, Beethoven et à Schubert pour Brigitte Massin. Des milliers de pages dont chacune contient sa note haute, sa « clef de ciel » et qu’on l’on sent trop vite s’en aller vers la fin du livre. Heureusement, demeurent à découvrir les oeuvres proprement musicales. Et comme un grand ouvrage consacré à la peinture vous fait ouvrir votre boîte de couleurs, ces biographies aimantes vous donnent l’envie d’apprendre à composer une sonate, de coordonner un quatuor, de faire sonner un orchestre jusqu’au seuil des cieux. Ce n’est pas tout: les Massin sont aussi liés à l’édition chronologique de l’oeuvre intégrale de Victor Hugo, une cordillère des Andes éditoriale que j’aie acquise en double exemplaire parce que d’Hugo rien ne se perd, comme pour le corps de la baleine mythique de Melville. Grâce à cette édition mémorable, l’on suit Hugo dans sa pleine création, avec des pièces achevées mais aussi avec des milliers de vers esquissés, écrits sur des dos d’enveloppe, des bouts rimés, parfois des calembours douteux mais les esprits les plus hauts doivent aussi se soulager. Ces sommets-là, dans une époque comme est devenue la nôtre, ne doivent plus être perdus de vue. Ils nous restituent à la véritable grandeur humaine, celle qui ne s’exhibe ni ne se rétribue en petite monnaie narcissique. Car il est aussi des canonisations laïques à quoi rêvent ceux que leur propre oeuvre ne suffit pas à les rassurer sur ce que leur vie vaut.

RD

Bloc-Notes: Semaine du 14 Avril 2014

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on avril 20, 2014 at 3:07

14 avril.

images-3A voir les choses de prés, à examiner les suites du tsunami municipal et la portée de la nomination de Manuel Valls à Matignon, ce n’est pas seulement d’un changement de Premier Ministre qu’il s’agit, même si les apparences sont on ne peut plus constitutionnelles, mais également d’une révolution de palais dont François Hollande commence tout juste à réaliser l’impact réel. Car la nomination de Valls ne se dissocie pas du limogeage d’Harlem Désir du Secrétariat du PS – où même l’insignifiance doit avoir des limites – et de la prise de pouvoir car c’en est bien une, du clan Cambadélis qui a su verrouiller l’ensemble du dispositif. A présent, et en réalité, Manuel Valls et les siens co-président la Vème République tandis que François Hollande n’exclut plus de ne pas se représenter en 2017, à moins qu’il ne soit dirigé vers la sortie plus tôt, par exemple si les proches Européennes s’avéraient encore plus catastrophiques. Pour l’exprimer en termes choisis, il semble bien qu’une partie important du PS se place d’ores et déjà dans l’après-Hollande, mette en place son plan B et n’hésite plus à signifier à l’actuel locataire de l’Elysée que ses jours y sont comptés. D’où le rappel de Julien Dray sur la nécessité de « primaires » en temps utile. D’autres interrogations se font jour relatives aux combats féroces pour le pouvoir au sein d’un PS où les anciens soutiens de DSK sont revenus en force et dont on se demande ce qu’il a encore à voir avec le socialisme comme courant de pensée et vision du monde. Le limogeage d’Aquilino Morelle le démontre avec la dureté du couteau à ouvrir les huîtres. Toute l’affaire éclate le jour même où François Hollande a prévu de se déplacer en Auvergne pour tenter de s’y faire greffer un bout de peau présidentielle. Ainsi la « plume du Président » se faisait grassement rémunérer pour des interventions idéologiques où le socialisme de Jaurès – qui y avait laissé sa vie – devenait une affaire qui marche. On pensait que la plume en question était celle de Chateaubriand. Ce n’était que celle de Zizi Jeanmaire. Et Bartolone de fulminer en outre contre les nominations à bras raccourcis de copains et de copines comme Dominique Voynet, la contre – Duflot, à l’IGAS.Une note réconfortante cependant : Daniel Cohn-Bendit a pris sa retraite du Parlement européen non sans avoir une fois de plus brassé l’air de ses fausses colères et de son écologisme opportuniste. Car tout ne serait que Comédia del Arte ou Grand Guignol si l’on ne sentait monter un peu partout une de ces colères volcaniques qui, une fois qu’elle s’est débridée, laisse la France exsangue.

17 avril.

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La situation actuelle de la France incite à la modération et au balayage devant sa propre porte au sujet de la réélection de AbdelAziz Bouteflika à la présidence algérienne. Il est vrai qu’il y a largement de quoi se gausser de cette élection sans véritable campagne électorale alors que ce pays se trouve dans un état de délabrement social et de désarroi moral qui fait écrire dans Le Figaro que l’Algérie est « Etat errant ». En se gardant de tout « nostalgérisme » comme ne pas rester pantois en apprenant que cette terre, le pays des vergers et des vignes, en est à importer la quasi-totalité de ses fruits et légumes! C’est comme si nous apprenions que la Hollande importe désormais ses tulipes et la Russie sa vodka. Et pourtant, l’Algérie a si intensément connu des années non seulement de violence mais d’horreur qu’elle privilégie le fauteuil roulant de son président actuel aux convois funèbres des années 90. Jusqu’à quand? Comme l’ont montré spécialistes de droit constitutionnel et politologues, la constitution algérienne recouvre en réalité un pacte dans lequel une économie « compradore » a complètement perdu de vue les promesses de l’Algérie révolutionnaire des années 60. Toute cela à une heure d’avion de Marseille où l’on redoute les essaimages d’un tel pacte. Mais l’on ne peut pas avoir fait la guerre pour obtenir son indépendance et, cette indépendance, en transférer les coûts économiques et sociaux sur les épaules du voisin. Si Alger est à une heure d’avion de Marseille, Marseille est à 60 minutes d’Alger. Aux jeunes générations de faire preuve de lucidité pour ne pas se laisser enfermer dans cette cage de fer.

18 avril.

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Après le Beethoven des Massin, entrepris le Haendel de Labie. Nécessité de préserver un équilibre intime entre les toxicoses de la vie politique et la création littéraire, picturale, musicale et poétique. Relevé au passage cette notation de Buffon : « Le ciel est le pays des grands événements ». Puissions-nous toujours y diriger nos regards visuels et le cours de notre pensée. Même Beethoven considérait que l’auteur de Judas Maccabée était le plus grand musicien que la terre eût jamais porté. Ecoutons alors ce créateur grandiose comme Beethoven savait le faire. La grandeur est une dimension objective qu’il faut savoir reconnaître. Bach, dit- on, recopiait de sa main des passages entiers du musicien anglo-allemand pour qui la Bible demeurait la plus cosmiques des partitions jamais portée de main divine à l’oreille humaine.

RD

QUAND LA VIE COMMENCE T-ELLE?

In ARTICLES, ETUDES ET REFLEXIONS on avril 10, 2014 at 6:54

 A la mémoire de Jean- François Mattéi,

De la perte qui saurait dire le prix …

S’interroger sur le commencent de la vie confronte l’esprit à ce qui l’outre–passe. Lui-même n’a t-il pas commencé en un instant générique, non mesurable puisque le temps est une déduction de la conscience après qu’elle est advenue? Avoir connaissance du commencement, au sens chronologique, c’est plus amplement encore s’ouvrir la voie vers l’originel, autrement dit vers ce dont la vie provient, et à partir de cette origine non pas statique mais originante, vers une connaissance possible, serait- elle fragmentaire et approchée, de la cause efficiente du vivant. Sur cette voie la science et la foi religieuse sont proches de la collision car un tel mouvement de l’esprit conduit nécessairement la créature qu’il meut à la place du Créateur, ainsi que le relatent les mythologies et les récits bibliques.Cette place qu’image le Trône divin présente une particularité: elle s’est toujours révélée trop haute pour l’Humain qui prétend s’y installer, ceint de morgue et couronné d’illusions, avant que le vertige ne le saisisse qui le voue à la chute. Autant justifier cette prime question par d’autres considérations, plus proches de la vocation humaine proprement dite, qui est de veiller sur soi même afin de retarder autant que faire se peut l’instant irréversible de la mort qu’au contraire le meurtre précipite. Le mythe conduit alors aux considérations de la vie quotidienne, avec ses élans, ses détresses, ses doutes multiples, ses questions à angle vif. Entre autres exemples n’était- ce pas le sens du recours engagé en 1975 devant le Conseil constitutionnel contre la loi autorisant, sous conditions, l’interruption volontaire de grossesse, au motif que cette loi, jugée homicide par tels des requérants, portait atteinte au principe essentiel, posé à l’ouverture du préambule de la Constitution de 1946, du « respect de tout être humain dés le commencement de la vie (1) »? Une « véritable » question est validée en tant que telle lorsque, outre son intérêt intellectuel, serait-il spéculatif, elle fait réagir, au plus haut niveau qui soit, l’édifice des normes juridiques, le législateur et le juge. En raison des polémiques suscitées par l’idée même de commencement de la vie et par l’identification effective de celui–ci, il importe à nouveau d’y réfléchir non pour réactiver la tentation démiurgique reconnue à l’instant mais pour mieux assumer la vocation proprement humaine concernant son auto- protection.

I. QUESTIONS DE NAISSANCE, NAISSANCE DE QUESTIONS

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Aucun être humain ne conserve le souvenir conscient de sa naissance. Le commencement d’une vie personnelle – n’est –il pas préférable de dire à ce propos: les commencements, afin d ne pas répondre par un biais et par anticipation à la question posée? – ne relève pas de sa connaissance immédiate. Ces commencements, donc, biologiques, affectifs, sociaux, intellectuels, etc, ne peuvent lui être rapportés que par autrui. L’idée de commencement est indissociable de l’idée de témoignage. Si l’on passe du plan ontogénétique, celui de l’individu, au plan phylogénétique, celui de l’espèce, et pour autant qu’on l’on parvienne à le singulariser, l’on admettra que les commencements de la Vie, en général, ayant précédé la naissance de l’Homme, ne s’ouvre, faute de témoins précisément, qu’aux conjectures de ce dernier. L’Homme n’était pas présent lorsque la vie est apparue et il ne saurait rien en relater directement qui en serait véritablement l’Histoire. Même ses hypothèses et conjectures dépendent des traces laissées par ces premiers commencements encore innommés. Et d’ailleurs, ces traces comment les interpréter? Depuis quelques décennies le grand public s’y adonne avec un fort esprit de curiosité, si ce n’est avec acharnement et quelque voyeurisme.Les interrogations sont multiples et récurrentes. D’abord quand la vie, au sens cosmique, a-t-elle en effet commencé? Quand l’Univers est-il apparu? Et provenant d’où? Le « big bang » est une image sonore, si l’on peut ainsi dire, impressionnante mais, au fond, qui l’a réellement perçue? Conjecture! Et la vie au sens biologique cette fois, si cette expression ne fait pas trop pléonasme, qui saurait en dire, là encore, le début? Une autre image se forme à ce propos: celle d’une »soupe primordiale », fortement relevée de sels minéraux et d’oligo-éléments. Cependant, il reste difficile de décrire une marmite lorsque l’observateur supposé mijote lui même sous le couvercle. Ces conjectures finissent par se tisser entre elles pour constituer un imaginaire propice aux fictions, matrice de chimères. Dans ces conditions, que dire des commencements de la conscience? Est-elle concomitante des différenciations de l’espèce humaine au regard du règne animal? De la station debout? Du déverrouillage de la cage occipitale? De la libération des membres antérieurs permettant la préhension et sans doute la compréhension? De la première intuition du temps? Qui saurait l’affirmer avec certitude et le décrire avec précision! Qui saurait ordonner entre eux ces multiples débuts ! Si l’anamnèse du genre humain est affine à l’archéologie et à la paléontologie, elle n’en conserve pas moins ses énigmes propres. L’embryologie animale et humaine livrera t-elle à présent quelques observations bienvenues? N’est-il pas devenu possible de filmer les étapes de la vie intra-utérine, en bouleversant au passage les notions immémoriales d’intériorité et d’extériorité? Resterait à justifier quelques extrapolations possiblement hasardeuses, elles mêmes « extrapolantes » à l’infini, de la première mitose jusqu’à la naissance des étoiles et des galaxies. Au surplus, est-il acceptable de compacter les échelles de la vie et d’assimiler la rencontre d’un ovule et d’un spermatozoïde à un micro big-bang biologique permettant de concevoir ce que fut probablement le macro-big bang cosmologique correspondant? En quoi la réduction de la taille d’une image toutefois obscure l’éclairerait t-elle mieux? Au bout du compte, face à la question: « quand commence la vie? », laquelle présuppose que l’on sache en quoi elle consiste exactement, le savant réputé comme le chercheur débutant répondront qu’au fond il n’en savent rien, que la vie est une donnée immédiate, de même que sa disparition ; qu’il faut se limiter à en décrire les modalités et les manifestations, l’explication exhaustive outre- passant les limites actuelles de ce qu’il est convenu d’appeler «science» (2). Ces précautions prises, l’on ne saurait se satisfaire d’un tel constat, serait–il à l’honneur intellectuel de qui le formule et en endosse les suites. La question portant sur les commencements de la vie ne se limite pas à ses dimensions spéculatives et ne relève pas toujours du sensationnalisme des journaux ou des romans de science fiction (encore que..). Cette question affecte le cours de la vie elle-même et sa qualification en tant que telle. Pour le comprendre en cas de besoin, il suffirait de rappeler l’expression courante: « Ce n’est pas une vie ! », qu’il s’agisse d’en interrompre l’engagement – faut-il dire « simplement biologique »? – comme pour l’IVG – ou d’en abréger le terme, avec les pratiques de l’euthanasie. Dans les deux cas, les controverses et les débats de conscience – à supposer, répétons le, que celle-ci soit constituée et agissante – sont liés, par quelque aspect qu’on les aborde, à la question initiale et à son corrélat: quand la vie commence t-elle, en effet, chronologiquement et substantiellement, et ce commencement est-il unique? L’événement originel fait loi et droit de soi. Avant que la vie n’apparaisse, l’on ne saurait présumer qu’elle fût, et lorsqu’elle n’est plus elle-même qu’importe d’en prendre acte, fût-ce par un passage à l’acte? Pourtant les conséquences qui s’ensuivent ne sont plus intellectuelles mais juridiques et judiciaires. Dans ces deux situations il se pourrait que la responsabilité humaine fût maintenant engagée et sanctionnée. L’objet de la présente contribution à ces débats virulents et douloureux, souvent placés à l’enseigne de la détresse humaine, n’est pas de prendre parti et encore moins d’épouser quelque querelle venant peupler l’on ne sait quel ennui, même si le bovarysme n’est pas pour rien dans la propension querelleuse qui agite régulièrement la cité scientifique. L’on se propose plutôt d’apporter quelques informations complémentaires et supplémentaires permettant à la fois de mieux formuler encore les interrogations en débat et de les acheminer, si possible, vers quelques issues qui ne soient pas en trompe l’œil. Reprenons donc en son propre commencement la question des commencements. Quand la vie commence t-elle? Ne serait-ce pas précisément par cette prime interrogation? Celle-ci vaut ce que valent les mots qui la formulent. Et si l’on commençait par interroger le langage, ou plutôt les langages à ce sujet? Certes, l’exploration ne saurait être exhaustive, sauf à mobiliser des moyens qui ne sont pas immédiatement à notre disposition. L’exercice restera donc limité, relevant plutôt de l’échantillonnage, sauf à rappeler qu’en bonne méthode un bon échantillon se caractérise par une cohérence interne qui le rend propice à quelques généralisations qui ne soient pas tout à fait erratiques. A cet égard l’exploration portera sur le vocabulaire gréco- latin et sur le vocabulaire hébraïque désignant en une même intentionnalité: l’idée de commencement, la vie, le vivant et les vivants. Elle se développera selon deux voies entrelacées: la première sera propre à chacun de ces lexiques ; la seconde en reconnaîtra les coïncidences, si ce n’est les connexions les plus significatives. Le langage afférant à l’idée de vie et de commencement, aussi bien en grec et en latin qu’en hébreu, est abordé comme un mémorial de traces autrement indiscernables attestant, à leur manière, du commencement – ou des commencements – de la vie, cette expression devant être désormais entendue dans son sens plural et arborescent. Ainsi qu’annoncé, l’on commencera, justement, par le mot « commencement ». Sa généalogie nous rapporte à la langue latine, et plus précisément encore au latin populaire avec le verbe cuminitiare, lui-même provenant de initium (3). Une précaution s’impose ici: l’enquête étymologique ne conduit –elle pas à une tautologie, celle-ci sévirait-elle par le simple déplacement, par la simple translation d’une langue: le français, dans une autre langue, en l’occurrence le latin? Le cercle s’ouvrirait si nous élucidions, comme il se doit, le sens premier et générique de initium. Relevons, d’ores et déjà, que l’idée de commencement est originellement liée à celle de conjonction, le cum de cum-initiare étant aussi décisif que l’initium proprement dit. Initium provient de ineo, lui-même provenant de eo, lié à son tour à itum, itumere: aller. Ce vocable se retrouve, par exemple, dans iter, itineris etc.. La présente investigation étymologique conduit à l’idée d’un mouvement, ce que vérifient les autres constructions verbales sur ce radical. Quelle est la nature de ce mouvement initial? L’enquête étymologique ne devrait pas négliger le préfixe secondaire in, lequel désigne toujours le passage au-dedans, par opposition au préfixe ex qui désigne le passage au dehors. Cependant, in ne désigne pas seulement un mouvement d’intériorisation spatiale et de pénétration physique. Il désigne également le développement d’une temporalité ouverte sur un après, sur un en- suite Pour mieux le percevoir il suffit d’observer que son antonyme: ex, précité, désigne, certes, ce qui n’est pas intérieur mais aussi, dans l’ordre du temps, ce qui est obsolète, dépassé et caduc. Faut-il aller jusqu’à relier les préfixes in et en? En désigne également au-delà de l’intériorisation la consubstantialisation. Dans la langue grecque le radical en ouvre donc à toute la terminologie de l’Etre qui se retrouvera dans le ens latin. L’idée de commencement apparaît alors encore plus nettement dans le rapprochement des préfixes in, en et un. Ne forment-ils pas une véritable série? Le radical un se retrouve dans unus, le singulier, l’en-soi, par lequel s’inaugure à présent la numération, au sens ordinal et cardinal, puisque l’unus ne reste pas en l’état, qu’il se poursuit dans l’unio, d’où viennent union et désunion. Revenir aux implications de eo conforte cette investigation initiale sur l’initialisation. Ce radical se retrouve entre autres dans coeo (en grec suneimi) qui ouvre, lui, à la terminologie de la socialité et de la juridicité que recoupent les significations suivantes: aller ensemble, se réunir pour délibérer, d’où coetus, assemblée (en grec sunodos). Mais coeo ouvre simultanément au vocabulaire de la sexualité, de la génération et donc de l’accouplement charnel, d’où coitus, coitio qui désigne aussi la rencontre par quoi s’inaugure la relation sous la condition suspensive de sa continuité. L’étymologie du mot commencement conduit ainsi à la perception et à l’analyse des processus relationnels par lequel ce que l’on appelle le vivant apparaît. La lexicographie latine reste homogène et cohérente si l’on se reporte cette fois au terme qui y désigne directement la vie: vita, dont la propre étymologie conduit à uiua: ce qui s’oppose à la mort, et à uia, la voie, dont on relèvera l’homophonie si ce n’est l’homologie avec le grec bia qui désigne la vie, au moins sur l’un de ses plans primaires.

II. IL Y A VIE ET VIE.

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La langue grecque dispose en effet de deux termes au moins pour désigner la vie non pas en tant qu’abstraction ou concept mais en tant que vivant -en -relations – si cette expression ne forme pas un pléonasme compte tenu des informations livrées par l’étymologie latine: zoe et bia(4). Par où se précise notre investigation sur les commencements de la vie humaine. Le premier de ces termes se trouve par exemple chez Aristote qui définit dans La Politique l’humain comme zoon politikon (5). L’habitude, voire l’inertie intellectuelle, incite à traduire cette expression par l’humain est un « animal politique ». Cette traduction ne fait que déplacer et faire rétrogresser l’interrogation à laquelle elle est censée répondre et qu’un Jean Rostand reformulait ainsi: qu’est- ce qu’un animal? D’autant que les animaux vivent sous bien des formes, sauf sous des formes à proprement parler politiques, c’est-à-dire tâchant de concilier consciemment et méthodiquement le singulier et le pluriel, le conflit et la délibération. Chemin faisant, accordons nous une nouvelle halte à propos du mot commencement dans la langue grecque cette fois: archè. Nous inciterait –il à choisir notre discipline de référence dans l’archéologie, laquelle conduirait à rebours la naissance de l’Humain vers la… zoologie? Bien des métaphores, des mots célèbres et quelques formules à l’emporte- pièces le justifieraient. Rappelons qu’en grec le mot arché – dont l’étymologie spécifique n’est pas élucidée (6) – comporte au moins deux significations: commencer, au sens chronologique, et commander, au sens légal. Coalescentes, ces significations se retrouvent dans des termes-clefs du vocabulaire juridique et institutionnel, par exemple dans les mots archonte ou hiérarchie. Par la suite, archè désigne le principe générateur: soit le commencement conçu en tant qu’événement originaire, c’est-à-dire séparant un avant et un après mais liés entre eux, un événement primordial comportant des suites et des conséquences, elles mêmes génératrices d’autres suites et d’autres conséquences impliquant prévision et responsabilité. C’est pourquoi, dans la traduction grecque des Septante, le premier mot du livre de La Genèse, en hébreu Berechit, proprement intraduisible terme à terme, est rendu par En archè: soit « en un commencement-commandement », ordonné et ordonnateur. Aussi bien le grec archè que l’hébraïque Beréchit présentent le commencement telle une décision qui ne présume d’aucune manière de ce qui lui est antérieur sans véritablement la pré- céder puisque seul le commencement instaure à sa manière la dimension du temps au sens séquentiel. Ainsi la vie spécifiée, celle du zoon, n’est elle pas tout à fait l’événement premier, initiateur, ou, si l’on peut dire, com- initiateur du vivant. Elle n’advint qu’à la suite et par l’effet de cette instauration primordiale dont la propre cause reste conjecturale. Dans cet ordre de considérations on relèvera qu’en grec arkio désigne, cette fois, le ferme établissement, la fondation assurée. C’est pourquoi, à propos des Lois, dans sa définition du Préambule, Platon, à la suite de Socrate y distinguera quatre niveaux: la Divinité, la Phusis, la Thémis, et la loi humaine (IV). Par suite, la définition de la vie humaine devient susceptible de quatre formulations, potentiellement discordantes entre elles, selon qu’elles intègrent un seul, plusieurs ou au contraire la totalité de ces niveaux qui constituent des lors un ensemble, ou un système. C’est pourquoi il est préférable de traduire zoon politikon par vivant- politiquement, et non par animal, politique, comme si la biologie, la science politique et la métaphysique n’étaient que trois départements de la zoologie. La vie entendue comme zoa est celle qui intègre les quatre niveaux du préambule platonicien. Elle ne se limite pas seulement à la phusis, elle-même réduite à ce que l’on pourrait appeler son énergétique primaire, une énergétique auto- comprimée, incapable de se méta- boliser. Autrement, toute méta- physique deviendrait impossible et inconcevable, et toute transcendance inimaginable. C’est sans doute pourquoi Aristote, l’auteur des traités de zoologie sur Les parties des Animaux et de biologie sur les processus de La Génération et de la corruption, mais également l’auteur du Traité de psychologie consacré à L’Âme (péri psuché) et d’un traité de Métaphysique se garde bien dans La Politique d’employer à propos de l’Humain l’expression bion politikon, qui eût été une contradiction dans les termes. Désignée par le vocable bio, la vie est celle que fait s’élancer l’énergétique des pulsions, celle des raptus et des passages à l’acte qui débordent la conscience lorsqu’ils ne l’oblitèrent pas. A ce stade la vie apparaît « biolente », simplement itérative et répétitive, comme semble l’indiquer le préfixe bi de bia.Elle serait aussi dissipative et triste, comme le montre Bergson que ne démentiraient pas la clinique et la métapsychologie psychanalytiques. Au contraire, la vie constituée, perçue et entendue comme zoa, serait modulée, liante, portant un mouvement qui à son tour la porte plus loin, et suscitant cet affect qualitatif: la joie chère à Spinoza. Une clarification conceptuelle devient maintenant possible. Identifiée comme bia, en son expression primaire – dans l’acception freudienne de ce dernier qualificatif – la vie débuterait, au sens cinétique avec cette première poussée – pulsion-passion énergétique mais elle commencerait es qualités des lors qu’elle atteindrait le niveau de zoa, lorsqu’elle s’exhausse et se transcende dans ce qui la dépasse et dans ce qui la prolonge sans être décérébrée pour autant par aucune amnésie. Ce qui implique nécessairement que la conscience eût déjà conçu les notions de qualité et de valeur, c’est-à-dire non seulement celle des notions de plus et de moins mais celle de bien, de mieux et de pire. L’idée de commencement ne relève plus de la simple série chronologique. En cas de besoin, la primarité le cède à la primauté qui à son tour, et si nécessaire, le cèderait à l’exigence de priorité. Qu’en est –il maintenant du vocabulaire hébraïque? On l’explorera pour sa valeur informationnelle mais encore pour ses résonances, pour ne pas dire à cause de ses coïncidences avec le vocabulaire grec, alors que ces deux langues sont classées dans deux familles différentes qui n’auraient entre elles nulle langue commune, En hébreu le mot vie se dit h’aym et c’est un pluriel comme les mots: eau-eaux: maym ; ciel-cieux: chamaym; ou visage-faces: panim. Ce terme générique apparaît pour la première fois dans le livre de la Genèse non pas à propos de l’Humain (Haadam) mais à propos de ce que l’on nommera d’un terme tout aussi générique: le règne animal (h’aya) qui se distingue du végétal (êsseb)par sa mobilité et sa motilité (Gn ; 1, 20). Pourtant, avant d’engager cette investigation spécifique, il importe de relever sans tarder – et pour nous y limiter – trois vocables hébraïques qui consonnent avec archè, bio et zoon, non seulement euphoniquement mais sémantiquement, à savoir, ârakh, bia et zan. Consonant avec le grec archè, la racine ARKh, avec un aleph en lettre initiale, se retrouve dans les mots orekh: la longueur, l’expansion, et avec un âyn dans le mot ârakh qui désigne l’ordonnancement mais aussi la valeur intrinsèque dans tous ses champs d’application, notamment éthique, juridique et économique. Cette racine, en ses deux accentuations, semble bien indiquer un mouvement d’amplification physique mais à propension sociale et donc nécessairement un mouvement régulé. Bia désigne la relation sexuelle, électivement entre un homme et une femme. Ce terme marque également un mouvement vers, comme dans le verbe correspondant la (v) bo:aller à la rencontre de, dans le but de porter un message, d’établir une relation, d’engager une responsabilité. C’est pourquoi dans le droit hébraïque des personnes, ce terme ne se suffit pas à lui-même, sauf à vouloir désigner négativement une relation inaboutie. La bia doit se prolonger et se justifier par l’établissement d’une relation juridiquement étayée, socialement reconnue, spirituellement sanctifiée (7). A partir de quoi des engendrements sûrs pourront avoir lieu selon des repères parentaux ne souffrant ni incertitude ni contestation, la vie se faisant ainsi histoire. En hébreu le même mot: toldot désigne l’engendrement ainsi compris et l’Histoire, autrement dit la continuité acceptée des générations. ZaN, cette fois, désigne le fait de nourrir, donc d’alimenter la vie lorsqu’elle est advenue. MaZoN désigne la nourriture compatible avec l’assimilation physiologique mais encore avec le développement non seulement physique mais encore intellectuel et spirituel. OZeN désigne l’oreille qui est l’organe de l’audition, au sens acoustique, mais également de l’écoute, au sens de l’entendement intellectif, et encore de la (dé) marche équilibrée. IZouN désigne la balance sur laquelle doivent être disposés des poids égaux, ni frauduleux, ni frelatés. S’agissant de discerner les niveaux de la vie humaine, le vocabulaire hébraïque et le vocabulaire grec présentent de fortes similitudes. La réponse à la question portant sur le (s) commencement(s) de celle-ci dépend alors du niveau auquel cette question est posée. Le livre de la Genèse mentionne, en effet, on l’a vu, le mot vie pour la première fois à propos du règne animal: « Et dit Dieu: que prolifèrent les eaux d’une prolifération d’existence vivante (cheretz nephech h’aya)… et Dieu créa les grands sauriens (taninim) et toute l’existence vivante (col nephech h’aya) dont ils proliférèrent selon leurs espèces (…) Dieu les bénit pour (leur) dire: « Fructifiez (perou) et développez vous (revou) et emplissez les eaux » (Gn ; 1 ; 20 et sq) ». Telle fut l’œuvre de la cinquième période génésiaque – période et non pas « jour » au sens du calendrier solaire – (yom h’amichi). Le mot vie ainsi entendu apparaît implicitement, à partir de l’une de ses modalités: après la création du règne végétal auquel le mot h’aym ne s’applique pas expressément. Pourquoi? La texture du récit l’indique ; le mot vie est lié à la croissance et au développement mais régulé, selon un principe d’identification générique, si ce n’est généalogique qui ne caractérise pas encore le règne végétal. Et cette fois, le règne animal est l’objet d’une parole divine, d’une injonction programmatique au demeurant liée à une bénédiction, à une berakha qui atteste de la compatibilité de tels processus avec la création du vivant et avec son déploiement. C’est dans une sixième période qu’intervient la création de l’Humain (Haadam), corrélativement au Créateur, en alliance (berith) avec lui (Gn ; 1, 26).Inscrit dans ce processus créationnel dont il devient partie intégrante, l’Humain aura pour programme de se développer spécifiquement mais aussi de réguler la vitalité de tous les règnes vivants créés antérieurement à lui et vis-à-vis desquels il devient non pas tant le degré supérieur, au sens d’une hiérarchie faisant autorité d’elle-même, que l’instance responsable. Comment se présente toutefois la différence la plus marquante entre l’espèce humaine et les autres créatures vivantes? L’information décisive se décèle en ce sens dans un autre passage du livre de la Genèse: « Et Dieu forma l’Humain (Haadam) humus provenant de la terre (haadama) et il insuffla en sa narine une âme de vie (nichmat h’aym) et l’Humain devint (ou avait été) une existence vivante (nephech h’aya) (Gn ; 2, 7) ». Concernant le commencement de la vie humaine, ce verset conduit à deux observations essentielles. La première porte sur sa constitution. Le verset précité ne parle plus de création (beria) mais de formation (yetsira), de morphogenèse. D’une part l’Humain est formé en tant qu’humus (âphar) et non pas poussière (epher) ainsi que le donnent à (mé) comprendre des traductions approximatives et inexactes. La poussière est stérile, l’humus est fertile et fertilisant. Par ailleurs cet humus provient certes de la terre mais celle –ci est nommée à ce moment non pas erets, comme au premier verset de la Genèse, mais bien adama. La relation entre Hadam et Adamah saute aux yeux. Ces deux vocables sont formés par les mêmes lettres. Lorsque la terre, entendue comme erets est dénommée adamah, c’est qu’elle se rapporte directement à la condition humaine (8). On pourrait traduire adamah, littéralement par l’humaine… Le récit biblique établit ainsi deux corrélations constituantes et structurales: l’une entre le Divin et l’Humain; l’autre entre l’Humain et la Terre entendue comme terre spécifiquement humaine ou à humaniser: par destination. Dans ce contexte l’Humain est alors mis non seulement en corrélation idéique mais en contact effectif avec le Créateur par l’opération de l’insufflation laquelle ne se réduit pas à la capacité de respirer dont sont dotés par ailleurs tous les êtres créés, y compris ceux du règne végétal. L’insufflation aboutit à faire de l’Humain non plus une nephech h’aya, une existence vivante mais une nichmat h’ayim: une âme dispensatrice de vie (h’ay, c’est ce qui reçoit la vie, statiquement, h’aym ce qui la donne, vitalement). L’Humain se distingue donc des autres règnes vivants par son animation. A quoi celle-ci correspond elle précisément? Un élément de réponse est apportée par le Targoum, par la paraphrase araméenne du texte biblique qui rend l’expression hébraïque « âme vivante », nichmat h’aym par rouh’a melalela, autrement dit: souffle parlant. L’âme correspond désormais à la capacité d’user de la parole laquelle se constitue par le binôme générique et tendu: question-réponse. Que signifie alors la fin du verset précité qui semble contredire littéralement cette indication en ramenant l’Humain de la nechama au nephech, à la simple existence? Une première réponse serait d’ordre grammatical, se rapportant à un passé déjà mémorisé. La formule en question devrait alors se traduire ainsi: «… Et L’Humain avait été existence vivante (nephech h’aya) ». Pour mémoire. Pourtant les commentaires de la Tradition juive s’engagent dans une autre interprétation concernant cette fois la dynamique, progrédiente ou régrédiente, de la Création. La formule ici examinée nous apprendrait que l’Humain, sollicité de parvenir à ce niveau de la vie nommé nechama n’y parvint pas, ou qu’il n’y parvint pas du premier coup ; qu’il se maintint, ou qu’il stagna au degré du nephech, de la simple existence, se refusant à la parole et aux développements de celle-ci. S’agissant du commencement de la vie, comment ne pas évoquer en ce sens l’un des essais les plus célèbres de Freud: « Au delà du principe de plaisir » (9) ! Freud tente d’y élaborer une hypothèse métapsychologique concernant la tendance morbide à la répétition, cliniquement identifiée, qu’il n’hésite pas à qualifier de …« démoniaque ». Ce qualificatif est d’autant plus étonnant qu’il l’utilise à trois reprises au moins dans cet essai capital de la théorie psychanalytique. Pour Freud, donc, « A un moment donné, une force dont nous ne pouvons encore avoir aucune représentation a réveillé (éveillé) dans la matière inanimée les propriétés de la vie ». A un moment donné… Il s’agit bien d’un commencement mais celui-ci ayant lieu se soustrait à toute représentation, à toute connaissance directe. Sans doute parce qu’il s’est produit sans témoins capable d’en faire une relation. Son advenue ne peut être qu’inférée à partir de ses effets. Et Freud poursuit: « La rupture d’équilibre qui s’est alors produite dans la substance inanimée a provoqué dans celle-ci une tendance à la suppression de son état de tension, la première tendance à retourner à l’état inanimé. Pendant longtemps la substance vivante aura (eu) « la mort facile ». Jusqu’à ce que des facteurs extérieurs décisifs aient subi des modifications qui ont imposé à la substance ayant survécu à leur action des détours de plus en plus compliqués pour arriver au but final ». Est–il besoin d’insister sur la propre complexité de la conjecture freudienne? Elle indique toutefois deux commencements au moins de la vie: d’abord son réveil ou son éveil, mais ensuite, au regard de sa mortalité native, si l’on peut ainsi s’exprimer, le moment où cette mortalité est compensée par une propension contraire: le moment où la vie «prend». Néanmoins, la conjecture de Freud laisse dans l’ombre deux autres questions: a) quelle est la nature de cette force d’éveil initial?, et b) d’où les forces contraires à la mortalité primaire ont – elles puisé leur propre vitalité? En ce point un malentendu doit être évité, et cela sans céder à aucune dénégation, à aucune verneinung, consciente ou inconsciente. Relever, comme on le fait, ces deux interrogations n’a pas pour but de diminuer la portée de la conjecture freudienne au profit du récit biblique mais plutôt de mettre en commun les informations ouvertes d’un côté et de l’autre. Arrivés en ce point il est devient indispensable de rappeler la structure de l’être humain, tel qu’il est conçu dans la Tradition hébraïque: en tant qu’être–vivant – parlant. De ce point de vue, le parlêtre cher à Lacan serait aussi un par – lettres, sinon, dans ses phases de réticence et de résistance « démoniaque, un pare – lettres.

On pourra rapprocher cette conception du schéma de l’Etre et de la vie tel qu’il se discerne, on l’a, vu dans le concept platonicien de préambule:

1.Nephech h’aya: existence vivante (et non pas mourante),

2.Rouah’: esprit, énergétique vitale et vivifiante,

3.Nichmat h’aym, âme vivante – parlante,

4. Yeh’ida, principe d’unification des niveaux précédents pour prévenir leur diffraction et prévenir leur disruption(10).

La vie humainement qualifiée commencerait véritablement lorsque serait constitué ce véritable champ vital.

III. L’INITIATIVE DE VIE ET LA RESPONSABILITE DE L HUMAIN

noix-et-santé

Sans sacrifier à la typologie antagoniste de cultures et des civilisations, l’on relèvera une différence réelle entre les récits bibliques et les mythes grecs de la création. Dans les récits bibliques, à l’origine, Dieu est donateur de la vie et des principes vitaux. L’Humain n’est pas contraint de s’en emparer par vol ou par violence comme dans la tragédie prométhéenne. Dans le récit biblique l’emprise et la transgression interviendront, certes, mais après coup, sans abroger le principe de ce don premier, de cette donation inaugurale (Gn, 3, 7). Cela noté, il importe de relever d’autres consonances, non moins significatives que les précédentes entre d’autres vocables hébraïques et grecs. Ceux – ci ne sont pas mineurs ni accessoires puisqu’ils portent sur la dénomination du vivant, non plus dans ses manifestations extérieures mais dans ses sources les plus endogènes. Ce processus que le mot essentiel ne suffirait même pas à qualifier se nomme genèse (en grec genesis) ou dans sa représentation encore plus dynamique: la génération (geneseos). S’y oppose, comme dans le titre de l’ouvrage précité d’Aristote, la corruption sur la pente de la mort: ptoros. Genesis et geneseos sont construits sur une racine bilittère décisive: GN. On la retrouve dans des termes aussi capitaux en biologie que GèNe et GéNôme, ou en sciences humaines dans les termes qui déclinent le vocable grec GeNos et dans la GeNs latine qui désigne à la fois la parenté, au sens biologie et l’ethnie où celle-ci s’élargit en un plus vaste ensemble. Cette même racine se décèle aussi dans la terminologie de la naissance et de la connaissance provenant du vocable – souche gréco- latin: coGNoscerer. Mettre en évidence les consonances hébraïques de tels vocables se justifie par d’autres raisons qui tiennent à la structure du livre de la… GeNèse. La critique biblique se demande parfois si le chapitre 2 de ce livre n’est pas redondant au regard du chapitre 1. Faute de pouvoir répondre de manière claire à cette question, en raison de l’occultation ou de la méconnaissance de la Tradition juive en ces domaines, l’on se condamne à imputer ces deux chapitres à deux auteurs différents, introduisant de la sorte dans le récit biblique un coin qui se prolongera en clivages et en irréversibles ruptures de sens. Selon la Tradition juive ces deux chapitres ne sont certes pas redondants. Le premier concerne la création de la vie en général: le Cosmos (ôlam), selon ses différentes espèces et selon ses diverses instances où l’Humain prend part et place, en corrélation avec les autres ; le deuxième « focalise » le récit de la création sur l’Humain présenté alors comme formé – parlant singulier. Pour la première fois, et le seul de son espèce, l’Humain (Haadam) est disposé en un lieu particulier, dans un site congruent que le texte biblique nomme en hébreu GaN, terme traduit ordinairement par le mot jardin, lui-même situé et identifié par un autre point de repère que le texte nomme cette fois ÊDeN. Le rapprochement, et peut être le court- circuit, de ces deux vocables dans le langage courant a conduit à former l’expression « Jardin d’Eden ». Cette image est alors susceptible de former un obstacle épistémologique, au sens bachelardien, si le sens de ces deux vocables n’était pas au préalable restitué aussi exactement que possible. Aussitôt après avoir formé l’Humain comme âme vivante, le Créateur planta (ou implanta) un site particulier nommé littéralement Gan Be (en) Êden, l’un et l’autre de ces éléments provenant de ce que le récit biblique nommé Kedem: l’Antérieur. C’est là dans ce « lieu- séquentiel » qu’il y disposa l’Humain qu’il avait formé, ou conformé. Après la description de ce topos particulier qui apparaît ouvert, multiplement irrigué par des flux de pensée (nahar), le récit biblique précisera, dans une formulation quelque peu différente, que « L’Eternel Dieu acquit (vayk’ah) l’Humain et qu’il le disposa dans le Gan Êden pour le(la) travailler (leôvadah) et pour la préserver (lechomrah) (Gn ; 2, 15). Est –il possible d’élucider le sens de ces nouvelles informations avant de les interpréter? On aura d’abord relevé la consonance phonétique entre le GaN hébraïque et le GeN de la langue grecque. La convergence apparaît plus profonde encore. Elle met en évidence des similitudes, sinon même une identité de sens entre ces deux vocables censés appartenir, on le sait, à des familles différentes. Dans le vocabulaire hébraïque, la racine GN, se retrouve dans une série de termes: magen (protéger), aguon (compatible), nigoun (mélodie) qui présentent une signification, première ou dérivée, liée à la vie, selon tous les degrés de celle- ci. La formule Gan be Êden mi Kedem désigne le topos adéquat à l’Humain mais qui provient de « cela » dont nous ne n’apprendrons rien d’autre que ceci: il lui est antérieur (kedem). A quoi se rapporte cette antériorité? Deux hypothèses se présentent. A son sujet il peut s’agir soit de l’énergétique « créationnelle », proprement dite, de la hachpaâ, telle que la nomme la pensée juive occupée de comprendre les processus de la création de l’univers (beriat haôlam) ; soit de la matière initiale d’où le Gan est issu, ce que l’on pourrait appeler sa matière première. Cette seconde hypothèse est étayé par le verset 16 du psaume 139, difficilement traduisible: « La masse informe (GaLMi) que j’étais, tes yeux ont vu..». Difficile traduction qui se rapporte néanmoins à un point de départ, à un commencement, certes, non pas de la création mais de la formation de ce qui a été préalablement créé ab initio. Le sens de la racine GLM est éclairé notamment par le grammairien et étymologiste médiéval Rabbi David Kimhi dans son Livre des Racines.La racine GLM caractérise les êtres ou les objets qui n’ont pas encore reçu de forme (tsoura) distinctive, par exemple un matériau à l’état brut, un morceau de bois qui n’a pas encore été taillé, un morceau d’argile qui n’a pas encore été façonné. Rapportant alors la racine G(L) M, réduite, comme il est possible de l’accomplir, au radical GM, elle désigne ce qu’il est convenu d’appeler le protoplasme, cet état du vivant qui n’est encore engagé dans aucune morphogénèse, dans aucune yetsira, dans aucune gestaltung, dans aucune formation. Le rapprochement des radicaux GM et GN conduit maintenant à une autre observation que l’on soulignera en prolongement des conjectures précédemment évoquées de Freud sur les commencements de la vie. Les radicaux GM et GN présentent une lettre commune et une lettre différenciatrice. La lettre commune G (uimmel) les cheville et les introduit dans un champ sémantique commun. Pourtant il ne suffit pas de noter ensuite que les lettres différentes M et N les différencient. En fait, dans l’alphabet hébraïque, ces deux lettres se suivent immédiatement l’une l’autre. Le M conduit aussitôt au N qui en est l’issue. Or dans la symbolique des lettres hébraïques, qui sont aussi des schèmes cognitifs, la lettre M(êMe), se représente par un cercle. Elle figure la clôture et donc la répétition du pareil au même, si l’on ose ainsi solliciter un autre réseau de langage. En hébreu GaM désigne l’itération, la répétition, la duplication du 1 et 1. N(oun) se représente a) sous sa forme cursive comme une courbe, tel un arc de cercle, et b) sous sa forme finale comme un ligne droite qui s’infinitise selon ses deux vections, qu’elle soit horizontale ou verticale. En somme l’Humain est incité à passer du stade informe, celui du GaM, où ce qui est l’est parce qu’il se répète indéfiniment, au stade du GaN qui l’ouvre infiniment. Sans forcer le sens de la métaphore et du symbole, l’on dira que de ce point de vue le topos nommé Gan Be Êden mi Kedem s’ouvre, au niveau biologique à ce que le génome recouvre, et aux autres niveaux du vivant, de la zoa et de la néchama à ce qu’une autre expression, plus anthropologique déjà: le gène-homme pourrait représenter. Ce passage ne se produit pas automatiquement. Il résulte d’une activité humaine qui se déploie a) au plan du faire, de la formation et de la trans-formation, à quoi correspond la verbe précité laâvod, et b) au plan de la conscience indissociablement éthique et juridique, à quoi correspond le verbe lichmor: garder, ou mieux encore sauvegarder. Ces deux verbes désignent deux actions indissociables: une bi- norme. Le contexte du verset précité, tiré du psaume 139 permet de le vérifier, malgré d’autres énormes difficultés de traduction, autant conceptuelles que verbales: « Car c’est toi qui a légalement acquit (kanita) mes confins (khiltay), qui m’as esquissé (tessoukeni) dans le ventre de ma mère (….) Mon protoplasme (galmi) tes yeux ont vu et sur ton livre tous ont été écrits, jours de formation et en eux il n’y avait pas encore d’unité (eh’ad).. ». Ce verset est important non seulement par les processus qu’il donne à découvrir à propos de l’embryogenèse et de la morphogenèse de l’Humain mais aussi parce que ces processus sont rapportés au Créateur qui en est le témoin, le ÊD. De ce point de vue,le ventre maternel, le beten, et le Gan Êden, sont homothétiques.C’est pourquoi, tout ce qui sera issu de la matrice féminine, notamment lors d’avortements spontanés, ne sera pas considéré à proprement parler comme être – humain, introduisant aux règles juridiques qui en commandent avec la reconnaissance la protection juridiquement sanctionnée. L’humain commence par sa conformation particulière, c’est-à-dire par le fait qu’un visage y soit avant tout discernable, notamment par la position des yeux (Talmud de Babylone, Traité Nidda). La règle des quarante jours à partir desquels la vie s’individualise s’expliquerait d’une part en raison de la singularisation du fœtus au regard de l’organisme maternel et, d’autre part, plus affectivement, en raison de la conscience corrélative du lien entre les deux organismes naissant dans la conscience de la mère. Dans le Gan Êden, le degré biologique – l’on dirait génique – du vivant s’articule désormais au niveau de la conscience attestante. Ces deux niveaux ne sont plus dissociables, sinon par clivage et par mutilation tandis que la vie au sens humain survient de leur conjonction. C’est pourquoi le meurtre en tant que abrègement violent de la vie sera prohibé et sanctionné (Gn ; 4, 11). Il le sera également sous sa forme passive, comme refus d’engendrer (Gn ; 6, 5). Ce refus s’entend non pas au seul plan « biologique » mais plus profondément comme refus de faire naître, de contre – donner la vie. En conséquence, et après la catastrophe du Déluge, l’Humanité survivante légifèrera aussi en matière d’avortements, pour les interdire pénalement dés lors qu’ils ne se justifient par aucune intention thérapeutique, elle-même motivée par la préservation de la vie de la mère (Gn, 9, 6). La sanction interviendra seulement après jugement du meurtrier, de quiconque s’est autorisé à ôter la vie humaine déjà constituée au motif, comme Caïn, avait tenté de l’objecter, qu’il n’en serait pas le gardien, le responsable. Comment régresse t-on du GeLeM au GoleM? (11). Lorsque la bi-norme précédente est disloquée. Lorsque l’Humain récuse la êdout, l’attestation, il régresse au stade protoplasmique mais dépourvu cette fois de toute propension créatrice, de toute initialité. Cette position régressive est désignée dans la pensée juive par le terme … golem. On sait ce que le golem évoque dans l’imagerie populaire, dans les légendes fantastiques ou dans les romans de science fiction: une créature androïde, créée par l’Homme afin qu’elle le serve comme si elle était lui-même mais qui finit par échapper à son contrôle pour le détruire (11).L’Humain dépassé par ses œuvres, faute d’en discerner la nature réelle et les propensions effectives, ne trouvera finalement son salut que dans la destruction de cette créature mimétique). Est –il possible alors de ramener le récit légendaire à quelque énoncé de sagesse pratique? Un Traité du Talmud: Les principes des Pères (ou les Principes premiers), les Pirké Avot, ouvrent la voie en ce sens par leur propre définition du golem: « Sept éléments (debarim) caractérisent la brute (golem) et sept le sage (h’akham) … (PA ; 5, 10)) «. Avant de poursuivre l’on aura bien noté que l’état de GoleM, de la créature réduite au GaM, au même, n’est pas décrit de telle sorte qu’il frappe l’imagination au risque de sidérer l’entendement.Au contraire: il sera placé à apposition en en opposition avec le sage qui, lui, s’ouvre sur la connaissance, sur le NouN. Les attributs et les comportements du sage feront apparaître en creux ceux du golem: a) Le sage ne prend pas la parole devant qui est plus grand que lui en sagesse et en expérience. Le golem s’en empare, exactement pour les mêmes raisons: il ne se reconnaît aucun maître ; b) Il ne coupe pas la parole à son compagnon. Le golem s’y autorise. Il n’est lié à personne ; c) Il ne se précipite pas pour répondre. Le golem n’y résiste pas ; d) Il interroge à propos et répond méthodiquement. Le golem intervient hors de propos et seul sa parole fait loi ; e) Il place le premier en premier et le dernier en dernier. L’ordre offense le golem ; f) Ce qu’il ignore, il reconnaît l’ignorer. Le golem sait tout ; g) Il acquiesce à la vérité. Le golem la nie et la dénie. On le constate, l’Humain tel qu’il est conçu dans ces sept conditions n’est réputé né que s’il accède à cette sagesse qui fait place et droit à la vie – et à l’avis – d’autrui. Dans l’aptitude à cette vitale délibération la vie commence vraiment. Entre la vie et son contraire, l’Humain est invité à choisir, in fine, la vie (Dt, 30). Si l’on y fait bien attention, ce choix, à l’issue d’avance prescrite, n’en est pas – ou plus – un. Application avant la lettre du principe de précaution?

Raphaël DRAÏ Professeur émérite à la Faculté de droit et de science politique d’Aix-Marseille

Eté 2004

NOTES

1. Louis Favoreu et Loïc. Philip, Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, Dalloz, 2001, p. 300.

2. Cf. François Jacob, Qu’est ce que la vie? in La Vie, Odile Jacob, 2002, p. 9. et Stephen Jay Gould, The structure of Evolutionary Theory, Harvard University Press, 2002.

3. A. Ernout et A. Meillet, Dictionnaire étymologique de la langue latine, Histoire des mots, Editions Klincksieck, 1979. Cf également, Paule Levert, L’idée de commencement, Aubier, 1961. 4. P. Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Histoire des mots, Editions Klincksieck, 1983.

5. Aristote, La Politique, Vrin, 1982, p. 29.

6. P. Chantraine, op. cit.

7. Rabbi Moché ben Maïmon (Maïmonide), Michné Thora, Hilkhot bia, Jérusalem, 1982.

8. Georges Bastide, De la condition humaine, Essai sur les conditions d’accès à la vie de l’esprit, Alcan, 1939.

9. In Essais de psychanalyse, Payot, 1969.

10. Sur le principe d’unification, cf. Etienne Klein et Marc Lachize – Rey, La quête de l’unité, L’aventure de la physique, Biblio – Essais, 2000.

11. Moshé Idel, Golem, Shocken, Tel Aviv, 1996.

12.Cf. Le roman de Gustav Meyrink, Le Golem, in Les évadés des ténèbres, Robert Laffont, Bouquins, 1989, p. 951.

Bloc-Notes: Semaine du 1er Avril 2014

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on avril 7, 2014 at 9:21

1er avril.

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Le répéterons nous jamais assez: la pire des politiques est la politique du pire, toujours dictée par la passion qui aveugle, par l’esprit de rivalité qui rend idiot, par le sentiment délétère qu’autrui est le surnuméraire de notre propre existence. La passion partisane, le dissentiment idéologique, les rivalités de personnes, l’addiction au pouvoir – cette drogue dure-doivent céder à la fin devant l’intérêt général. La France vient de se doter d’un nouveau gouvernement dirigé par Manuel Valls. Au lieu de tirer à vue sur le pianiste, laissons-le jouer ses premiers morceaux avec son nouvel orchestre. Pourquoi préparer son échec en lui imputant des intentions «gauchocides» ou des visées traîtresses? A l’évidence, et pour aussi cruel qu’il soit de l’indiquer, une grande partie de la Gauche, ou de ce qu’il en reste, se projette déjà dans l’après – Hollande et commence à baliser ses futurs territoires politiques ou zones d’influence. En ce sens la Duflot ne laisse planer aucune équivoque. Pour elle l’échec du président actuel est acté et il suffira le moment venu de le pousser dans le fossé. Seulement François Hollande se laissera t-il faire aussi facilement? La Droite a sans doute marqué des points importants lors des dernières Municipales et escompte reprendre la main au Sénat à l’automne. Pourtant ses divisions restent plus voyantes que celles du Vatican. Il n’est que de suivre les tortillements de la NKM, pour ainsi la «sigler», au conseil de Paris – en passant l’on observera que quiconque se laisse aller à ce « siglage », comme MAM ou DSK aussi, finit plutôt mal. Si Jean-François Copé joue les vainqueurs sobres et soucieux de l’avenir, le silence de François Fillon en pleine surveillance d’Alain Juppé est plus cinglant qu’un coup de clairon. Quant à Nicolas Sarkozy, sans doute satisfait d’avoir rendu au pouvoir en place la monnaie de sa pièce, on ne l’entend pas non plus. Jeux du cirque? La France n’est pas le cirque Pinder. Pendant que Laurent Fabius élargit sa zone d’influence, que François Bayrou ressuscite d’entre les morts, que Martine Aubry se nettoie les dents au vinaigre, que Mélenchon se crêpe le chignon avec les spectres d’un PCF qui s’imagine toujours en 1945, et que Marine le Pen joue la vieille dame à qui l’on vient d’arracher son sac, des hommes et des femmes du commun perdent jusqu’à la notion de l’avenir. Quoi que l’on dise, les germes du racisme prolifèrent. Tout se paiera cash aux Européennes si des mesures sensées ne viennent pas réorienter un désir de vie sans alternative. On annonce la sortie ces jours-ci d’un film consacré à Noé. Pour paraphraser un slogan publicitaire non dépourvu d’humour, le Déluge dévastateur c’était bien «avant»? Encore quelques semaines pour un début de réponse.

3 avril.

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Le secrétaire d’Etat américain en visite exceptionnelle dans cette Algérie dont le temps qui s’écoule éloigne inexorablement les générations du déracinement. L’objet officiel de cette visite? La lutte contre le terrorisme. Qui aurait imaginé en 1962, l’année de son accession à l’indépendance, que la République algérienne en serait là aujourd’hui! Abdelaziz Bouteflika se présente pour un nième mandat présidentiel, alors qu’on le dit malade et diminué. Signe sans doute que nul à part lui n’est en mesure de préserver le réseau d’intérêts que constitue le système algérien et dont il n’est pas sûr que la population de ce pays profite pour ses biens les plus primaires. Non loin, la Libye s’est transformée en dépotoirs de milices armées jusqu’aux dents et en arsenal pour unités islamistes – nihilistes. Avec une décolonisation mythifiée, l’idée d’indépendance a été promue sans qu’on ait eu la véritable intelligence de ses étayages. Il est heureusement des exceptions: l’Inde, Israël quelles que soient les déblatérations qui visent ces pays. Même la Chine-continent sait prendre son temps et réussit sa transition. Bien faire et laisser dire. Le monde va vite et le vent de l’Histoire balaie les fétus de paille. A se demander s’il ne faut pas applaudir et vivement encourager les militants des boycotts en tous genres tant ils font rétrograder les causes qu’ils prétendent promouvoir.

6 avril.

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Plus la déréliction semble s’épandre dans la vie politique, plus il faut se libérer les bronches et dénouer nos synapses intactes. Repris le monumental « Beethoven » de Brigitte et Jean Massin afin de redécouvrir la mesure de cet immense créateur dont il est possible d’acquérir l’intégrale de son oeuvre en une centaine de disques pour un prix modique. A propos de Beethoven comme de Michel Ange ou de Balzac, il faut se garder de l’abus des mots «titan», «génie» et autres outrances verbales. En vérité ces créateurs, mais également Kepler et Galilée, incarnent la véritable dimension de la créature humaine lorsqu’elle ne se désiste pas de sa vocation. Qui fut plus handicapé physiquement que l’auteur de la 9ème Symphonie? Des parents minés jusqu’aux moelles par la maladie, une surdité étrange comparable à ce qu’eût été la cécité d’un Vinci continuant à peindre. Bien sûr qu’il y faut des aptitudes innées, des dons de Dieu. Qui a vraiment vérifié ceux dont lui même a été également gratifiés? Beethoven était conscient des dons qui lui furent départis. Il écrit, lui, le musicien sourd: «C’est si beau la vie, de la vivre mille fois». Et il ajoute: «Auprès des œuvres du Très haut tout est petit». Sauf, lorsqu’à son exemple on se hausse jusqu’à Lui sans se prendre pour Lui. Beethoven est divinement créateur par sa musique seule et non parce qu’il s’est voulu le rival de Dieu. Wagner l’a t-il ainsi compris?

 RD

 

 

LE PEUPLE D’ISRAEL EST A L’OEUVRE – Actu J – 27 mars 2014

In ActuJ, SUJETS D'ACTUALITE on mars 26, 2014 at 8:43

Les entreprises de boycott international d’Israël qui tentent d’entraver ses productions et de souiller ses marques sont vouées à l’échec pour peu qu’en face prévale une lucidité aigue et s’affirme une détermination sans faille. Car s’il est des adversaires estimables, il est aussi des ennemis méprisables. Les auteurs de pareilles initiatives en sont le premier degré à cause de leur lâcheté maquillée sous l’éthique des droits de l’homme. Car pendant que l’on s’ameute contre Israël, le monde politique continue de s’adonner aux actions de force pure et nue sans que nos divas en chambre ne forcent suffisamment leur voix pour être entendues. L’Histoire retiendra qu’au moment même où les incitations à ces boycotts insanes étaient une fois de plus lancés contre l’Etat d’Israël l’Ukraine sombrait dans la sécession tandis que Poutine et la Douma châtiaient l’Union européenne et les Etats-Unis d’Obama en annexant purement et simplement la Crimée. D’un côté la politique de Tamerlan, de l’autre la « guerre » aux jus de fruits et aux yaourts. Mais il y a longtemps que le ridicule ne tue plus. Il est vrai qu’il est infiniment plus facile de s’attaquer au peuple d’Israël qu’aux milices russes et que dans les deux cas le risque de l’opération n’est pas tout à fait le même. Et que dire du Mali tandis que Bachar El Assad continue de narguer une ONU en totale déconsidération! Ce que les fauteurs de boycott n’ont toujours pas compris c’est que depuis prés d’un siècle, affronter les difficultés et les réduire l’une après l’autre, quant ce n’est pas plusieurs d’un coup, est devenu pour Israël une manière d’être. Il est des peuples que les difficultés sidèrent, que les obstacles font chuter, qui ne comportent pas leur centre de gravitation en eux-mêmes. Tel n’est pas le cas d’Israël. Toute son Histoire lui a enseigné l’amour du prochain lorsqu’il s’en montre digne et une sévérité morale sans faille lorsqu’on y fait défaut. Le peuple juif a vu trop de civilisations qui avaient prétendu à l’Empire universel ne laisser après elles que les vestiges de leurs ruines pour se laisser impressionner par ces caravaniers crépusculaires s’effaçant inexorablement de nos regards la nuit tombée, nuit des paysages, nuits de l’Histoire. Ceux et celles qui visent l’âme d’Israël et s’efforcent de la souiller en accusant son immoralité, son mépris des plus faibles, sa soif de puissance, ne font que tracer leur propre portrait. La plupart sont les demi-soldes de causes dont certaines furent parfois estimables comme lors des exterminations du Biafra mais qui depuis se retrouvent moralement en chômage technique et se vouent à des équipées dont mêmes leurs prétendus bénéficiaires ont décelé les simulacres et la toxicité. Pendant ce temps, voyant le monde comme il va, tellement mal, le peuple d’Israël, avec toutes ses forces créatrices, toutes ses sensibilités, construit et se construit. Les Prix Nobel qui le couronnent régulièrement récompensent bien sûr des personnalités hors pair. Mais il faut n’avoir rien compris aux processus de la création pour imaginer que les modalités de l’intelligence humaine ne sont qu’individuelles. Les avancées d’Israël dans tous les domaines attestent au contraire qu’un peuple entier est à la tâche, que chacun compte autant que tous et que rien ne prévaudra contre cette puissance vitale. Lorsque, l’Eternel désigne à Abraham la terre dévolue à son oeuvre future il évoque non pas une terre close et avare mais une terre appelée à se révéler perpétuellement. Il ne faut plus la perdre des yeux. Elle correspond à la vocation d’une entité humaine désignée pour devenir la bénédiction des familles échappées au Déluge. La direction est on ne peut plus claire: les injures, les diffamations, tout ce qui procède de ces « pathologies de l’idéal » qui sont les plaies de notre temps, n’aboutissent qu’à l’aggravation de ces maux, à une humiliation encore plus délétère de la parole interhumaine comme n’a cessé de le rappeler le grand juriste Jacques Ellul pour qui l’existence d’Israël et son retour dans l’Histoire fondait à nouveau notre désir de vivre et le courage d’exister. Car il faut chausser de très fortes échasses pour parler de haut au peuple du Sinaï. Nombreux s’y sont cassés et s’y casseront les reins. Le monde actuel sans inspiration est guetté par un dangereux délitement. L’avenir appartiendra aux bâtisseurs d’espaces vécus, aux semeurs de temps fruitiers et aux intelligences délivrées du moindre ressentiment. Pour ce monde-là Israël a déjà pris date. Quant à l’autre, on n’y accède déjà plus qu’à rebours de la vie.

                       Raphaël Draï zal – Actu J – 27 mars 2014

Bloc-Notes: Semaine du 24 Février 2014

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on mars 5, 2014 at 7:20

26 février.

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Pris dans une sombre histoire de surfacturation, François Copé crie au complot mondial et déclare la patrie en danger. Pas d’affolement toutefois. Il s’agit juste d’un nouveau coup de Jarnac signé par ses ennemis intimes au sein de l’ UMP. A se demander ce qui provoque une haine aussi irréductible entre des personnalités qui prises séparément sont en général de bon aloi et qui mises en communauté semblent atteintes du syndrome de la vache folle. Le tout broché sur fond d’idéologie gaullienne dilatée, avec références obligées à l’ homme du I8 juin dont on feint d’oublier qu’il fut aussi celui du 13 mai. Il semble pourtant que ce soit au sein même du mouvement gaulliste qu’on n’ait plus du tout conscience de la dégradation intellectuelle et politique de la situation. François Copé est accroché à un radeau en comparaison duquel celui de la Méduse ressemble au vaisseau de l’Agha Khan. François Fillon, lui, s’est attaché au mât du navire et se bouche les oreilles pour ne pas entendre les sirènes sarkozistes tandis que l’ancien président de la République répète devant sa glace les gestes de Spiderman. En foi de quoi la Gauche n’a qu’à bien se tenir! Tout cela paraît décalé ou franchement onirique. A si brève échéance des Municipales, et en attendant les Européennes les pronostics s’imbibent du marc de café requis par la voyance extra-lucide. Depuis plusieurs mois, la France de droite, de gauche, du centre, d’en haut, d’en bas et d’ailleurs se trouve pour ainsi dire en état de flottaison intersidérale. On évoque la possibilité d’un gouvernement « resserré » mais l’on ne sait toujours pas à quelles fins. L’arrivée de Ségolène Royale est dans les esprits, ce qui suffit à démontrer ou que le salut est proche ou que les thèses de Durkheim sur le suicide altruiste vont être actualisées. Selon un sondage récent, plus de 40% des jeunes de France se déclarent en état de maltraitance collective et chronique, économique, sociale et culturelle. Un symptôme apparaît en ce sens particulièrement parlant: les comiques ne font plus rire grand monde et déclarent ouvertement que leur profession est sinistrée. Les seules émissions de télé qui font parler d’elles sont celles dont les invités quittent en furie le plateau avec le désir tout juste réprimé de découper au canif le présentateur ou la présentatrice. Sur les chaînes surexploitées du cinéma, à force de revoir pour la cinquantième fois Le Corniaud les oreilles vous en tombent et à force d’entendre le fameux train de Fred Zinneman siffler trois mille fois, l’envie vous prend de voyager en avion. Heureusement les librairies n’ont pas toutes déposé leur bilan et il reste sur les quais des bouquinistes qui savent retrouver les « Robinsons suisses » de notre enfance, dans l’édition Nathan. Bonheurs d’occasion Occasions de bonheur.

27 février.

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Très forte tension entre l’Ukraine et la Russie. Les Etats-Unis et l’Union européenne emboîtent le pas aux Ukrainiens. Poutine se cabre. Au point que l’on évoque à nouveau le spectre de la guerre froide et le retour du Dr Folamour. Plus que jamais chacun devrait garder ses nerfs et éviter de convoquer les spectres d’un autre âge. La véritable Guerre froide ne se conçoit pas sans une lutte idéologiques poussée aux extrêmes car nourrie aux schémas simplistes d’un marxisme-léninisme paranoïde d’un coté, d’un « monde-librisme » à la Truman de l’autre. Il faut revenir sans doute à une géopolitique moins effervescente. Les peuples et les nations se différencient toujours par les langues, les littératures, les identifications religieuses. En ce domaine, qui veut faire l’ange fait la bête. Longtemps les Etats-Unis ont professé la doctrine Monroe selon laquelle les américains du Nord doivent rester maîtres chez eux. Mais comme la conception nord-américaine du « chez soi » est extensive, il n’a pas fallu forcer les choses pour qu’à l’occasion, si l’on ose dire, de la première Guerre mondiale les Etats-Unis se sentent comme chez eux dans tout le monde habité. La déréliction du continent européen les y a puissamment aidés. A présent l’Ukraine, la Russie et la planète entière émergent de la débâcle des glaces soviétiques et par bien des cotés les peuples qui reviennent au jour font songer à ces ossements de mammouths surgis de l’outre-monde. Mais il faut penser aux êtres vivants, dans le temps non pas jurassique mais contemporain et se convaincre que nous valons mieux que notre préhistoire. Celle à laquelle nous risquons de rétrograder si un peu de sagesse venait à nous faire défaut.

2 mars.

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Entre une oeuvre et son sujet ses produisent parfois des formes d’identification surprenantes. A commencer par leurs dimensions. Le constat se confirme en rouvrant « Moby-Dick » le roman-cachalot de Melville. Au fond le livre pourrait se réduire au combat final entre le Léviathan et le capitaine Achab, soit une dizaine de paragraphes. Mais, à la manière des « Mille et une nuits », Melville s’adonne à l’exploration cosmique et surgénératrice du monstre. Il s’ensuit qu’une centaine de pages après l’autre on finit par se prendre pour ces baleiniers qui, leur chasse assouvie, n’en finissaient pas de dépecer et de débiter le mammifère génésiaque. Heureusement la masse immense du cétacé se fait homologue à celle de la chair même du roman et il y apparaît de quoi nourrir et illuminer à l’huile des cités entières. La traduction en forme de mission réellement impossible n’en donne qu’une idée faible. Il faudrait avoir passé sa vie sur les navires de ce temps- là, le harpon en mains. Mais aujourd’hui le mythe se réduit à des proportions plus triviales car les baleines ne fascinent même plus les enfants auxquels elles n’inspirent que de la pitié, des enfants qui désormais vont chasser d’autres monstres, « numériques » ceux-là. Le capitane Achab est vraiment parti à temps.

RD

Bloc-Notes: Semaine du 17 Février 2014

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on février 25, 2014 at 10:14

19 février.

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Couverture politico-glamour de « Paris Match » consacrée cette fois – un coup à gauche, un coup à droite – au couple Sarkozy-Bruni qui sillonne la France, concerts de la dame obligent. En réalité c’est d’une autre musique dont il s’agit, celle qui ne sait trouver le ton juste entre le Dies Irae et le  Magnificat. Au bout de presque deux années de mandat, l’autre couple, celui formé par François Hollande et par son premier ministre, fait penser à deux canards sans tête  mais qui continuent de courir. Car la colère gronde à nouveau en Bretagne et le président de la  République, s’il veut aller tâter le croupe des charolaises au salon de l’Agriculture, doit s’y rendre avant que le public n’arrive, ce qui dans l’histoire des institutions de la Vème République est toujours un sûr indicateur de popularité carbonisée. Donc il semble que Nicolas Sarkozy ourdisse méthodiquement son retour. Mais retour vers quoi? La réédition fort opportune du classique d’Eugen Weber: « La fin des terroirs » en donne une idée. L’ouvrage date déjà de presque trente ans et à cette distance l’on constate qu’une « fin » en cache toujours une autre. Bien sûr le temps n’est plus aux paroisses dominées par un clergé  qui à force de faire brûler des cierges avait oublié d’allumer les chandelles de son esprit, ni à la marine à voile, ni aux bourriches d’huîtres ramenées en charrette suintant le varech des mers du Nord. La Bretagne a été désenclavée par le TGV et tous les voyageurs sont en perfusion sur leur iPhone. Lors de la publication du livre précité, il existait sans doute encore une France profonde, avec ses tropismes campagnards et ses habitudes dominicales invétérés. Et puis lentement mais  inexorablement, comme le ressac érode la falaise de craie, la crise a fait lentement apparaître une France autre qui ne sait plus très bien quels sont ses habitus. Les schémas familiaux les plus ancestraux ont implosé et Portalis ressuscité ne reconnaîtrait plus son code civil. Les nouvelles générations vivent à vue. Il n’est jusqu’à la sociologie religieuse du pays qui ne soit bouleversée. Dans un an, l’on commémorera le dixième anniversaire de la révolte incendiaire des banlieues. D’un côté le temps passe en accéléré, de l’autre l’on dirait que le chronomètre se soit arrêté à une heure devenue indéchiffrable.  Pour s’en convaincre il n’est que de  feuilleter un  autre ouvrage, savant et mémorable, le volume consacré à « La France et les français » dans l’encyclopédie de la Pléiade, sous la direction de Michel François, membre de l’Institut. Cet ouvrage a été publié en 1970 et n’a pas été réédité. On le comprend car une réédition, mises  à part les parties strictement historiques, nécessiterait une refonte complète qu’il s’agisse du chapitre sur l’information ou de celui consacré au fait religieux. Dans ce volume là, peu de développements par exemple sur l’Islam qui, numériquement parlant, est devenu la deuxième religion de France, avec des difficultés d’intégration qu’on n’eût pas soupçonnées lorsque de Gaulle à coup de hachoir avait séparé dans le vif la France de l’Algérie. Alors, cher ancien président, retourner à l’Elysée? Vous en avez le droit. Mais pour y faire quoi? Attention aux redites. La France d’aujourd’hui n’applaudit plus Bécaud à l’Olympia.

21 février.

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Voyage plutôt réussi de François Hollande aux Etats-Unis et cette fois la presse glamour en a été pour ses frais parce que le président français, en matière de couple, ne fut accompagné que par son ombre. Là encore que de toasts chaleureux, d’embrassades copinantes, d’amicales  bourrades sous les effigies conjointes de Lafayette et de Pershing! Sous de Gaulle, la France avait voulu s’émanciper du lourd allié américain, de sa monnaie, de son alliance militaire. Il fallait faire oublier Yalta et, comme lors du discours de Phnom Penh,  aiguillonner les flancs du bison. Ensuite la crise  a sévit  ramenant la France dans le rang et poussant de Gaulle au rayon des vieilles gloires. Aujourd’hui, quoiqu’on en ait, les Etats-Unis demeurent la seule vraie puissance mondiale. Toutes les autres disposent chacune d’un atout-maître mais aucune n’est autant capable de performances simultanées, dans toutes les disciplines. Ce pays manque de « vrais » penseurs et ses artistes conservent-ils la nostalgie de Hemingway dans « Paris est une fête »?  Qu’à cela ne tienne. Grâce aux compagnies d’aviation low-cost l’on se paiera un week-end au Louvre, à la Pinacothèque de Munich ou au musée de l’Ermitage. L’essentiel en termes de puissance objective est que, l’Inde exceptée,  les quelques neuf dixièmes du stock mondial d’images sont d’origine nord-américaine et que cela vous façonne la cervelle. Les quotas n’y changeront rien. Pour vaincre les Etats-Unis il faut se faire américain, et en cela même les Etats-Unis resteront encore longtemps des vainqueurs par (R) KO. Faut-il s’en plaindre? Les jérémiades pas plus que les mouvements de menton ne sont d’une réelle utilité pour modifier un rapport de forces. Que Paris redevienne ce qu’il était lorsque Hemingway écrivait dans une ferveur communicative son livre festif et le rapport de forces actuel se modifiera. D’ailleurs, lorsque la création l’emporte il n’y a même plus de rapports ainsi entendus. Le monde devient « un » et tout l’humain l’habite.

23 février.

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Bien ambigu ce – faut-il dire – «  roman » de Irvin Yalom: « Le problème Spinoza ». Sa technique elle même appelle des réserves. A partir d’un fait qualifié d’historique: la main-mise par les nazis sur la bibliothèque, ou ce qui passe pour telle, de Baruch, Irvin Yalom, qui est aussi psychiatre, imagine tout un scénario par lequel il fait s’entrecroiser l’histoire de la communauté juive d’Amsterdam au XVIIème siècle et celle de l’idéologue hitlérien, Alfred  Rosenberg, obsédé par la parcours du jeune auteur surdoué et béatifié de « L’Ethique ». Donc un récit en forme de fugue supra-temporelle dans lequel, par porosité des deux partitions, il arrive qu’on ne puisse plus distinguer le parti nazi et le rabbinat d’Amsterdam qui crut devoir se priver de son épineux philosophe. Le plaisir – relatif – du suspense se trouve  ainsi diminué par les inévitables précautions de lecture face à un  pareil mélange des genres au bout duquel on ne sait plus si c’est le rabbinat d’Amsterdam qui a préfiguré le nazisme  ou, en bouclant la boucle, si c’est le nazisme qui a vengé Spinoza. Refermant ce livre, labyrinthique dans l’espace et dans le temps, on est porté à conclure que les fantasmes de quelques  psychiatres en  mal d’écriture n’on rien à envier  à ceux de quelques romanciers en mal de psychiatre. Entre-temps, rien n’interdit de lire ou de relire « L’Ethique » et la correspondance du saint hollandais, sans oublier que le fameux axiome spinoziste relatif à l’amour du prochain est  directement importé du Lévitique sacerdotal ( Lv, 19, 18).

RD

COMMUNAUTE D’EN-HAUT, COMMUNAUTE D’EN-BAS (Actu J)

In ActuJ, SUJETS D'ACTUALITE on février 20, 2014 at 1:15

En général il y a deux manières de ne pas régler un problème: ne pas le poser, ne pas en chercher la solution. L’observation vaut pour le problème de la âlya en France, posé depuis les décennies de l’antisémitisme à visage découvert. On a beau se retrancher derrière les stéréotypes de la France, patrie des droits de l’Homme et qui en a vu d’autres, l’on ne peut empêcher que la communauté juive française ne soit constituée comme elle l’est: notamment par deux ensembles humains traumatisés en son histoire récente. Le premier est constitué par les Juifs originaires d’Europe centrale ou de plus loin encore à l’Est; l’autre par les Juifs déracinés des pays arabes. Dans les deux configurations, la blessure reste à vif et chacun craint qu’en se rouvrant elle ne devienne irrémédiable. Ajoutons qu’il arrive parfois, du fait des mariages, que ces traumatismes se rejoignent et se cumulent. Depuis plusieurs décennies déjà, la question antisémite se pose donc en France et chacun croit devoir la résoudre à sa façon: par un engagement partisan encore plus prononcé, à gauche ou à droite;  par le retrait sur soi, par l’émigration hors de France, ou par la âlya spécifique vers Israël. Dans tous les cas, il faut disposer des moyens intellectuels et matériels pour décider de la meilleure option. Cependant, comment agir lorsque ces moyens-là viennent à manquer, et cruellement? Il faut sans doute faire partie de la « communauté d’en-haut » pour ignorer les difficultés de la « communauté d’en-bas » dont les membres continuent de vivre dans des quartiers particulièrement sensibles, parfois dans des rues dangereuses, exposés au prosélytisme religieux et aux trafics de la « hot money », comme disent les sociologues de la ville.  Imagine t-on que pour  ceux et celles qui émargent à l’Appel national pour la Tsédaka, il aille de soi de quitter un quartier devenu irrespirable vers un autre, situé dans un bon arrondissement de Paris, de Marseille ou de Strasbourg, pratiquement satellitaire au regard des effondrements de la France du chômage et de la précarité? Comment un «  précaire », un chômeur de longue durée ou même un smicard, pourraient-ils acquitter les loyers qui y sont en vigueur, sans parler même de la possibilité d’y acheter le moindre mètre carré? Et sans aller non plus jusqu’à cette partie du spectre  sociologique de la communauté juive, suffirait-il d’un claquement de doigt pour un jeune couple qui démarre dans la vie, qui s’est endetté pour l’achat d’un cabinet ou d’une licence commerciale, de tout « bazarder » et de s’en aller avec bagages et enfants par le premier vol d’El Al ou de tout autre compagnie? Que dire du pays d’accueil? S’agissant d’Israël, il faut réaliser que ce pays, unique dans le cœur des Juifs, s’est engagé depuis le début des années 90 dans l’économie la plus libérale et la plus financiarisée qui puisse se concevoir, Etats Unis compris. En Israël aussi, si l’on n’y prenait garde, le clivage entre « l’en- haut » et « l’en bas » deviendra de plus en plus voyant et de plus en plus antagoniste. Imagine t-on encore que pour un cadre moyen, avec trois ou quatre enfants à scolariser, il suffise de frotter la lampe magique d’Aladin pour se loger à Jérusalem ou à Tel-Aviv parce que des amis ou que d’autres membres de la famille y sont déjà installés, comme avaient su partir d’Algérie ceux qui avait percé à jour les discours duplices du général de Gaulle dès le printemps 1958? Ces réalités doivent désormais être abordées en pleine lucidité à la fois par les responsables de l’Etat dés lors qu’ils sont convaincus que l’antisémitisme n’est pas un mal « ordinaire » mais d’une contagiosité terrible; par les leaders de la communauté juive qui doivent faire taire leurs petites différences devant cette tâche d’importance historique; et bien sûr par les responsables de l’Agence juive et des ministères israéliens concernés lesquels ne peuvent ignorer quel type de société et quelle sorte d’économie rebutent des décisions de âlya dans l’Israël de 2014. Enfin, on commettrait une grave erreur si ces décisions  ultimes, avec leurs incidences politiques et  financières, ne bénéficiaient  pas d’un accompagnement  spirituel digne de ce nom, débarrassé de la plaie du clientélisme. Une âlya n’est pas une fuite. Elle implique un choix de société, d’histoire, de vie et un remaniement profond des habitudes. Malgré les apparences, Tel-Aviv n’est pas Miami ni Jérusalem New York. Emigrer est un des droits de l’homme les plus fondamentaux. La âlya requiert qu’en plus que cet homme ait une âme vaillante car en 2014, dans toutes les difficultés du moment, le peuple d’Israël reste un peuple en chantier.

                                                                   Raphaël Draï pour Actu J – 20 Février 2014

Bloc-Notes: Semaine du 10 Février 2014

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on février 18, 2014 at 11:23

11 février.

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Le quotidien – mais pour combien de temps encore? – « Libération » en grande difficulté et menacé d’être transformé en « machin » culturel. Son rédacteur en chef ne devrait pas tarder à jeter l’éponge après s’être furieusement agrippé aux cordes du ring. Faut-il s’en réjouir? Se lamenter? Sans cotiser au « nostalgisme » il faut surtout se souvenir de cette période bénie où chaque matin voyait la vente à la criée sur le pavé de Paris de plus d’une douzaine de quotidiens, vivaces et virulents. On en lisait parfois plusieurs en même temps car on ne choisissait pas entre Raymond Aron, Jules Romains, François Mauriac, Albert Camus, et même Jean Dutourd pour « France Soir ». Les temps ont changé, à l’évidence, mais pour quelles véritables raisons? A présent le nombre des quotidiens se compte sur les doigts d’une seule main et tous ne sont pas d’une santé reluisante. La «crise» dira t-on? Sans doute, mais laquelle? Il est vrai qu’un chômeur n’est pas spontanément porté à constituer chaque matin sa revue de presse. D’abord le prix des journaux ne les met plus à sa portée, ensuite toutes leurs nouvelles l’incitent à la morosité, quand ce n’est pas à la désespérance. La révolution technologique est ensuite passée par là et l’on ne saurait plus dire si elle est cause ou conséquence de l’aggravation d’une crise aussi déplorable. La presse écrite ne se confond pas avec les médias audio- visuels ni ceux-ci avec l’information en temps réel mais d’où la pensée, du fait même de son immédiateté et de sa compacité, s’absente. Jadis – attention: nostalgie! – un des écrivains journalistes précités, et il y en eu d’autres, fameux en leur temps, jadis donc un des ces journalistes, chroniqueurs ou éditorialistes, conscient de l’espace qui lui était réservé ne bridait quand même pas sa pensée au « signe » prés. Il fallait d’abord et avant tout que cette pensée s’exprime, en toute clarté interne et extrinsèque. Et c’est sans doute pourquoi ces textes n’ont pas pris une ride et se relisent comme des classiques. Affirmer que sur ce plan il faut suivre son temps n’est que démagogie. Lorsqu’elles ne sont  pas entretenues, l’âme s’étiole et la conscience s’amoindrit. Le danger n’est pas moins grand pour la démocratie en général et pour la liberté effective de la presse en particulier. Plus les titres se raréfient plus l’exercice de  la fameuse « clause de conscience » devient difficile. A quoi il faut ajouter que jadis – attention: danger redoublé – il n’était pas trop difficile de faire la différence entre journaux de droite et journaux de gauche. Aujourd’hui, des milliardaires de gauche – une gauche purement cérébrale, tiennent en bride des journaux dont les équipes éditoriales ne savent plus à quel saint se vouer. Alors on ne vit plus qu’au jour le jour, une ligne après l’autre, comme on avance un pied après l’autre en traversant des sables mouvants. Dans ces dispositions, allez soigner votre style..

13 février.

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L’Italie à nouveau sans gouvernement puisque celui d’Enrico Letta vient de démissionner. Est-ce une réplique à toutes les misères faites à Silvio Berlusconi pour cause d’omnipotence, de corruption et de parties fines? Aucune panique à bord. D’abord l’Italie en a vu d’autres et puis récemment la Belgique a survécu à l’absence de tout gouvernement formel durant plus d’une année. Ce n’est pas parce qu’un nouveau gouvernement a enfin été constitué que l’on s’est aperçu  réellement et de son existence et du vide qui l’avait précédé. Un Etat ne se réduit pas à son exécutif. Il est essentiellement fondé sur sa société civile, lorsqu’elle est vivace – et c’est le cas de ces deux pays et sur sa culture – ce qui conduit à la même observation, sans oublier son administration lorsqu’elle tend au modèle «  légal – rationnel » cher à Max  Weber. Cependant, la France ne pourrait entrer dans ce «modèle»-là. Sa propension centralisatrice l’a percluse d’inguérissables rhumatismes qui la  contraignent à s’appuyer sur la béquille de l’ENA et à se doper aux amphétamines de « l’Etat fort » cher à cette fois à de Gaulle  après, il est vrai Louis XIV. Fait-on néanmoins attention  à cette nouvelle évolution: la chronicité du mal qui afflige maintes démocraties occidentales place l’Etat, au sens conceptuel, dans la même position que les rois et reines d’avant la Révolution, lorsque l’on commençait à mettre en cause l’institution monarchique en son principe et à incriminer son fonctionnement parasitaire. Prenant les choses par ce côté l’on serait tenté de conclure que dans l’affaire Cahuzac il y a un peu de l’Affaire du Collier car pour Louis XVI et pour Marie-Antoinette  l’escalier de l’échafaud fut serti des  diamants de ce bijou extravagant, fatal, à tous égards. L’exigence de « transparence » y changera t-elle quoi que ce soit? Quant a t-on jamais vu que l’éclairage d’un objet suffisait à en modifier la nature?

16 février.

the-swimmer-lancasterQuel film étrange que celui de Frank Perry (et Sydney Pollack): « Le plongeon » avec Burt Lancaster dans le rôle principal. Drôle de rôle aussi  puisque cette fois ce n’est pas  celui d’un cascadeur aux figures impressionnantes, ni celui d’un chasseur de primes  au sourire ravageur, ni celui d’un prisonnier à vie sachant apprivoiser les moineaux, ni celui du Guépard. Cette fois, un homme en simple maillot de bain surgit dans une propriété   du Connecticut et plonge dans la piscine du lieu. Il s’est mis  en tête, fort loin de chez lui, à y retourner  mais en traversant tour à tour les piscines des propriétés qui l’en séparent. Voilà pour le fil apparent. Mais il en est deux autres. Car devant chaque nouveau bassin se trouve un échantillon de la société américaine d’alors et ce plongeur  qui semble venu de Mars lui révèle ses travers et parfois son ridicule. Ainsi, ce n’est pas seulement le plongeur qui  est dénudé mais tout le voisinage. Il reste que le personnage intrigue et engendre l’on ne sait quel malaise, même si son anatomie semble avoir été inventée pour les écoles de dessin. Cet homme quasiment nu évoque tout simplement le premier Homme, celui qui n’est couvert par rien, tout entier exposé à la lumière impitoyable. Et l’on comprend qu’en réalité la traversée de chaque piscine  trace un chemin à rebours qui va le mener dans le déchaînement de l’orage final devant la porte de sa propre maison, mais délabrée, dévastée, abandonnée, une maison dont il ne parviendra pas à faire jouer la serrure bloquée et devant laquelle il s’effondrera dans une solitude d’avant même la création du monde …  Un bien étrange film, sur l’irréductible esseulement de l’être, dans cette époque où il n’était question, à l’inverse, que de « communautés » et de sexualité en groupe.

 RD

Bloc-Notes: Semaine du 3 Février 2014

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on février 11, 2014 at 9:19

6 février.

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Date anniversaire traumatique dans l’histoire de la République française. Des républiques, faudrait-il dire, tant la Vème ne ressemble guère à la IIIème, en attente d’une VIème possible, souhaitée par plusieurs mouvances politiques. Le 6 février 1934, les ligues anti-parlementaires et ultra-nationalistes s’étaient ruées à l’assaut de la Chambre des Députés, accusés de servilité et de corruption. L’antisémitisme exsudait par tous les pores de leurs peaux et leurs regards étaient injectés de cette haine torpide. Ce qui rappelle à cette définition de Nietzsche: la colère est un affect, la haine est une passion. Que dire alors de la haine antisémite! Elle est plus qu’une passion: une raison d’être qui se fonde sur la recherche obstinée du «désêtre» d’autrui. On en a vu les résultats. A ce sujet un ami observe: «Nous sommes à la fin d’un cycle. L’ancien cycle s’achève avec la levée de toutes les inhibitions réelles ou feintes qui avaient suivi la révélation des horreurs de la Shoah. Un nouveau commence, comme si une nouvelle histoire inhumaine, sans mémoire, sans aucune généalogie, apparaissait». Pour minimiser cette vue des choses il faudrait se méprendre sur la nature de l’inconscient, subverti par la pulsion de mort. Cette pulsion n’a guère besoin d’un objet distinctif ou électif. Elle est à elle-même son propre objet, ou bien elle s’en désigne, d’autorité, comme cela se produit depuis des siècles à l’encontre des Juifs. Mais ceux-ci ne s’en laissent plus conter et ne se laissent plus compter comme on le faisait lors de leur déportation vers ces terres que l’on quittait sous forme de fumée. Ce 6 février 2014 la France est- elle exposée à un anti-parlementarisme aussi virulent que celui de ces années de violence extrême, la violence verbale ne le cédant en rien à la violence physique? Le président de la République est passé sous la barre des 20% d’opinions favorables. Légalement, il peut se maintenir au pouvoir, mais quel pouvoir? Certes les sondages méritent leur nom mais ils constituent tout de même des indicateurs que l’on ne saurait négliger. Quelle autorité est réellement celle de François Hollande à ce taux-là? Qui l’écoute encore? Qui le suit? A chacun de ses pas l’on dirait qu’il lui faut se convaincre d’accomplir le suivant. Après les envolées de mai 2012, l’on en est au « pacte de responsabilité », l’équivalent idéologique et opportuniste du « tournant de la rigueur » pris, en tête à queue, par Pierre Maurois en 1983, deux petites années après la victoire de François Mitterrand. Envisager des élections présidentielles avant 2017 n’est plus tabou. Les élections municipales puis européennes confirmeront-elles ces sondages calamiteux? Nicolas Sarkozy prépare, dit-on, son « retour » et met en place ses réseaux, en distillant son image, en en instillant méthodiquement le poison dans le camp adverse. Pari périlleux. L’ombre des défaites colle aux pas des vaincus et il ne leur suffit pas de sourire à nouveau pour séduire la Fortune.

7 février.

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Ouverture des jeux Olympiques d’hiver à Sotchi. Show-bizness à l’échelle planétaire au seul profit du pouvoir de Poutine ou véritable manifestation d’œcuménisme sportif, destiné au rapprochement des peuples par leurs champions et championnes interposés? Un jugement équilibré doit probablement doser ces deux composantes. Poutine n’est ni Léon Blum ni Tony Blair. Son nationalisme est offensif, identitaire, et s’exprime dans le monde globalisé, dans la planète « financiarisée », dans l’univers de la Toile. Qu’il soit un ancien du KGB est considéré par nombre de ses concitoyens moins comme une tare que comme un élément de continuité, celle de la Russie éternelle et chrétienne, au delà des régimes de passage. Est-il un nouveau tsar? L’affirmation n’est pas excessive mais alors ce serait un tsar à col ouvert, qui s’attache moins au cérémonial du pouvoir qu’à sa réalité. Poutine a été l’élève studieux et successif de Leonid Brejnev et de Boris Eltsine. Cela dit, reste la compétition sportive proprement dite. «Proprement» ne devrait pas être un simple mot au regard des accusations de dopage qui nous éloignent des écrans estivaux pendant le Tour de France, en dépit de tous les efforts de racolage des journalistes sportifs. De grands écrivains l’assurent: la pratique du sport permet au corps de se renforcer et à l’âme de s’affermir. Il n’y pas d’âge pour le pratiquer, encore qu’il faille prendre garde au décalage croissant entre l’âge psychologique et l’état réel de l’ossature. Il faut espérer que ces jeux d’hiver marquent le printemps de nouvelles camaraderies, de ces amitiés qui naissant des rencontres improbables, d’au delà les mers et les cieux.

9 février.

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Les hasards d’un rangement de bibliothèque font rouvrir une nouvelle fois les livres de François Mauriac dont on a un peu de peine à mesurer l’influence qui fut la sienne du temps de sa grandeur littéraire et surtout journalistique. On lui doit le genre du Bloc-Notes. Si ses romans paraissent aujourd’hui fortement datés, du sous-Dostoïevski, avec des audaces qui feraient qui feraient rire les chaisières si elles pouvaient revivre, son attitude morale et religieuse fait encore école. Mauriac ne s’est jamais considéré comme un écrivain catholique – en quoi il tenait à se distinguer de Graham Greene – mais comme « un catholique qui écrit des romans ». Chez lui, dans sa vie et dans son oeuvre, la personne du Christ est toujours présente et efficiente, au contraire du Bernanos de «Mouchette». C’est d’ailleurs ce qui rebute dans son oeuvre romanesque. Mauriac a beau dire et faire, sa théologie détermine sa création et dans ses romans les plus noirs le Christ tel qu’il le nomme ou comme il y fait allusion demeure le Deus ex machina. Ce qui confère à la plupart de ses romans et de ses pièces de théâtre une tonalité de catéchisme qui retient les êtres en manque de grâce, en tous cas de cette grâce là, administrée par de pieuses mains qui indiquent ensuite l’adresse du « vrai » paradis. Reste l’écriture de Mauriac qui est sa grâce véritable. Elle doit beaucoup à Barrès et à Proust mais encore plus à Mauriac lui-même, aux pins de son enfance, perpétuellement menacés par le feu ; à cet autre feu qui coulait dans ses veines et que l’eau bénite ne réussissait pas toujours à attiédir, et à sa fascination des gouffres. Il ne détestait pas non plus les grands restaurants ni les suprêmes honneurs. Il su soutenir Pierre Mendés-France et François Mitterrand, chacun en leur temps, et de Gaulle toujours, lequel avait très tôt mesuré tout le parti qu’il pouvait en tirer. Sur ce denier point le désaccord s’avère irrémédiable avec tous ceux, hommes, femmes, enfants, de toutes religions cette fois, que de Gaulle a « liquidés » en « liquidant » l’Algérie dans les conditions horribles que l’on sait. Car ce verbe, hélas, est aussi de Mauriac qui a donné parfois le sentiment de plus aimer le Christ que les chrétiens.

 RD

 

« A LA CROISEE DES CHEMINS » – Actu J – 6 Février

In ActuJ, ARTICLES, SUJETS D'ACTUALITE on février 5, 2014 at 11:15

Tel était le titre d’un des livres les plus importants de Ah’ad Aâm dont on sait le rôle qu’il joua dans le Mouvement Sioniste Mondial, lorsque le peuple juif après dix neuf siècles d’exil revint dans l’Histoire mondiale active. Ce titre pourrait servir de question fondamentale pour les Juifs de France ouvertement confrontés à l’antisémitisme sous tous ses oripeaux: antisémitisme de droite, de gauche, avec ses faux-nez politiques, notamment celui de l’antisionisme, avec ses stéréotypes plus compacts que le ciment armé. Qu’on en juge par ces propos de Roger Martin du Gard, relatant en septembre 1938, durant les jours fatidiques de Munich, une discussion avec Raymond Aron qui ne partageait pas ses vues: « Admirable faculté de cette race juive, lorsqu’il s’agit de critiquer, de détruire, de saper froidement les assises de tout ». Roger Martin du Gard avait obtenu le prix Nobel de littérature. Que laissait-il aux Rebatet, Céline et Brasillach! L’antisémitisme est aussi ancien que le fait juif sous la figure d’un peuple à la pensée irréductible. Les historiens trouvent dans les récits évangéliques sa source la  plus délétère. Dans « The Return of The Devil » Daniel Goldhagen vient d’y recenser  pas moins de deux cents assertions anti-juives d’une extrême virulence. Mais si les prédicateurs évangélistes s’autorisaient à déblatérer ainsi, de Matthieu à Jean Chrysostome, n’est-ce pas parce qu’ils s’adressaient à des auditoires favorablement disposés envers cette haine à visage d’amour, encore plus destructrice que la « haine gratuite » que le Talmud analyse? Comment expliquer ces prédispositions? Faut –il remonter  à Pharaon, à Amalek, à Haman? Pourquoi leurs faces de gorgone sont-elles pérennes? De quoi se nourrissent leur  progéniture et se confortent leurs engeances, avec leurs relais dans la littérature, dans la philosophie, dans l’art? Tant que ces multiples écuries d’Augias ne seront pas nettoyées l’antisémitisme s’engraissera  de leurs déjections présentées comme éclats de pensée pure. Pourtant, pendant que l’antisémitisme  selon tous ses avatars sévissait, la résistance du peuple juif s’organisait et s’affirmait au plus haut niveau d’intelligence et de spiritualité. La Michna a été conçue en même temps qu’était construit le Colisée de Rome auquel ont travaillé des cohortes d’esclaves déportés de Judée après la destruction du Temple par Titus et le Talmud répondit au moins en partie aux polémiques des prédicateurs chrétiens, de plus en plus coupés de leurs racines juives. Et que dire de la transmission des écrits incandescents colligés  dans le Zohar! Si la notion de résistance a un sens, elle le trouva aux pires périodes de la persécution lorsque les Juifs ne bénéficiaient d’aucune citoyenneté au sens contemporain, lorsque l’Etat d’Israël n’existait pas. Imagine t-on la somme de courage, celle du corps et celle de l’âme, requise pour écrire en plein exil « Le Guide des  Egarés », les « Arbâ Tourim », le «Choulh’ane Aroukh» et d’autres monuments de la pensée humaine? Aujourd’hui, en France même, l’antisémitisme montre à nouveau son groin, émergeant des bauges de la crise économique, des dislocations  de l’intellect, du panurgisme technologique et de tous les fanatismes qui se présentent comme leur irrationnelle alternative. Les premiers livres dénonçant « le nouvel antisémitisme » remontent à l’année 2000. Depuis quatorze années, les signaux d’alerte sont tirés à tous les étages. Durant cette sombre période dont nul n’aurait osé songer qu’elle se reproduirait après la seconde Guerre mondiale, la communauté juive de France aura manqué de bien des choses, sauf d’avertissements. En 1947 paraissait un livre prémonitoire de François – Jean Armorin : «Des Juifs quittent l’Europe». Aujourd’hui, des Juifs quittent la France ou songent à la quitter lorsqu’ils en ont la possibilité personnelle et matérielle. Contrairement à une idée répandue, leur mobile principal n’est pas la peur mais le respect de soi et des siens. L’on ne veut plus vivre les temps où l’on découvrait l’incroyable au fur et à mesure qu’il se révélait horriblement. Mais que deviennent les autres, ceux et celles qui doivent endurer ce climat nécrosé alors qu’ils ont déjà connu, eux ou leurs parents, la déportation ou le «rapatriement »? Ce n’est pas parce qu’une certaine Histoire semble se répéter qu’il faut se laisser prendre dans ses engrenages. Les leaders  officiels de la Communauté juive le savent. Y réagissent-ils autrement qu’en ordre dispersé et dans des discours sans lendemain? Comment organiser en pleines responsabilités et lucidité un débat de dimension nationale et de portée historique pour ne plus se tromper de route? Le temps est venu de se dépasser.

                                                                        Raphaël Draï – Actu J, 6 Février 2014

EST-CE LE « RETOUR » DES ANNEES 30?

In ARTICLES, ETUDES ET REFLEXIONS, SUJETS D'ACTUALITE on janvier 29, 2014 at 1:46

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Lorsque ce 26 janvier 2014, en pleins Champs-Elysées, l’on a pu entendre des énergumènes, infiltrés dans une foule encolérée, « gueuler » – que l’on veuille bien pardonner la brutalité du vocable: « Juif, la France n’est pas à toi » et autres slogans antisémites, et cela, au moins jusqu’à présent, dans une complète impunité cette interrogation est fortement revenue à l’esprit. Ces années-là, qui ont précédé la seconde Guerre mondiale et la tentative d’annihilation des Juifs,  l’antisémitisme s’autorisait déjà à passer à l’acte et à investir l’espace public. On sait – mais le sait on vraiment? – ce qui s’en est suivi. C’est pourquoi toutes les questions doivent être posées et il faut ne se priver d’aucun instrument d’analyse permettant à chacun et à chacune de se faire son idée de la situation et éventuellement de prendre les décisions, individuelles et collectives, qu’elle requiert .

I.

A l’évidence, chronologiquement parlant, nous ne sommes pas – ou plus – dans ces années-là. Contrairement à une formule plus souvent rabâchée que comprise, l’Histoire ne se répète pas. Ces années-là, l’Europe émergeait difficilement d’une guerre totale, exterminatrice, qui avait laissé exsangues et mentalement disloqués ses deux principaux belligérants: la France et l’Allemagne. Depuis le début des années 20, un caporal de l’armée vaincue du Reich, ne rêvait que de revanche et avait désigné les Juifs comme l’entité maléfique, une organisation de traîtres qui avaient poignardés le Reich dans le dos en préparant la révolution mondiale par Bolcheviques interposés. Ces années-là,  le monde dit capitaliste éprouvait les répliques destructrices du séisme de 1929 tandis que le monde littéraire découvrait Céline, son « Voyage au bout de la nuit », puis « Bagatelles pour un massacre » et « L’Ecole des cadavres ». Le monde  des philosophes continuait de commenter « Sein und Zeit » de Martin Heidegger, paru en 1927, et sa thématique de la déréliction. Les psychanalystes décortiquaient « Malaise dans la civilisation » paru en 1929. L’Etat d’Israël n’existait pas et l’antisémitisme, mondain ou prolétarien, se donnait les coudées franches. Les juges allemands commençaient à  avoir peur. Les Juifs, quant à eux, pouvaient  croire à la résistance des démocraties et se considéraient pour la plupart comme la chair de la chair des pays dont ils étaient devenus les citoyens. La guerre d’Espagne éclata en 1936. Les régimes hitlériens et mussoliniens en firent la  terre d’essai de leurs techniques guerrières et de leurs armements anti-civils. La France devenait électoralement parlant celle du Front Populaire dirigé pour ses ennemis par un Léon Blum socialiste et donc juif, ou l’inverse. La deuxième guerre mondiale éclata en septembre 1939. En 1940 la France était occupée par la Wehrmacht et par la Gestapo. Le 16 juillet 1942 les Juifs de la région parisienne furent collectivement raflés  dans l’attente de leur déportation. A partir de 1943 l’aviation alliée procédait  à des bombardements massifs des villes allemandes, causant des centaines de milliers de morts. Le 27 janvier 1945 le camp d’extermination d’Auschwitz était libéré et révélait son horreur. Les 6 et 9 août 1945 les villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki  se voyaient anéanties par deux explosions atomiques. Le 14 mai1948, l’Etat d’Israël était créé. Et le 26 janvier 2014 étaient éructés sur l’avenue principale de la  Ville-lumière les slogans précités. L’Histoire se répète t-elle, sachant comme l’a écrit Freud qu’en ces domaines  la répétition, mouvement électif de la pulsion de mort, est diabolique?

Chronologiquement parlant l’Histoire ne se répète pas, au sens de l’itération mécanique. Faut-il pour autant s’aveugler sur le cours qu’elle peut prendre? En réalité, dans certaines de ses zones spécifiques, l’Histoire n’a pas besoin de se répéter. Il lui suffit de se poursuivre. Les spécialistes des sciences  humaines et sociales savent que sous la discontinuité des événements – dont certains sont intentionnellement fabriqués – des constantes sont notables, des continuités profondes repérables. Il faut les identifier tout en se prémunissant contre ce que Marc Bloch dénonçait à juste titre comme « le démon de l’analogie ». La France de 2014, membre déterminant de l’Union européenne et dirigée  depuis 2012 par un président socialiste, ou affiché sous cette identité politique, n’est pas celle des années 30. Certes, mais des éléments comparables  sinon analogues doivent être relevés, sans les extrapoler indûment. En matière de pathologie personnelle ou individuelle aucun symptôme, aucun indicateur ne doit être négligé.

II.

Tout d’abord l’on ne saurait se rassurer à bon compte en mettant les manifestations actuelles d’antisémitisme sur le compte d’une « minorité ». Dans la vie individuelle comme dans la vie politique  doit être comprise l’évolutivité des phénomènes en cause. Mein  Kampf date de 1925. Hitler accède à la chancellerie du Reich en 1933, huit années après. Et c’est en 1939, soit encore six années après, qu’éclate la seconde Guerre mondiale. Durant toutes ces 15 années intermédiaires d’éminents diplomates, des écrivains, des chefs d’entreprise, des hommes de foi, des hommes d’Etat ont cru qu’il était possible de discuter avec Hitler, qu’il était accessible au principe de raison suffisante. Sauf que la pathologie qui l’avait investi n’était pas ou n’était plus accessible à ce principe. Autrement, et entre autres, eût-il attaqué l’URSS en 1942 après avoir signé un pacte avec Staline trois années auparavant?  Tout en se gardant d’amalgamer les périodes et les dates, c’est dès 1945 qu’un écrivain français et catholique d’envergure comme François Mauriac relève la reviviscence de l’antisémitisme en France, pour ne pas dire son « retour ». C’est dans les années 70 que le phénomène négationniste éclate à son tour. C’est en 2000 que plusieurs observateurs dénoncent « le nouvel antisémitisme » à visage islamiste et d’extrême gauche en se heurtant au déni de réalité des autorités politiques et judiciaire d’alors. 14 années – pas moins – se sont écoulées depuis et c’est peu dire que cet antisémitisme ne s’est pas résorbé. En janvier 2014, plus de 5,000 spectateurs sont prêts à faire au Zénith de Nantes une ovation à un prétendu « comique » dont ils ne veulent pas savoir qu’il a été condamné pénalement pour antisémitisme et haine raciale. L’Histoire ne se répète sans doute pas mais ces continuités sont flagrantes. Un torchon comme « Rivarol » en vente libre se replace dans les traces de « Je suis Partout » et son éditorialiste trempe sa plume dans la même encre que Brasillach. Un hebdomadaire de gauche, bien pensant  mais répugnant à trancher et en profonde confusion idéologique, conçoit sa couverture en forme de fausse fenêtre et place sur le même plan les suppôts de l’antisémitisme rabique et des journalistes ou écrivains qui ont le tort de ne pas être du même bord que lui.

Une différence de taille doit pourtant être relevée et au regard des années 30 et à celui du début de la décennie 2000. Cette fois l’Etat ne laisse pas faire. Depuis les années 60, l’arsenal législatif s’est renforcé. En 2005 Jacques Chirac reconnaît la responsabilité de l’Etat dans la persécution et la déportation des Juifs de France durant l’Occupation et la Collaboration. Ce discours est intégré dans la jurisprudence du Conseil d’Etat et fera référence dans son ordonnance du 16 janvier dernier qui confirme la légalité de l’interdiction préfectorale frappant le spectacle-meeting du prétendu «  comique ». Dans toute cette affaire, le ministre de l’Intérieur, soutenu par le président de la République et par la garde des Sceaux, elle même cible de propos racistes odieux en raison de la couleur de sa peau – ô Gaston Monnerville ! -, Manuel Valls donc a tenu bon. Le « comique » en question fait l’objet de plaintes pénales qui sans doute aggraveront les précédentes. Cette fois, et sous peine d’emprisonnement, il est acculé à payer les amendes dont l’organisation de son insolvabilité lui a permis de neutraliser l’impact. Les principales autorités religieuses du pays condamnent sans ambiguïté ces manifestations de haine, la perversion des esprits qu’elles encouragent, les dangers qu’elles font courir à la démocratie française dans son ensemble. De nouvelles initiatives sont prises au Parlement pour renforcer, encore et encore, le dispositif législatif qui devrait dissuader les propagateurs de cette haine à la fois froide et délirante de sévir impunément. Pourtant, l’inquiétude reste vive, les esprits troublés, l’avenir incertain. Pourquoi?

III.

 Pour tenter de répondre à cette interrogation plusieurs écueils doivent être évités mais le respect du principe de réalité doit également conserver sa prééminence.  Il faut en particulier prendre garde à ne pas conglomérer entre eux des éléments négatifs pour finir par se convaincre et convaincre autrui que la situation est sans issue et qu’elle ne saurait engendrer que désespoir et impuissance. Cette précaution prise, l’exercice d’une pleine lucidité est salutaire. La lutte contre l’antisémitisme et contre l’anti-judaïsme exige la conjonction de plusieurs solidités, sociales et culturelles, juridiques et politiques. C’est sur ces plans que de fortes vulnérabilités sont apparentes et préoccupantes.

Il semble d’abord que la décision de Manuels Valls  lui coûte  plusieurs points de popularité dans les sondages; que la décision d’interdire le spectacle du « comique » ait rebuté notamment une frange de la  jeunesse. Si son recul ne surprend pas parmi les militants du Front National, dans la  jeunesse, ou ce qui est désigné de ce terme, il doit être analysé attentivement. Dans un livre-bilan qui soulève bien plus de questions qu’il n’en résout: « La fin des sociétés », le sociologue Alain Touraine use de formules parfois surprenantes et qui pourraient être mal comprises, notamment l’affirmation selon laquelle dans la phase actuelle de la vie collective les droits doivent l’emporter sur la Loi. L’assertion fera frémir les juristes, les éthiciens et jusqu’aux psychanalystes, sans parler des croyants. Elle demanderait un commentaire plus développé mais en son énoncé même elle a fonction de symptôme. Une société en crise depuis le début des années 70, qui peine à fournir des emplois et des logements, qui a substitué l’Etat-percepteur à l’Etat providence, ne peut en outre devenir une société des censures. Au contraire, le désir de chacun est à lui même sa propre loi, qu’il s’agisse des idées, du sexe ou de l’image du corps. Et cette loi individualisée s’adosse sur des droits collectifs également absolutisés. En somme il est vraiment interdit d’interdire. Le fait même de l’interdiction obnubile son objet qui disparaît de l’écran, qu’il s’agisse d’une rave partie ou d’un spectacle antijuif. L’exercice du discernement passe après la satisfaction ludique et la manifestation de la toute puissance de soi qui est l’envers du sentiment de précarité et d’impuissance qui afflige la société du chômage et des plans sociaux à répétition.

C’est sans doute pourquoi des juristes patentés ont tiré à boulets rouges contre l’ordonnance du Conseil d’Etat au nom de la liberté d’expression. Le plus préoccupant à ce propos est cette fois la  méconnaissance de quelques principes essentiels de l’ordre juridique et de ce qu’il est convenu d’appeler l’Etat de droit en France, à commencer par la distinction entre autorité administrative – laquelle doit intervenir à titre préventif en cas de risques pour l’ordre public, et l’autorité judiciaire qui  intervient après-coup, l’action de ces deux autorités devant être nécessairement coordonnée au niveau d’un gouvernement dûment informé. Il est préoccupant de constater que pour des juristes diplômés, l’imputation d’antisémitisme avéré, judiciairement condamné, doit s’effacer devant l’expression soudainement absolutisée d’une liberté quelle qu’elle soit, comme si la liberté d’expression n’était pas limitée légalement  et comme si tout autre liberté devait s’effacer devant elle, notamment celle d’aller et de venir librement sans se voir menacé physiquement ni sentir sa vie en danger. La tuerie de Toulouse du 19 mars 2012 n’a produit à cet égard aucun enseignement.

Reste l’Etat et plus particulièrement l’Exécutif. Pour que l’Etat puisse exercer réellement son autorité il faut qu’il en ait une. L’autorité de se décrète pas. Elle naît de trois facteurs puissants et sans alternative: les résultats obtenus, la préservation de la cohésion nationale  et sociétale,  et la crédibilité personnelle. Quant aux résultats, en dépit du ressassement d’une formule incantatoire et d’une prédiction  conjuratoire la courbe du chômage ne s’inverse toujours pas, à presque deux ans de présidence Hollande. Pour la préservation de la cohésion du pays, la loi autorisant le mariage  homosexuel a sans doute satisfait quelques milliers de personnes. Elle a fait verser des centaines de milliers d’autres, agressées au cœur de leurs croyances, dans une opposition réfractaire et irréductible. Quant à la crédibilité personnelle du président de la République, il est à craindre que les révélations de la presse à scandales et que les ouragans médiatiques qui en ont résulté ne la confortent  guère, pour user d’une litote.

En conclusion – provisoire – nous ne sommes pas dans un retour des années 30. Nous sommes bien en 2014. Par bien des aspects, sur la pente prise et qui ne cesse de s’accentuer, dans les nouvelles configurations sociales et mentales de la France, ça n’est pas plus rassurant.

 Raphaël Draï

Bloc-Notes: Semaine du 20 Janvier 2014

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on janvier 28, 2014 at 11:08

21 janvier.

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Avec les affaires de cœur du Président de la République, ce n’est pas seulement la séparation entre la sphère privée et la sphère publique qui se trouve mise en question. On l’a déjà dit, le domaine privé, celui du secret et de l’intime, ne mérite plus ce qualificatif lorsqu’il déborde dans les rues, sur les places et dans les médias. Il appartient aux personnes concernées d’y veiller. La véritable question est, semble t-il, celle de l’autorité dans l’Etat. A ce niveau, l’autorité ne se décrète pas. Elle résulte de la crédibilité de ceux et de celles qui s’en prévalent et cette crédibilité est elle-même assujettie à leurs conduites et à leur comportement. C’est justement l’apport de penseurs d’envergure comme John Dewey ou Michael Oakeshott d’avoir insisté à propos de la démocratie non pas sur les épures institutionnelles, finalement abstraites, mais sur la conduite vérifiable des gouvernants et des gouvernés, sur la cohérence entre les valeurs invoquées et leur incarnation, sous peine de voir ces valeurs démonétisées et ridiculisées. L’Elysée est sans doute le plus haut lieu de la République politique. Dans ses murs se tiennent les conseils des ministres, les conférences de presse, les cérémonies prestigieuses. Apprendre que s’y profèrent les hauts-cris et qu’y éclatent des scènes de ménage l’expose à une dangereuse désaffectation symbolique. On ne concevrait pas un show de Madonna à Notre-Dame de Paris. C’est d’ailleurs le sujet du roman le plus cru de Zola dans la série des Rougon-Macquart: «Pot Bouille» qui décrit l’envers bourbeux des immeubles bourgeois, lorsque les servantes nettoient les pots de chambre de leurs maîtres et qu’elles y  vont de leur analyse salace. « Pot Bouille » conduit à « La Débâcle ». S’agissant du président de la République, ses « communicants » patentés sauront certainement emballer le paquet et lui faire prononcer les mots pesés dont ils sont convaincus que c’est ceux-là qui ramèneront le calme dans les esprits et préserveront les fictions en cours. Il est trop tôt pour le savoir. Les traumatismes politiques ressemblent parfois aux hémorragies internes. Les dégâts n’en  sont pas visibles immédiatement. Cet « envers de l’histoire contemporaine » ramène la politique aux degrés d’en dessous du zéro d’autant que les autres indicateurs, notamment économiques, ne sont pas brillants. Dans sa dernière conférence de presse le président de la République, éludant  les questions sur sa vie « priblique », a cru bon de lancer la boule du « pacte de responsabilité » dans le jeu de quilles de ses opposants. La courbe du chômage n’en a cure s’il faut en croire les chiffres qui déjà circulent à ce sujet. Sur les murs de Paris sont collées des affichettes avec le slogan  sub-méditerranéen: « Dégage! ». Ce n’est pas seulement qu’il soit désobligeant et même injurieux pour l’impétrant. On ne peut surtout ignorer l’état des pays où il a été mis en oeuvre.

23 janvier.

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Conférence sur la Syrie à Paris avec Laurent Fabius comme maître des cérémonies. Indépendamment du sujet lui même, le ministre français des Affaires étrangères doit être salué comme le plus discret du gouvernement, celui qui accomplit sa tâche par tous les temps, sur tous les continents, sans dimanche ni jours fériés. Compte tenu de son CV, son mérite n’est pas mince puisque  cette discrétion n’est pas le résultat de son insignifiance. Qui sait ce que sera son avenir? En France, toutes les opinions, toutes les analyses sont frappées de précarité en attendant le résultat des élections municipales et surtout des élections européennes. Revenant à la Syrie, l’état des lieux permet de s’interroger une fois de plus sur la nature du monde arabo-musulman. Ses tropismes ancestraux le portent à l’expansion indéfinie du Dar El Islam mais en son sein ce ne sont que guerres, schismes, luttes fratricides, attentats criminels. Sur le champ de bataille syrien, Bachar El Assad ne cède toujours pas. Kerry a beau fulminer, son homologue russe n’en démord pas, et considère que le territoire syrien est stratégiquement vital pour l’empire de Poutine qui voudrait ressusciter celui des tsars, en intégrant dans leur lignée Staline et Lénine. On pensait le djihad réservé aux non-musulmans. En réalité il sévit aussi contre les musulmans jugés hérétiques ou parjures, sans que l’on puisse se faire une idée claire de ce que sont en cet univers l’hérésie et l’abjuration. L’Egypte s’est livrée à un référendum dont les résultats confirment non pas les progrès nilotiques de la démocratie mais l’ampleur des simulacres qui y sont agencés. Ce qui n’empêche pas le groupe des 22 Etats arabo-musulmans membres de l’Unesco de se liguer pour interdire une exposition sur le peuple juif et la terre d’Israël (voir « L’Unesco entre forfaiture et hypocrisie »). Israël ou « l’ennemi providentiel », comme dirait Carl Schmitt.

26 janvier.

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« Lumières d’été » de Jean Grémillon, Madeleine Robinson, Paul Bernard, Madeleine Renaud, Pierre Brasseur, Georges Marchal et d’autres, sont magistralement dirigés. Ils sont beaux, convaincants, oniriques dans cette lumière nue, toutefois passablement désincarnés au regard de l’époque. Le film est de 1942. Les peines de cœur sont attachantes mais l’on éprouve bien de la peine à voir les films ou à lire les livres de ces années là dont certains sont à n’en pas douter des chefs d’oeuvre et sont canonisés dans le Panthéon des grands classiques. Les « Visiteurs du soir » de Carné   sont également de 1942. Il faut se méfier des « flash-backs » en direction de cette époque lorsque des caméras tournaient, des pages se noircissaient, des théâtres affichaient « complet » tandis que des hommes et des femmes étaient déportés, torturés, réduits en loques et lambeaux avant de se voir transformés en cendre et en poussière de ci-devant humains. Même impression d’autre monde en compulsant les fichiers de thèses et de mémoires universitaires soutenus ces années là, en constatant  que le spectacle des idées s’était poursuivi à la Sorbonne ou dans les autres facultés de province d’où les enseignants de la stature  de Léon Brunschvicg, Jean Wahl, Raymond Aron, Vladimir Jankélévitch avaient été rayés des cadres pour cause d’origine juive. L’époque n’était pas tout à fait rationnelle. A suivre ces « lois » raciales, il eût fallu aussi décrocher les crucifix de toutes les cathédrales, églises et chapelles de France. De cette époque  défigurée, qu’est-ce qui suinte encore et toujours dans la nôtre?

 RD

L’UNESCO ENTRE FORFAITURE ET HYPOCRISIE

In ARTICLES, ETUDES ET REFLEXIONS, SUJETS D'ACTUALITE on janvier 23, 2014 at 11:58

I.

Le slogan de l’UNESCO pour le XXIème siècle est formulé en ces termes: « Construire la Paix dans l’esprit des hommes et des femmes ». Autant dire  qu’outre sa destination vers l’extérieur des murs de l’institution internationale sise à Paris, au métro Ségur, ce slogan la rappelle en tant que de besoin à sa vocation initiale, celle qui a justifié sa création à côté de l’ONU en 1945. Que son siège ait été fixé à Paris n’est pas sans signification non plus: si la Wehrmacht a défilé sur les Champs-Elysées, elle n’a pas eu l’occasion de parader à Picadilly Circus. Pour un individu comme pour une institution, la forfaiture qualifie un manquement grave, injustifiable et conscient à sa raison d’être. C’est donc ce risque qu’encourt cette institution internationale après l’annulation, maquillée en report, d’une exposition consacrée au peuple juif et à son lien avec la terre d’Israël. Une annulation qui a provoqué tant de réactions scandalisées qu’il a bien fallu que la direction générale de l’UNESCO fasse légèrement marche arrière et qu’elle transforme l’annulation définitive en « report »; comme quoi dans le jeu des institutions internationales la règle prédominante est non pas la paix des esprits mais la capacité d’affronter un rapport de forces, y compris dans le monde qui se proclame celui de la culture. Car la faute de la direction actuelle de l’institution, incarnée par la bulgare Irina Bokova, vouée à l’objectif précité, est à deux versants.

En premier lieu elle a cédé à la pression du groupe des Etats arabes, ou qualifiés comme tels, au motif qu’une telle exposition mettrait en danger les négociations israélo-palestiniennes dont chacun sait qu’elles se déroulent  précisément à la station Ségur! On s’étonnera ainsi qu’un groupe de 22 Etats arabes et musulmans soit constitué à l’UNESCO alors qu’à notre connaissance aucun autre groupe ethnique et confessionnel analogue n’y figure. En vérité, depuis que l’Autorité palestinienne a été admise comme membre de cette institution, celle-ci a été intégrée dans le champ stratégique constitué partout où il est possible contre l’Etat d’Israël. En ce sens, la politique, sous sa forme la plus détestable, a saisi le culturel, sous sa modalité la plus idéale.

Ce type de comportements n’est pas nouveau. On le croyait toutefois réservé à l’ONU, à son Assemblée générale et à  ses diverses  institutions connexes, comités et sous-comités.  Heureusement, un verrou fonctionne encore au Conseil de Sécurité, sous la forme du veto américain pour l’essentiel. On imagine d’ailleurs sans peine en quelle arène tauromachique cette même Assemblée générale serait transformée si l’Autorité palestinienne y accédait au rang d’Etat membre. Le groupe, on devrait dire, compte tenu de leur façon d’agir: la bande des Etats arabo-islamiques, renforcée d’un Etat palestinien agissant comme aiguillon, ne tarderait pas à organiser l’expulsion  du seul  Etat « juif » de cette organisation dont la paix là aussi est l’enseigne officielle principale.

A l’Unesco, pour y revenir, parée du slogan de la paix – et de la paix  tenons nous bien dans les esprits, ce groupe d’Etats chasse déjà en meute. Lorsqu’une activité ou une ligne programmatique lui déplaît, il est désormais en mesure d’exercer une pression suffisamment forte sur ses instances dirigeantes pour leur dicter sa loi. Loi dérisoire car dans les nombreuses réactions à la décision d’« annulation – report  » est chaque fois souligné à quel point chacun de ces 22  Etats éprouve de la difficulté à faire régner la paix civile à l’intérieur de ses frontières et à répondre aux aspirations de sa propre population. En revanche – c’est le cas de le dire – la haine d’Israël y est le plus sûr facteur d’aimantation collective. En l’occurrence, la directrice actuelle de l’ONU a manifestement manqué à sa responsabilité primordiale: faire respecter quoi qu’il puisse en coûter la vocation de l’institution internationale qu’elle a voulu diriger. Dans la vie personnelle comme dans la vie publique, il n’est pire plaie que de prétendre a des responsabilités pour lesquelles on n’a pas été taillé(e) et que l’on n’assume pas. De ce point de vue, la reculade dans la reculade des institutions dirigeantes de l’UNESCO, ajoutant l’hypocrisie à la forfaiture, et contraintes de n’évoquer à présent, on l’a dit, qu’un «report», ne fera qu’aggraver la suspicion pour ne pas dire le discrédit qui l’affecte auprès d’hommes et de femmes pour qui le mot « paix » n’est pas le faux nez du mot « guerre » et qui ne se sont jamais insurgés lorsque la culture islamique, là ou ailleurs, a été célébrée et mise en évidence pour un public qui n’y avait pas spontanément accès. Voilà pour le décalage entre la vocation officielle et le fonctionnement effectif. Reste le fond.

II.

 Au fond, ce que le groupe des Etats arabes affiliés à l’UNESCO n’a pas toléré, c’est qu’une exposition mette en évidence le lien du peuple juif avec la terre d’Israël. Ce lien ne doit pas exister puisque les ennemis de l’Etat d’Israël et leurs alliés ont décrété son inexistence et qu’ils l’ont frappé d’interdit. De ce point de vue également, la dimension  spécifiquement politique de cet anti-sionisme qui est bien une maladie de la raison, le cède à une autre affliction de l’esprit: le révisionnisme, lequel n’a pas qu’une face. Pour les suppôts initiaux de cette pathologie mentale les chambres à gaz n’ont pas réellement existé. De même pour le révisionnisme à visage islamique, il n’y a pas de lien  entre l’Etat d’Israël et le peuple juif, ni entre le peuple juif et cette terre dont le nom de « Palestina »  lui a été conféré par la Rome impériale avant la naissance de l’Islam. Sur cette lancée, les récits bibliques qui remontent à l’aube de la conscience humaine ne sont qu’inventions, forgeries et lubies de même que les récits évangéliques,  sauf lorsqu’ils sont sollicités pour faire la preuve de l’immémorialité de la parole coranique. A cet égard Abraham a été le premier musulman, à moins que ce ne fût Adam dont l’épouse, Eve la pécheresse,  inventa, à n’en pas douter, le premier voile féminin de la Création. Le dernier venu parmi les peuples se réclamant du monothéisme n’a eu et n’a de cesse de cesse que d’en expulser les deux premiers pour s’y subroger théologiquement et pour s’établir physiquement à leur place en réclamant de leur part obédience religieuse et soumission politique. Ce révisionnisme, encore innommé comme il le devrait, n’opère pas exclusivement à l’encontre de l’histoire des Juifs et des chrétiens. Il sévit à rebours de la véritable histoire d’un Islam très vite sorti des limites de son Arabie natale pour se lancer militairement à la conquête de la totalité du monde connu et habité, faisant presque oublier l’Empire romain tout en retrouvant les balises. Toutes les terres conquises hors de ces limites n’ont pas été subjuguées sur le seul plan militaire et politique. Elles ont été dés-identifiées, linguistiquement, topographiquement et du point de vue mémoriel. Les théologies des peuples concernés ont été elles aussi mises au format des conquérants. La  seule mémoire acceptable fut précisément celle qui justifiait ces conquêtes par vive force puis les emprises sur le corps et sur  les esprits  qui en résultaient.

Une emprise qui ne fut  pas toujours entérinée par ses objets. Dés que les populations dominées furent en mesure de prendre les armes, elles entreprirent comme en Espagne la reconquête de leurs terres premières. Et ce fut au tour des populations islamisées d’être subjuguées et parfois contraintes à l’exil, à moins de se convertir. C’est cette  entreprise de conquête et de domination universelle qui explique, sans bien  sûr le  justifier, le barrage érigé, mentalement phobique, contre les entreprises de remémoration concernant les terres conquises par les armées mahométanes. Ce n’est pas seulement qu’elles aboutissent à mettre en cause la souveraineté originelle de l’Islam géographique, si l’on pouvait ainsi le caractériser. Elles rappellent du même coup un autre fait « originel » et source de dé-légitimation  morale et juridique: le  fait même de ces  conquêtes violentes, par force armée  et pillages, de terres situées parfois  à des milliers de kilomètres de l’Arabie. Et cela dans une phase du temps actuel qualifié  de « post-colonial », après qu’ont été durement mises en cause les emprises colonialistes occidentales des XIXème et XXème siècles. En somme, si l’anti-colonialisme stigmatise des régimes d’exploitation invétérée préparés par des conquêtes violentes, l’Islam politique et militaire n’en est pas exempt. Au contraire: il en constitue l’une des configurations  patentes. Au lieu de l’admettre et d’en tirer les enseignements, les Etats arabes  décolonisés, au sens de l’Occident, ne veulent plus entendre évoquer leur propre origine prédatrice et interdisent que d’une manière ou d’une autre ces faits  brutalement refoulés reviennent  dans le réel.

On ne se serait pas livré à cette analyse si, précisément, la vocation de l’Unesco, définie par ses propres instances, n’avait pas été de bâtir la paix dans les esprits. La notion même d’esprit se trouve déniée par ces pressions de masse multitudinaires qui ne  peuvent se rapporter  à rien d’autre en effet qu’à un inavouable révisionnisme  propagé par tous les moyens du terrorisme diplomatique et culturel, si ces qualificatifs pouvaient le moins du monde s’accoler à un substantif de cette nature.

La paix dans les esprits  ne sera qu’un vain slogan tant que l’Islam, au sens expansif, n’acceptera pas un double bornage: le premier théologique, celui d’être un visage du monothéisme, et un seul, apparu après les deux premiers et s’étant d’ailleurs nourri d’eux; et l’autre, politique et culturel: l’univers existait avant que l’Islam n’advînt et il en a conservé une mémoire plus que vive.

On ne terrorise pas la mémoire de l’humanité.

Raphaël Draï zatsal, 23 Janvier 2014

DIEUDONNE, SUITE, MAIS NON PAS… FIN – Actu J 23 Janvier

In ActuJ, SUJETS D'ACTUALITE on janvier 22, 2014 at 11:06

Dans « l’affaire Dieudonné », l’on pouvait penser que le recours à la justice était le plus sûr moyen  de régler définitivement le grave conflit  en cause et de respecter l’Etat de droit. C’est en ce sens que la décision initiale du Tribunal administratif de Nantes, saisi en urgence par les conseils du « comique », selon la procédure dite du référé-liberté, et autorisant la tenue de son spectacle, pouvait susciter de légitimes préoccupations. N’avait été l’appel intenté contre cette décision, également en urgence, par le Ministre de l’intérieur on imagine sans peine l’exultation d’un Dieudonné  pénétrant sur la scène du « Zénith », acclamé par 5 000 spectateurs, et faisant entonner « Shoah Ananas ». Seulement, le Conseil d’Etat, lui, a validé la décision préfectorale annulant ce prétendu spectacle pour risques de troubles à l’ordre public et  atteinte antisémite au principe du  respect de la dignité humaine. Lorsque dans les heures qui ont suivi l’ordonnance de la plus haute juridiction administrative, Dieudonné lui même affirmait renoncer à ce « spectacle » aux saillies antijuives et qu’il n’y avait plus d’« affaire » affligée de son nom, l’on pouvait certes se rassurer au titre du respect de l’Etat de droit et du retour au calme. Il  a fallu rapidement déchanter pour au moins trois raisons. La première est liée à la réaction de certains juristes tirant à vue sur le Conseil d’Etat et mettant en cause la validité de son ordonnance. A  leurs yeux, le respect de l’Etat de droit en France prohibe, en matière de liberté d’expression,  les interdictions préventives et générales assimilables à une véritable censure anti-démocratique. Si Dieudonné devait être sanctionné c’était, éventuellement, à titre proprement répressif, au cas où il aurait repris ses sketches marqués d’antisémitisme. Cette critique apparaît, elle-même, fortement critiquable en ce qu’elle méconnaît la différence capitale entre autorité administrative et autorité judiciaire. La première est fondée à intervenir préventivement  en cas de risque sérieux et avéré de trouble à l’ordre public. Or, d’une part, l’ordonnance du Conseil d’Etat rappelle par sa jurisprudence que Dieudonné a déjà fait l’objet de sept condamnations pénales pour antisémitisme, dont plusieurs à titre définitif, et d’autre part que l’antisémitisme, depuis la déclaration de Jacques Chirac  en 1995  sur l’emplacement du Vel d’Hiv, est par lui- même constitutif du trouble à l’ordre public tel qu’il est entendu en droit public. L’antisémitisme, quelles qu’en soient les manifestations, est antinomique avec le concept de liberté, quelles qu’en soient les expressions. C’est pourquoi aussi l’ordonnance du Conseil d’Etat a été suivie par les tribunaux administratifs de Tours et d’Orléans et qu’elle a été invariablement confirmée par la Haute Juridiction. Il n’empêche que cette position a été, tout aussitôt, obliquement imputée au magistrat qui avait présidée l’instance d’appel, en raison de ses « origines ». Imputation odieuse relevée par le Vice-Président de l’éminente juridiction, lequel  rappelait que le même magistrat avait présidé, il y a peu de temps, l’instance autorisant le Front National  à tenir son université d’été. On relèvera alors dans la foulée la polémique opposant Philipe Bilger, ancien magistrat, et Jean- François Copé lequel avait approuvé l’ordonnance du Conseil. Pour ce magistrat reconverti dans la parole polémique, le président de l’UMP avait pris une position « communautariste ». Disons le  en  clair: en raison de ses « origines ». Certes Jean- François Copé a répliqué à ces insinuations mais il eût été sans doute préférable que  cette réponse enfonce le clou. La réplique s’est formulée sur le mode encotonné de la prétérition. Combien sont-ils à penser à voix haute ou à voix basse comme Philipe Bilger, institué porte-parole de l’on ne sait quelle majorité silencieuse devant l’on ne sait quelle lobby? On relèvera encore la réaction de Marine le Pen, d’abord fort précautionneuse en la matière. Elle aussi s’est déchaînée contre un Conseil d’Etat jugé liberticide et s’est inscrite dans le camp de Dieudonné. Il faut souligner enfin que si, à la suite  de ses décisions courageuses et qui lui confèrent une véritable stature d’homme d’Etat, Manuel Valls perd quelques points dans certains sondages, il est en recul surtout parmi les militants et sympathisants de la formation dirigée par Marine le Pen dont le naturel idéologique, trop longtemps tenu en bride,  revient ainsi au galop. A l’approche de deux importantes consultations électorales, il importe plus que jamais sous la Vème république de conforter le lien entre liberté et responsabilité. A suivre…

Raphaël Draï – Actu J 23 Janvier

Bloc-Notes: Semaine du 13 Janvier 2014

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on janvier 20, 2014 at 9:47

15 janvier

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« Vous avez vu ce qu’il a fait à cette pauvre Trierweiler » demande dans l’autobus une dame aux cheveux mauves à sa vis- à – vis, munie des premiers brins de mimosa. Et celle-ci de répondre, comme si elle était de la famille: «  Il faut dire qu’elle n’était pas très sympathique!  La « nouvelle » est beaucoup mieux ». Vie privée? Vie publique? Une vie privée qui se commente dans les autobus de la RATP est elle encore privée? Et imaginons un instant, ce qu’à Cupidon ne plaise, que le président de la République, juché sur un scooter la nuit venue pour s’en aller rejoindre « la nouvelle » glisse, chute et que sa tête heurte le trottoir. Vie privée? Vie publique? Accident du travail ou coup du sort? Le fils de Louis-Philippe est mort après que son cheval avait buté sur une dénivellation de pavé  parisien, rue de la Révolte. Gardons nous cependant de toute  grandiloquence et évitons de citer pour la  nième fois la phrase – d’ailleurs sortie du contexte – de Malraux relative à la vie: « ce misérable petit tas de secrets ». Tous les philosophes, sans parler des psychanalystes, ont insisté sur le caractère composite et parfois totalement clivé de la personnalité humaine. Le jour ceci, le soir cela, et à minuit autre chose, ou quelqu’un d’autre. A quoi l’on objectera que nul n’a l’obligation d’être candidat à la magistrature suprême de son pays et que lorsqu’on y prétend il faut se soucier d’une cohérence minimale des comportements. DSK, pour le désigner par son sigle, a chèrement payé pour s’en persuader. Alors que le chômage ne cesse de progresser en France, que l’affaire Dieudonné y signale un taux élevé d’anoxie, que le budget dérape à cause de l’atonie des rentrées fiscales; alors que l’on ne parle plus que d’exil, d’évasion et du recrutement de djihadistes français par centaines sur les fronts syriens, voilà à quoi est occupée la sphère politique: à justifier ou à condamner les ébats du président actuel, chacun mesurant ses paroles à l’aune de ses propres conduites, avouables ou inavouables. On songe irrésistiblement au film de Zhang Ymou « Epouses et concubines » sur le  jeu de chaises musicales composé par le seigneur des Lieux, Chen Zuo Quiam, entre les nombreuses concubines qui exaltent en son logis, selon l’ordre par lui prescrit et la faveur de l’instant, son hyper-virilité. Qu’en sortira t-il? L’image du président de la République sera t-elle un peu plus dégradée? Se poser la question c’est supposer qu’il dispose encore d’une image. « Vous verrez » dit ce spécialiste des médias « il finira par épouser Valérie ou Julie et cette séquence  sera terminée ». Tout le drame tient dans ce vocabulaire: la vie politique découpée en séquences étanches,  comme un film de série B, avant montage. Dur de descendre de la conception hégélienne de l’Etat comme « accession à la conscience de l’universel » aux photos clandestines de Water-Closer. Un exemple de toute beauté pour les jeunes dealers des quartiers  difficiles, à qui l’on fait la leçon sur le respect d’autrui et la préservation élective du lien social. Mais pour reprendre une phrase célèbre « La question ne sera pas posée ». Ou si peu.

16 janvier.

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En effet selon les confidences d’un agent des RG plusieurs centaines de djihadistes recrutés en France et en Europe  combattraient actuellement sous l’emblème d’Al Qaida, notamment en Syrie, et d’évoquer à ce propos un recrutement « d’usine ». Ce constat ne laisse pas d’être particulièrement préoccupant. Comment expliquer que les RG le sachent et le chiffrent mais qu’ils ne puissent l’empêcher? Ces recrutements ne s’opèrent pas dans n’importe quels quartiers. Les viviers sont connus et recensés. Les filières d’exflitration sont repérées. Pourquoi cette aboulie? Comment des parents peuvent-ils être dupes des prétextes fournis par tel ou tel de leur fils lorsqu’ils savent que celui-ci vient de se convertir à l’Islam, ou à ce qui en tient lieu, et qu’il leur annonce partir en voyage touristique pour plusieurs mois, alors qu’il est sans travail et qu’il vit  la plupart du temps chez papa- maman? Sur le Net circule le texte d’une brève allocution, violemment comminatoire, de Poutine devant le Parlement russe et saluée par une « standing ovation » de plusieurs minutes. Poutine y intime l’ordre aux minorités musulmanes d’obéir non pas à la shariâ  mais à la loi nationale, ou sinon d’aller voir ailleurs si le Prophète saura les accueillir. Puis de citer la France et la Hollande comme exemple de pays islamiquement sinistrés, engagés sur une pente impossible à remonter. A part quoi, le dialogue inter-religieux mondain se poursuit, avec force prières mutuelles et partage de transcendances. Qui niera l’importance du dialogue inter-religieux pour la paix des âmes et pour la paix civile! Mais qui peut s’en contenter lorsque les RG en arrivent au constat de ce prosélytisme fanatisé? Revient irrésistiblement à l’esprit la formule de Tocqueville sur la fête, en apparence unanimiste, de la Fédération en 1790: « On ne parle que de ce qui unit et l’on se tait sur tout ce qui divise ». D’un côté la Tunisie accouche dans la douleur d’une constitution compatible avec les droits de l’Humain, de l’autre Mérah et Dieudonné sont devenus les héros d’une population pulsionnellement déliée, pour qui la vie a moins de piquant  que la survie.

19  janvier.

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Plus les temps sont asphyxiants moins il faut se désister de son esprit et jeter son âme aux orties. Le recueil des discours et allocutions prononcés par les prix Nobel  de littérature et réunis par Eglal Errera y aide grandement. Dans chacun de ces textes s’entend  la profession   de foi d’hommes et de femmes brusquement promus à la dimension  planétaire par la  volonté posthume  d’un inventeur qui avait su ne mettre au point que des explosifs. Exemple réussi de blanchiment moral ? Peu importe. Ces « bilans » de romanciers, de poètes ou de philosophes sont  revigorants. L’Académie suédoise tient à ne négliger aucune langue, aucun genre, aucune religion. Une fois ces  textes lus pour eux mêmes, l’on est porté à les rapprocher en grandes transversales, découvrant d’étonnants points communs entre celui du chrétien Mauriac et celui du juif  Agnon, l’un citant l’Evangile et l’autre le Talmud ;  entre Camus et Bellow, entre Sefeirt  le tchèque et Nelly  Sachs, l’allemande, entre Naguib Mahfouz et Isaac Bashevish  Singer. Avec des antinomies irréductibles. L’allocution de Cholokhov est de la pure langue de bois soviétique, servile et stéréotypée. La rapprocher de celle d’Alexandre Soljenitsyne  permet de comprendre pourquoi l’URSS a disparu. On subodore également pour quelle raison Sartre de son côté a refusé le noble prix en 1965: sans doute parce que Mauriac  et Camus l’avaient obtenu avant lui!  Et puis, cette lecture progressant, et la liste des auteurs intégrés dans l’ouvrage rapportée à celle de la liste exhaustive des candidats du Nobel, bien des regrets apparaissent. Dommage que n’y figure pas le discours de Bergson, ni celui de Mommsen, ni celui de Churchill. On se rattrapera  grâce à Bertrand Russell dont la bafouille de remerciements  comporte  des passages  désopilants. Il faut  imaginer d’ailleurs la tête leurs Majestés suédoises en 1950…Et puis il y a tout ceux et toutes celles qui n’ont pas été labellisés «  Nobel » mais qui méritent néanmoins d’être lus: Héraclite, Platon, Plotin, Dante, Maimonide, Ibn Khaldoun, Louise Labé, Leibniz, Somadeva, Molière, Swift, Jane Austen, Proust, Joyce,  etc.. etc..

Bloc-Notes: Semaine du 6 Janvier

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on janvier 14, 2014 at 2:32

9 janvier.

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Je ne sais si la notion de suspense peut avoir cours dans la vie juridictionnelle, mais comment qualifier autrement l’attente qui a marqué ce jeudi la décision du Conseil d’Etat après que le tribunal administratif de Nantes avait autorisé la tenue, si l’on ose dire, du spectacle, si l’on ose dire encore, de Dieudonné maintes fois condamné pénalement pour propos antisémites? Le tribunal de Nantes avait rendu d’urgence son jugement en début d’après midi. A 17 heures 30 la formation ad hoc du Conseil d’Etat se réunissait et pratiquement une heure plus tard la messe était dite: l’annulation préfectorale du « spectacle » se voyait validée légalement ( Cf. « La force de la loi » ).A n’en pas douter, l’ordonnance, pour la qualifier de son nom spécifique, de la plus haute juridiction administrative fera couler beaucoup d’encre. Mais l’encre est moins onéreuse que le sang, même s’il arrive que les deux substances se mélangent. Dans cette « affaire » deux éléments de débat, entre autres, retiennent l’attention. D’abord celui sur la notion même de liberté d’expression. Ses partisans se recrutent dans les deux camps mais pas dans le même sens. Pour les suppôts de Dieudonné, cette liberté doit être inconditionnelle et ses mauvais usages éventuels sanctionnés certes mais après-coup. Autant le dire clairement, sachant, répétons le, que le « comique » a déjà fait l’objet de plusieurs condamnations pénales à ce propos: il faudrait laisser Dieudonné récidiver et, au fond, jouer les ventriloques pour tous ceux et celles qui n’ont pas le courage de déclarer ouvertement leur antisémitisme personnel. Pour ses  adversaires, la liberté-en-soi est à contre-sens. Toute liberté est bornée par le souci d’autrui et ce bornage se nomme responsabilité. C’est sans doute ce qu’en langage légal le Conseil d’Etat vient de rappeler. La liberté ne consiste pas pour un fumeur à jeter son mégot allumé dans la pinède, en plein mois d’août, puis à alerter les pompiers pour éteindre un incendie qui laissera des hectares et des hectares complètement carbonisés. Dans ces conditions, si comme le dit l’adage on a vingt quatre heures pour maudire ses juges, on a plus de temps encore pour les bénir, en toute laïcité. L’autre élément du débat est relatif à l’action même du Ministre de l’Intérieur. Sans avoir besoin de jouer les détectives, ses ennemis ont bien tenté de transformer l’affaire Dieudonné en piège mortel pour le potentiel futur candidat présidentiel dont Manuel Valls prend de plus en plus les dimensions. Les bruits qui courent sur les galipettes du président de la République ne vont pas calmer les janissaires.

10 janvier.

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Les médecins israéliens de plus en plus sceptiques sur l’évolution du coma dans lequel Ariel Sharon est plongé depuis huit années, à supposer qu’un comateux ait le moindre sens de la durée. Dans l’histoire de l’Etat d’Israël, quelle figure aura été plus tragique et controversée que la sienne! Coté pile, la percée du déversoir en 1973 et l’encerclement fatal de l’armée égyptienne ;  côté face la guerre du Liban et le massacre de Sabra et Chatilla. « Il faut juger un homme à son enfer » a écrit Marcel Arland. Comment ne pas y repenser en découvrant chaque jour les massacres qui, cette fois, se déchaînent en République Centre Africaine et, là encore, entre chrétiens et musulmans!  Dans Bangui, la capitale chaotique, les chrétiens qui parviennent à se saisir de musulmans n’en laissent que des tronçons avant de les brûler, tandis que les éléments de la Séléka bombardent  à l’arme lourde les chrétiens réfugiés dans les temples et dans les Eglises. Le tout sous le regard des troupes françaises  qui ne savent où donner du fusil d’assaut et qui ne peuvent plus secourir personne!  Et ces troupes là, contrairement aux unités de l’Armée d’Israël, se trouvent à des milliers de kilomètres du territoire national! La férocité des guerres entre adeptes du monothéisme, en ses différents avatars, doit conduire à s’interroger le Créateur en personne. Le monothéisme « théologique » masque mal l’autre « unithéisme »: l’adoration fanatique de la divinité létale, de  la Pulsion de mort. Nietzsche a évoqué quelque part la philosophie à coup de marteaux. Dans les camps de Beyrouth, à Bangui, au Nigeria, au Darfour, au Mali  c’est de théologie à la machette et au couteau de boucher qu’il est question.  Rien n’assure que le Créateur, comme on l’appelle, y reconnaîtra les siens. Les siens sont plutôt portés à la construction et au prolongement de l’existence. A chacun sa jouissance.

12 janvier.

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Dans l’atmosphère méphitique de l’affaire Dieudonné, achevé la  lecture du roman de Nicolas d’Estienne d’Orves « Les fidélités successives ». Je m’y suis attaché pour tenter de comprendre comment un tout juste quadragénaire revivait, littérairement parlant, la période enténébrée de l’Occupation et de la Collaboration, et comment il expliquait le comportement des bourreaux et des déporteurs, si l’on peut ainsi les qualifier. L’intrigue: deux frères amoureux de la même femme – une demi-sœur qu’ils se disputent passionnellement et sauvagement –  puis qui sont pris dans la schizophrénie du temps, passant d’un camp à l’autre, cette intrigue pourra passer pour passablement compliquée pour ne pas dire embrouillée. Fidélités successives ou simultanées? Pas plus embrouillée que l’époque de référence. L’auteur qui est petit-fils du grand Résistant Honoré d’Estienne d’Orves décrit bien  les allers et retours du bien vers le mal et du mal vers le bien, au bout desquels chacun finit noyé dans le gris de l’équivoque et du refus de choisir vraiment. On s’interrogera aussi sur les personnages « juifs » qui hantent ce récit et qui participent non plus seulement des fantasmes de l’époque mais de ceux du temps actuel. Toutes les nostalgies ne s’équivalent pas. La nostalgie d’une enfance passée auprès des ruisseaux riants où se péchaient les écrevisses   n’est pas celle des années où l’on entassait des hommes, des femmes et  des vieillards disloqués dans des wagons à bestiaux pour en faire moins que de l’engrais. Le mot de « fidélité » a ceci de particulier: il supporte mal les adjectifs, sans parler des « abjectifs ».

Bloc-Notes: Semaine du 6 Janvier

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on janvier 14, 2014 at 2:29

9 janvier.

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Je ne sais si la notion de suspense peut avoir cours dans la vie juridictionnelle, mais comment qualifier autrement l’attente qui a marqué ce jeudi la décision du Conseil d’Etat après que le tribunal administratif de Nantes avait autorisé la tenue, si l’on ose dire, du spectacle, si l’on ose dire encore, de Dieudonné maintes fois condamné pénalement pour propos antisémites? Le tribunal de Nantes avait rendu d’urgence son jugement en début d’après midi. A 17 heures 30 la formation ad hoc du Conseil d’Etat se réunissait et pratiquement une heure plus tard la messe était dite: l’annulation préfectorale du « spectacle » se voyait validée légalement ( Cf. « La force de la loi » ).A n’en pas douter, l’ordonnance, pour la qualifier de son nom spécifique, de la plus haute juridiction administrative fera couler beaucoup d’encre. Mais l’encre est moins onéreuse que le sang, même s’il arrive que les deux substances se mélangent. Dans cette « affaire » deux éléments de débat, entre autres, retiennent l’attention. D’abord celui sur la notion même de liberté d’expression. Ses partisans se recrutent dans les deux camps mais pas dans le même sens. Pour les suppôts de Dieudonné, cette liberté doit être inconditionnelle et ses mauvais usages éventuels sanctionnés certes mais après-coup. Autant le dire clairement, sachant, répétons le, que le « comique » a déjà fait l’objet de plusieurs condamnations pénales à ce propos: il faudrait laisser Dieudonné récidiver et, au fond, jouer les ventriloques pour tous ceux et celles qui n’ont pas le courage de déclarer ouvertement leur antisémitisme personnel. Pour ses  adversaires, la liberté-en-soi est à contre-sens. Toute liberté est bornée par le souci d’autrui et ce bornage se nomme responsabilité. C’est sans doute ce qu’en langage légal le Conseil d’Etat vient de rappeler. La liberté ne consiste pas pour un fumeur à jeter son mégot allumé dans la pinède, en plein mois d’août, puis à alerter les pompiers pour éteindre un incendie qui laissera des hectares et des hectares complètement carbonisés. Dans ces conditions, si comme le dit l’adage on a vingt quatre heures pour maudire ses juges, on a plus de temps encore pour les bénir, en toute laïcité. L’autre élément du débat est relatif à l’action même du Ministre de l’Intérieur. Sans avoir besoin de jouer les détectives, ses ennemis ont bien tenté de transformer l’affaire Dieudonné en piège mortel pour le potentiel futur candidat présidentiel dont Manuel Valls prend de plus en plus les dimensions. Les bruits qui courent sur les galipettes du président de la République ne vont pas calmer les janissaires.

10 janvier.

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Les médecins israéliens de plus en plus sceptiques sur l’évolution du coma dans lequel Ariel Sharon est plongé depuis huit années, à supposer qu’un comateux ait le moindre sens de la durée. Dans l’histoire de l’Etat d’Israël, quelle figure aura été plus tragique et controversée que la sienne! Coté pile, la percée du déversoir en 1973 et l’encerclement fatal de l’armée égyptienne ;  côté face la guerre du Liban et le massacre de Sabra et Chatilla. « Il faut juger un homme à son enfer » a écrit Marcel Arland. Comment ne pas y repenser en découvrant chaque jour les massacres qui, cette fois, se déchaînent en République Centre Africaine et, là encore, entre chrétiens et musulmans!  Dans Bangui, la capitale chaotique, les chrétiens qui parviennent à se saisir de musulmans n’en laissent que des tronçons avant de les brûler, tandis que les éléments de la Séléka bombardent  à l’arme lourde les chrétiens réfugiés dans les temples et dans les Eglises. Le tout sous le regard des troupes françaises  qui ne savent où donner du fusil d’assaut et qui ne peuvent plus secourir personne!  Et ces troupes là, contrairement aux unités de l’Armée d’Israël, se trouvent à des milliers de kilomètres du territoire national! La férocité des guerres entre adeptes du monothéisme, en ses différents avatars, doit conduire à s’interroger le Créateur en personne. Le monothéisme « théologique » masque mal l’autre « unithéisme »: l’adoration fanatique de la divinité létale, de  la Pulsion de mort. Nietzsche a évoqué quelque part la philosophie à coup de marteaux. Dans les camps de Beyrouth, à Bangui, au Nigeria, au Darfour, au Mali  c’est de théologie à la machette et au couteau de boucher qu’il est question.  Rien n’assure que le Créateur, comme on l’appelle, y reconnaîtra les siens. Les siens sont plutôt portés à la construction et au prolongement de l’existence. A chacun sa jouissance.

12 janvier.

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Dans l’atmosphère méphitique de l’affaire Dieudonné, achevé la  lecture du roman de Nicolas d’Estienne d’Orves « Les fidélités successives ». Je m’y suis attaché pour tenter de comprendre comment un tout juste quadragénaire revivait, littérairement parlant, la période enténébrée de l’Occupation et de la Collaboration, et comment il expliquait le comportement des bourreaux et des déporteurs, si l’on peut ainsi les qualifier. L’intrigue: deux frères amoureux de la même femme – une demi-sœur qu’ils se disputent passionnellement et sauvagement –  puis qui sont pris dans la schizophrénie du temps, passant d’un camp à l’autre, cette intrigue pourra passer pour passablement compliquée pour ne pas dire embrouillée. Fidélités successives ou simultanées? Pas plus embrouillée que l’époque de référence. L’auteur qui est petit-fils du grand Résistant Honoré d’Estienne d’Orves décrit bien  les allers et retours du bien vers le mal et du mal vers le bien, au bout desquels chacun finit noyé dans le gris de l’équivoque et du refus de choisir vraiment. On s’interrogera aussi sur les personnages « juifs » qui hantent ce récit et qui participent non plus seulement des fantasmes de l’époque mais de ceux du temps actuel. Toutes les nostalgies ne s’équivalent pas. La nostalgie d’une enfance passée auprès des ruisseaux riants où se péchaient les écrevisses   n’est pas celle des années où l’on entassait des hommes, des femmes et  des vieillards disloqués dans des wagons à bestiaux pour en faire moins que de l’engrais. Le mot de « fidélité » a ceci de particulier: il supporte mal les adjectifs, sans parler des « abjectifs ».

LA FORCE DE LA LOI

In ARTICLES on janvier 13, 2014 at 2:00

La journée du 9 janvier 2014 restera marquante dans les annales de la communauté juive de France, de la République française et aussi des spécialistes de droit administratif et de science politique. Car « l’affaire Dieudonné » n’était, au moment où le tribunal administratif de Nantes se voyait saisi en « référé-liberté » par ses avocats, ni anecdotique ni vénielle. Il s’agissait de savoir si l’antisémitisme de Dieudonné M’bala M’bala pouvait être couvert légalement, être considéré comme l’expression d’une liberté fondamentale: la liberté  d’expression, et continuer sa prolifération. En l’occurrence, c’est le Ministre de l’intérieur, Manuel Valls, qui a pris, comme l’on dit, les choses en mains et, soutenu par la Garde des sceaux, maints collègues du gouvernement et le président de la République, a su engager cette triste affaire sur le seul terrain où elle pouvait être résolue: celui du respect de la loi et du droit. La confrontation était périlleuse. Juridiquement et politiquement.

Avant  d’examiner l’ordonnance rendue en urgence par le Conseil d’Etat statuant au contentieux, sur appel du Ministre de l’intérieur, après la décision  en première instance du tribunal administratif de Nantes favorable à Dieudonné, et avant d’en retirer les enseignements principaux pour l’avenir, il faut rapidement revenir sur ce jugement initial, sur son impact immédiat  et sur ses conséquences s’il avait été validé.

 

I. Procédures d’urgence

 Le « référé-liberté », introduit par les conseils de Dieudonné tendait à l’annulation de la décision antérieure du préfet de Loire Atlantique interdisant la tenue dans la localité de Saint Herblain du spectacle – ou de la prestation ainsi qualifiée – de Dieudonné intitulée « Le Mur ». Pour quel motif? Celui-ci n’était pas des moindres: pour antisémitisme avéré de son auteur et risque sérieux de troubles à l’ordre public. Suivant les avocats de Dieudonné, cette interdiction préfectorale, étayée par une circulaire du  Ministre de l’intérieur, était illégale et portait atteinte, comme on l’a dit, à une liberté fondamentale, ce qui justifiait la procédure d’urgence ainsi lancée.

Dans une République  il  n’est pas d’alternative au respect de l’Etat de Droit. Lorsque les juges ont tranché, et sous réserve d’user de toutes les voies de recours  prévues par la loi, leur décision doit être respectée. Comme l’écrit Thomas Mann précisément dans son récit: Das Gesetz: « Que j’aie tort ou que j’aie raison: la Loi ». D’où l’extrême appréhension de tous les observateurs, dans un sens ou dans un autre, relativement à la décision du Tribunal Administratif de Nantes. D’autant que d’éminents spécialistes de droit administratif penchaient pour l’autorisation finale du spectacle au regard d’une jurisprudence, à leurs yeux assurée, du Conseil d’Etat symbolisée par un arrêt « Benjamin » du 19 mai 1933. Et lorsque ce 9 janvier 2014, la décision du juge administratif est tombée et qu’elle autorisait le spectacle  au motif qu’il ne pouvait être taxé d’antisémitisme, pour beaucoup il a fallu prendre sur soi. D’autant que Dieudonné et ses conseils, se sont mis, eux, à crier « victoire » tandis que Dieudonné en personne proclamait  que « le combat » ne faisait que commencer. On peut sans peine imaginer quelles connotations peut recevoir le mot de « combat », et toute la terminologie approchante, sur le  terrain de l’antisémitisme.

Le Ministre d’l’intérieur ayant à son tour interjeté appel, en invoquant l’atteinte à  la dignité de la personne humaine qui affligeait le spectacle interdit par l’autorité préfectorale, tout restait suspendu à la décision du Conseil d’Etat,  à son tour saisi en urgence et ouvrant  son audience à Paris quelques heures à peine après la décision du Tribunal administratif de Nantes. Comment dissimuler que ces quelques heures  puis celles de l’audience furent celles d’une dure attente? Comment ne pas avoir redouté que la plus haute juridiction administrative française autorise à son tour  le spectacle d’un individu ayant fait par ailleurs l’objet de plusieurs condamnations pénales pour antisémitisme et haine raciale? Une validation à ce niveau n’allait-elle pas faire céder l’une des plus hautes et fortes digues dressées légalement contre l’antisémitisme? La vision ne quittait plus les esprits: Dieudonné entrant sur la scène du Zénith, ovationné par 5000 spectateurs, et brandissant la décision du Conseil d’Etat avant de faire entonner «Shoah  Ananas» !  Comment ne pas avoir eu à l’esprit d’autres visions, en des temps qu’on a eu le tort de croire abolis…

Et puis le Conseil d’Etat a rendu sa propre ordonnance, en sens contraire de la décision  rendue quelques heures plus tôt par le Tribunal Administratif de Nantes: l’interdiction préfectorale n’était pas entachée d’illégalité; ses motifs étaient confortés et la décision du tribunal nantais invalidée  pour mauvaise appréciation des circonstances de l’affaire, particulièrement du risque sérieux  de troubles à l’ordre public. L’annulation du « spectacle » de Dieudonné était maintenue et il fallait désormais s’y conformer.

 II. Antisémitisme et ordre public

L’ordonnance rendue ce 9 janvier prendra certainement place dans le vénérable ouvrage de Mrs Long, Weil et Braibant sur « Les grands arrêts de la jurisprudence administrative ». Elle  donnera  lieu à de savants commentaires dont on espère qu’ils ne se départiront jamais de la sérénité qui sied aux juristes. Que faudrait-il déjà en retenir, là encore en «référé de lecture» si l’on pouvait avancer cette expression?

D’abord les références primordiales du Conseil d’Etat, à commencer par le Préambule de la Constitution et la Convention européenne des droits de l’Homme. Ensuite le rappel de sa propre jurisprudence, soulignant  qu’elle ne se limitait au fameux arrêt «Benjamin», qu’elle comportait deux autres arrêts: celui du 27 octobre 1995: «Commune de Morsang – sur – Orge », et celui du 16 février 2009: Hoffman-Glemane. Trois références cohérentes et corrélatives. La première rappelle le principe intangible de la liberté d’expression; la  seconde la nécessité de respecter la dignité humaine dans l’usage de cette liberté; et  la troisième – que l’on avait sans doute oubliée ou minimisée – la responsabilité de l’Etat français dans la mise en oeuvre de la déportation des Juifs de France et dans la propagation de l’antisémitisme.

Le raisonnement de l’instance d’appel s’est déployé ensuite à partir d’un constat  expressément formulé: « Le spectacle tel qu’il est conçu contient bien des propos de caractère antisémite, qui incitent à la haine raciale et font  en méconnaissance de la dignité de la personne humaine l’apologie des discriminations, persécutions et exterminations perpétrées au cours de la seconde guerre mondiale » ; et que ce contenu raciste est gagé, si l’on peut ainsi s’exprimer, sur les neuf condamnations pénales de Dieudonné, dont sept à titre définitif. Ce qui a fondé l’autorité  administrative concernée à prendre légalement la décision attaquée, et cela, ajoute le Conseil d’Etat, tant par les pièces du dossier que par les échanges tenus au cours de l’audience publique.

D’où ce nouveau rappel didactique à l’endroit des partisans de l’autorisation sous réserve de poursuites ultérieures  en cas de dérapage: la loi fait un devoir à l’autorité administrative, es qualités, de prévenir ces troubles lorsqu’ils sont avérés et de ne pas attendre  qu’ils se produisent puis qu’ils dégénèrent.

Telle est l’interprétation de la loi, tel à présent est l’Etat de droit.

Dès le lendemain, les conseils de Dieudonné ont cru devoir s’engager dans la même démarche contentieuse vis à vis d’autres interdictions préfectorales, à Tours et à Orléans. La procédure a été  suivie dans les mêmes conditions et elle a aboutit aux mêmes ordonnances, la Préfecture de Paris ayant quant à elle interdit ce spectacle au Théâtre de la Main d’Or.

Bien des commentaires suivront donc cette série de décisions. Un enseignement, parmi d’autres, mais majeur, doit cependant être souligné concernant la notion même de troubles à l’ordre public. En quoi consistaient exactement ceux que le Ministre de l’Intérieur a voulu prévenir? S’agissait-il exclusivement d’un risque matériel de confrontation physique  sur les lieux du « spectacle » ou dans ses alentours?  Probablement. Il faut toutefois tirer toutes les conséquences de la troisième référence jurisprudentielle, qui se rapporte elle même à une autre décision du Conseil d’Etat, rendue en assemblée le 12 avril 2002 sur requête de.. Maurice Papon. C’est dans cette décision qu’est rappelée la responsabilité de l’Etat français, lors de l’Occupation, dans la propagation de l’antisémitisme génocidaire et dans la déportation bureaucratiquement organisée des Juifs de France. En ce sens, pour la haute juridiction administrative, l’antisémitisme n’est pas condamnable à titre seulement intellectuel, idéologique ou affectif. Il ne relève pas seulement du droit pénal individuellement appliqué. Il porte atteinte à la notion même d’ordre public  républicain. Le professer, en faire l’apologie pour reprendre les termes de l’ordonnance du 9 janvier, c’est défigurer la France  et rendre à l’Etat le visage de l’Occupant et de la Collaboration.

Il faut espérer que les spectateurs, actuels ou potentiels, de Dieudonné, que ses commanditaires et même que ses conseils le comprennent et qu’ils ne plongent pas d’avantage leurs mains dans cette boue ineffaçable, tant elle est toujours mêlée  de cendres et de souffrances.

                                                                                        Raphaël Draï

Bloc Notes: Semaine du 1er Jan 2014

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE on janvier 8, 2014 at 1:10

1er janvier 2014

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Bonne et heureuse année 2014! Jamais des souhaits de cette texture n’auront été plus nécessaires  qu’en ce début d’an neuf. Hier soir, les vœux du Président de la république n’auront convaincu que les fidèles d’entre les fidèles. François Hollande était émouvant de sincérité. Le ton y était. La conviction aussi. Le fond manque toujours, et cruellement. Malgré  les tripatouillages sémantiques et statistiques de la semaine écoulée, la trop fameuse courbe du chômage ne s’est pas infléchie dans le bon sens. Elle ressemble au contraire, et de plus en plus, à  la règle rigide, de bois ou de métal, dont usaient les instituteurs et les institutrices à l’ancienne pour châtier le bout des doigts des chahuteurs impénitents ou des cancres professionnels. Politiquement parlant, le régime de la Vème République, en son était actuel, semble en état d’apesanteur. D’un côté une majorité qui transforme en vil plomb   ce qu’elle touche, de l’autre une opposition étêtée, sans chef véritable et dont les contre-propositions ne flottent guère mieux que les canots de sauvetage de la dite majorité, pour autant qu’elle existe toujours. Et puis, il y « la société civile », pour la nommer de ce nom désuet dont il n’est pas sûr non plus qu’il corresponde à la réalité évoquée. Dans son dernier livre – sur lequel on reviendra – «  La fin des sociétés » le vénérable et vivace Alain Touraine tente de nous convertir à son optimisme. La société à la papa, c’est fini. Il faut  promouvoir le « Sujet » aimant, créatif, porteur de droits énergisants et qui ne s’en laisse plus conter  ni compter. Difficile au demeurant de percevoir dans ce bilan théorique comment ce Sujet – là pourra naître autrement que dans des envolées incantatoires. Il  semble au contraire, et il n’y pas vraiment pas lieu de s’en réjouir, que les sociétés pénuriques et  les économies de la précarité, renforcées par les camisoles psychico-numériques, soient comparables à des champignonnières vénéneuses. On le constate avec les engeances qui se pressent aux meetings – spectacles de Dieudonné (cf. « La logique du pitre »). Qu’en sortira t-il? Les nouveaux nihilismes ne peuvent se dissoudre que dans une espérance digne de ce nom, celle qui projette un présent fécond vers un avenir de parachèvement. L’époque est prise dans le tragique  que secrète l’absence de pensée véritable.  On songe au livre de René Guénon sur « Le règne de la quantité et le signe des temps ».  La  mentalité « twitteuse » l’emporte sur les véritables processus de la connaissance et l’on préfère expectorer une sentence intellectuellement carencée de 140 signes à l’attention de milliers et de milliers de destinataires qui y répondront de même, plutôt que de former une seule vraie phrase, insérée dans un raisonnement communicatif.  Tout cela se paye et il faut espérer aussi que la note ne sera pas trop salée. A cet égard le livre de Norman Davies «  Vanished kingdoms. The History of Half – Forgotten Europe » »  incite à la réflexion. Davies  y décrit la disparition pure et simple en Europe, au sens large, de pays entiers, de royaumes, de cités, de républiques  qui se croyaient immortels. A commencer par l’URSS dont le Parti communiste français  ne semble toujours pas avoir réalisé qu’elle n’existe plus.

2 janvier

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De nombreux djhihadistes  français – on avance le chiffre de six cents combattants – sont engagés dans les combats actuels en Syrie. Certains d’entre eux sont des «convertis» à une religion qui se présente sous les dehors de l’Islam mais qui propage le culte de la mort, celle de ses adeptes et celle de leurs victimes. Cette fois, le régime de Bachar el Assad, toujours soutenu à bras tendu par la Russie de Poutine, ne fait pas de quartiers et massacre ces jeunes fanatiques sans s’acquitter des sommations d’usage. En Egypte, la situation n’incite pas à l’optimisme non plus. Le régime du général El Sissi doit faire face à des ennemis désormais mortels qui n’hésitent pas à recourir aux  attentats collectifs que l’on croyait réservés à Bagdad ou à Beyrouth. A Bagdad où le premier Ministre Nouri El Maliki appelle ses concitoyens à chasser les troupes d’Al Qaida qui tentent d’y prendre le pouvoir. Situation dangereuse qui incite  maintenant l’Iran  à proposer son aide au régime  irakien  naguère combattu à mort. Difficile de ne pas avoir le tournis! Malgré les appels du pied, Barak Obama, passablement surmené, jure que l’Amérique ne reviendra plus dans la région. La Tunisie quant à elle tente de s’en sortir cahin-caha. Voilà trois ans que Ben Ali a été chassé du pouvoir mais qu’il coule des jours heureux et anonymes, on ne sait plus où d’ailleurs.  La République tunisienne s’efforce de trouver sa voie entre les nostalgiques de l’ancien régime et les hyper-nostalgiques du temps des Califes. Trois ans c’est long, très long à l’ère de la mondialisation, quand rien n’assure que les années ainsi  consommées se rattrapent.

5 janvier

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Dans les périodes où l’hiver semble avoir gagné les esprits, il faut rouvrir les livres qui parlent de création, d’invention, bref du meilleur de l’homme: «  L’Histoire de l’Art » d’Elie Faure, « Les Voix du silence» de Malraux, « La civilisation de la Renaissance » de Burckhardt, les livres de Ruskin et de Chastel. Non par rétrogradation intellectuelle mais pour simplement se remettre à l’esprit des périodes  qui ne furent pas toujours dédiées à la paix des Cités mais où les êtres humains ont su édifier des monuments qui, des siècles après leur dédicace,  forcent notre admiration, où ils ont su peindre des tableaux qui enrichissent notre regard, sculpter des formes dont nul n’avait l’idée avant qu’elles n’apparaissent. S’interroger à leur propos est vivifiant. Comment une société humaine fait- elle naître Michel Ange, Vinci, Raphaël, pour nous y limiter? Que s’est-il passé dans ses tréfonds pour qu’en surgissent ces pinceaux pensants, ces maillets spirituels, ces truelles de l’Eternel, ou peu s’en faut, et des palettes à défier l’arc en ciel… Il n’est pas d’espoir sans mémoire, mémoire du pire sans doute mais également mémoire du meilleur. Sans cultiver aucune illusion rétrospective il faut se demander à quelles conditions une époque se survit à elle même et s’inscrit dans une durée qui ne se dégrade  plus, à moins que le soleil ne vienne à s’éteindre. Il n’en va pas autrement pour la littérature ou la musique avant qu’elles ne deviennent des succursales de l’industrie. A vrai dire, on ne re-né jamais. Toute naissance est neuve, inédite, inouïe. En ce début de 2014, ne faut-il pas réapprendre à naître sans cesse au désir de vivre?

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LA LOGIQUE DU PITRE – Raphaël Draï zal – Janvier 2014

In ARTICLES, CHRONIQUES RADIO, ETUDES ET REFLEXIONS, SUJETS D'ACTUALITE on janvier 6, 2014 at 4:17

1- Bascule d’un ancien comique.

Comment, en ce début 2014, devient t-on « Dieudonné M’Bala M’Bala », l’ennemi public n°1 de la communauté juive de France, stigmatisé par le Ministre de l’Intérieur avec l’appui de la Garde des Sceaux et le soutien du Président de la République, mais réunissant des milliers de spectateurs payants et faisant son gras des « produits dérivés », comme l’on dit, tout en ayant organisé son insolvabilité afin de ne pas acquitter les amendes prononcées à la suite d’au moins quatre condamnations pénales pour incitation à l’antisémitisme?

La question vaut d’être posée car on ne peut oublier que ce triste pitre a longtemps formé tandem avec Elie Semoun lequel ne dissimule pas plus son judaïsme que Djamel Debbouze ne cache son identité musulmane. Comment – et surtout pourquoi? – passe t-on de sketches plutôt amusants, dans lequel le comique Juif et le comique Noir se moquaient des travers de notre temps, à cette véritable guerre, menée en solo contre les Juifs en général et la communauté juive de France en particulier, faisant feu de tout bois, sans aucun respect pour ce qui semblait hors d’atteinte des quolibets et dérisions: la Shoah, avec ce qu’elle implique? Comment en arrive t-on à être happé par cette logique du pire qui incite à des provocations cyniques sur des thématiques pénalement réprimées et, à la suite des plaintes judiciaires inévitables et des condamnations qu’elles entraînent le plus souvent, à en rajouter, en rajouter encore, et toujours plus, jusqu’à heurter les consciences à leurs racines mêmes et susciter des souhaits de disparition complète de la scène publique du pitre en cause; car il y a longtemps, bien longtemps, que Dieudonné ne fait plus rire.

Comme pour Youssouf Fofana ou Mohamed Mérah, il faut s’interroger sur les antécédents de ces personnages et sur ce moment de bascule vers « l’autre côté », celui dont on ne revient en général que menottes aux poignets, et parfois, à l’instar de Mérah, les pieds devant. La comparaison entre Mérah et Fofana d’un côté et Dieudonné de l’autre est-elle excessive? Dans le climat actuel on pourrait le penser, sachant que Dieudonné a fait l’objet de plusieurs condamnations au pénal au motif d’antisémitisme. Dans tous les cas il y a passage à l’acte, pour Merah et Fofana avec des armes létales, pour Dieudonné par l’usage de mots empoisonnées et d’images assassines, avec la circonstance aggravante, s’agissant de Dieudonné, qu’il se produit en public, exporte ses délires et les commercialise mettant ainsi en danger la vie d’autrui. Faut-il en chercher la cause dans une rivalité mal assumée face à son binôme d’alors qui s’est mis à voler de ses propres ailes puis à conquérir une notoriété de meilleur aloi que celle d’un comparse laissé pour compte et qui cherche désormais à se venger comme un amoureux dépité? Pourtant, si tous les concurrents malheureux, les époux trompés et les amants largués se convertissant à titre cathartique à la haine antijuive la planète serait mise en danger plus mortel qu’avec les émissions de CO2! De ce point vue la logique du pire reste bien une logique puisque par cette véritable descente aux enfers Dieudonné démontre lui même son absence de vrai talent et justifie que son binôme de naguère n’ait plus voulu poursuivre une route commune. Il y a en effet longtemps que le personnage n’amuse plus les vrais amateurs de rire dont on sait à quel point, pratiqué avec esprit, il est salutaire pour l’âme et pour le corps. Les batailles de tarte à la crème ont fait rire aux éclats les enfants que nous avons été. Les insultes ricanantes, les injures à se tordre, le détournement du rire et de l’humour à des fins haineuses n’appellent que le mépris. Sauf qu’avec Dieudonné, il ne s’agit pas d’agressions commises dans l’obscurité de ruelles malfamées. Ses agressions sont perpétrées à la lumière des sunlights et des projecteurs, préparées par le tout-à-l’égout du pire de l’Internet et des réseaux dits « sociaux ». Car Dieudonné l’a compris: la démocratie se contourne et se détruit par ces procédés pervers qui consistent à jouer la loi contre elle même, à profiter de la liberté d’expression pour insulter et injurier, en plaçant les institutions de la République devant des dilemmes quasiment insolubles: n’en rien dire favorise la propagation de cette malfaisance, la combattre c’est contribuer gratuitement à sa publicité. C’est ici qu’apparaît le deuxième élément, décisif, du système Dieudonné: la présence d’un public qu’il réussit à amalgamer devant sa bouche d’ombre.

2- Le rire des complices.

Dieudonné ne serait rien sans son public. Bien sûr il est fait état à son sujet d’autres aides occultes ou inavouables qui expliquent, dit- on, ses passages en Iran et sa barbe «salafisante». Pourtant le triste pitre ne serait rien sans ce public addictif qui lui apporte soutien psychique et financier, lui procurant ce sentiment d’impunité qui lui permet de récidiver, tout en se laissant happer chaque fois un peu plus par cette logique qui s’avèrera, n’en doutons pas, destructrice. Qui donc compose non pas à proprement parler ce « public » mais l’engeance, au sens de la sociologie des bandes, qui le porte? Les quelques reportages ou fragments de reportages disponibles ne permettent d’en avoir qu’une idée elle même fragmentaire. Il y a d’abord le «noyau dur»: les antijuifs invétérés, rabiques et incurables, à propos desquels même la psychiatrie ne sait que dire. On y discerne ensuite les antijuifs islamistes qui lisent le Coran après de fortes inhalations des « Protocoles des Sages de Sion »; et les antisionistes idéologiques, auto-convaincus que l’Etat d’Israël est une création du Lobby Sioniste Mondial dont le CRIF est l’émanation française; et puis les antijuifs empiriques, ou d’occasion, qui ont eu un différent avec un voisin ou un collègue juif, ou présumé tel, et qui viennent chez Dieudonné exhaler leur rancoeur homicide parce qu’il n’y pas plus de Kommandantur ou de Commissariat aux Affaires Juives à qui adresser des lettres de délation. Sans parler des belles âmes prédisposées, pour lesquels les images à sens unique en provenance du Moyen Orient causent ce que l’on pourrait appeler des « préjudices mentaux médiatiques ». Pourquoi s’en étonner? Dans « Le Figaro » du 4 mai 1948 – donc trois ans à peine après la découverte des camps de la mort, François Mauriac pouvait écrire: « L’antisémitisme est loin d’avoir disparu depuis que l’écroulement du nazisme a interrompu la proscription de la race infortunée ». On a bien lu: pour Mauriac il ne s’agit que d’une interruption. Cependant, il n’y pas que le noyau dur, il y a les autres, tous les autres, ceux qui n’hésitent plus à faire le geste de ralliement que l’on sait, ceux qui viennent inhaler un air empuanti pour s’encanailler, par jeu, pour passer un bon moment ludique, par bravade, par esprit de transgression, pour se prouver qu’ils n’ont peur de rien, qu’ils ne respectent personne, qu’il n’y a plus de tabou; tous ceux et celles dont le « moi » pour employer une caractérisation plus savante est un moi « désencombré », désencombré de normes, de valeurs, de scrupules, de limites et aussi de vrai courage. A cet égard, et sans abuser de ce terme, ils forment la symptomatologie de ce qu’Alain Touraine, nomme, dans un autre ordre d’idées, l’« après- social » contemporain, celui des individus qui ne se sentent liés par rien et par personne, pour lesquels la notion d’interdit relève du crime de lèse- majesté. Ces individus qui s’imaginent «souverains» et «résistants» ne font en réalité que céder à ces formes de contagion psychique d’où naissent régulièrement les refrains entêtants, les mots sans signification mais auto-magnétisés (« allô quoi »), les opuscules pavloviens, sans contenu réel, vendus à des millions d‘exemplaires et dont on se demande, tant ils manifestent de débilité mentale et de panurgisme décérébré, pourquoi ils sont si largement repris. Il y faut néanmoins des relais et des des-inhibiteurs majeurs. A moins de se reporter à une pathologie personnelle, comment expliquer que Nicolas Anelka, que Tony Parker, que Mamadou Sakkho, s’y soient laissés allés? Cependant ils ne sont pas les seuls et ils ont été épinglés à cause d’une célébrité qui, au contraire, aurait dû les en dissuader. Il ne faut pas se tromper: laissée à sa propre pente cette contagion aurait tôt fait de transformer le métro en champ de bataille.

Tout cela noté, et conscients que l’indignation n’a jamais remédié en tant que telle à quoi que ce soit, quelles sont les issues? Elles apparaissent de trois ordres, sachant également que l’antisémitisme est une pathologie trans-générationnelle qui se transmet de mémoire en mémoire. La première est d’ordre judiciaire et policier. Il importe que disparaisse le sentiment d’impunité qui incite Dieudonné à parader, à signer et à persévérer. Ses condamnations ne sauraient plus longtemps rester ineffectives. Puisque le pervers joue avec la loi, il faut lui en inculquer, comme il se doit, et avec persistance, les obligations. Par ailleurs, et dès lors que le triste pitre est sous le coup de plusieurs condamnations, ceux qui l’hébergent, qui accueillent ses spectacles et favorisent ses récidives en deviennent les complices et appellent solidairement à leur encontre les sanctions du Code pénal. C’est lorsqu’il n’a plus trouvé d’hébergement qu’Abdelhakim Dekkar, le tueur de Libération, s’est rendu à la police. Reste le «public» de Dieudonné. Là encore, les individus qui le constituent doivent être persuadés que leur présence à ses « spectacles » les rend à leur tour complices des instillations collectives de haine antijuive qui s’y produisent et qu’à tout le moins ils aient le courage de s’y réunir à visage découvert.

Une société ne choisit pas toujours les maux qui la minent. Une fois qu’elle les a décelés, si elle ne les combat pas pour s’en guérir, il est rare qu’elle n’en paye pas le prix. Les « retours » calamiteux de l’Histoire sont toujours annoncés par l’impunité toxique de délinquants récidivants, émerveillés par leur audace et qui finissent par se prendre pour des héros.

                                      Raphaël Draï zal

Ces éléments d’analyse reprennent en les développant les thèmes d’une chronique diffusée par Radio J, le 6 janvier 2014.

Bloc-Notes: Semaine du 23 décembre

In BLOC NOTES, SUJETS D'ACTUALITE, Uncategorized on janvier 2, 2014 at 12:03

24 décembre

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Une fois passée la trêve des confiseurs, le dernier avis du conseil d’Etat concernant l’accompagnement des enfants à l’école par des parentes musulmanes voilées va soulever  plus que des commentaires érudits ou pinailleurs dans les Facultés. Il faut noter que cet avis a été sollicité par le Défenseur des droits qui n’y voyait plus très clair. Où commence et où s’arrête le territoire scolaire en principe «sanctuarisé», au sens laïc du terme? Si un élève n’a pas le droit de pénétrer dans une école publique en arborant les signes religieux de sa confession, une sienne parente est elle autorisée à le faire, et cela, pourquoi pas,  jusqu’à la porte  de la classe? Le Conseil d’Etat est d’avis que le principe de neutralité qui s’impose aux agents du service public ne s’impose pas à ses usagers. En droit strict et statique, il n’a pas tort mais qu’est-ce que le droit «strict»? Et peut-on concevoir raisonnablement de canoniser la dichotomie entre agents et usagers dans un pareil contexte? Ne faut-il pas, en ces périodes troubles, lorsque l’appartenance confessionnelle risque de se dévoyer en prosélytisme, envisager le service public comme l’ensemble insécable constitué par les agents qui y opèrent et ceux qui en usent? Peut- on concevoir un service public digne de ce nom dans lequel les agents n’auraient cure des usagers ou dans lequel les usagers  se comporteraient comme dans leur lieu de culte? Le principe de neutralité invoqué en «strict» droit administratif n’est qu’une déduction d’un autre principe, d’un niveau sans doute supérieur: celui de laïcité, inscrit explicitement dans la Constitution et par lequel le République françaises s’identifie. Une fois de plus  la question de la propagande islamique en France est posée dans des termes qui ajoutent à la confusion ambiante.Il n’est pas question de juger de la manière dont les uns et les autres s’habillent ou s’affublent mais pour une femme  se couvrir de la tête aux pieds: foulard  – scaphandre, doudoune-bibendum, pantalons et socques hermétiques, est-ce seulement se vêtir pudiquement ou se couler dans une sorte de combinaison physiquement et mentalement isolante? L’idée que l’on se fait de l’espace public est indissociable de celle que l’on se forge de la République et de la démocratie. Il est vrai que le Conseil d’Etat s’en remet aux chefs d’établissement pour faire respecter la conception démocratique de l’espace public scolaire mais l’on voit mal comment Mr. le Proviseur ou Mme la Proviseure pourra  interdire quoi que ce soit à une mère voilée qui brandirait de la main droite la photo de Cheikh Yassine et de l’autre l’avis du Conseil d’Etat.  C’est à l’usage que l’on vérifiera si l’avis de l’éminente assemblée a été d’une part de bon conseil et d’autre part utile à la consolidation de l’Etat… de droit. Réponse, au moins partielle, aux municipales et aux européennes.

26   décembre.

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Le Président Hollande semble d’un naturel heureux. S’il ne prend pas ses fonctions à la légère, il  ne se prend pas trop au  sérieux non plus. D’où sa propension parfois incoercible aux «vannes» et aux blagues dans des  circonstances où il faut savoir garder ses distances, quitte à pouffer de rire ensuite dans les toilettes de l’Elysée. Sa blague sur Manuel Vals « revenu sain et sauf d’Algérie, ce qui n’est pas peu dire » lors de la réception officielle des membres du CRIF au palais présidentiel a vite fait de voler jusqu’à Alger où elle n’a pas fait se fendre tout le monde. Au contraire. D’où les « contre -vannes » et les protestations indignées en réplique d’outre-Méditerranée, avec la circonstance aggravante, selon la presse arabophone du pays, que l’Algérie a été moquée devant des « Juifs ». Au point d’en oublier la propension non moins avérée des algériennes et des algériennes à l’humour décapant  ou à la dérision dont ses propres pouvoirs publics ont appris à s’accommoder depuis que les années 90, sous les auspices du GIA, ont fait grimper les barèmes du goût de vivre et ont rappelé les effets salutaires du mot d’esprit dans ses relations avec l’inconscient. Pourtant si notre François Hollande national manifeste par ses blagues à deux centimes d’euro la nostalgie de ses années-potache, on  ne va pas en faire, c’est le cas de le dire, un fromage. Il lui faut juste reprendre un petit coup de sérieux compassé, qu’il repense par exemple  à la fameuse courbe du chômage  qui répugne à s’inverser sauf lorsqu’elle est calculée par trimestre, en en déflaquant des brassées de vrais chômeurs, les chats siamois et les veuves joyeuses. Question de bibliographie et de moment opportun! Si le Président veut alimenter sa verve, qu’il lise Alphonse Allais ou l’Almanach Vermot. S’il entend recouvrer la mine grave, il ne reste plus qu’une solution mais radicale –  à part se replonger dans les statistiques de l’INSEE: penser au retour de Nicolas Sarkozy.

27 décembre.

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Les romans très longs ne sont supportables que si leur héros principal l’est aussi. Demeurer durant prés de 900 pages dans la promiscuité d’un benêt ou d’un demeuré reste possible à condition qu’ils s’agisse du prince Muichkine dans «L’Idiot».Les mille et quelques pages des « Misérables » ne se traversent qu’en compagnie de Jean Valjean et en portant Marius sur nos épaules dans le réseau des égouts de Paris. Au bout de la 300ème page la question se pose pour le sous-lieutenant au 27ème lanciers Lucien Leuwen. Et Stendhal ne nous rend pas la tâche facile. A la 301ème, la question  devient lancinante: ne faut-il pas planter sans préavis, dans le  Nancy de l’époque, ses rues cloacales et ses  aristocrates ennuyées, ce jeune militaire désoeuvré dont le père paie à pleine Bourse les frais de son tilbury, les escapades transgressives et la complaisance de son Ministre? Et puis, page après page, l’on arrive au terme de ce roman inachevé, en regrettant qu’il le soit mais pas complètement puisque dans le texte finalement publié il est loisible de suivre les annotation de Stendhal, la manière dont il se juge écrivant et juge ses personnages, les situations où il les plonge, les dilemmes où il les enferme,  sans parler de ses stratagème enfantins pour détourner les foudres d’une éventuelle censure, lorsqu’il déguise le nom de Guizot sous celui de Zogui!  Reste le style qui reconstitue celui des hommes et les femmes d’esprit de l’époque Louis – Philippe, tout en finesses assassines, en circonlocutions retorses, en sinusoïdales  qui dissimulent le coup de grâce, porté avec une exquise courtoisie et le sens dentellier de la nuance. Du grand art! La scène au cours de laquelle Mme Grandet étouffe de ses propres mains sa morgue sous l’aveu de son amour coupable est un morceau d’anthologie. La fin- provisoire – du roman ne fait plus regretter ce long compagnonnage: la façon dont Lucien Leuwen affronte la ruine imprévisible de son père, la fortitude blessée de sa mère sont de Corneille. Il aura ainsi fallu près de mille pages pour que le freluquet au cheval de luxe se mue en homme droit qui sache  fixer dans les yeux la tête de Méduse. Et l’on restera sur sa « fin », chacun imaginant  à sa façon la suite du parco.

RD